Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

Lorsque l’on fait partie du conseil d’administration du groupe Apple, pour sûr, il est quasi impossible d’être approché par une parfaite inconnue. Du moins c’est ce que Stephen devait penser du haut de son tempérament d’homme d’affaires impossible… il connaissait Jody, pourtant. La jeune femme brillait par son intelligence autant que par son insolence, deux qualités qu’elle avait su transmettre à son fils. En somme, elle n’eut quasiment aucun mal à pénétrer à l’intérieur du bureau de son ancien meilleur ami pour mieux s’asseoir sur son fauteuil. Elle n’avait tué personne pour cela, ni même acheté qui que ce soit… il lui avait fallut expliquer clairement la situation à l’assistante de Stephen pourquoi elle se pointait comme une fleur après tant d’années et celle-ci, sans même lui poser la moindre question, lui avait autorisé l’accès au bureau d’une taille aussi surdimensionnée que l’égo du businessman. D’après ses informations, Jody n’aurait pas à attendre un siècle avant de le voir débarquer, sûrement à des lieues de s’imaginer ce qui l’attendait. Heureusement pour la mère de Sullivan, son air non surpris et plutôt colérique lui fit penser que son assistante n’avait pas manqué de lui faire un topo à l’entrée du bâtiment, dans la plus grande discrétion : il était père d’un fils de vingt-six ans aussi insupportable que lui, ayant à la fois sa prestance, son génie et son égo non moins surdimensionné. « Bonjour Stephen » énonça-t-elle avec malice « je me suis permise de me servir à boire vu que tu tardais. » Cela annonçait une longue, très longue discussion…

« Je ne suis pas ici pour remuer le passé ou même te demander la charité, tu sais très bien que ce n’est pas mon genre et à voir ta tête… je suppose que ton adorable assistante a dû déjà te mettre au parfum ! Je ne vais pas me répéter et simplement te donner la raison ultime de ma venue : Sullivan est dans un fauteuil roulant depuis plusieurs mois et refuse de se faire opérer en raison du danger potentiel de la chirurgie. Je veux que tu le convainques… après tout, tu es doué pour ça, non ? » Certes, ce n’était ni délicat ni même agréable de sa part mais Jody ne souhaitait pas former une belle famille en présence de cet homme d’affaires. Tout ce qu’elle voulait, c’était aider son fils… après tout, Sullivan ne lui avait-il pas dit un jour que son pire souvenir d’enfance était la succession de ses anniversaires sans connaître ne serait-ce que le prénom de son père ? Jody le lui avait toujours caché pour le protéger, et afin qu’il ne vienne jamais à le rechercher d’une manière ou d’une autre. L’enfant était devenu un homme, ses anniversaires s’étaient encore succédé et au final… le pire souvenir d’enfance se transformait en pire souvenir d’adulte.

Etre grognon dès le matin était une habitude pour Stephen. Comme à chaque fois, sa petite amie était déjà partie. Elle commençait avant lui, il le savait, mais parfois, il avait juste envie d’être un gros nounours avec elle. C’était sûrement très bête comme pensée, mais il avait juste envie de profiter d’elle le matin. Oui bon, d’accord, il y avait un sous-entendu là-dessus et pas qu’un. Du coup, après avoir prit une longue douche chaude, il avait prit son petit déjeuner, tout en lisant le journal. Il vit quelque chose d’entouré. La liste des mariages. Haussant les sourcils, il haussa les épaules. Il ne savait pas pourquoi c’était entouré et il n’y fit pas plus attention que ça. Fermant le journal, il salua d’un signe de tête la femme de ménage et il prit sa mallette pour aller vers sa voiture. Son chauffeur lui ouvrit la porte et il monta. Mettant sa montre à son poignet, il sortit son portable et vérifia son planning de la journée. Encore et toujours des réunions. Rangeant son téléphone, il vit son chauffeur mettre la musique et il se mit à sourire. Un bon Back in black d’AC/DC lui faisait du bien le matin. Secouant un peu la tête au rythme de la musique, il finit par sortit du véhicule. Prenant sa mallette, il entra dans le bâtiment où il allait encore travailler aujourd’hui et vit son assistante et petite amie venir vers lui.

Tu aurais au moins pû mettre un mot sur ton oreiller ce matin.

Il fit une moue toute triste, seulement, il vit le sérieux de la jeune femme et il fronça les sourcils. Avec un signe de tête de sa part, la jeune femme lui expliqua la situation. Stephen sentit alors une sorte de colère monter en lui. Jody, que faisait-elle là ? Quand son assistante parla d’un fils, il l’a regarda de travers, mais elle insista sur le fait que Jody avait parlé d’un fils. Arrivant à son bureau, il ouvrit la porte et vit Jody dans son fauteuil. Il avait toujours les sourcils froncés et à ses paroles, il leva un doigt. Faisant un pas en arrière, il regarda vers son assistante.

Il y a une énorme tâche sur mon fauteuil, il faudra que ça soit lavé au plus vite. Un nettoyeur à haute pression devrait faire l’affaire. Sinon trouvez moi un autre fauteuil, ça sera encore mieux. Même marque et tout pareil, sauf cette horrible tâche.

Tournant la tête vers la jeune femme, il allait faire un pas en avant, mais il se stoppa et regarda son assistante à nouveau.

Si elle est toujours là dans cinq minutes, appelez-moi et je prétendrais un rendez-vous important.

Evidemment, il savait que Jody ne serait pas offensée, mais il ne comptait pas lui faciliter la tache pour autant. Entrant dans son bureau, il ferma la porte derrière lui et il lui montra le verre qu’elle tenait.

