jayden & phoenix

❝ on ne bouge plus ❞

Comme à son habitude, Phoenix avait commencé sa journée en allant rendre visite à Stormy, le cheval qui la suivait désormais depuis plus d'un an et qu'elle avait réussi à mettre en pension dans un centre équestre à la limite de la ville, où il était monté par des enfants émerveillés en échange de quoi il avait l'estomac rempli, un toit sur la tête et des visites quotidiennes de sa propriétaire, maîtresse et amie. En même temps, Phoenix avait tellement tendance à associer son cheval à Mateo... pas dans un sens malsain ! Seulement, elle n'avait jamais fait le deuil de son mari, et son dernier souhait avait été qu'elle achète ce cheval. Elle ne savait pas quoi en faire, mais elle s'y attachait comme à une bouée, le considérant plus comme une personne que certains new-yorkais qu'elle pouvait croiser. Quoiqu'il en soit, elle avait fait une ballade avec Stormy avant de le ramener à l'écurie et avait filé chez elle pour une douche rapide. Le soir même, elle devrait combattre un homme qu'elle n'avait jamais défié auparavant, dans l'un de ces combats clandestins qui se passaient dans le nord du Bronx et auxquels elle participait depuis qu'elle était arrivée à New York, encouragée par le fait que l'ex petit-ami de sa mère, son frère par alliance et son défunt mari lui aient tous appris à se défendre comme une professionnelle. Mais en attendant, c'était au travail qu'elle devait se rendre. Pour réussir à se faire engager en tant que mécanicienne, Phoenix avait du falsifier quelques certificats, mais passer la majorité de sa vie sur les routes, avec sa mère ou son mari, suivie par cet Airstream qu'elle considérait toujours comme sa « véritable » maison, l'avait forcément aidée à passer les tests pratiques. Maintenant qu'elle avait été engagée, la jeune guatémaltèque faisait tout pour rester la plus discrète possible, faisant ce qu'on lui demandait sans s'attirer d'ennuis ou répondre à ceux qui voulaient lui en causer. Elle alla donc jusqu'au garage en transports – elle rêvait de s'acheter une moto, et se battait d'ailleurs dur chaque soir pour pouvoir se la payer – et, ne voyant pas son patron au premier abord, commença son travail en reprenant la réparation d'une voiture qu'elle avait commencé la veille et pour laquelle elle était restée jusqu'à la tombée de la nuit. Elle était donc profondément plongée dans sa technique lorsqu'un cri paniqué parvint à ses oreilles. « hehoooo y’a quelqu’uuuuun ? » Reconnaissant bien rapidement la voix de son patron, Phoenix descendit du piédestal sur lequel elle s'était mise pour pouvoir atteindre la voiture, qu'elle avait dû lever haut, et suivit la voix de Jayden avant de le trouver allongé près d'une voiture. « Oh, boss. » souffla-t-elle en se mordant immédiatement la lèvre pour ne pas rire en voyant la grimace sur le visage du brun, qui traduisait avec évidence le fait qu'il devait s'être tordu quelque chose & qu'il était désormais bloqué à terre. « Désolée. Vous avez besoin d'aide ? » demanda-t-elle poliment en essayant de faire de discrètes moues pour s'empêcher ne serais-ce que de sourire. « Vous vous êtes bloqué quelque chose, c'est ça ? » devina-t-elle en s'accroupissant pour se retrouver à peu près au niveau de son patron.

