Aussi épuisée qu’elle pouvait l’être ces derniers jours, elle avait été incapable de refuser une quelconque sortie à son fils. Depuis sa rupture avec Roméo, l’enlèvement dont Lucas avait été sujet, l’accident de voiture, le coma de Jayden puis l’emprisonnement de ce dernier – ainsi que, accessoirement, la découverte de son déni de grossesse – elle avait grandement besoin d’avoir la sensation de mener une vie un tant soit peu normale. Ce fut pour cette raison qu’elle prit la décision de prendre un congé sabbatique, quand bien même les étoiles et les calculs allaient lui manquer. Elle voulait passer un maximum de temps avec son petit garçon et parvenir à lui assurer que la vie n’était pas aussi effrayante qu’il pouvait le croire désormais. Depuis son enlèvement, Lucas était effrayé par la simple idée de dormir tout seul si bien qu’il passait ses nuits auprès de la sud-africaine elle-même malmenée par sa grossesse et ses pensées qui tournaient autour de Jayden et de son frère. Pourtant, elle s’était promis de ne pas penser à tout cela durant une journée entière au cours de laquelle elle emmena son petit garçon de quatre ans au Zoo de New York après qu’il le lui ait réclamé trois jours d’affilés. Même si arrivée à son septième mois de grossesse marcher toute une journée – puisque c’était ce qui était prévu – lui demandait une dose d’énergie considérable, Nahla ne baissa pas les bras et emmena Lucas voir tous les animaux qu’il pouvait désirer, lui achetant même une glace avant que l’heure du repas de midi soit arrivée et ce uniquement pour faire plaisir à son fils puisque c’était sa journée.

« Maman ? On peut aller voir les éléphants ? Y a des bancs là-bas, toi et ma petite sœur vous pourrez vous reposer. » Nahla baissa les yeux vers Lucas dont elle tenait fermement la main et un léger sourire étira ses lèvres. Elle n’avait pas tardé à apprendre le sexe de l’enfant à naître et Lucas était plus qu’excité à l’idée de devenir un grand frère et il s’imaginait déjà protéger sa petite sœur. Après qu’une légère moue ait prit place sur son visage tandis qu’elle se donnait l’air de réfléchir, la sud-africaine opina du chef. « Très bien … mais seulement parce qu’il y a des bancs. » Déclara-t-elle alors que, déjà, son fils l’attirait vers l’enclôt des éléphants. La main de son fils toujours au creux de la sienne, Nahla s’efforçait de regarder où elle mettait les pieds sans voir arriver une personne qu’elle connaissait que trop bien se diriger vers son enfant. « Hey dis donc bonhomme ! Ca te dirait de venir avec moi pour donner à manger aux éléphants ? » La jeune femme releva si brusquement la tête que sa nuque émis un léger craquement. Son regard se posa immédiatement sur Inès et tout aussi vite son estomac se noua. Il lui fallut presque une minute complète avant de se rendre compte que Lucas la suppliait d’accepter, la forçant à détourner son regard de la jeune femme qu’elle n’aurait pas imaginé revoir un jour. « Je … hm … Très bien vas-y, mais fait attention … » Cette fin concernait surtout Inès mais de façon implicite. Elle la mettait en garde car si jamais son fils était blessé, enceinte ou pas Nahla allait lui faire payer. Silencieuse, elle les regarda s’éloigner en restant près de l’enclôt, surveillant à la fois Lucas et Inès … tant pis pour le banc.

Son véritable métier ne permettait sans doute pas de le deviner, mais la Sud-Africaine était une véritable mère poule qui détestait être loin de son fils et de ne pas pouvoir s’assurer que tout irait bien pour lui. Elle connaissait le poids qui pesait sur ses épaules – et uniquement sur les siennes depuis que son frère avait perdu une partie de sa mémoire – et elle ne souhaitait pas le moins du monde que son petit garçon ait à connaître la même existence même si avoir des parents comme les siens n’aidaient en rien. Lucas avait été sujet à un enlèvement quelques mois plus tôt et la jeune mère en était devenue que plus protectrice et elle remerciait presque le ciel que ses supérieurs l’aient fait redescendre au bas de l’échelle, lui permettant ainsi de passer bien plus de temps avec son petit garçon. Elle n’avait pas la moindre envie qui lui arrive quelque chose car elle se savait incapable de s’en relever. Il s’agissait de son petit garçon, de son bébé et telle la lionne, Nahla pouvait devenir féroce lorsqu’il arrivait quelque chose à son petit. Sa grossesse, bien qu’inattendue, la rendait d’autant plus maternelle et la poussait encore plus à veiller sur son fils bien qu’elle essayait de ne pas l’étouffer même si dans le cas contraire Lucas ne semblait pas s’en plaindre, pas après ce qu’il avait vécu. Évidement, sa rancœur envers Inès ne l’aidait pas à avoir confiance en elle, toutefois son fils n’avait rien demandé et puisqu’il ne connaissait pas la situation entre les deux jeunes femmes, elle ne pouvait décemment par refuser de lui faire plaisir, pas alors que cette journée était supposée être celle de l’enfant et pourtant une partie d’elle-même lui hurlait de refuser. « Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien, comme tous les jours ! » La mâchoire de la Sud-Africaine se crispa, puis elle détourna le regard vers Lucas qui la suppliait en silence, la poussant à accepter dans un soupire, laissant son fils sous la responsabilité de l’Africaine même si elle n’en avait pas la moindre envie.