Tu pourras le prendre avec toi, je ne tiens pas à le garder après ta visite.

Evidemment, il avait entendu sa tirade sur leur fils. Seulement, il ne comprenait pas en quoi il pouvait être une aide envers ce jeune homme. Il avait donc voulu d’abord parler de tout autre chose, comme de tâche et compagnie, malheureusement, il savait à quel point Jody était tenace et elle ne partirait pas de si tôt.

Je peux convaincre n’importe qui d’acheter les produits Apple, mais je ne suis pas Dieu. Contrairement à ce que beaucoup dise et à ce que j’en pense moi-même. Si ton fils ne veut pas se faire opérer, c’est son droit. En plus de cela, il est majeur, alors il fait ce qu’il veut avec son corps. De plus, il ne m’écoutera pas. Pourquoi est-ce que je débarquerai dans sa vie aujourd’hui, pour le forcer à faire une opération qu’il ne veut pas. En quoi ça me concerne d’ailleurs vu que je ne savais pas qu’il existait ?

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

Pour le moment, sa précieuse assistante laissa le champ libre pour qu’ils puissent discuter et comme elle s’y attendait, Stephen ne l’accueillit pas en grandes pompes avec la ferme intention de renouer avec le passé. Jody ne pouvait pas l’en blâmer, il se prenait une nouvelle n’étant pas des moindres sur le coin de la gueule et n’importe qui aurait été exécrable à sa place… mais elle ne comptait pas quitter les lieux sans obtenir ce qu’elle souhaitait au préalable, c’était l’évidence même. S’il était un homme d’affaires et grand négociateur n’ayant pas froid aux yeux, elle n’était pas mauvaise dans son genre non plus et comptait insister jusqu’à ce qu’il ne la fasse sortir en s’armant lâchement de la sécurité. Chose qu’il ne ferait pas avant un moment, car sa fierté avait beaucoup de valeur à ses yeux et qu’il détestait perdre la face… surtout devant une femme. « Sullivan n’écoute pas ses proches car il a l’impression qu’ils en savent beaucoup trop sur lui pour avoir un jugement approprié. C’est marrant, mais plus il avance en âge et plus c’est ton portrait craché ! Même s’il l’est déjà physiquement… bref, si tu penses que je n’ai pas déjà tout essayé pour lui faire entendre raison, alors tu me connais encore plus mal que ce que je croyais. J’aime mon fils. Cette donnée t’es sûrement étrangère mais je ne veux pas qu’il souffre et puisque sa fierté est énormément mise à mal, je constate malheureusement qu’il a une fâcheuse tendance à baisser les bras. Je ne te demande pas de miracle, simplement de lui parler. Voir si un électrochoc pourrait lui provoquer une réaction différente. »

Jody ne se releva évidemment pas du fauteuil de Stephen, y étant particulièrement bien installée et, à cette distance, elle pouvait bien mieux observer ses moindres réactions… même si elle devait admettre qu’il savait toujours aussi bien jouer à l’huître renfermée. « Techniquement parlant ça ne te concerne pas, c’est vrai… mais je suis une femme d’affaires Steph’. Je me demande comment te jugerais ton assistance, qui est délicieuse d’ailleurs, si tu ne levais même pas le petit doigt pour aider quelqu’un qui porte le même sang que toi… je lui ai montré une photo, elle a tout de suite vu la ressemblance alors que je n’avais pas dit un mot ! Il a besoin de toi et si je ne peux pas te le demander comme un service, je vais m’assurer que tu me le rendes de force… »

Jody avait vraiment été une amie à une époque. Stephen avait apprécié passer du temps avec elle, mais ça faisait des années qu’il n’avait pas eues de nouvelles et qu’il n’avait pas cherché à en avoir non plus. Seulement, elle se pointait là, avec une annonce importante. Ils étaient les parents d’un jeune homme qui était en fauteuil roulant. Il avait bien comprit que c’était après un accident, mais il ne voyait pas du tout en quoi il pouvait aider. Il était doué dans son travail, amis pas avec les humains. Il était remonté après Jody, non pas parce qu’elle lui avait caché cette information, mais parce qu’elle avait utilisé les émotions de Holly pour parvenir à entrer dans son bureau. C’était ça qui le mettait en pétard. Il savait que Holly était une femme bien et qu’elle ne laisserait jamais Jody sans réponse. Holly faisait ressortir en Stephen son côté humain, mais cette fois-ci, Jody avait dépassé les bornes. Elle avait joué avec le feu et Stephen comptait bien qu’elle se brûle.

Je serai donc l’électrochoc en question ?

C’était une façon de parler de lui, mais il n’était pas certain que ça aide leur fils à accepter une opération dont il n’avait pas du tout envie. Attentif à ce qu’ajoutait la jeune femme, il n’apprécia que très peu qu’elle parle de Holly de la sorte.

Ne t’adresses plus jamais à mon assistante.

Son ton était froid et sans appel. Il se fichait qu’elle joue là-dessus en cherchant à savoir pourquoi il parlait ainsi d’elle. Qu’elle sache la vérité sur eux, ne lui importait pas. Mais qu’elle utilise Holly pour arriver à ses fins était interdit.

Il n’a pas besoin de moi. Il ne sait même pas qui je suis. Tu n’as jamais dû lui dire, j’en suis persuadé. Il a vécu jusqu’à maintenant sans moi, alors pourquoi aurait-il besoin de moi franchement ?

Cependant, il avait bien entendu que la jeune femme voulait qu’il aille voir leur fils et utiliserait la force pour ça.

Si par "que je te le rende de force", tu veux dire utiliser mon assistante, c’est non. Tu ne lui parles pas, tu ne la touche pas, tu ne lui fais pas de discours larmoyant. Interdiction de t’approcher d’elle.

