Time will change everything about this hell.

Anne & Jefferson

Une thérapie ... Jefferson était supposé suivre une thérapie, pour parler de ses problèmes. Comment pouvaient-ils seulement croire qu'il parviendrait à supporter une chose pareille et à se confier ? Si personne n'était au courant de son passager noir depuis toutes ces années, ce n'était pas pour rien. Au contraire, ça prouvait parfaitement son incapacité à se confier à qui que ce soit et à propos de quoi que ce soit. Et il comptait bien continuer sur cette voie là. Parce que parler ne l'intéressait en rien. Et ça n'allait pas changer de sitôt. Pourtant, on le poussait à faire ça. A se rendre à une thérapie de groupe. Comme si ce serait différent d'une visite chez le psy. C'était vraiment mal le connaître. -Et en fait, personne ne le connaissait vraiment. Il était beaucoup trop mystérieux et compliqué pour ça-. Et il ne comptait pas changer ça non plus. Ce n'était pas comme si sa façon d'être le rendait malheureux. Mais soit ... Il allait se rendre à cette connerie de thérapie. Parce que certains de ses plus gros clients le lui avait conseillé. Ils tenaient à être tout à fait certains qu'il était un minimum stable et se relevait de cette perte tragique; survenue un an plus tôt. Quelle bonne plaisanterie de parler de stabilité, quand l'homme dont il était question n'était pas seul. Pas seul dans sa tête en tout cas. Parce que son passager noir était toujours là, non loin, pour le rappeler à l'ordre ou lui ordonner de faire ceci ou cela. Et il était là bien avant qu'il ne rencontre celle qui avait été sa femme pendant deux décennies. Ce n'était donc pas sa mort à elle et à leurs enfants, qui avait provoqué son arrivée. Peut-être était-il tout de même plus vif et insistant qu'avant tout ça. Avant cette tragique et insupportable perte. Est-ce que cette thérapie allait vraiment pouvoir faire quelque chose pour lui ? Il en doutait. Non, en fait, il était totalement certain que ça ne changerait rien du tout pour lui.

Il serait toujours autant accompagné par son passager noir. Et il continuerait de tuer des personnes que l'on préférait mortes. Rien ne changerait de sitôt. Parce qu'il ne le souhaitait même pas de toute façon. S'il n'avait pas craint de perdre d'importants contrats, peut-être qu'il aurait tout bonnement refusé de suivre la thérapie à laquelle il était tout juste en train de se rendre. Mais il avait promit de s'y rendre. Pas de parler et raconter ses soucis. Ils n'iraient, de toute façon, pas jusqu'à vérifier s'il avait daigné se confier ou non. Le fait qu'il prenne la peine de perdre du temps de la sorte, serait bien assez pour les convaincre que oui, il était sur la bonne voie pour se remettre de tout ça. Quand bien même la réalité serait toute autre. Le fait était qu'il avait perdu ses raisons de vivre. Désormais, il n'y avait plus grand chose qui le rattachait à la vie. Et c'était seulement une raison qui le poussait à tuer encore plus, à se défouler pour de bon et à se fiche royalement de savoir si oui ou non ça ne serait pas trop risqué pour lui. Il pourrait bien perdre la vie ... Ca ne changerait pas grand chose. La terre continuerait de tourner, le soleil de se lever, les oiseaux de chanter ... Rien ne le pleurerait. Si ce n'est ses clients qui seraient sans doute juste agacés. Parce que les tueurs à gage de confiance, ça ne courait évidemment pas les rues. De toute façon, il n'était pas encore arrivé à un tel point ! A l'instant présent, il était plutôt en train d'entrer dans la salle remplie de chaises de fer, qui n'attendaient que les "patients". Et sans un regard pour qui que ce soit, il alla se laisser tomber sur la dernière rangée de sièges, bras croisés sur le torse. Il était bien décidé à ... Garder le silence.

Time will change everything about this hell.

Anne & Jefferson

Jefferson n'était vraiment pas là de gaieté de coeur. A vrai dire, il s'ennuyait déjà et rêvait atrocement du moment où il pourrait enfin se défiler et prendre discrètement la fuite, loin de cette thérapie de groupe qui ne le tentait vraiment pas. Lui qui avait toujours été un grand solitaire mais qui ne l'était que plus encore depuis la disparition tragique de toute sa petite famille, ne supportait pas l'idée d'avoir à supporter ça. Ecouter de parfaits inconnus raconter leur petite vie vie sans le moindre intérêt. Quant à l'idée de leur raconter la sienne ... Même pas en rêve. Personne n'était en droit de connaitre sa vie. Ne serait-ce que parce que son métier avait tout intérêt à demeurer un secret d'état (c'était bel et bien le cas de le dire). Et puis personne ne pourrait comprendre ce que c'était que de perdre sa famille par sa faute propre. Ca ne le faisait que plus souffrir encore, de penser qu'ils étaient morts par sa faute et uniquement par sa faute. Et ce n'était pas seulement une façon de parler ! Il était vraiment responsable de ça ! Il n'avait donc aucun doute à propos du fait que personne ne pouvait avoir connu pareille épreuve au cours de sa vie. Il devait donc faire face à cela, sans que qui que ce soit là ne soit là, apte à comprendre et à le relever. Etrangement, il s'était maintenant habitué à cela et faisait avec. Parce qu'il n'avait d'autre choix de toute façon.

Ainsi se retrouva-t-il là, en plein milieu d'une foule de personnes qui chouinaient stupidement sur leur petite vie. Lui ne le faisait jamais. Il se contentait d'accepter l'évidence. Sa femme et ses enfants étaient morts, point. Il ne pouvait revenir en arrière. Il vivait donc avec l'idée, aussi traumatisante et douloureuse soit-elle. Et rien ne semblait pouvoir le faire tout à fait sortir de sa torpeur. Jamais. Certes, ce n'était pas non plus comme s'il tentait de redonner un sens à sa vie pour aller de l'avant. Il s'en foutait bien. Et continuer de travailler malgré tout ça, l'aidait à se garder encore un peu en vie. Il n'avait ainsi plus vraiment le temps de penser à cette trop douloureuse perte. Peut-être qu'écouter les soucis -sans doute moindres mais tant pis- des autres, l'aiderait également à moins penser à sa vie trop complexe pour être partagée avec qui que ce soit. Certes, il tentait un peu de se faire une raison alors qu'il prenait place au dernier rang, bras croisés sur le torse et regard fixe. Jusqu'à ce qu'il sente qu'une personne était en train de le regarder. Il s'anima le temps de quelques secondes, redressa la tête, parcourut les lieux du regard et ses yeux se posèrent sur une jeune femme assise au rang devant lui. Il la fixa un moment, parfaitement imperturbable, le regard fixe et vide, sans le moindre sourire ... Et se détourna à nouveau pour reprendre sa position initiale.