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Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada...

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MessageSujet: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMer 26 Nov - 0:01

Ebba + Ambroise
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Il n’y avait pas de musique. Il n’y avait jamais de musique, finalement. Les répétitions se faisaient toujours au son de la canne percutant le sol, rythmée par les « Oдин ! Два ! Tри ! Четыре ! Пять ! ШестЬ ! Cемь ! Bосемь !! » Adin, Dva, Tri, Tchityri, Pyar’, Chest’, Sem’, Vossem’. Jamais Dievit’, le compte s’arrêtait toujours à huit. L’allure frêle et pourtant la voix forte, impérieuse et autoritaire de la maîtresse de ballet. Il n’y avait que sa voix, emplissant le vaste espace de la grande salle. Sa voix, et nos pointes et chaussons, tapant contre le sol à chaque saut. À ras du parquet, les jambes en grand écart frontal, les coudes dans le sol, et le menton dans mes paumes, j’observais la soliste reprendre et reprendre encore ce même porté plusieurs fois de suite. Pour un oeil non avertit, son premier essai, une trentaine de minutes plus tôt, aurait semblé parfait, mais pour moi, pour nous tous, pour la septuagénaire russe distillant ses ordres, la position du bras n’était pas correcte, son cambré pas assez marqué, et son fouetté manquait de précision. Et pendant que la danseuse s’évertuait à friser la perfection, nous autres, corps de ballet, nous patientions. Certains poursuivaient l’échauffement dans un coin de la scène, d’autres discutaient à voix basse pour ne pas déranger la matrone. Mais le gros du groupe faisait comme moi, installés dans d’improbables et pourtant très confortables -pour nous- positions, nous observions avec attention depuis le fond de scène. Il fallu encore dix bonnes minutes avant que le « Xорошо ! » ne sorte des lèvres de la vieille femme, et un soupir de soulagement de celles de la jeune danseuse. « Alinovitch, Iouriev ! En position ! » annonça la maîtresse en tapant dans ses mains. Et en russe. Nous étions dans le David H. Koch Theater, en plein centre du Lincoln Center, lui-même situé en plein New-York, nous appartenions tous à l’American Ballet Theater, et pourtant... Pourtant, chaque ordre était donné en russe. À croire que notre ethnie était la seule à savoir danser. Me relevant, je réajustais mon justaucorps et le large pantalon d’entrainement qui me tombait juste en dessous du genou, dévoilant mollets et pieds enfoncés dans d’épaisses guêtres de laine. J’ôtais le tout, découvrant mes pointes, que je tapotais l’une après l’autre contre le parquet. Vadim me rejoignit rapidement au centre du plateau, avant que nous ne nous accordions quelques secondes pour nous remémorer les enchainements, en les mimant grossièrement. « Tри ! Четыре ! » tonna la vieille russe en tapant le sol de sa canne au pommeau d’ivoire. Alors, je m’empressais d’attraper le tambourin avant de m’élancer pour la série de portés qu’elle nous obligea à recommencer une bonne douzaine de fois. « Plus haut, Vadim ! Plus haut ! », « En équerre, ton bras, Ebba ! », « Tends ta jambe ! Tends-la bien ! », « Tiens ta pointe ! » rythmèrent nos efforts. Et nous enchainions, sans perdre le sourire, sans nous lasser, tandis qu’elle nous hurlait dessus comme elle l’avait toujours fait, depuis des millénaires, sur des générations et générations d’incroyables danseurs. Au bout de la douzième fois, lorsque Vadim me reposa, essoufflée et échevelée au sol, elle frappait dans ses mains pour annoncer la pause. Une pause salvatrice, qui sembla provoquer un regain d’énergie chez mes collègues qui se relevèrent tous d’un seul et même mouvement, du moins, avant que la matrone n’ajoute : « Mais avant