A nouveau son ton était froid.

J’irai lui parler, mais je ne vois vraiment pas pourquoi il m’écouterait alors que c’est toi qui l’as élevé depuis sa naissance.

C’est vrai après tout, il était un étranger, alors pourquoi est-ce que Sullivan voudrait l’écouter.

Dis-moi tout ce que j’ai besoin de savoir à son sujet. Ses faiblesses en particulier. Y-a-t-il des personnes que je devrais citer pour qu’il flanche ou des éléments de sa vie qui ferait qu’il pourrait changer d’avis.

Il avait besoin de tout savoir, pour avoir un plan et le mettre à exécution pour parvenir à ce que leur fils change d’avis.

Je suppose également que tu ne lui a pas dit que tu étais venu me voir, donc comment lui faire comprendre que je ne viens pas faire un canular et que je suis bien son père ?

Il pouvait très bien imaginer la situation où le jeune homme lui rit au nez et lui claque la porte au nez.

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

Jody savait que le coup de l’assistance allait lui garantir l’attention de Stephen mais que sa réaction serait aussitôt glaçante et inébranlable. Qu’importe. Il n’était rien qu’elle ne soit capable de faire pour son fils, pas même de titiller un homme d’affaires de sa trempe pour obtenir ce qu’elle gardait en ligne de mire. Le fait est que cela fonctionna, car elle obtint non seulement l’attention de son ancien ami mais également sa parole qu’il irait lui parler. Ce n’était pas dit en ces termes mais la mère qu’elle était connaissait suffisamment l’homme en face d’elle pour savoir que c’était à prendre comme tel. « Je vais t’inscrire déjà l’adresse où il habite et celle du parc où il se balade souvent pour souffler. Il y faisait du skate il y a quelques années. » Concernant le reste des informations, elle n’avait pas besoin de réfléchir mais elle voulait simplement qu’il soit préparé psychologiquement à tout recevoir et tout emmagasiner. Elle ne doutait aucunement de son impressionnante mémoire, mais celle-ci ne devait absolument pas lui faire défaut pour cette mission délicate… Sullivan était diablement semblable à son père, surtout au niveau du caractère, déjà que la ressemblance était frappante d’un point de vue plus physique. Mais ça, Stephen allait très vite s’en rendre compte.

« Très bien alors faisons un deal : rends moi ce service et ton assistante ne recevra jamais ma visite. » Jody esquissa un bref sourire avant de se lever du fauteuil, tendant un papier plié en quatre contenant les deux adresses précédemment évoquées. « Il t’écoutera peut-être justement parce qu’il ne te connait pas et que tu es un modèle de réussite. Il n’a jamais connu que mon père comme figure masculine et je pense qu’avoir en face de lui un caractère de merde comme le sien ne pourra pas lui faire de mal ! Concernant les informations, donc… il était soldat avant d’être privé de ses jambes, il a été décoré pour son soutien en Afghanistan et est rentré sans une blessure. C’est plutôt un homme à femmes, mais il n’en n’a aimé qu’une : Jane. Elle est malheureusement décédée de la mucoviscidose il y a quatre ans, des suites d’une grossesse difficile. Oh et tu es grand père d’une petite Lou du même âge, pour ta gouverne. C’était un grand sportif avant son accident… et je sais qu’il ne le dira jamais, mais je pense qu’il en veut au moins un peu à sa sœur aînée, qui conduisait en ayant but cette nuit là. C’est suffisant ou il t’en faut davantage ? »

Mettre Holly dans l’histoire ne plaisait pas du tout à Stephen. Il n’acceptait pas qu’on touche à sa petite amie. Il était certain en plus qu’elle viendrait lui parler de son fils à un moment de la journée. Si ça n’était pas le cas, ça allait jouer sur ses nerfs et c’est lui qui irait la voir. Hum, c’était plus la façon de faire de Holly. C’est pour cela qu’il accepta d’aller voir son fils. Un jeune homme qu’il ne connaissait absolument pas. Il ne voyait pas en quoi ce qu’il pourrait lui dire allait changer quelque chose, mais bon, si Jody le pensait, il le ferait.

Il ne fait plus de skate ?

Il savait et assumait ce qu’il venait de dire.

Tous le monde aime un sport, si lui c’est le skate, pourquoi ne le fait-il pas en fauteuil ? Après tout, c’est courant de nos jours.

Comme pour les personnes en fauteuil qui font du basket par exemple. C’est de plus en plus répandu depuis plusieurs années déjà même. C’était juste une question comme ça, juste pour savoir si un sport et en l’occurrence le skate pouvait faire sortir de la colère de Sullivan.

Oh mais tu ne reverras plus jamais mon assistante, ça tu me peux me faire confiance.

Attrapant son morceau de papier, il comptait bien dire à la sécurité de ne plus jamais laissé Jody entrer dans le bâtiment qu’elle soit accompagné par Holly ou non. En regardant ce qu’elle avait écrit, il l’écouta malgré tout, pour ne rien manqué de ce qu’il devait savoir. En l’entendant parler de caractère de merde, il leva les yeux au ciel, même s’il savait qu’elle avait parfaitement raison. Son fils avait donc été militaire. On dit souvent qu’on est toujours militaire, peu importe si on n’en fait plus partit depuis des années. Il ne savait pas ce que c’était, il avait fait son service militaire, mais rien de plus. Ca n’était pas un monde qui lui plaisait particulièrement, même s’il avait des contacts avec des militaires de temps en temps. Pour ce qui était de l’homme à femme, il avait retenu un sourire, se disant que son fils était comme lui. Il avait également aimé une seule femme. Pour lui, c’était aujourd’hui, avec Holly. Même s’il se disait souvent qu’il était loin d’être le petit ami idéal. D’ailleurs, parfois, il se demandait bien ce qu’elle pouvait lui trouver. Il avait faillit lui poser la question une fois, mais il avait trouvé cela trop sérieux, alors, il avait plutôt fait une blague pour détourner l’attention de la jeune femme. Cependant, Stephen se figea quand Jody lui annonça qu’il était grand-père. La fixant dans les yeux, il en resta planté là, bêtement. Grand-père ?