Phoenix, après avoir trouvé son patron coincé sous la voiture qu'il était en train de réparer, s'était agenouillée pour se retrouver à son niveau. Bien sur, elle avait un peu envie de rire, mais elle se retenait ; la place qu'elle avait ici, au garage, était du pain béni pour la jeune femme et elle ne pouvait pas se permettre de se mettre son patron à dos en se moquant de lui ! Du coup, elle avait retenu le rire qui la démangeait depuis qu'elle avait vu la situation dans laquelle s'était mis Jayden et avait proposé son aide au jeune homme, qui avait d'abord décliné sa proposition. « Euh… non. Ça devrait passer. » lui dit-il, bien qu'elle sente parfaitement qu'il n'en avait aucune idée et qu'en plus de ça, il avait vraiment mal. « T’aurai pas juste de l’aspirine ? » reprit-il, faisant de nouveau sourire Phoenix ; en même temps, il ne l'aidait pas à être sérieuse ! Il était juste drôle, allongé bloqué de la sorte, à lui demander si elle n'avait pas un aspirine alors que clairement, si une ambulance s'était trouvée dans les parages, elle n'aurait peut-être pas été de trop. Voulait-il avoir l'air fort, résistant et courageux devant elle ou … ? Elle l'ignorait, en tout cas à sa place, Phoenix aurait sûrement fait la même chose. Elle était du genre très orgueilleuse, surtout depuis la mort de Mateo ; elle pouvait se débrouiller toute seule, dans toutes les situations, quoiqu'il arrive. « Vous pensez vraiment que de l'aspirine sera suffisant ? » demanda-t-elle, clairement pas convaincue. Les jambes pliées, ses bras croisés sur ses genoux, elle ne savait pas vraiment quoi faire pour aider son patron qui, en plus de ça, faisait de la résistance en jouant les gros durs, mais en tout cas, elle ne pouvait de toute façon pas le laisser tout seul allongé comme ça. « Ça devrait passer. » répéta-t-il encore, apparemment plus pour se convaincre lui-même que pour rassurer Phoenix. Elle grimaça, réfléchit un instant et, finalement, se redressa. « Ok, j'ai peut-être quelque chose pour vous. » déclara-t-elle en se tournant vers son sac posé au fond du garage. « Bougez pas... ahaha. » reprit-elle avant de partir dans un rire qu'elle ne put empêcher lorsqu'elle se rendit compte de l'ironie de ses paroles ; ce n'était pas très professionnel, mais bon, elle avait réussi à s'arrêter de rire plutôt vite et elle se dirigea jusqu'à son sac pour en sortir une petite boîte d'anti-douleurs. Elle alla ensuite jusqu'à la minuscule salle d'eau pour en revenir avec un verre d'eau, et elle posa le tout près de Jayden lorsqu'elle revint vers lui. « Tenez, c'est un anti-douleur, vous pourrez au moins vous lever. » expliqua-t-elle en tendant un comprimé à son patron avec le verre d'eau. Quelques jours auparavant, la jeune femme s'était blessée lors d'un galop sauvage avec Stormy dans les alentours de New York, et elle avait été tellement peu coopérative avec les médecins qu'ils avaient à peine eu le temps de la soigner avant qu'elle ne les envoie balader et aille se procurer des anti-douleurs pour se soigner « à sa manière », comme elle l'avait presque toujours fait.

Phoenix était le genre de fille à se blesser très facilement. Depuis qu'elle était toute jeune, elle se battait ; c'était l'un des petits amis de sa mère qui lui avaient appris ses premiers mouvements de sport de combat et elle n'avait jamais hésité à l'utiliser contre ses camarades de classe trop insistants ou, plus récemment, ses adversaires lors des combats illégaux auxquels elle participait. Du coup, elle ne savait pas exactement ce qui allait mal avec son patron mais elle se doutait qu'il ne jouait pas la comédie et surtout, qu'il se retenait par rapport à la douleur qui le lançait, et Phoenix connaissait parfaitement cette situation. Combien de fois avait-elle dû prétendre n'être pas blessée du tout lors des repas de famille, à Silver City, alors que ses côtes la lançaient comme jamais ? Phoenix était une bagarreuse, c'était dans son caractère, ou bien peut-être étais-ce sa façon de se défouler ? Chacun son délire. Certains détestaient la violence, Phoenix trouvait que c'était un bon moyen pour qu'on la laisse tranquille et s'en amusait presque lors des combats auxquels elle participait. « Ça devrait passer. » lui assura pourtant son patron alors qu'elle réfléchissait à ce qu'elle pourrait lui donner pour qu'il aille mieux. Oui, elle était sûre d'avoir des anti-douleurs dans son sac, ses côtes qui l'avaient lancé dès son réveil le lui rappelaient très bien. Alors, elle ne tarda pas à intimer à son patron de ne pas bouger en riant et elle alla lui chercher de quoi le soulager – du moins, elle l'espérait. « Merci. » déclara le jeune homme en prenant le cachet sans poser de questions, ce qui était d'ailleurs préférable puisque Phoenix avait acheté ces médicaments sur le marché noir, comme à peu près tous les médicaments qu'elle achetait ; c'était la même raison pour laquelle ce n'était pas son vrai nom sur l'acte de location de sa petite maison dans le Queens. Même si elle faisait tout pour paraître normale, elle restait recherchée dans plusieurs Etats et faire profil bas s'exerçait à tous les niveaux. « Maintenant il va falloir que ça fasse effet. Tu peux retourner t’occuper des voitures si tu veux. » Phoenix tourna brièvement la tête vers la voiture dont elle s'occupait avant que Jayden n'appelle à l'aide et haussa les épaules. « Franchement... votre état est pas très rassurant, là. Les voitures partiront pas d'ici cinq minutes. » déclara-t-elle, sincèrement inquiète – un peu seulement, fallait pas pousser non plus, Phoenix n'était vraiment pas du genre à se mettre en quatre pour les autres – et elle haussa les épaules avant de s'installer près de Jayden, se plaçant de telle sorte à être en face de lui – et surtout du bas de la voiture qu'il trafiquait avant de se blesser. « Et puis, vous pensez vraiment pouvoir retourner sous cette voiture dans cinq minutes ? On devrait peut-être échanger... les miennes sont plus hautes. » proposa-t-elle en se baissant encore pour observer le dessous de la voiture.