ça, que diriez-vous de laisser Alinovitch nous faire une démonstration de variations ? » Et tout le monde se réinstalla dans un chuchoti appréciateur. « Natalia ! Ton jupon pour Alinovitch ! Vadim ! Don Quixote, les varations de Kitri ! Ebba, en position ! » A la hâte, pour ne surtout pas faire perdre de temps à qui que ce soit, je me délestais de mon pantalon pour revêtir le jupon de Natalia, tandis que Vadim lançait la bande son appropriée. Kitri, je connaissais par coeur. Pas besoin de répétition, j’enchainais les mouvements sur la musique entrainante, remontant la haie d’honneur improvisée par les autres danseurs, avant de la redescendre en variations fluides, droites, rythmées, légères... Parfaites, auraient dit certains. Je n’aurais jamais été jusque là, mais mes variations étaient jolies, simplement parce que je savais tourner sans jamais perdre mon équilibre ou la conscience de ma boussole interne. C’était ma spécificité. Ça, et la hauteur de mes sauts. C’est pourquoi ces variations, celles de Kitri, figuraient au programme que je présenterais au jury pour ma nomination de soliste. La matrone le savait, elle me faisait travailler chaque soir en vue de cette audition. « Bien ! Rompez ! » annonça-t-elle lorsque j’eus fini. Reprenant mon souffle, j’observais un employé du théâtre s’approcher de la septuagénaire pour lui transmettre une information à voix basse. En me redressant, je suivais leurs regards jusqu’à la forme installée dans un fauteuil du dixième rang. Une forme se dépliant pour se révéler immense dans la contre-allée menant à la scène. Je dus plisser les yeux et fournir un effort de concentration afin de distinguer l’homme dans la semi-pénombre de la salle, en total contraste avec la clarté artificielle de la scène sous projecteur. « Qui c’est ? » j’entendais murmurer dans mon dos. « Encore un crétin du City Ballet ? Quand vont-ils comprendre que l’espionnage industriel n’a aucun sens dans le milieu de la danse ? » Un danseur ? Non. Moi je venais de le reconnaître, et un sourire incontrôlable se répandit sur mes traits, tandis que je rejoignais le bord de la scène, comme pour aller à sa rencontre. « Oooouh ! Ebba a un admirateur ! » « Un sugar daddy ? Faut au moins ça pour qu’on l’ait autorisé à rentrer. » « Un sugar daddy ?! On parle d’Ebba, là. C’est toi la plus vénale du groupe, ma chérie. Et puis, il est trop jeune... » « Vous croyez qu’il est gay ? » « Il est gay. » « A t’entendre, Vadim, tout le monde est gay. » « C’est parce que je suis irrésistible. » « Ebbaaaa ! C’est quiiiiiii ? » Cria Natalia à mon intention, mettant un terme aux commérages dans mon dos. Je l’entendis à peine, tant j’étais concentrée sur l’improbable présence qui s’approchait. « Ebbaaaa ! » insista-t-elle alors que je m’apprêtais à sauter de scène. Assise sur le rebord, je me tournais vers elle, marquant un temps d’arrêt pour me refaire la bande à l’envers et me rappeler sa question. Qui c’était ? Bonne question. Ne souhaitant pas entrer dans les détails étranges de ma situation familiale, je me contentais d’un simple « Mon frère. » dans un haussement d’épaules, avant de disparaitre de son champ de vision. Je souriais toujours en avançant, à sa rencontre, dans l’allée. Et je souriais encore lorsque je m’immobilisais à moins d’un mètre de lui. Ok, j’étais supposée faire quoi maintenant ? En famille, on se devait d’être affectueux, non ? En Russie, on se saluait d’un baiser sur la bouche. En France, d’une bise sur la joue. En Amérique, d’une étreinte chaleureuse. En Suède, aucune idée. Et nous ? Nous, on faisait quoi ? Dans le doute, j'élevais maladroitement une main, que je secouais bêtement, avant de souffler un timide « Salut... » tout aussi hésitant. Y avait plus mémorable comme accueil. Ridicule.