Je suis père depuis vingt-six et grand-père depuis quatre ans et tu viens m’annoncer ça aujourd’hui ?

Son ton était monté, n’ayant pas pû se contrôler avant de parler.

Je sais que je suis le roi des cons, mais quand même !

Entendant son téléphone sonner, il savait que c’était Holly qui avait dû se dire qu’appeler maintenant était une bonne idée. Elle avait dû entendre l’éclat de voix de Stephen quelques secondes avant. Cependant, il laissa le téléphone sonner et il fixa son ex meilleure amie.

J’ai tout ce qu’il me faut. A cette heure-ci, il serait où ?

Autant y aller tout de suite après tout. Il pouvait pour une fois décommander tous ses rendez-vous de la matinée, voire de la journée. Tout dépendrait comment les choses se passeraient avec le jeune homme. Après que la jeune femme lui ait répondu, il fit demi-tour et ouvrit la porte de son bureau.

N’oublies pas le verre et le deal.

Il lui en voudrait plus pour le deal de laisser son assistante tranquille que de laisser son verre après elle.

Holly, annulez mes rendez-vous de la matinée.

En se retournant, il vit Jody qui était là.

Tu peux disposer, je vais aller le voir.

Lui laissant le chemin libre, il fit signe à son assistante de venir, il avait besoin de lui parler.

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

« Je ne pensais pas que tu voudrais « t’encombrer » d’un fils. Tu ne pouvais le considérer que comme ça, pas vrai ? A cette heure-ci, il doit être à son appartement je pense. » Jody quitta rapidement les lieux et c’est Holly qui prit la place dans l’imposant bureau de Stephen, armée de son sourire délicat en espérant que celui-ci apaise au moins quelque peu les doutes que l’homme d’affaires devait certainement ressentir. « Il a patienté vingt-six ans avant de faire ta connaissance, sûrement est-ce le moment de faire tomber le mur, tu ne crois pas ? Il a sûrement besoin de toi. » Son assistante lui appela immédiatement sa voiture tout en lui jurant qu’elle l’attendrait sagement à son appartement pour quand il aurait terminé son entrevue avec son fils, en espérant implicitement qu’il accepterait de lui donner des détails… mais au cas où cela se passerait mal, au moins, elle serait en mesure de lui remonter le moral. Mais elle ne voulait surtout pas l’accompagner sur un terrain qui pouvait s’avérer aussi glissant lors d’une première rencontre avec son fils : Holly ne savait pas le moins du monde comment Sullivan pourrait réagir et l’indisposer était la dernière chose à faire. D’autant qu’à ce moment précis, le jeune homme broyait du noir, juste en pantalon, le torse du, à soulever de petites altères pour ne pas avoir totalement l’impression d’être un poids définitivement mort.

Il ne s’attendait aucunement à ce que l’on vienne sonner à sa porte et pourtant, il ne prit pas la peine de mettre quelque chose sur lui pour autant. Il partit ouvrir, à son rythme, et dévisagea longuement cet homme lui faisant face et qu’il n’avait jamais vu ailleurs que sur des couvertures de magazines. Il arqua un sourcil surprit, essayant de comprendre où était la caméra cachée alors qu’ils étaient pourtant fortement semblables. Il ne lui fallut d’ailleurs guère de temps pour s’en rendre compte… « Je suppose qu’elle vous a sorti du placard vous aussi ? Je ne sais pas quel mot elle ne comprend pas dans « je veux qu’on me foute la paix » ! Mais entrez, vous allez affoler ma voisine qui est fan de vous. » Sullivan se poussa de l’entrée et le laissa fermer la porte pour mieux l’attendre dans le salon, sans forcément faire preuve d’une grande hospitalité. Il faut dire qu’il craignait le discours qu’il risquait de lui asséner… et qui allait le mettre hors de lui, à n’en pas douter. « Inutile de faire les présentations, je suppose. Je n’aime pas gâcher ma salive pour rien. » Stephen non plus, très certainement.

Il aurait pû grogner, mais il n’en fit rien, regardant simplement son ex meilleure amie sortir de son bureau. Soupirant, il alla s’installer dans son fauteuil. Il vit qu’elle n’avait pas prit le verre et cette fois, il grogna. Cependant, il se concentra sur son assistante, écoutant ce qu’elle avait à dire.

Je ne vois pas en quoi un adulte aurait besoin de moi, mais je vais y aller.

Il n’aimait pas qu’on tente de soudoyer ses émotions, surtout quand il disait lui-même ne pas en avoir.

Mais avant, interdiction qu’elle rentre dans le bâtiment à nouveau. Si elle t’approche, tu l’envoie balader. Enfin, toi ça sera avec courtoisie, mais quand même, elle n’a pas à t’approcher à nouveau.

