C’était la Saint-Valentin et Bonnie n’avait pas eu envie de la passer seule. Ça n’avait jamais été un problème les autres années, elle se fichait même pas mal de cette fête qui ne voulait pas dire grand-chose au final. Mais cette année… C’était terminé avec Lynch depuis peu. Vraiment terminé, elle avait décidé d’y mettre un terme définitif après plusieurs passés à l’attendre. Il était parti en France et il ne semblait pas vouloir revenir. Or, elle ne voulait pas quitter les Etats-Unis et elle n’aimait pas l’impression qu’elle avait de ne plus être une priorité pour lui. Cela ne servait à rien d’insister alors elle avait décidé d’arrêter leur relation.

Pour ce soir, la jeune femme avait invité Pablo. Elle n’avait pas réfléchi avant et elle l’avait fait parce qu’elle en avait eu envie. Ils étaient de nouveau proches comme avant et… elle ne savait pas trop ce que ça voulait dire, ou comment elle se sentait par rapport à ça, elle savait juste qu’elle appréciait et qu’elle ne devait sans doute pas trop se poser de questions. Puis comme Lynch était hors du tableau à présent, son invitation n’était pas déplacée. Enfin, elle imaginait.

Elle n’avait pas cuisiné elle-même, elle ne pouvait pas infliger ça au brun, mais elle avait pris la peine de « décorer » elle-même et elle s’était quand même bien mise en valeur. Mah, c’était la Saint-Valentin, elle pouvait au moins jouer le jeu un peu. Pablo arriva à l’heure qu’ils avaient déterminé et Bonnie l’accueillit tout sourire, allant même jusqu’à l’embrasser sur la joue avant de l’inviter à entrer. « Je suis contente que tu aies accepté de venir tu sais. » Elle était très, très sincère.

Bonnie ne se sentait pas du tout gênée par rapport à son envie d’inviter Pablo pour la Saint-Valentin. Elle avait bien vu la réticence du jeune homme mais ça ne l’inquiétait pas du tout, elle. C’était un jour comme un autre et ça ne voulait rien dire. Heureusement, il avait réussi à retrouver la raison en acceptant son invitation. « Tiens… désolé j’ai été un peu pris au dépourvu, mais c’est tout ce que j’ai trouvé ! » Bonnie attrapa la bouteille qu’il lui tendait et l’examina rapidement avant de reporter son attention sur son ami. « Il ne fallait pas ! Je t’ai invité parce que j’en avais envie, ça me fait plaisir de te voir déjà. Mais c’est bien, il devrait être excellent. On pourra le boire ce soir. » Elle l’invita ensuite à entrer et l’emmena jusqu’au salon. « Je… Désolé de ne pas avoir dit oui tout de suite… Mais je suis content d’être là moi aussi ! » s’excusa-t-il encore et la jeune femme lui lança un regard réprobateur. « Je savais que tu finirais par dire oui de toute façon alors je ne me faisais pas de souci » répondit-elle en relevant légèrement le menton. Elle avait eu raison, une fois de plus. Elle était tellement douée. « Alors, qu’est-ce que tu nous as préparé ? » Bonnie se mit à rire. Il devait savoir qu’elle ne savait pas cuisiner et elle espérait qu’il ne pensait pas sincèrement qu’elle ce soit donné cette peine. Cela n’aurait fait que gâcher leur soirée. « Moi ? Rien. J’ai commandé des plats chez le traiteur, ils sont arrivés peu avant toi. J’espère que tu aimes le homard ? » Elle ne se refusait vraiment rien et de toute façon, elle aurait tort de le faire.

Bonnie n’était pas une bonne cuisinière et ce n’était un secret pour personne. Alors que Pablo ait pu croire un seul instant qu’elle ait pris le risque de cuisiner pour ce soir la dépassait. Elle voulait qu’il reste avec elle, elle ne voulait pas le faire fuir… Elle avait déjà dû batailler pour qu’il vienne ! Surtout qu’elle avait plus d’argent qu’elle ne pourrait jamais en dépenser alors elle aurait été stupide de ne pas en profiter. Sur bien des niveaux elle acceptait de faire confiance aux autres et la cuisine était un de ceux-là. Comme elle aimait ça et qu’elle ne voyait pas pourquoi elle aurait dû se priver, la jeune femme avait commandé du homard chez le traiteur. Il était arrivé peu avant son ami d’ailleurs, alors ils ne devraient pas trop attendre avant de se mettre à table. « Wow, carrément ? T’aurais pas dû ! Enfin… c’est un peu un repas de fête là ! Si j’avais su, j’aurai mis un costume ! » Bonnie fronça les sourcils et haussa les épaules. « Ne dis pas de bêtises, j’en ai les moyens. Et je ne vois aucune raison de m’en priver si j’en ai envie. Quant au costume… » Elle le regarda un instant en souriant. « Je ne doute pas que cela t’aille à ravir mais ce n’était pas non plus nécessaire, tu es très bien comme ça… » Elle attrapa ensuite la bouteille de champagne qui se trouvait sur la table et l’ouvrit. « Champagne ? Et on ne devrait pas trop attendre avant de se mettre à table je pense. » Sans attendre la réponse du jeune homme, elle servit deux coupes. Au pire, elle boirait les deux. « Tout va bien sinon ? »