check out : kitri variation
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMer 26 Nov - 19:29

Ebba + Ambroise
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« Comment ça tu ne peux pas venir avec moi ? Où est-ce que tu vas d'abord ? » C'était toujours la même chose avec elle, du moment qu'on lui refusait notre pleine et entière attention, elle se braquait et redevenait l'irritable gamine de sept ans qu'elle était autrefois, au bord du caprice et de la crise de nerf. Avec Solanà c'était toujours ainsi. Exigeant de savoir où je me trouvais, avec qui et ce que j'allais faire. Ce qui était mignon quand elle avait sept ans, l'était désormais moins à vingt-quatre. Et cette constante attente d'attention avait atteint un nouveau paroxysme depuis que nous n'étions plus trois mais quatre enfants Alinovitch. L'arrivée d'Ebba l'avait rendu ... Jalouse, possessive et caractérielle ? Plus que d'ordinaire cela s'entends, elle était invivable, ingérable. Même pour moi, son jumeau. Elle était pire que l'inquisition espagnole. Mais c'était en partie notre faute, nous ne lui avions jamais fixé de limites quand nous étions gosse. Moi parce qu'elle compensait mes silences et occupait suffisamment l'attention pour la détourner de moi, Nastazià quant à elle avait trop à faire avec notre Mère et sa tyrannie de top model avant d'être bouté hors de Russie par la dite génitrice. Quoi qu'il en soit, l'attitude de ma soeur commençait grandement à m'épuiser. Les explosions de jalousie et de paranoïa quotidiennes finissaient par devenir lassantes, à un point tel que je priais pour qu'elle parte quelques semaines pour un projet mode quelconque, afin d'avoir un temps la paix. Ce qui était source d'une profonde culpabilité en moi. C'était ma sœur, ma jumelle, ma moitié, je n'aurai pas du ressentir cela à son égard, plutôt au sujet de cette nouvelle sœur récemment découverte. Mais Ebba était tout ce que Solanà n'était pas, plus proche de moi que ma jumelle du point de vue du caractère. Discrète, ayant peur de dérangée, calme, elle ne criait pas, ne gesticulait pas dans tous les sens, elle ne demandait rien de moi. Contrairement à Solanà qui nécessitait mon attention constante depuis l'arrivée de notre soeur dans notre vie comme si elle avait peur qu’on l’oublie, qu’on la délaisse. Mais c’était son hostilité affichée pour la fille de notre père qui l’éloignait de nous et l’excluait des fragments de vie qu’on passait avec elle. Sans nous concerter Nastazià et moi prenions soins d’Ebba, la protégeant d’une sœur qui ne désirait pas accepter son existence. Pour le moment. « Je ne peux pas bouleverser mes projets, ma vie pour t’accompagner trois semaines en Asie, tu le sais bien, j’ai des responsabilités ici, moi aussi. » La désinvolture avec laquelle elle traitait parfois ma vie, mes occupations me révoltait parfois, ce qui ne m’empêchait pas de l’aimer et de comprendre que son despotisme, son égoïsme n’était qu’une preuve du lien qui nous attachait l’un à l’autre. Mais je ne pouvais pas tout plaquer comme ça, encore moins en ce moment, si le contrat de Nastazià suffisait à nous faire vivre tous, je préférais me débrouiller seul et aider à l’entretien de notre tribut. J’avais des contrats, des examens universitaires dont elles ignoraient tout et plus encore ... Je ne voulais pas laisser mes deux sœurs derrière moi et céder à un caprice de Solanà, une fois encore. Car il s’agissait d’un caprice, elle avait accepté ce contrat car il l’éloignerait de NYC et moi avec. Je lisais en elle. Elle ne voulait pas que l’un de nous s’attache à Ebba. Moi plus qu’un autre. Elle jeta rageusement sa valise contre moi sur le matelas, meurtrissant mes côtes. Encore une sale habitude. « Tu serais venu autrefois. » Cracha-t-elle rageusement. Un silence flotta entre nous, plein du prénom de notre sœur. Le reproche et la peur perceptible dans la voix de ma jumelle. Je me redressais, posant le livre que je lisais avant qu’elle ne surgisse des projets pleins la bouche et l’attirait contre moi. Autant pour apaiser sa colère que pour éviter de prendre encore un coup de valise dans le ventre. Cela fonctionnait toujours. Lorsqu’elle était agitée quand nous étions nourrisson, Lucie avait l’habitude de me déposer près d’elle dans son berceau, elle se calmait alors instantanément. Cela prenait plus de temps aujourd’hui mais cela fonctionnait toujours. « Tout le monde ne peux pas se plier à tes désirs сестренка*, moi encore moins. Cesse d’avoir peur, personne te remplacera dans mon cœur, tu es mon родственная душа**. Ma moitié. Ca ne changera pas. Tu n’as pas besoin de moi en Asie, et j’ai besoin d’être ici, pour Nastazià et Marilys. J’ai des engagements. Je les tiendrais. Arrête de tout gâcher avant ton départ, si on profitait d’un moment tous les deux avant que ton taxi arrive, plutôt ? »

(...)