Elle savait à quel point Holly était plus civilisé que lui, elle serait donc plus polie avec Jody si à l’avenir elles se croisaient. Appréciant tout de même qu’elle l’attende chez lui, il savait qu’il risquait de cogiter et elle serait la bienvenue. Une fois en voiture, il se mit à réfléchir. Sullivan avait fait sa vie sans lui jusqu’à maintenant, alors pourquoi il l’écouterait ? Même s’il était son père, il ne voyait pas en quoi son avis allait changer quelque chose. Seulement, il savait que Jody et Holly avaient raisons. C’était ça qui l’horripilait, le fait qu’il aurait aimé connaître son fils. Il jeta cette pensée au loin et attendit d’arriver à destinée. Une fois fait, il sortit du véhicule et alla sonner à la porte du jeune brun. Attendant qu’on lui ouvre, il regarda autour de lui. Quand la porte s’ouvrit, il tourna la tête vers le jeune homme en fauteuil roulant. Il resta le regarder, ne disant rien, attendant de savoir s’il allait lui dire de partir tout de suite ou pas. Il pourrait partir après de toute façon. Jody lui avait dit de venir lui parler, mais s’il refusait de le laisser entrer, il n’irait pas contre sa volonté. Pour une fois, ça ne l’ennuyait pas qu’on ferme la porte juste devant son nez. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Au contraire, son fils le laissa entrer et il haussa les sourcils à ses paroles.

Ta mère n’apprécie pas qu’on lui dise non, mais elle sait comment utiliser les gens.

Peu importe si cette phrase plaisait au jeune homme, il disait la vérité. Jody le manipulait, en utilisant Holly et il ne voulait pas qu’elle soit entre les tirs croisés. Du coup, il entra dans la demeure de son fils, regardant autour de lui. Il était seul, c’était déjà ça. Le suivant, il l’écouta parler, tout en continuant à analyser les pièces dans lesquelles il passait.

Non, on m’a déjà dit qui tu es et tout ce que j’ai à savoir sur toi. Y comprit que mes cheveux blancs viennent du fait que je suis grand-père.

Il savait parfaitement que ça n’était pas le cas, mais il aurait bien aimé avoir une nouvelle à la fois. Parce qu’être père et grand-père, ça faisait beaucoup à la fois, surtout pour lui.

Bon, il faut apparemment que vous fassiez cette opération pour retrouver une certaine motricité. Comme vous savez, je ne suis pas médecin, je n’y connais rien au corps humain, à part celui des femmes bien évidemment, mais ça n’a rien à voir.

Evidemment, il avait l’habitude des femmes et celui d’Holly était définitivement son préféré. Il réfréna un sourire et se reconcentra sur le jeune homme.

Pourquoi refuser l’opération ? Parce que c’est risqué ? Si c’est pour ça, il va falloir faire dégager la poule mouillée en toi. Cette opération, si elle devient plus sûre dans cinq ans, tu l’as ferait ? Parce que ça serait cinq ans à gaspiller alors que tu pourrais être opéré demain et retrouver tes jambes et donc profiter d’encore plus de moments avec ta fille.

Jouer sur le terrain de l’enfant était bas, mais il savait que ça pourrait faire réfléchir.

Admettons que l’opération fonctionne, qu’est-ce que ça t’apportera ? Je veux une réponse franche.

Après tout, lui faire ouvrir les yeux sur ce qu’il pourrait gagner dans l’équation pourrait peut-être être un premier pas en avant.

Il n’y a pas des gens à qui tu mettrais bien ton pied là où je pense pour faire remonter leur cerveau ? Il n’y a pas des endroits où tu aimerais être valide avec ta fille ? Il n’y a pas en toi une envie de botter les fesses de ta mère ? Il n’y a pas en toi une envie d’aller à un rendez-vous avec une femme et d’être sur tes deux jambes pour ça ?

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« Tiens, tiens, un faiseur de morale façon carambar, du tout neuf pour moi ! » lança Sullivan sans l’ombre d’une délicatesse ou d’une politesse, fidèle à son tempérament de chien dès que l’on cherchait à s’opposer à lui ou à se mêler de sa vie sans qu’il ne l’ait autorisé au préalable. Sincèrement, l’ancien soldat commençait à en avoir sa claque d’être dirigé comme un vulgaire toutou obéissant, surtout qu’il ne l’était pas au naturel. Que ce type soit son père biologique ou le Pape en personne, autant dire que le néo-zélandais n’était pas plus impressionné. Tout ce à quoi il tenait actuellement, c’était la paix de son petit esprit personnel. En attendant, la visite incongru de ce parfait inconnu l’emmerdait prodigieusement et son air aimable numéro trente-trois bis devait parfaitement le laisser entendre. « Haha, vous me faites déjà marré. Pas mal pour un vieux, franchement, si je n’avais pas les mains gercées j’applaudirais volontiers. Premièrement, il n’y a pas marqué « poule mouillée » sur mon front, je dispose de mon corps comme je l’entends et ce que je fais de mon temps avec ma fille ne vous regarde pas… d’autant que vous êtes plutôt mal barré pour faire valoir votre « paternaliste attitude » alors que vous êtes aussi agréable qu’un putain de cafard atteint de strabisme ! » Sullivan ne mettait pas plus de gant que son paternel, mais après tout, à vouloir tirer sur la corde raide, Stephen l’avait amplement cherché. Après tout, qu’est-ce qu’il pouvait bien foutre là, lui, l’homme d’affaires incontesté et particulièrement redouté par toute l’administration d’Apple ? Clairement, il baissait dans son estime à descendre aussi bas ! « Franchement, côté bottage de cul essayez un peu pour voir, continuez, vous allez me donner envie ! » Pour sûr, sa mère avait dû avoir des informations compromettantes sur cet homme pour qu’il vienne faire le zouave en plein New York pour décider un handicapé à faire une satanée opération. Pour sûr, elle avait vraiment, vraiment dû y aller fort. « Je suis curieux de savoir ce que ma mère a bien pu foutre pour que vous veniez radiner votre arrière train jusqu’à chez moi. Je savais qu’elle était balèze, mais à ce point là ! Ou alors c’est vous qui devriez baisser dans mon estime, à voir. En tout cas, je crois que je suis un grand garçon, j’ai oublié d’avoir cinq ans alors vos leçons de morale, sans vous faire un dessin, vous pouvez vous les flanquer là où je pense ! »