Séparée de Lucas, elle les regarda s’éloigner et se rapprocha au maximum du parc aux éléphants afin de pouvoir garder un œil tout en sentant l’angoisse accélérer les battements de son cœur. Afin de se calmer, la jeune femme posa une main sur son ventre rebondi qu’elle caressa lentement tandis que la petite fille qui y grandissait remuait, la faisant sourire malgré le fait qu’elle soit incapable de quitter Inès et son garçon du regard. Toutefois, même si la jeune mère avait pu imaginer le pire – sans doute pour se donner une raison d’étrangler elle-même Inès – tout se passa pour le mieux et les voyant tous les deux revenir en direction du portail, elle fit une partie du chemin pour pouvoir récupérer Lucas au plus vite. « Ça a été un parfait assistant ! » Nahla récupéra la main de son fils et la serra doucement dans la sienne en opinant du chef. Elle avait été témoin de la scène, elle savait que tout s’était bien passé, mais elle préféra garder cette évidence pour elle et tenter de ravaler sa rancœur puisque, après tout, Roméo et elle n’étaient plus ensemble désormais. « J’ignorais que vous aviez quitté le cabinet. » Commença-t-elle en parvenant à faire taire sa colère sans le moindre mal, l’habitude de jouer un jeu lorsqu’elle était en mission. Lucas regarda les deux jeunes femmes tour à tour sans cacher la surprise du fait que sa mère connaissait l’Africaine. « Ça n’allait plus avec Roméo ? » Nahla avait conscience du fait qu’elle était en train de chercher la jeune femme, mais c’était plus fort qu’elle et le simple fait de savoir ce qui s’était plus ou moins passé entre Inès et celui qui avait été son petit ami – et un père de substitution pour Lucas – la rendait malade même si elle était la moins bien placée pour juger, ce qu’Inès lui avait parfaitement fait remarquer la dernière fois qu’elles s’étaient vues.

La Sud-Africaine n’avait jamais réellement eu la rancœur tenace si bien que les réactions qu’elle avait envers Inès n’avait cessé de la surprendre. Habituée à vivre dans l’ombre des gens durant une grande période de sa vie, Nahla avait toujours aimé le fait d’être effacée, d’avancer sans que l’on se préoccupe d’elle si bien que les réactions qu’elle pouvait avoir envers l’Africaine étaient plus que surprenantes, elle en avait bien conscience. Toutefois, la jeune mère n’avait jamais eu à connaître la trahison ou toutes les déceptions qu’elle avait dû accumuler ces dernières années et même si la jeune femme face à elle n’y était strictement pour rien elle ne parvenait pas à se retenir de la chercher, peut-être parce qu’il était plus simple pour elle de se défouler sur une personne qu’elle n’avait pas apprécié que sur quelqu’un d’autre. Toutefois, elle savait également qu’il était sûrement l’heure pour elle d’aller de l’avant car, après tout, n’étant plus avec Roméo et sa vie reprenant là où elle n’aurait jamais dû s’arrêter – soit avec Jayden – Nahla n’avait plus aucune raison d’en vouloir à Inès même si passer à autre chose était toujours plus facile à dire qu’à faire. Mais cela avait été comme un réflexe, comme si son moyen de défense s’était réveillé dès que la jeune femme avait été dans les parages et elle n’avait rien trouvé de mieux que de lui lancer des piques en oubliant presque la présence de son fils dont elle tenait pourtant la main très fort au creux de la sienne. « J’ignorais que vous étiez enceinte. Mes félicitations. » Cette fois, ce ne fut pas la rancœur qui prit place mais le malaise. Peu de personne avaient été mises au courant de la grossesse de la Sud-Africaine pour la simple et bonne raison que cette nouvelle avait également été une totale surprise pour elle qui avait fait un déni de grossesse. Nahla avait donc dû se faire à l’idée d’être bientôt mère pour la seconde fois bien plus rapidement que lorsqu’elle avait attendu Lucas et les seules personnes à avoir été mises au courant sous peu avait été Jayden, Chris et Skye, même Roméo n’était pas au courant de ce fait, sans doute parce que les deux jeunes gens ne s’étaient pas revus depuis leur rupture. « Merci … » Lâcha-t-elle finalement en posant son regard sur Lucas qui continuait de dévisager les deux jeunes femmes, toujours aussi surpris qu’elles se connaissent. « Ça n’allait plus au cabinet non mais si je l’ai quitté c’est uniquement parce que je ne me sentais pas à mon aise enfermée dans un bureau non pas parce que j’ai eu des désaccords avec Roméo. » La jeune femme redressa la tête pour poser son regard sur Inès tandis qu’un soupire lui échappait. Elle n’était au courant de rien et quelque part elle jugeait que ce n’était pas plus mal ainsi. Ce qui se passait dans la vie de son ex petit ami ne la concernait plus, pas plus que ce qui se passait dans la vie de l’Africaine même si elle s’y était mêlée avant tout par méchanceté. « Pardon … » Commença-t-elle dans un nouveau soupire. « Je n’aurais pas dû dire ça, les mauvaises habitudes ont la dent dure … Je suis désolée que ça n’est pas fonctionné au cabinet ou entre vous et Roméo, vraiment. » Pour la première fois depuis que les deux jeunes femmes se connaissaient, Nahla était sincère. Il était sans doute temps pour elle d’enterrer la hache de guerre, d’essayer de voir Inès autrement que comme une rivale – puisqu’elle ne l’était plus – et pour ça elle devait tout d’abord commencer par se calmer et être plus correcte envers la jeune femme lorsqu’elle s’adressait à elle.