Elle était magnifique. Presque irréelle par tant de grâce et de maîtrise. Me glisser dans la salle de répétition ne m’avais rien coûté, ou presque. Un sourire, une explication alambiquée sur ma venue à une ouvreuse un peu trop charmée par mes traits d’éphèbe et mon accent russe et la porte avait été ouverte. Je m’étais glissé dans la salle en silence, aussi discret qu’un chat, craignant d’interrompre, de déranger, de ne pas être à ma place. L’ouvreuse m’avait prévenue qu’elle devrait signaler ma présence à la directrice du corps de ballet une fois la répétition achevée. J’avais acquiescé sans y prêter importance, je n’avais pas a caché ma présence, je n’avais pas honte d’Ebba ou du lien qui nous unissait. Elle était ma sœur. Une sœur avec qui j’avais 23 années à rattraper. Le soir où elle était venue chez nous, tout nous dire, elle avait refusé de boire quelque chose de sucré ou d’alcoolisé, en elle j’avais retrouvé la maîtrise et le calme qui m’habitait d’ordinaire. Elle se dévouait à son art, corps et âme. Cela m’avait intrigué. Je voulais la voir danser. Je voulais voir ce talent qui était sien. Si différent de la voie que nous avions tous suivie. Elle était magnifique. Je ne pouvais détacher mes yeux de sa silhouette, son sourire ne faiblissait jamais, elle recommençait, encore et encore, tentant d’atteindre la perfection, corrigeant d’infimes défauts qu’un amateur ne saurait voir. Par perfectionnisme, par respect pour son professeur, pour son art. Elle était superbe. Ma main voltait sur le carnet posé sur mes genoux, dessinant sans que j’y prête attention des petits croquis de ses mouvements, tentant de reproduire sa grâce, de la figée sur le papier. Les chiffres, martelés en russe, le froissement des jupons, le claquement sec des pointes sur les lattes de bois. Puis elle avait dansé, seule. Féérique, transfigurée par un rôle qui était si éloignée de la jeune fille que j’avais rencontré. Exubérante, insouciante, mutine. Elle donnait vie à un personnage, de la pointe de ses chaussons, par ses fouettés énergiques. C’était ma petite sœur qui était ainsi admirée par le reste du corps de ballet. Ma sœur. Alors que la directrice ordonnait la fin de la répétition je m’aperçus de la présence sur scène de l’ouvreuse qui m’avait fait entrer dans le saint des saints. C’était le moment de vérité. Ma présence embarrasserait-elle Ebba ? Étais-je à ma place ici, avec elle ? Je m’extirpais de mon fauteuil dépliant ma carcasse de mannequin pour m’avancer vers la scène, la fixant de mes yeux clairs.

« Qui c’est ? » « Encore un crétin du City Ballet ? Quand vont-ils comprendre que l’espionnage industriel n’a aucun sens dans le milieu de la danse ? » « Oooouh ! Ebba a un admirateur ! » « Un sugar daddy ? Faut au moins ça pour qu’on l’ait autorisé à rentrer. » « Un sugar daddy ?! On parle d’Ebba, là. C’est toi la plus vénale du groupe, ma chérie. Et puis, il est trop jeune... » « Vous croyez qu’il est gay ? » « Il est gay. » « A t’entendre, Vadim, tout le monde est gay. » « C’est parce que je suis irrésistible. » « Ebbaaaa ! C’est quiiiiiii ? » « Ebbaaaa ! » Le brouhaha soulevé par ma présence m’aurais fait sourire d’ordinaire mais je ne la quittais pas des yeux. Je vis le moment où elle reconnut ma silhouette dans la pénombre et le sourire qu’elle m’adressa, joyeux, sincère, me confirma que j’avais bien fait de venir la trouver ici. « Mon frère. » Je souris à mon tour, m’avançant, voulant l’aider à descendre de la scène, mais elle n’avait pas besoin de moi pour ça. Elle était déjà devant moi. Hésitante. Comment saluait-on son demi-frère nouvellement présenté ? « Salut... » Mon sourire s’accentua, elle m’était si familière, aussi hésitante, réservée que moi. Tellement différente de nos sœurs. Nous étions comme deux empotés, le regard des danseurs rivésés sur nous, leurs chuchotements, on aurait pu croire qu’en tant que model cela ne me dérangerait pas d’être ainsi scruté mais ce qui se passait là ... était intime. Personnel.   « Привет! » Je passais naturellement en russe lorsque j’étais nerveux ou intimidé. Et si je faisais un faux pas. Si finalement nous ne nous apprécions pas ? Si je n’arrivais pas à être le frère dont elle revait peut être ? Je fis taire mes doutes, me penchant pour la serrer une seconde contre moi. Avant de la relâcher doucement. « Je ne voulais pas te déranger ... Je voulais ... te voir danser. » Avouai-je avec un sourire penaud. « C’était ... Tu étais ... Magique. » Il y avait de la fierté dans ma voix. « Vous n’avez pas souvent de visiteurs, je parie. » J’avançais en désignant la troupe toujours amassée sur scène à nous dévisager.