Ca veut donc dire qu’on est pareil. Je ne suis ton père que depuis quelques minutes, une heure tout au plus. Je ne savais même pas que tu existais. Ta mère a débarquée comme ça, dans mon bureau pour me parler de toi et de ta fille. Je me fiche de faire partit de ta vie ou pas. Ma vie me convient parfaitement et si tu n’en fais pas partit, ça m’est complètement égal. Seulement, il y a une erreur dans ce que tu viens de dire. Tu ne disposes pas de ton corps comme tu l’entends. Tu es dans un fauteuil roulant, donc tu as tort. Si tu pouvais vraiment en disposer comme tu l’entends, tu serais déjà en train de me faire reculer jusqu’à la sortie, de toute ta hauteur.

Stephen n’était pas là pour recevoir des leçons de moral ou pour être agréable. Il savait lui-même que faire partie de la vie de Sullivan pourrait être une bonne chose, mais pour l’instant, il ne le pensait pas de la sorte. Si son fils ne voulait pas le revoir après ça, ça ne le dérangerait pas le moins du monde. Seulement, s’il voulait que Jody le laisse tranquille, il fallait qu’il parle avec leur fils et qu’il essaye de son mieux de le faire changer d’avis. Après, s’il n’y parvenait pas, Jody n’avait pas intérêt à s’approcher d’Holly.

Je ne botte pas le cul des handicapés, mais si je dois te le faire, ça sera avec grand plaisir.

Il disait vrai. Si Sullivan n’arrêtait pas de jouer les abrutis il le ferait. En écoutant les propos du jeune homme, Stephen grogna et soupira.

J’ai bien connue ta mère et je sais ce dont elle est capable. Avec moi, elle a trouvé une façon de me faire venir. Tu n’as pas besoin de savoir comment, ni pourquoi, parce que ça serait te donner l’avantage. Seulement, si je ne te fais pas changer d’avis, elle va faire de ma vie un enfer et je suis sûr que tu vois parfaitement ce que ça veut dire. Maintenant, que tu veuilles faire cette opération ou pas, je m’en contre fiche, mais royalement. Tout ce que je veux, c’est qu’elle me fiche la paix et si pour ça, je dois rester ici des heures, ou même camper dans le salon jusqu’à ce que tu changes d’avis, je le ferai.

Allant prendre place dans le canapé, il s’y allongea de tout son long et soupira doucement, avant de tourner la tête vers son fils.

Au fait, ne crois pas que j’ai oublié tout ce que j’ai dis avant. Tu ne m’as toujours pas répondu. Je t’ai posé un tas de questions et tu n’y as pas répondu. Tu peux esquiver, mais je suis sûr qu’en passant quelques appels, j’aurai des informations sur ta fille et sur une femme qui dois bien te plaire quelque part en ville. Alors, soit tu me réponds, soit je passe des appels et on va s’amuser à jouer à action ou vérité, mais en gardant uniquement la vérité.

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

Toute la morgue de Sullivan ne descendit pas d’un millimètre, mais laissa cependant place à une soudaine colère froide. Glaciale même. Non seulement son père était un bel enfoiré mais il lui donnait envie de LUI botter le cul jusqu’à ce que mort s’en suive. Diable, et dire qu’il pensait naïvement ne jamais avoir à ressentir ce genre de sentiment infâme et haineux… force est de constater que le simple fait qu’il cherche à en savoir plus sur sa fille ou sur une potentielle femme faisant vibrer son âme le mettait hors de lui et même envie de faire de même. Après tout, si sa mère avait réussi à ébranler l’inébranlable, c’est qu’elle devait avoir un moyen de pression de choix et Sullivan n’aurait strictement aucun mal à découvrir lequel. « Fais gaffe où tu mets les pieds, papy. Fauteuil ou pas, je suis certain que je peux encore te briser les vertèbres avec un seul pouce… t’as peut-être la plus grande gueule de New York et tout le monde te crains pour mieux venir te manger dans la main, mais j’en ai strictement rien à secouer de ton fric, de ton petit pouvoir de chefaillon ou encore de ta position dans la société. Mais t’es qu’un homme d’affaires dans tous les cas, qui n’a sûrement pas l’habitude de se salir les mains donc d’un point de vue purement physique, je t’écrase où je veux quand je veux et ça, tu peux me faire confiance, c’est tout vu. Menace à nouveau ma fille et je n’aurais pas besoin de ma mère pour faire moi-même de ta vie un enfer, que les choses soient bien claires. » Le regard d’un bleu puissant de Sullivan s’était fait colérique, glacial, montrant aisément à quel point il ne plaisantait pas. Un seul mot plus haut que l’autre et il s’occupait déjà de lui refaire le portrait pour mieux lui apprendre qu’il ne faut pas chercher un Novak derrière. Spermatozoïde du début ou pas, l’ancien soldat n’estimait en aucune façon lui devoir quoi que ce soit et surtout pas la vie. Cet homme ne lui exprimait que du mépris et du dégoût… Sullivan avait beau savoir être le plus bel enfoiré de la création, il ne voulait surtout pas avoir quoi que ce soit de commun avec cette ordure. « En un mot comme en cent, si je n’ai pas envie de subir un interrogatoire bidon genre Cluedo, c’est mon droit, je suis chez moi. La notion d’intimité, tu connais ? Oh sûrement, t’as l’air du genre à t’envoyer ta secrétaire en douce ! »

Allongé sur le canapé de son fils, Stephen comptait utiliser tous les moyens possibles pour le faire parler. Après tout, Jody l’avait amené ici pour faire changer d’avis Sullivan sur une opération, elle n’avait pas mit de limite à sa façon de s’y prendre et sur le fait qu’il pouvait ou non être le pire salop de la terre. Passant ses bras sous sa tête, il continua de regarder son fils, tout en l’écoutant parler.