« Oui ça va, super ! Et toi ? » Bonnie hocha la tête après avoir bu une gorgée de champagne elle aussi. Elle allait bien, vraiment. Mieux en tout cas. Elle n’était pas du genre à se laisser abattre par ses sentiments alors l’histoire avec Lynch ne l’avait pas tellement secouée que ça. C’était tout naturel que ça se finisse comme ça au fond… Leur histoire avait très mal démarré, le parcours avait été chaotique et il ne faisait aucun doute que la fin n’était pas promise à un meilleur avenir. Puis il était temps que ça se termine, elle préférait aller de l’avant plutôt que se morfondre sans cesse. C’était malheureux de le qualifier comme ça, mais elle préférait ne pas s’embarrasser de « poids morts » dans sa vie. « Tu sais, si j’ai hésité à te dire oui, c’est pas parce que j’avais pas envie de venir hein ! C’est juste que… enfin, je sais que Lynch est loin et… je sais pas, je voulais pas t’attirer d’ennui, ou que ça paraisse trop bizarre… » demanda ensuite Pablo alors qu’ils s’étaient enfin installé. Il était évident que le sujet allait venir sur le tapis et elle n’avait pas douté du fait que son geste avait pu le surprendre, notamment par rapport à Lynch. Elle se mit alors à sourire. « C’est fini avec Lynch. » expliqua-t-elle simplement, sans prendre de gants, sans tristesse dans la voix ou le regard. « Ca fait un moment d’ailleurs, je ne te l’ai juste pas dit parce que je ne savais pas si c’était important. » Elle ne savait même pas ce qu’elle voulait par rapport au latino, ils venait tout juste de se retrouver… « Donc tu peux être rassuré. »

La nouvelle fut annoncée sans prendre de gants, sans préparation, sans émotion. Ayant pris elle-même la décision et n’étant pas du genre à se voiler la face, Bonnie ne se sentait pas mal. Elle se sentait bien, comme libérée d’un poids. Elle s’était attendue à ce que la question tombe au cours de la soirée, peut-être pas si vite, mais c’était inévitable. Il était évident que Pablo voulait en savoir plus. Elle l’avait invitée un soir de Saint-Valentin alors qu’elle était supposément en couple avec un homme qui était à l’autre bout de la planète. Cela pouvait prêter à confusion, et si Lynch l’apprenait pensait-il surement, cela pouvait leur apporter des problèmes à tous les deux. Mais ce ne serait pas le cas puisque Lynch ne faisait plus partie du tableau. « Oh… ». La jeune femme ne réussit pas à voir ce que pensait Pablo de cette nouvelle et le vit essayer de sonder son regard à son tour. Il n’y trouverait rien puisqu’elle ne ressentait rien. Ou en tout cas, sans doute pas ce qu’il s’attendait à trouver. « J’suis désolé… Est-ce que… Enfin, ça va ? Tu tiens le coup? » Bonnie haussa les épaules, toujours ce même air indifférent accroché au visage. « Tout va bien oui. » répondit-elle d’un air nonchalant avant d’aller boire une gorgée de champagne. « C’est moi qui ait rompu, pas lui. » Elle tenait à le préciser pour bien montrer qu’il n’avait pas de souci à se faire pour elle, elle allait réellement bien. Mieux, même. « Ne t’en fais pas. » lui assura-t-elle ensuite en souriant. « On commence à manger, tu as faim ? » Elle n’avait plus rien à ajouter sur le sujet Lynch.

