S’il pouvait m’arriver de mentir par politesse, ce n’était absolument pas le cas à ce moment là. J’étais absolument sincère avec Milo, et ce, à tous les niveaux. Ainsi, lorsque je disais que sa fille était magnifique, je le pensais vraiment. Elle était vraiment très jolie. Bon même si cela n’aurait pas été le cas, j’aurais très certainement eu la même réaction. Parce que je ne pouvais pas lui dire que sa fille était moche. Mais soit, la question ne se posait même pas puisqu’elle était sublime. « Hm, à n'en pas douter, elle est ma plus belle réussite ... » Il n’y avait aucun doute à avoir sur le fait qu’il était vraiment fier et fou d’elle. Cela se voyait au sourire qu’il affichait, en jetant un dernier coup d’œil à la photo, avant de ranger son téléphone. Et cela était tout à son honneur. Car je n’avais que trop rarement remarqué autant de fierté chez un père envers son enfant. Cela ne semblait pas du tout être le type d’homme à faire des enfants, et ne jamais en prendre les responsabilités. Bien au contraire ! « Marina, oui. Je n'ai jamais osé avouer à sa mère que je voulais surtout que son prénom commence par la même lettre que le mien. Elle aurait trouvé ça puéril et stupide. » Je ris légèrement à son explication. C’était peut-être un peu puéril, mais je trouvais cela amusant. Sans doute parce que cela ne me touchait pas directement… Peut-être que j’aurais trouvé cela moins amusant si cela concernait mon propre enfant. Enfin, c’était toujours moins pire que les parents qui mixaient leurs prénoms pour en donner un à leur enfant… « Oh, si ce n’est que ça, ce n’est pas bien grave ! Puis c’est plutôt mignon comme démarche… » glissais-je alors légèrement amusée.
 
Puis il fut à nouveau question de sa maîtrise de la langue. Certes, elle n’était pas parfaite. Mais j’estimais que, pour quelqu’un n’étant là que depuis un an, c’était déjà un bon niveau. Je n’avais d’ailleurs de cesse de lui faire remarquer ce détail, alors qu’à l’inverse, il ne semblait pas vraiment satisfait de lui-même. Et lorsqu’il mentionna tout ce qu’il avait du faire pour parler ainsi aujourd’hui, je ne pu m’empêcher de souligner que, même s’il avait du passer pour un fou, c’était pour une bonne cause et pour son bien. Et je le pensais vraiment. Enfin, je n’avais pas l’impression d’en faire trop. Je pensais réellement tout ce que je lui disais. « Je ne baisse jamais les bras. Jamais ! Et personne ne m'y forcera non plus. » J’aimais cet état d’esprit. Ne jamais baisser les bras. Cela me semblait essentiel. « Vous avez bien raison ! J’ai aussi cet état d’esprit là. Puis étant très têtue, je ne lâche jamais rien… » J’étais vraiment têtue. Peut-être même un peu trop… « Vous savez ce qui a été le plus marrant dans le fait d'aborder les gens en pleine rue ? C'est que certains se sont prit au jeu. Même si, dans le fond, beaucoup devaient penser que je n'étais qu'un crétin timbré. Quoi que les femmes étaient plus ouvertes. L'accent y est pour beaucoup en réalité, je crois. » Et le physique aussi… Mais ça, je ne pouvais pas lui dire. Sinon, ce serait lui qui me prendrait pour une illuminée. Pourtant, c’était un fait indéniable. Il était plutôt charmant et nul doute que cela aidait à ce qu’il soit plus accepté par les femmes. Je me mis alors à imaginer quelle aurait été ma réaction si j’avais été abordé de la sorte. Cela m’aurait sans doute amusé. Inquiété, aussi. Car on ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans la tête des gens… « Un crétin timbré ? Je n’irais pas jusque-là… Mais vous avez du surprendre et intriguer les passants… Et votre accent à du effectivement vous assurer un certain succès auprès de la gent féminine… » remarquais-je alors l’air de rien, sans préciser que j’étais également sensible à son accent, que je trouvais vraiment adorable…
 