Ta fille n’a rien à voir dans l’histoire. Si je parle d’elle, c’est parce que je suis certain qu’elle serait contente d’avoir un père qui lui annonce qu’elle pourra entrer à Walt Disney.

Esquissant un sourire, il pouvait en effet faire venir la fille du jeune homme sur les plateaux et lui présenter l’envers des décors. Il n’était pas actionnaire là-bas pour rien. Même si les Walt Disney rapportaient un paquet d’argent, il avait dans son contrat un paragraphe exprimant le fait qu’il devait faire des visites là-bas, pour des gens qui le voulaient. En général, il y allait à reculons, mais cette fois-ci, ça pourrait être amusant, surtout qu’il pourrait discuter avec la fille de Sullivan, pour tenter d’avoir des informations sur son père. Cependant, la remarque suivante de son fils le crispa et il fronça les sourcils.

Ta mère t’a appelé ?

Si c’était ça, il n’aimait pas du tout la tournure des évènements.

Ma secrétaire n’est pas n’importe qui et ta mère et toi n’avaient pas intérêt à l’approcher.

Se mettant assit dans le canapé, il continua de froncer les sourcils, n’appréciant pas du tout qu’on parle d’Holly de la sorte. Elle n’était pas qu’une vulgaire secrétaire en plus de cela.

Tu veux la jouer comme ça, parfait. Je me fou de ta vie comme de ma première chemise. Ta mère veut que tu fasses cette opération et si je dois te forcer à le faire, alors je le ferai. J’irai voir ton médecin et je lui demanderai de prévoir l’opération et je viendrai moi-même te chercher et ensuite t’attacher à la table d’opération s’il le faut pour que tu acceptes. Bordel, ça n’est qu’une opération pour que tu puisses marcher à nouveau. Qui ne voudrait pas pouvoir marcher tous les jours ?

Regardant le jeune homme, il devait avouer que lui n’hésiterai pas une seule seconde. Déjà, pour ses problèmes actuels, asthme, crise de panique, si une opération marchait pour ça, ça serait super. Encore plus pour ne plus être dyslexique.

Les médecins savent ce qu’ils font. Ils ont leurs diplômes, ils savent opérer, ils savent quand ça va mal et comment faire pour aider. Ta fille serait contente d’être sur ton dos et que tu cours, elle adorerait pouvoir être entre tes bras, alors que vous seriez allongés dans une cabane que vous auriez construit ensemble. Il n’y a pas que toi dans tout ça Sullivan. Ne penses pas qu’à toi, mais à ta fille aussi.

Parler de la sorte ne lui ressemblait pas, mais il sortirait tous les arguments qu’il aurait en poche pour le faire changer d’avis et céder.

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

« Calme ta joie papy, je n’ai pas eu ma mère au téléphone et je disais ça comme ça mais merci pour l’information, au moins j’aurais gagné ça dans tout ton verbiage insipide ! » Sullivan leva les yeux au ciel face à l’emportement soudain de l’homme d’affaires, comportement auquel l’ancien soldat ne s’attendait en aucune manière à vrai dire. Lui qui semblait tout contrôler, tout régenter, le voilà réduit à s’emporter pour essayer d’obtenir gain de cause… seulement voilà, les menaces ne marchaient plus sur le jeune homme depuis belle lurette, car il ne fallait pas oublier qu’il s’était forgé le caractère à l’armée, après avoir perdu sa belle Jane. Il n’avait donc cure de ce que pouvait bien penser Stephen ou même de ses petites menaces ridicules. Jusqu’à preuve du contraire, personne ne pouvait l’obliger à se faire opérer s’il n’en n’éprouvait pas l’envie. Il comptait bien s’accrocher à ce point précis quoi qu’il advienne, quoi que son « père » puisse dire, bien qu’il n’ait aucune envie de l’appeler ainsi car il n’était strictement rien pour lui. « Pour ton information, je n’ai pas besoin de toi pour emmener ma fille à Disney, je suis un grand garçon je lace mes chaussures tout seul. Je n’ai pas non plus besoin d’un garde chiourme dans ton genre alors que tu as l’air d’avoir l’humanité d’une putain d’huître atteinte de strabisme ! Mais puisqu’il faut te mettre les points sur les virgules, alors ouvre tes aises gourdes parce que je ne risque pas de me répéter… et après, tu arrêtes de m’emmerder ou j’te mets à la porte fauteuil ou pas fauteuil, et avec un coup de boule s’il faut ! » Sullivan prit une grande inspiration, prêt à frapper dans le vif s’il lui faisait l’affront de trouver ses hésitations ridicules. Après tout, il ne l’avait pas appelé, et n’avait certainement pas besoin de lui aujourd’hui. « Je préfère garantir à ma fille un paternel en vie et non pas le fait d’être orpheline alors qu’elle est toute jeune. Ouais, techniquement l’opération peut me rendre mes jambes et si je ne savais pas ce que je sais, j’aurais foncé tête baissée sans hésiter une seconde. Mais voilà, il y a de très nombreux risques et je suis soldat… je ne laisse pas de détails au hasard et tant que je ne serais pas assuré d’avoir plus de chances de retrouver mes jambes que de crever comme une merde sur la table d’opération, le statut quo sera maintenu, point barre final. Mais te demander de comprendre ça c’est comme te demander de conter fleurette à ta dulcinée, pas vrai ? Tu n’es personne pour me juger papy. T’es aussi important pour moi qu’une caillasse dans ma pompe ! »