* petite-sœur
** âme-soeur
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Dernière édition par D. Ambroise Alinovitch le Dim 30 Nov - 11:14, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMer 26 Nov - 23:46

Ebba + Ambroise
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Le brouhaha dans mon dos n’avait rien d’inhabituel, le corps de ballet étant comme un essaim dont chaque individu se devait de tout savoir des autres. Un étranger au sein de notre ruche, c’était une information qui leur fallait avoir. Et cette information, j’étais la seule à la détenir. Pour le prouver, mes jambes s’activant toutes seules, m’enjoignant à rejoindre le bord de la scène, et sauter du plateau pour couvrir la maigre distance me séparant de l’étranger. Natalia fut la plus directe. Natalia était toujours la plus directe, la plus adulte et détachée. Et ce fut à elle que je répondis en offrant cette information qui sembla les surprendre. Je ne parlais pas de moi, ou rarement, et force était de constater que d’aucun n’avait fait le rapprochement entre mon nom de famille et celui de ces visages et corps placardés dans tout NY. J'exagérais à peine, et si on ne me croyait pas, il suffisait d’aller faire un tour chez H&M. J’hasardais un ‘salut’ qu’il me renvoya en russe, tout autant maladroit. C’était comme deux enfants dans la cour de récré, le garçon demandant à la fille si elle voulait bien être son amoureuse, la fille répondant que oui, et... Après ? Il y avait ce même moment de flottement, où les membres ballants contre nos flancs, nous nous observions sans trop savoir quoi faire. Comme cette petite fille dans cette cour, je savais poser une étiquette sur le garçon en face de moi, ‘frère’, mais je ne savais pas ce qu’on était censé faire avec un frère. C’était pas comme si on avait été élevé ensemble et qu’une forme d’intimité était venue naturellement. Je venais de le rencontrer, je venais de lui apprendre que son père avait trompé sa mère alors qu’elle était enceinte. J’étais pas vraiment une soeur, ni même réellement une demi-soeur. J’étais une bombe venant d’exploser tout ce qu’ils croyaient savoir jusque là. Et, par-dessus tout, j’étais une étrangère. Aussi, lorsqu’il se pencha pour me serrer brièvement entre ses bras, j’émis un petit « Oh... » de surprise, sans même penser à lui rendre son étreinte. Néanmoins, mon sourire ne fit que s’élargir davantage, consciente que je venais d’obtenir une réponse à mes nombreuses questions. « Je ne voulais pas te déranger ... Je voulais ... te voir danser. » Et voilà que j’en obtenais une autre. Et je secouais la tête pour le détromper. Non, il ne me dérangeait pas du tout, au contraire. J’aurais pu le lui dire à voix haute si je n’avais pas eu peur de l’interrompre. C’était stupide, puisqu’il avait clairement achevé sa phrase, mais... Je me sentais idiote, gauche. Et surtout surprise. Agréablement surprise, mais trop surprise pour parler. « C’était ... Tu étais ... Magique. » et me voilà gênée. « C’était pas grand chose. » je répondais, dans un murmure, tapotant doucement de ma pointe contre le parquet de la salle, les yeux rivés sur celle-ci, comme une enfant timide. « C’est pas de la magie, c’est Voganova, mon garçon. » ponctua la septuagénaire dont j’avais presque oublié la présence, et que je m’employais à observer par-dessus mon épaule. « Prenez-en de la graine, vous autres avec vos formations occidentales de fainéants ! » Le port altier, la démarche grâcieuse, elle quittait son coin de scène pour rejoindre l’essaim et les chasser de coups de canne fouettant l’air. « Déguerpissez ! Zou ! Sinon j’en déduirais que vous ne voulez pas de cette pause et la remplacerait par des exercices à la barre ! » Et elle ne plaisantait pas. Ils le savaient tous. C’est pourquoi ils s’empressèrent de trotter jusqu’à la limite scène/plateau, pour bientôt disparaître de notre vue. « Vous n’avez pas souvent de visiteurs, je parie. » Il évoquait, évidemment, la troupe disparaissant après l’avoir ausculté sans gêne depuis sa découverte. « Seulement des professionnels. Parfois les techniciens du théâtre, des producteurs. Mais rarement des non-danseurs. T’es exotique, pour eux. » je répondais dans un haussement d’épaules, avant de me retourner vers lui. On travaillait