A l’inverse de Milo, je demeurais assez secrète sur ma vie. Du moins, je ne m’épanchais pas sur certains sujets, ou n’allait pas raconter ceci ou cela, simplement car cela venait de me traverser l’esprit. Ce n’était pas dans mon caractère et j’aurais surtout peur d’ennuyer mon interlocuteur. Et puis, je ne pouvais pas aborder certains sujets, puisque cela impliquait directement ma double vie. Et clairement, je n’allais pas parler au premier venu de mon second travail. Même mes proches n’étaient pas tous au courant. Alors un type rencontré dans le train…  Et du coup, cela me limitait aussi dans la conversation, puisque je devais veiller à ne rien dire qui pourrait me mettre en difficulté, à ce propos. De ce fait, le fait qu’il parle assez facilement, de tout et de rien, me convenait parfaitement. Et même si savoir qu’il avait appelé sa fille Marina pour telle raison, n’allait pas changer fondamentalement ma vie, cela faisait au moins passer le temps et rendait le vol plus agréable. Même s’il ne s’agissait pas de sujets profonds, il était agréable – à mon goût – de discuter autant avec le jeune homme. Ainsi, il fut ensuite question de l’apprentissage d’une nouvelle langue et de la volonté que Milo semblait avoir. Et je ne fus pas surprise lorsqu’il précisa être quelqu’un ne baissant jamais les bras. Pour un artiste, c’était essentiel. Cela ne semblait pas être un métier facile, dans la mesure où rien n’était jamais acquis. Et puis, pour faire ce qu’il faisait – ces voyages perpétuels, l’apprentissage d’une nouvelle langue… - il fallait être tenace. Je précisais d’ailleurs que j’avais aussi ce caractère là, étant aussi très têtue. Du genre à ne jamais rien lâcher. A me battre jusqu’à avoir gain de cause. Ou presque…

« Oui ... Enfin il y a quand même être têtu et "être têtu". Je le suis tant pour ma part, que je me suis disputé avec mon ex, devant ses parents, le jour même des présentations, simplement parce que je refusais d'avoir tort à propos d'un truc stupide. Le pire, c'est que je leur ai demandé leur avis, avant de réaliser qu'ils étaient mes futurs beaux parents. » Je me pinçais aussitôt les lèvres, ne pouvait retenir un bref rire amusé. Ce n’était pas banal. Tout comme lui n’était pas banal. C’était presque un personnage en lui-même ! « Et alors ? Comment ont-ils réagi ?? De mon côté, j’ai beau être têtue, je crois que ce n’est jamais allé aussi "loin"… » répondis-je avec une moue songeuse, réfléchissant à une quelconque anecdote. Non, même si j’étais têtue, j’évitais de me donner en spectacle et préférais lâcher l’affaire… temporairement ! Car j’étais du genre à revenir à la charge dès que le contexte était plus favorable. Mais pas trop quand même… Disons que j’essayais d’être un peu plus souple et d’accepter l’idée que je pouvais avoir tort. « Je pense leur avoir fait trop peur pour vraiment pouvoir affirmer avoir eus du succès sur les femmes. » J’haussais vaguement les épaules en esquissant une légère moue. J’étais sceptique sur le fait qu’il puisse « effrayer » les femmes… Mais il était mieux placé que moi pour savoir l’effet qu’il avait pu avoir sur elles… « Et vous, n'avez-vous jamais rien fait qui aurait pu vous faire passer pour une folle ? » Je vins alors saisir mon menton entre mon pouce et mon index, glissant finalement ce dernier sur ma bouche, réfléchissant à ce que j’aurais pu faire. « Hmm… Cela ne rivalise pas avec vous mais… Il y a un peu plus d’un an, j’avais un rendez-vous avec un homme – que je ne connaissais absolument pas – dans un restaurant. Un rencard, donc tenue plutôt élégante, voire sexy. Et là, j’aborde donc un homme, seul, persuadée qu’il s’agit de mon rencard. Sauf qu’évidemment, ce n’était pas lui… J’ai passé bien un quart d’heure à lui parler, comme s’il s’agissait de la bonne personne, à tenter de le charmer… Avant qu’il m’avoue n’être pas la bonne personne. Tout en en profitant pour me taquiner et se foutre gentiment de moi… » Bon, à la vérité, ce n’était pas un vrai rencard. C’était un nouveau client – pour l’escort – qui m’avait donné rendez-vous. Et je m’étais effectivement plantée de personne. C’était ainsi que j’avais rencontré Joshua, qui est devenu un ami proche… très proche…