Bonnie avait fini par lâcher sa « bombe » : elle et Lynch n’étaient plus ensemble et c’était elle qui avait pris la décision de le quitter. Il était loin, il ne semblait pas prêt de revenir et elle n’était pas prête à l’attendre. Elle avait beau l’aimer, elle ne se voilait pas la face et elle savait qu’ils continuaient comme ça, leur relation allait droit dans le mur. Etonnamment, elle n’était pas aussi triste que ça. Ils s’étaient beaucoup cherchés, avec Lynch. Ils s’étaient tournés autour, ils s’étaient détestés avant de s’aimer et ça avait été… très compliqué. Trop compliqué peut-être. Bonnie aspirait a beaucoup plus de calme et elle cherchait juste… autre chose. Autre chose qu’elle se surprenait à imaginer avec Pablo. Peut-être. Mais comme elle ne savait pas ce qu’il en était pour lui, elle ne savait pas si elle avait envie de faire un pas vers lui. Elle voulait être sûre d’elle et de lui pour ça, elle ne voulait pas risquer d’être blessée encore. Comme elle ne voulait pas penser d’avantage à ça pour le moment, la jeune femme changea de sujet et proposa qu’ils se mettent à table. « C’est toi qui as fait tout ça ? Tu as vraiment sorti le grand jeu ce soir… » La jeune femme revenait tout juste de la cuisine avec leurs assiettes lorsqu’elle entendit le compliment du jeune homme. Après les avoir posées sur la table, elle releva le menton, pas peu fière. « Oui, je ne voulais pas faire les choses à moitié pour toi. Après, j’espère aussi que la nourriture te plaira mais je n’ai pas pris trop de risques alors ça devrait aller de ce côté-là. » Elle sourit puis prit place derrière son assiette. Elle prit ensuite la bouteille que Pablo avait amenée et leur servit deux verres avant de lever le sien pour trinquer. « Bon eh bien… Joyeuse Saint-Valentin Pablo. J’espère que tu passeras une bonne soirée et que tu ne regretteras pas de la passer avec moi parce que c’est très important pour moi… » Elle pinça ensuite les lèvres et porta son verre à sa bouche pour en boire une gorgée. « Oh… Ce vin est excellent ! »

Bonnie et Pablo s’installèrent rapidement à table pour le plus grand bonheur de la jeune femme. Elle adorait le homard et attendre jusqu’ici avait été une véritable torture, sans rien exagérer. Bien sûr, elle n’attendit pas plus pour trinquer, elle avait également envie de gouter au vin, elle savait que Pablo l’avait gâtée comme il le faisait toujours. « Joyeuse Saint-Valentin à toi aussi… Et rassure toi, ma soirée ne pouvait pas être meilleure que celle que je passe avec toi. » Un sourire sincère prit possession du visage de la jeune femme. Il n’aurait pas pu lui faire un meilleur compliment que celui qu’il venait de lui faire. « Je vais tout faire pour que tu ne regrettes pas ce que tu viens de dire. » Elle ne savait pas encore comment elle allait faire mais c’était son objectif en tout cas. Après tout ça… Ils purent enfin manger et Bonnie se sentait au paradis. C’était vraiment la soirée idéale à ses yeux, elle n’en avait pas passées d’aussi agréables depuis longtemps et elle était vraiment reconnaissante envers le jeune homme pour ça. Elle ne manquerait pas de lui faire savoir non plus. « Hm… tu m’as vraiment gâté ! Tu sais, la première fois que j’ai mangé du homard, c’était avec toi… et je crois que je ne m’en lasserai jamais ! » La jeune femme hocha la tête tout en riant légèrement. Elle était flattée, vraiment. Elle continua de manger et remarqua au bout d’un moment que Pablo la fixait. Leurs regards restèrent accrochés l’un à l’autre et elle en fut troublée. Néanmoins, elle ne se détourna que lorsqu’elle vit Pablo faire de même, comme si elle avait été un peu trop brusquement ramenée à la réalité. Elle ne savait pas comment interpréter ça, en même temps elle ne savait pas comment interpréter ce qu’était devenue leur relation. C’était un peu étrange. Etrange mais tout de même agréable et également un peu effrayant. Elle s’efforçait de ne pas trop y penser en général et elle garda le silence jusqu’à la fin du repas. « Alors, tu as aimé ? » demanda-t-elle tout en posant ses couverts dans son assiette.

Bonnie était franchement satisfaite de sa soirée jusqu’ici. Ils venaient de terminer le repas et apparemment, tout avait plu à Pablo. C’était ce dont elle avait eu le plus peur, que rien ne lui plaisait, qu’elle n’ait rien fait comme il le fallait. Il y avait bien cette gêne, ou elle ne savait pas trop comment qualifier ça mais c’était un peu étrange par moment. C’était sans doute logique étant donné les circonstances et leur relation mais ça n’avait en rien gâché sa soirée. Maintenant qu’ils avaient fini de manger, elle ne voulait pas que le jeune homme s’en aille tout de suite mais elle ne savait pas quelle excuse elle pourrait bien trouver pour le retenir. Heureusement, il ne semblait pas vouloir partir non plus puisqu’il proposa de faire la vaisselle. Bonnie dut se retenir de lui dire qu’il n’avait pas besoin de le faire comme quelqu’un le faisait à sa place en général mais elle n’allait pas lui dire de partir alors qu’elle voulait qu’il reste. Elle le regarda débarrasser les assiettes et le suivit à la cuisine en silence avec le reste des couverts. Elle secoua même la tête en le voyant faire, elle appréciait le fait qu’il fasse ça juste pour rester avec elle – parce que c’était ce qu’elle avait choisi de croire. Puis, sans prévenir, Pablo vint déposer une pointe de mousse sur le bout de son nez. Ce n’était rien en soit, pas une attaque ni rien, mais Bonnie le vit comme ça et, après l’avoir regardé pendant un long moment d’un air choqué, plongea à son tour la main dans la mousse et en étala une grande trainée sur sa joue. Elle le regarda ensuite d’un air innocent et haussa les épaules comme si de rien n’était en s’écartant. « Tu n’avais pas à faire ça tu sais. La vaisselle. J’ai un lave-vaisselle tu sais. » Un sourire moqueur étira ses lèvres : « Mais c’est cute que tu aies cherché une excuse pour rester plus longtemps. »