tellement, et depuis la prime enfance, rares étaient nos contacts en dehors du monde de la danse. Les danseuses épousaient des danseurs, souvent leur partenaire, d’ailleurs, les gays se fournissaient dans les autres compagnies, les familles se trouvaient loin, très loin, tant et si bien que notre vie se résumait à ça : la danse et son univers. « Viens ! Je suis sûre que tu n’es jamais monté sur scène ! » je m'enthousiasmais, brusquement, l’attrapant par la main pour l’attirer vers cet escalier donnant sur la scène. Je n’avais rien oublié de ma gêne ou de ma timidité, j’étais simplement transporté par cet univers, mon univers, que j’adorais, par sa présence en ces lieux, sa démarche de venir pour moi, et la joie pure d’avoir tout à lui montrer, tout à partager. Malgré ma drôle de démarche due à mes pointes, je me déplaçais sans mal, le précédant sur cette scène, avant de lâcher sa main en lui désignant la salle. Qu’il profite, rares étaient ceux qui avaient eu la chance et l’honneur de se trouver ici, face à ces mêmes sièges. « C’est beau, hein ? » j’entonnais joyeusement avec cette furieuse impression de déjà-vu. J’avais déjà vécu cette situation ? Ha oui. Le souvenir m’en fit légèrement rosir les joues. « Viens ! » j’ajoutais, à nouveau, lui laissant à peine le temps d’admirer la vue de la scène, avant de récupérer sa main pour l’entrainer ailleurs, toujours avec ce même entrain enfantin. Deux minutes plus tard, on se trouvait au même emplacement, mais quatorze mètres plus haut, dans les cintres. Je l’avais tracté jusqu’à l’ascenseur des techniciens pour l’emmener vers les cieux, ces innombrables passerelles étroites qui traversaient la scène, permettant de faire monter et descendre les décors, les lumières, et parfois les danseurs eux-mêmes. Je l’avais abandonné sur le seuil de la passerelle, et après en avoir rejoins le milieu, et m’être assise, les deux jambes ballottant dans le vide, je relevais le nez vers lui, mes bras repliés sur l’un des barreaux en acier de la rambarde. « C’est mon endroit préféré... » je chuchotais pour ne pas troubler le silence, le calme, la sérénité de ces cieux très particuliers. Mes cieux.

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptySam 6 Déc - 22:08

Ebba + Ambroise
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J’avais toujours su comment être avec mes sœurs avec Solanà c’était facile, nous étions intimement liés après avoir partagé neuf mois l’espace dans le ventre de notre père. Nous avions même eu du mal à nous séparer après la naissance, ne dormant bien qu’en présence tactile de l’autre. Pour Nastazià j’avais été un petit frère mais surtout une épaule sur laquelle s’ancrer, un élément solide dans son univers, une constante. Je savais comment la rassurer, comment m’occuper d’elle et de sa fille, de ses filles. C’était les épreuves qui nous avaient soudées durablement.  Je savais quelle attitude adopter avec elles, comment leur dire bonjour, à quel moment garder le silence, quand il fallait que je les prenne contre moi. C’était aussi naturel que de respirer. Se découvrir une sœur plus jeune, à vingt-quatre ans c’était assez brutal, et être une troisième fois un frère, déstabilisant. Même si j’avais aussitôt reconnue en elle quelque chose que je portais également. Elle était venue à nous par crainte d’être exposée dans les journaux, par crainte d’avoir été démasquée. Elle ne cherchait pas une famille, seulement à protéger son histoire. Tout du moins c’était ce que j’avais cru, avant qu’elle ne refuse cet argent pour un simple taxi. Là j’avais compris qu’elle était des nôtres. Durablement elle aussi. Ma sœur. Si dissemblable de deux qui m’avaient accompagnée toute ma vie mais si semblable à moi-même. Je me reconnaissais dans ses silences, dans ses moments de gêne aussi, dans sa douceur. Et je la comprenais, peut-être pas encore aussi intimement que Solanà ou Nastazià, mais je la comprenais. J’avais aussi découvert une facette d’elle-même que je n’avais fait que soupçonner, la passion, la vie bouillant en elle. Sa grâce. « C’était pas grand-chose. » Si ça l’était, elle avait réchauffé mon cœur, enflammé mon âme par ses mouvements, par sa fougue. Elle était une autre, une Kitri l’instant précédent, Ebba de nouveau celui d’après. Et