Je l’écoutais avec plaisir me parler de ceci ou cela. De sa fille à son entêtement. A vrai dire, nos conversations suivaient simplement le cours de nos pensées et pouvaient donc varier du tout au tout. « Pas très bien, je le crains. Pour résumer, ils ont davantage célébré notre divorce, que notre mariage. » Je plissais légèrement le nez à cette annonce. Ce n’était franchement pas sympa de la part de ses ex-beaux-parents. Surtout qu’il ne semblait pas être le genre de type facilement détestable. Je pouvais comprendre que des parents puissent se réjouir du divorce de leur fille, si celle-ci se séparait d’un connard, d’un mauvais gars ou du moins, quelqu’un pouvant vraiment lui nuire. Or, cela ne semblait pas être le cas de Milo. Du moins, du peu que je le connaissais. Cela devait donc simplement être un malentendu. « Oh, ça c’est vache… » Et puis, on dit que la première impression est la plus importante… Alors forcément, si leur première rencontre ne s’était pas correctement déroulée, il y avait fort à parier qu’ils ne l’avaient jamais porté dans leurs cœurs à cause de cela. « Je ne sais pas si vous connaissez un peu des italiens. Mais ils ont tous de sacrés caractères. Surtout les hommes. Alors forcément, mon beau père m'a tout de suite prit en grippe. » Même si je ne connaissais pas beaucoup d’italiens, j’avais très souvent entendu parler de leur fort caractère. La réponse de Milo me fit donc vaguement sourire. Et encore, si je me permettais de sourire à cela, c’était bien car il semblait totalement détaché de tout cela. Voire amusé. Mais cela ne semblait plus vraiment le toucher. Sinon, bien sûr, je n’aurais jamais osé paraître amusée. Même légèrement. « C’est dommage de partir sur un tel malentendu… Et puis, il faut l’avouer, c’est loin d’être banal comme situation ! » remarquais-je d’un ton vaguement amusé.

Puis, suite à sa question, je lui fis part d’une anecdote me concernant. Et clairement, j’avais du passer pour une folle et bien me ridiculiser face à ce type. Ce type qui est d’ailleurs devenu un ami. Enfin, un sexfriend plus exactement. Et à l’heure actuelle, cette histoire nous faisait plutôt rire. Mais malgré tout, j’avais eu sacrément honte ce jour là et racontais donc cela à Milo, le prenant désormais avec beaucoup plus de recul et d’humour. Et la réaction de l’italien ne tarda pas, puisqu’il éclata immédiatement de rire. Bien évidemment, c’était loin de me vexer. Après tout, si je lui en avais parlé, c’était justement parce que c’était assez drôle. Et puis, il n’y avait aucune raison qu’il soit le seul à m’avouer des choses « ridicules ». Si je lui parlais de cela, c’était bien que j’étais prête à ce qu’il se foute de moi. Tout comme j’avais pu – gentiment – le faire envers lui… « Pardon. Je ne me moque pas de vous. Mais c'est incroyable ! Et vous osez dire que ça ne rivalise pas ? » Affichant toujours un léger sourire amusé, je baissais le regard et haussais les épaules. «Oh mais il n’y a pas de mal, vous pouvez vous moquer ! Et incroyable ? Vous exagérez un peu, là, non ? » demandais-je finalement, ne trouvant pas cette situation si incroyable. Sans doute le côté italien, toujours a exagérer, qui ressortait un peu…

J’étais un peu surprise de voir que Milo semblait totalement indifférent à cette histoire l’opposant à son ancienne belle-famille. Il parlait de cela avec un tel détachement que j’en venais à croire que cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Enfin, en un sens, cela se comprenait. Il était, à priori, séparé de sa femme. Et n’avait donc que faire de ce que pouvait ou avait pu penser de lui ses beaux-parents. Cela semblait appartenir au passé. Et de toutes façons, même s’il s’était montré plus affecté, cela n’aurait jamais changé la donne, ni l’opinion de lui qu’avait pu sa faire sa belle-famille. « De toute façon, je pense que même sans ça, on ne se serait jamais entendu. Caractères incompatibles. » J’haussais alors les épaules, comprenant bien que certains éléments pouvaient vraiment rendre l’entente difficile. Comme des caractères vraiment opposés. Et puis, surtout s’il s’agissait de forts caractères. Et ça, je n’en doutais pas. Milo me l’avait clairement dit, les italiens étaient réputés pour leur caractère… « Mouais… Je crois qu’il y a un moment où il faut cesser de lutter » J’avais beau être assez optimiste et combative, lorsque j’étais face à quelqu’un au caractère si différent et incompatible au mien, je finissais par stopper tous mes efforts. On pouvait d’ailleurs facilement penser de moi que j’avais un sale caractère. En fait, je n’avais un sale caractère que si l’on me cherchait, me provoquait. Sinon, je n’étais pas particulièrement désagréable. Mais je n’étais pas du genre à me laisser marcher sur les pieds, voilà tout. Ce qui pouvait parfois amener des situation assez cocasses…