Grognant aux paroles du brun, Stephen s’était fait avoir tout seul. Toucher à Holly physiquement ou verbalement le mettait en rogne. Elle était la seule constante dans sa vie et la seule personne en qui il avait une confiance aveugle. Même s’il ne le disait pas ou ne le prouvait pas, il était vraiment attaché à la jeune femme et amoureux d’elle. L’écoutant parler de sa fille, le plus âgé, fut très attentif. Sullivan tenait vraiment à sa fille, chose que le grand-père comprenait parfaitement. Il devait avouer que même s’il ne l’avait pas montré, il avait envie de connaître cette demoiselle. Stephen n’est pas un fan des enfants, mais s’était sa petite fille et faire la rencontre lui ferait vraiment plaisir.

Mon dieu ma vie va devenir un enfer.

Soupirant, il se passa une main sur le visage. Sullivan ne voulait clairement pas changer d’avis et Stephen savait donc que Jody allait venir le voir souvent pour lui dire de bouger leur fils. Seulement, ce dernier était clair. Il ne voulait pas de cette opération.

Ta mère est une plaie et je ne veux pas la voir débarquer tous les jours dans mon bureau ou chez moi. Alors oui tu peux laisser ta fille orpheline, tu peu crever sur la table d’opération. Mais qui te dis que ça sera le cas ? Tu ne peux pas savoir si tu vas vivre ou mourir lors de cette opération. Je pourrai t’amener les statistiques, je pourrai t’amener des patients qui y ont survécus, ça ne changera rien.

Haussant les épaules, il savait bien que ça ne changerait absolument rien.

Seulement, vivre avec quelque chose qui nous gâche la vie, ça n’est pas vivre. Etre malade et devoir faire attention à ce que tu manges, faire attention à ce que ton cœur ne s’emballe pas. Faire attention à chaque détail, ça devient invivable.

Il savait de quoi il parlait. Avec le temps, il avait apprit à gérer son asthme, à savoir quoi faire et ne pas faire. Pour ses crises de panique, ça restait encore mauvais. Il n’arrivait pas toujours à les gérer.

Même si la vie est un champ de bataille, tu n’es plus à l’armée ici. Peut importe ce que ta mère, les médecins ou moi te dirons, rien ne te feras changer d’avis. Je le sais et je le comprend. C’est à toi que reviens la décision et pour l’instant, tu es bornée comme ta mère. Ca peut être une qualité, mais sur ce coup là, il faut que tu réfléchisses. Réfléchis plus que ce que tu as fais jusqu’à maintenant. Tu es jeune, en bonne santé, tu as toute la vie devant toi. Tu as une fille qui compte sur toi. Vas au moins voir les médecins, participes avec eux à l’élaboration de ton opération.

C’était faisable, il y avait assisté à plusieurs reprises. Certains patients, avec des opérations complexes, comme celle du jeune homme, pouvait aller voir avec les médecins les procédures misent en place pour leur opération. Ca pourrait peut-être rassurer le jeune homme.

Je t’épargne le refrain sur les patients qui ont vraiment perdus leurs jambes en sautant sur une mine et qui vivent avec des prothèses et qui sont heureux aujourd’hui, parce qu’ils ont apprit à faire avec. Prends ta décision, comme tu le souhaites. En tout cas, si ça te tentes, il y a un poste qui se libère chez Apple et j’ai besoin de sang neuf. Si tu viens tu auras le poste.

Il savait que passer de l’opération à une proposition d’embauche était étrange, mais il lui proposait vraiment un poste chez Apple.

Stephen & Sullivan ❝ father, son, and... ? ❞

Un poste chez Apple… pendant tout le discours de son père, Sullivan avait eu différentes possibilités de réaction : lui foutre son poing dans la gueule, lui rire au nez, hausser les épaules ou ne rien faire du tout, attendant patiemment qu’il ne cesse de parler pour le mettre à la porte. Ceci dit, avec cette proposition tombant tel un cheveu sur la soupe, Stephen avait frappé très fort et piqué la curiosité du jeune homme au vif. Il pouvait fanfaronner d’avoir retenu son attention, car c’était une chose quasi impossible en ce moment ! « Un poste chez Apple, hein. Je ne sais pas si c’est de la pitié ou simplement que tu as un grain mais je pencherais plus volontiers vers la seconde option car je ne pense sincèrement pas que tu sois capable de ressentir de la pitié. » Sullivan ne pouvait pas s’empêcher de balancer des vacheries pour se protéger d’ordinaire, mais là, ce n’était pas avec fond de méchanceté qu’il s’exprimait. Il faisait valoir les choses froidement, avec intelligence, arrêtant de frapper avant d’avoir mal par pure réflexe. C’était en soi une progression ! « Je vais réfléchir à la question. J’vous propose un truc : envoyez-moi un mail avec la description du poste et la possible date d’entretien et je ramènerai mon cul d’handicapé, ça vous va ? » De toute façon, il ne lui laissait pas le choix et l’incitait déjà à se rendre vers la porte pour qu’il ne sorte et ne lui libère la tête de tous ces mots qu’il n’avait aucunement besoin ou envie d’entendre. « C’est à prendre ou à laisser. Mais dans tous les cas, vous, vous virez votre cul d’ici ! »