les applaudissements de la troupe étaient une preuve de son talent. Elle était gênée par mes compliments, une attitude que je ne connaissais pas chez mes sœurs, la modestie. « C’est pas de la magie, c’est Voganova, mon garçon. Prenez-en de la graine, vous autres avec vos formations occidentales de fainéants ! Déguerpissez ! Zou ! Sinon j’en déduirais que vous ne voulez pas de cette pause et la remplacerait par des exercices à la barre ! » Je remerciais la septuagénaire d’un gracieux hochement de tête, pour l’intimité qu’elle nous offrait, pour comprendre que cela était important pour eux. J’avais grandi entouré de russe autoritaire et exigeant, je savais que le temps offert à Ebba par sa chorégraphe était le fruit d’un bon travail, une récompense pour sa performance. Je n’avais pas voulu m’immiscer dans la répétition et la déranger en plein travail. Si sur un shooting une interruption ne m’aurait que trop plus, Ebba avait choisi son métier par passion et l’interrompre m’aurait mis mal à l’aise. Il n’en était que plus heureux de constater que la maîtresse des lieux leur accordait un moment ensemble. « Seulement des professionnels. Parfois les techniciens du théâtre, des producteurs. Mais rarement des non-danseurs. T’es exotique, pour eux. » Je souriais, l’ironie de ses propos m’amusait, en tant que Russe, je ne devais pourtant pas être plus exotique qu’elle ou que sa chorégraphe mais je comprenais l’essentiel, peu arrivaient à se glisser ici sans un laisser-passer de « membre ». Un peu comme dans les clubs VIP qu’aimait Solanà.  « Viens ! Je suis sûre que tu n’es jamais monté sur scène ! C’est beau, hein ? Viens ! » Je ris de son exubérance, la laissant me tracter derrière elle, surprenant ce qu’un petit bout de femme pouvait avoir comme force. A dire vrai j’étais déjà montée sur une scène, pour un shooting mais jamais avec un guide aussi enthousiaste. J’avais bien fait de venir ici, mes doutes étaient brusquement effacés par sa joie de vivre. Elle était heureuse que je sois venue ici, la voir elle, seule. L’admirer, l’encourager aussi, comme le ferait un membre d’une vraie famille. Elle était ma sœur désormais. Elle ferait partie de ma vie à jamais comme ma jumelle et mon aînée. Je me laissais entrainer vers d’autres cieux, les siens. Perchés dans les cintres, quelques mètres plus haut, avec elle comme seul garde-fou. Gracile et fragile assise en suspension dans l’air. « C’est mon endroit préféré... » Prudemment je vins m’asseoir près d’elle, laissant mes longues jambes pendre dans le vide, appréciant le calme et le silence des lieux. « C’est agréable... Ce silence. Le calme après la tempête. » Je souris en tournant le regard vers elle. « La bibliothèque municipale. C’est mon endroit préféré dans cette ville. Le silence, des livres et le monde qu’ils permettent de découvrir. » Je lui confiais dans un murmure. « Nastazià préférait surement le parc avec Marillys et Solanà un club bondé. Mon je préfère le silence d’une bibliothèque et les opportunités contenus dans chaque page. » Je parlais rarement de moi de cette façon. De ce qui me passionnait vraiment. Le mannequinat n’était qu’un moyen de vivre décemment, en étant proche de ma famille. Une façon aussi de justifier l’arrêt de mes études, d’y trouver là une cause juste à ce sacrifice qu’avait été mon départ du pensionnat. Les livres compensaient ce que je n’avais pu apprendre sur les bancs de l’université ou dans une institution privée catholique.   « Je ressens l’âme de ce lieu ici. On s’attendrait presque à voir apparaitre des fantômes d’illustres danseurs sous nos pieds. » Soupirai-je en regardant un bas. Je comprenais qu’elle aimait cet endroit. Il était insolite, paisible et ne se révélait qu’à ceux qui le recherchait. Un peu à l’image d’Ebba. « J’ai vu Svetlana Zakharova danser une fois, avec ma mère, j’étais encore un gamin mais je me rappelle que c’était la Belle au bois dormant. Il y a un moment où elle danse seule au milieu d’une foule d’autre danseuses qui l’entourent dont je me souviens clairement ... Ma mère a essayé de me faire prendre des leçons après ça ... Mais ça a été une vraie catastrophe, heureusement que l’une des Alinovitch sauve notre honneur... Малые братской*.» Plaisantai-je doucement.


*Petite-soeur.