« Vous ne trouvez pas cela incroyable, parce que c'est à vous que c'est arrivé et que vous avez eus tout le temps de ressasser la scène dans vos pensées. » Peut-être. Après tout, j’avais eu le temps de penser et repenser à toute cette situation, si bien qu’aujourd’hui, j’en parlais avec le sourire, alors qu’à l’époque, j’avais sacrément honte de cela. Et puis, effectivement, comme j’avais eu le temps de ressasser cette scène, elle n’était plus aussi extraordinaire pour moi qu’elle ne pouvait l’être pour lui. Mais il était vrai qu’en soit, ce n’était pas banal de s’adresser, pendant un long moment, à un homme, persuadé qu’il s’agit de quelqu’un d’autre. Surtout que je ne l’avais pas prit pour un homme lambda mais pour un client, donc quelqu’un de friqué faisant appel à mes services simplement pour se pavaner avec moi à son bras. Et donc, pour sûr, il avait du me prendre pour une folle. Voire une fille facile ou ce genre de femmes là. Heureusement, ce n’était pas le genre de personnes à juger rapidement. Et donc, il avait plus prit cela avec humour qu’autre chose. Et tant mieux ! « Peut-être bien… » confiais-je alors dans un vague haussement d’épaules, affichant une moue songeuse. « Vous savez le plus drôle ? C’est que ce type est finalement devenu un ami proche ! » En effet, Joshua n’avait pas été tenté de fuir. Ou, s’il l’avait été, il avait finalement opté pour rester avec moi. Et d’un coup à l’autre, nous avions tout simplement fait connaissance, après qu’il m’ait taquiné sur ce quiproquo.

Bon, certes, le fait que je sois aujourd’hui amie avec l’homme que j’avais prit pour mon client n’était pas hilarant. Pas drôle du tout en fait. Cela pouvait juste prêter à sourire, parce que ce n’était pas banal. Surtout après une telle rencontre. Mais c’était plus une façon de parler, afin de souligner le caractère incongrue de la situation. « C'était avant ou après qu'il tente de vous faire interner ? » Ce fut immédiat. Je lâchais un soudain éclat de rire avant de me pincer les lèvres, lui donnant au passage un léger coup de coude, lui lançant un regard faussement outré. Quelle idée de me dire ça, juste à ce moment là ! Forcément, cela m’avait fait rire. Et je prenais encore sur moi pour ne pas rire davantage et nous faire remarquer. Mais je n’y pouvais rien, le naturel avec lequel il venait de me sortir cela avait eu raison de moi. Pour sûr, je ne m’y attendais pas. Surtout que nous ne nous connaissions pas tant que ça, et donc, par conséquent, il n’était pas certain de ma réaction. « Ohlala, tout de suite… !! » Peut-être aurais-je pu mal le prendre… Mais ce n’était pas mon genre. Pas du tout ! J’étais plutôt bon public et riait facilement. Enfin, du moins, je ne prenais pas souvent la mouche lorsque l’on se foutait – gentiment – de moi. « Pardon, ça m'a échappé ... » Je levais aussitôt les yeux au ciel, secouant doucement la tête. « Oh non, ne vous excusez pas ! Vous arrivez à me faire rire et… c’est plutôt une très bonne chose en ce moment ! J’en ai vraiment besoin… » confiais-je alors, affichant à nouveau un doux sourire. Puis, il n’y avait strictement rien de blessant dans ses propos, alors il n’avait aucune raison de s’excuser. Même si je supposais qu’il faisait effectivement cela par pure politesse car, clairement, il ne semblait pas trop affecté…