Il fallait à tout prix qu'elle se calme et qu'elle cesse de partir au quart de tour. Réagir comme elle le faisait ces derniers temps n'était ni bon pour elle, ni pour le bébé et risquer la vie de sa future fille n'était pas dans ses plans, loin de là. Elle aspirait à une vie calme et posée, ce qu'elle ne pourrait pas complètement avoir, toutefois la jeune femme pouvait faire de son mieux pour parvenir un tant soit peu à ses fins. Elle se devait de redevenir la jeune femme calme qu'elle avait pu être par le passé, même si déjà à l'époque elle menait une double vie. Tout ce que la Sud-Africaine voulait était de vivre sa vie, de voir ses enfants grandir tranquillement, de vieillir auprès de l'homme qu'elle aimait depuis des années et ne plus avoir Orchideus sur le dos même si, sur ce dernier point, c'était quasiment mission impossible. S'énerver contre Inès n'était donc pas une chose à faire quand bien même la jeune mère l'avait fait malgré tout. Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour avoir tenté sa chance alors qu'elle avait trompé Roméo. Elle ne pouvait pas être une petite peste avec l'Africaine jusqu'à la fin des temps, d'autant plus qu'au final Nahla ne la connaissait quasiment pas voire même pas du tout. Elle n'aimait pas agir comme elle le faisait.

Elle n'aimait pas cette sensation de jalousie et de colère qui la rongeaient lorsqu'elle se trouvait en présence de la jeune femme et la jeune mère se devait de se reprendre, raison - en partie - pour laquelle elle s'excusa auprès de la jeune vétérinaire. « Ne vous excusez pas ! Vous n’êtes pour rien dans le fait que la fierté des hommes soit telle qu’ils ne supportent pas que vous occupiez le même emploi qu’eux sans aucun diplôme… Puis vous ne pouvez rien non plus contre ma nature de sauvage… Ce travail ici au zoo correspond plus à la liberté que j’avais en Afrique ! » Pour la première fois depuis que les deux jeunes femmes se connaissaient, Nahla adressa un sourire sincère à Inès. Les hommes et leur fierté, elle connaissait que trop bien, non pas concernant ceux autour d'elle, mais concernant ceux à qui elle avait dû faire face. Clients ou victimes d'Orchideus, lorsqu'ils faisaient face à la jeune femme la plupart se mettaient à rire, se fiant avant tout aux apparences frêles de la Sud-Africaine jusqu'à goûter à l'entraînement auquel elle avait eu le droit, alors oui Nahla connaissait. « Je comprends ... mon enfance en Afrique était bien plus calme que celle que j'ai pu avoir à Los Angeles et j’avoue qu’elle me manque vraiment. » Avoua-t-elle en soupirant avant de baisser les yeux vers son fils dont le regard continuait de jongler entre sa mère et la vétérinaire sans tout comprendre à la situation malgré sa nette intelligence du haut de ses quatre ans.

« Enfin… Je ne veux pas vous déranger avec ces histoires, mais ne vous inquiétez donc pas, si Roméo n’est pas au courant de sa nouvelle grossesse ce n’est pas moi qui lui apprendra ! » Redressant la tête pour poser ses iris noisette sur le visage de l'Africaine, un timide sourire naquit au coin des lèvres de Nahla qui malgré sa gêne ne dévia pas son regard. « Merci ... mais je pense qu'il l'apprendra par lui-même la prochaine fois que je lui amènerais Lucas. » Nahla mordilla nerveusement sa lèvre inférieure à cette pensée et s'efforça immédiatement de faire disparaitre son angoisse, elle devait être calme et apaisée, si ce n'était pas pour elle, elle devait le faire pour son enfant à naître. « Hm ... je pense que cette demande va sembler être étrange mais je me dis qu'étant donné notre mauvais départ il serait peut-être bon de recommencer depuis le début. » Déclara-t-elle, sincère et réellement prête à recommencer à zéro en oubliant les piques et la jalousie. Rien ne lui garantissait qu'Inès accepte, ce que Nahla pourrait parfaitement comprendre, mais elle tentait juste au cas où car rien ne les empêchaient de s'apprécier finalement.