A vrai dire, Phoenix était plutôt gênée de voir que le jeune homme avait si mal. Même si elle n'était pas du genre à se préoccuper des autres, n'importe qui avec un minimum de cœur n'aurait pas pu laisser le garagiste totalement bloqué au sol. « Moi non plus. » déclara le jeune homme quand Phoenix lui fit remarquer que son état n'était pas des plus rassurants. En même temps, la guatémaltèque ne pouvait pas non plus trop s'avancer, elle ne savait pas ce qu'il s'était passé et même si elle se doutait que Jayden s'était juste claqué quelque chose et qu'il allait vite être sur pieds, elle s'en voudrait si elle partait & qu'il lui arrivait quelque chose, ou que la douleur ne s'atténue pas. Elle lui proposa donc d'échanger les voitures qu'ils réparaient, pour ne pas accentuer la douleur de Jayden ou risquer qu'il se refasse mal de la même façon, mais en entendant les paroles froides de son patron, la jeune femme eut un mouvement de recul. « Fait ton taff. C’est sympa pour le cachet. Mais file. Je gère. » lui dit-il simplement. Surprise, la jeune femme le regarda mais ne l'observa qu'un instant avant de lâcher à son tour un bref « Bien. » dans lequel elle ne put pas cacher à quel point elle était dubitative devant le soudain refus de son patron. Elle se redressa aussi vite qu'elle s'était baissée pour tenir compagnie à son patron et frotta ses mains l'une contre l'autre. Si c'était ce qu'elle recevait pour proposer son aide ! La prochaine fois, elle le laisserait dans sa souffrance, tiens ! Non... C'était méchant, et finalement Phoenix ne l'était pas, peut-être un peu associable, définitivement solitaire, mais pas méchante. Et puis, surtout, Jayden était son patron, et l'argent qu'il mettait dans ses mains depuis son arrivée était non seulement ce qui lui permettait de se mettre un toit sur la tête et à manger dans l'estomac, mais également à entretenir Stormy, son zorse dont un centre équestre au nord de la ville s'occupait contre de l'argent et la possibilité pour eux de faire monter son cheval durant les heures d'ouverture du centre. Si elle allait contre l'avis de son patron, elle pourrait perdre son emploi, et sans véritables qualifications, il lui faudrait encore un temps fou pour pouvoir falsifier de nouveaux diplômes. Sans un mot, elle retourna donc à son travail, obéissant à Jayden, et elle s'affaira à réparer sa voiture avec attention, se refusant à porter attention à la façon si froide avec laquelle il lui avait adressé la paroles et à laquelle, dans d'autres circonstances, elle n'aurait pas hésité à répliquer.

Pour éviter de trop penser et ruminer sur le fait que son patron avait été sec avec elle et qu'elle était incapable de lui répondre, Phoenix avait fait son possible pour se concentrer sur la voiture que Jayden avait laissé entre ses doigts un peu auparavant, s'appliquant de tout son modeste art pour pouvoir réparer la voiture. Et dès que celle-ci fut réparée, la jeune femme répondit le papier correspondant, gara la voiture dehors et revint avec une autre, comme un automate. Silencieuse, elle ne prêtait pas non plus attention aux bruits qu'elle pouvait entendre dans le garage, et particulièrement provenant de son patron. La jeune femme n'était vraiment pas du genre à se faire désirer pour laisser les gens tranquilles, Jayden avait été plutôt clair sur le fait qu'il ne voulait pas d'aide et elle n'allait certainement pas le contester, même si elle n'appréciait pas particulièrement la façon dont il lui avait parlé. Enfin, tant que ça ne retirait rien sur sa paie de fin du mois, ça ne l'empêcherait pas de dormir ! Mais c'était un principe, c'était juste comme ça, elle détestait se faire marcher sur les pieds ; depuis toute jeune, les gens persécutaient la nomade qu'elle était, profitant du fait qu'elle soit de passage pour en faire leur souffre-douleur. C'était sans compter sans l'esprit combatif et têtu de la jeune femme, qui s'était donné tous les moyens, depuis son plus jeune âge, pour ne jamais marcher la tête basse et toujours être capable de faire face à quelqu'un qui lui chercherait des histoires.