« N'empêche que les situations les plus étranges, peuvent parfois nous amener à faire des rencontres réellement intéressantes. » J’acquiesçais alors vivement, pensant forcément à nous. Mais pas seulement.  Même si, de toute évidence, je pensais à nous. Enfin, à la manière dont nos chemins s’étaient croisés. Rien d’étrange en soit. Mais rien de très banal non plus. « C’est tout à fait vrai ! » approuvais-je alors. L’avion fut ensuite victime de quelques turbulences, ce qui provoqua quelques légères secousses. J’avais beau faire ce voyage régulièrement, j’avais du mal à m’habituer à cela. A vrai dire, cela me faisait toujours énormément peur. Ainsi, par reflexe, je vins me cramponner au bras de Milo sans même m’en rendre compte, retenant par la même occasion ma respiration,  le temps que les secousses  cessent. « Désolée… J’ai paniqué… » lâchais-je ensuite, une fois le calme de retour. Je lâchais doucement son bras et me réinstallais dans mon siège. « J’ai jamais été très rassurée en avion… » expliquais-je alors en jetant un bref regard par le hublot, constatant que l’on commençait à se rapprocher du sol. Signe que le voyage touchait à sa fin…

Milo était parvenu à me faire rire, et ça, ce n’était pas rien. Ce n’était pas que j’étais du genre rabat-joie… Bien au contraire ! Mais ces derniers temps, avec les problèmes de santé de ma mère, je n’avais plus vraiment le cœur à rire. Malgré tout, Milo, plutôt que de m’avoir blessée ou vexée, m’avait fait franchement rire. Et je venais de souligner cela. « Très bien. Je prends note alors, si on venait à se retrouver encore une fois sur ce vol. Ce que, dans le fond, je ne vous souhaite pas. » Moi non plus d’ailleurs… Mais cela n’avait strictement rien à voir avec lui. C’était juste que, si nous continuions à prendre ce vol ensemble, cela signifierait qu’il n’y a aucune amélioration, que ce soit dans sa situation ou dans la mienne. Or, ce n’était bien évidemment pas ce que je souhaitais. Pour lui, comme pour moi, il était largement préférable que ces allés et retours cessent le plus tôt possible. Et pour une bonne raison, tant qu’à faire. Certes, cela signifierait aussi la fin de nos échanges. Sauf si nous décidions finalement de nous voir, en dehors de ces simples voyages. Et cela ne me déplairait pas… Je serais même ravie de pouvoir garder un contact avec lui. Parce que, mine de rien, j’avais fini par l’apprécier et m’attacher à lui. Si bien que cela risquait de me faire bizarre de ne plus le voir, sitôt que l’un de nous deux ne serait plus amené à prendre cet avion.

Notre conversation fut peu après perturbée par quelques turbulences assez violentes. Et sous l’effet de surprise – et de panique – je vins finalement m’accrocher au bras de Milo, sans même m’en rendre compte. Simple réflexe. Même si je commençais à être habituée à l’avion, j’avais toujours une pointe de peur à l’idée que quelque chose se passe mal. Ainsi, j’étais tout à fait détendue et à mon aise lorsque le vol se passait sans embûche… Mais dès qu’il y avait quelques perturbations, c’était autre chose. Pourtant, d’habitude, j’arrivais à me contrôler. Enfin, si ces turbulences restaient légères. Mais là, face à la force de celles-ci, j’eus peur. Sans doute car je n’étais pas encore habituée à des perturbations aussi importantes. Bien sûr, je m’étais presque aussitôt excusée d’avoir réagi ainsi et avais lâché son bras, réalisant que j’y étais peut être allé un peu fort. « Je ne m'étais jamais rendu compte. Mais pas d'inquiétude. Ma manche a empêché que vos ongles ne se plantent trop profondément. » Je lui lançais alors un regard faussement réprobateur avant de laisser un léger rire s’échapper, posant tout de même rapidement mon regard sur son bras. « Quoi ? J’y suis réellement allé aussi fort ? En tout cas, j’en suis désolée. C’était plus fort que moi… Je crains toujours dès qu’il y a des perturbations… surtout aussi importantes… » répondis-je alors en rattachant ma ceinture pour l’atterrissage, revenant en même temps peu à peu à la réalité. Encore une fois, ce vol était passé bien trop vite… Et même s’il y avait de fortes chances pour que l’on fasse le retour ensemble, c’était tout aussi probable qu’il s’agisse de l’un de nos derniers voyages. Et je ne pouvais, en un sens, que nous le souhaiter.