Pablo avait absolument tenu à faire la vaisselle quand bien même il n'y était pas obligé. Bonnie avait un lave-vaisselle et elle avait quelqu’un qui s’occupe du ménage et de tout ce qu’elle n’avait pas le temps de faire elle-même. Cette insistance l’avait amenée à penser qu’il avait juste eu besoin d’une excuse pour rester avec elle et ça tombait à point nommé parce qu’elle n’avait pas réussi à en trouver une de son côté. « Une excuse hein ? Tu crois que j’ai cherché une excuse ? » Bonnie haussa les épaules, son sourire moqueur toujours accroché au visage. « C’est ce que je crois, oui. Ça me parait même plutôt évident. » Elle était tellement merveilleuse que toute personne sensée devait vouloir passer le plus de temps possible avec elle – même si en réalité les gens la fuyaient plus qu’autre chose. Il allait devoir se montrer très, très convaincant s’il voulait qu’elle le croie. La jeune femme vit ensuite une lueur étrange briller dans les yeux de son amie. Etrange et inquiétante qui lui disait qu’elle ferait mieux de fuir mais elle n’eut pas le temps de réagir qu’il l’éclaboussait à nouveau. Voilà même qu’il la tenait par le bras pour qu’elle ne fuie pas. C’était un nouvel affront qu’elle n’allait pas laisser impuni. Elle s’empara d’un verre, le remplit et se colla contre Pablo pour lui en verser le contenu dans le dos et sur la tête. Elle s’écarta ensuite légèrement et afficha un nouvel air innocent, se mordant même la lèvre pour l’amadouer et éviter sa colère.

La séance de vaisselle s’était très vite transformée en tout autre chose. Bonnie et Pablo n’étaient visiblement pas capables de rester sérieux lorsqu’ils étaient tous les deux. Enfin, il s’agissait sans doute de leurs nerfs qui lâchaient un peu après tout ce qu’ils avaient vécu ces derniers temps. Toujours est-il que ce soir ils étaient plus que détendus – ou du moins en apparence, parce que la jeune femme était un peu nerveuse quant à la situation et à ce qu’il se passait entre elle et le latino – et qu’ils étaient loin de faire la vaisselle. Ou plutôt, ils la faisaient tout en faisant une mini-bataille d’eau dans sa cuisine. Ça avait au moins le mérite de détendre l’atmosphère… et de les rapprocher aussi. Bonnie se retrouvait en effet coincée entre Pablo et le plan de travail suite à une riposte du jeune homme. Elle l’avait bien cherché bien sûr, mais ils n’avaient jamais été aussi proches et elle ne savait pas vraiment comment elle se sentait par rapport à tout ça. Et c’était visiblement le cas de Pablo aussi puisqu’il ne réussit à aller jusqu’au bout en l’arrosant à son tour. Il avait suffi que leurs regards se croisent pour qu’ils se retrouvent tous les deux dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit. Elle avait le cœur qui battait encore plus vite qu’avant et le souffle court. C’était étrange et elle n’avait pas ressenti ça depuis un moment. Enfin, il y avait rien eu cette nuit à l’hôtel mais rien ne s’était passé. En revanche, cette fois… Elle n’était pas tout à fait sûre. Disons qu’une partie d’elle avait envie de l’embrasser là, comme ça, sans se soucier de ce que cela impliquait et qu’une autre se retenait de bouger. Elle se livrait à une véritable lutte intérieure tandis qu’elle approchait doucement son visage de celui de son ami. Elle vint si près qu’elle pouvait sentir son souffle contre sa peau et qu’elle n’avait plus que ses lèvres dans son champ de vision. Elle resta bloquée un long moment avant de soupirer au dernier moment. « Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée… » murmura-t-elle sans pour autant se reculer. Elle luttait toujours intérieurement en fait et se giflait mentalement mais au fond, ce n’était vraiment pas bon qu’ils s’embrassent ce soir.