La jeune femme espérait que Jayden se soit rétabli, ou que du moins il n'aurait pas besoin d'elle jusqu'à la fin de ses heures de travail. Après ça, elle avait l'intention de se rendre au centre équestre ou se trouvait Stormy pour une ballade, elle avait vraiment besoin de se détendre maintenant et elle savait qu'avec son zorse, lorsqu'elle était sur son dos & qu'il galopait à vive allure, elle ne pensait plus à rien. « Désolé boule de poil mais aujourd’hui j’peux rien pour toi. » ne put-elle s'empêcher d'entendre. Kori... Phoenix n'était pas particulièrement rassurée près du loup. Pas parce qu'elle avait peur de l'animal (elle avait vécu dans le désert presque toute sa vie & avait rencontré des coyotes bien plus violents que lui), mais parce que justement, elle savait que s'ils ne connaissaient pas leur interlocuteur, ils pouvaient être imprévisibles. Enfin, il ne l'avait encore jamais approchée, donc elle ne s'en était jamais plainte, elle ne pouvait pas blâmer le fait qu'il ai un animal de compagnie un peu original. Quelle surprise lorsque le loup vint donc mordiller son jean en essayant de l'emmener de nouveau vers Jayden. « Orh, mais lâche moi ! » s'exclama-t-elle avec agacement, d'abord bien décidée à continuer ses réparations & à ignorer son patron. Cependant, Kori n'abandonna pas là & continua de tirer Phoenix jusqu'à ce qu'elle soit forcée d'abandonner ses outils & de suivre l'animal à cloche-pied jusqu'à la voiture près de laquelle se trouvait toujours son maître. Au début, la jeune femme voulut faire demi-tour dès que Kori la lâcha mais, remarquant que Jayden semblait toujours aussi mal en point, Phoenix soupira et croisa ses bras sur sa poitrine. « Bon, vous êtes sûr que vous voulez pas que j'appelle quelqu'un, une ambulance, un truc comme ça ? »

Phoenix ne voulait vraiment pas insister si Jayden ne voulait pas de son aide, elle était la première à rejeter l'aide des autres en général alors bon... et pourtant, devant l'insistance de Kori et l'était de son patron, la jeune femme n'eut d'autre choix que de se laisser traîner jusqu'au brun pour constater qu'effectivement, même les anti-douleurs qu'elle utilisait pour faire passer les horribles hématomes dus aux combats illégaux dans lesquels elle s'impliquait pour gagner un peu plus d'argent ne suffisait pas à faire passer la douleur qui plaquait Jayden au sol. Sans autre choix, la jeune guatémaltèque proposa donc de nouveau au jeune homme d'appeler une ambulance. « Un truc comme ça. Pourquoi pas. Mais je n’irais pas à l’hôpital. » Croisant les bras sur sa poitrine, Phoenix leva les yeux au ciel mais elle s'abstint de tout commentaire. Après tout, même elle refusait d'aller à l'hôpital ; depuis qu'elle avait remis les pieds aux États-Unis et qu'elle s'était installée à New York, elle n'en avait visité aucun, et touchait du bois pour que ça continue dans cette voie. A vrai dire, elle ne savait pas exactement ce que les autorités fédérales avaient sur elle, elle avait bien été blessée la nuit où son cambriolage avait mal tourné, si son sang venait à être analysé & ou même simplement stocké dans une quelconque base de données et lié aux affaires & surtout aux meurtres auxquels elle était liés... C'était la fin pour elle. Elle doutait que Jayden soit dans la même situation que lui mais après tout, elle ne le connaissait pas vraiment, va savoir... elle doutait aussi que lui se doute de quoique ce soit à son sujet, alors bon... (ça doute beaucoup dans ma phrase pardon x)). « Essaye une infirmière. » Cette fois-ci, Phoenix leva brièvement les bras. « Est-ce que j'ai l'air de connaître une infirmière, moi ?! » répliqua aussitôt Phoenix qui, à vrai dire, ne connaissait pas grand monde dans la Grosse Pomme. La seule personne qui pouvait correspondre était un homme à tout faire & elle doutait même qu'il leur soit d'une quelconque aide, là, tout de suite. « Phoenix… Thanks. » Surprise par les paroles de son patron, Phoenix baissa de nouveau les yeux sur lui & resta interdite un instant. Elle ne pouvait pas vraiment être rancunière pour si peu & puis, elle n'avait rien contre Jayden, en soi ils se ressemblaient beaucoup, elle ne pouvait que comprendre son attitude. « Aucun problème. Je peux peut-être vous passer un autre cachet, mais ce sera la dose maximum. » proposa-t-elle en grimaçant, ne sachant pas trop quoi faire pour l'aider.