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyDim 7 Déc - 1:09

Ebba + Ambroise
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Il m’avait suivi jusque là, et maintenant que je l’observais s’approcher avec hésitation, je réalisais qu’il était peut-être sujet au vertige. J’oubliais systématiquement, moi-même n’ayant aucune appréhension de ce type. Évidemment, ça aurait été un peu handicapant dans mon métier. Il n’avait pas besoin de souffrir d’une grosse phobie des hauteurs, même une petite pouvait le réduire à l’immobilisme tant nous nous trouvions haut, tant la passerelle s’avérait étroite. Néanmoins, si tel était le cas, il n’en dit rien, et poursuivit son avancée jusqu’à moi, venant glisser ses grandes jambes dans le vide, juste à côté des miennes. « C’est agréable... Ce silence. Le calme après la tempête. » Une tempête ? Quelle tempête ? Ma répétition ? J’y étais habituée. Si j’avais du décrire une tempête, alors ç’aurait été ma vie. Mon quotidien, les transports, les rues bondées, le téléphone sonnant, les gens parlant et parlant encore... Le monde extérieur était une tempête. Mes lieux favoris, le calme indispensable. Quelques parenthèses me permettant cette bouffée d’oxygène qui me maintenait en vie. « La bibliothèque municipale. C’est mon endroit préféré dans cette ville. Le silence, des livres et le monde qu’ils permettent de découvrir. Nastazià préférait surement le parc avec Marilys et Solanà un club bondé. Moi je préfère le silence d’une bibliothèque et les opportunités contenus dans chaque page. » J’adorais lire. Est-ce qu’il le savait ? Était-ce pour ça qu’il parlait de ça ? Non, comment aurait-il pu savoir ? C'était stupide. « C’est pas silencieux une bibliothèque. » je lui répondais dans un même murmure. « Ca crie, ça hurle, toutes les histoires cherchant à jaillir de tous les livres alentours. C’est très bavard une bibliothèque. » j’avais du mal avec certaines expressions. Comme celle-ci. Ou comme... « Quand j’entends ‘s’enfermer dans une bibliothèque’, je ne comprends pas. On ne s’enferme pas. Au contraire, on ouvre la porte sur le monde. Sur tous les mondes. Même les mondes qui n’existent pas et que tu ne trouveras dans aucun de tes voyages. » J’achevais dans un pincement de lèvres. Je me savais différente, je savais que ma façon de penser était en dysfonctionnement avec la pensée commune. Mon cerveau était étrange, parait-il. Aussi, j’évitais, le plus souvent, d’exprimer mes idées, mes points de vue, afin de me conformer, le plus possible, à la norme. Cette fois, je n’y avais pas pris garde, et je venais, probablement, encore une fois, de faire preuve de cette originalité étrange qui fascinait un temps, puis agaçait à la longue. D’où mon pincement de lèvres. Je regrettais déjà d’avoir trop parlé. « Je ressens l’âme de ce lieu ici. On s’attendrait presque à voir apparaitre des fantômes d’illustres danseurs sous nos pieds. » poursuivit-il, malgré tout, semblant peu enclin à me juger. « Hum... Cette salle n’est pas assez vieille... Tout est trop neuf en Amérique. Je regrette le Mariinsky, parfois. L’Histoire de chacun des recoins de l’Europe. Un jour, on ira à la Fenice, ou la Scala, tu... » Je m’interrompais brusquement, avant de reprendre plus précipitamment. « Enfin, si tu veux bien. » Qu’est-ce qui me prenait de faire des projets de la sorte ? Il était juste venu me voir aujourd’hui, ça ne voulait pas dire qu’il me proposerait comme témoin de son mariage. Pourquoi fallait-il que je m’emballe ? Enfin, intérieurement, parce qu’extérieurement je demeurais très calme, à part le léger rosissement de mes joues. « J’ai vu Svetlana Zakharova danser une fois, avec ma mère, j’étais encore un gamin mais je me rappelle que c’était la Belle au bois dormant. Il y a un moment où elle danse seule au milieu d’une foule d’autre danseuses qui l’entourent dont je me souviens clairement ... Ma mère a essayé de me faire prendre des leçons après ça ... Mais ça a été une vraie catastrophe, heureusement que l’une des Alinovitch sauve notre honneur... Малые братской*. » Je ne savais pas ce qui me touchait le plus. Qu’il connaisse Svetlana ? Ou qu’il m’appelle sa soeur ? Peut-être les deux. Et j’en détournais le regard, soutenant mal le sien. Je laissais passer une petite seconde, puis deux, puis trois, avant de reprendre. « Elle danse à Paris, cet hiver. Svetlana, je veux dire. J’aurais aimé pouvoir l’admirer. C’est en l’observant que j’ai pu comprendre le fonctionnement de mon corps, et perfectionner certains mouvements que d’autres disaient impossibles. » Rien n’est impossible, surtout pas quand quelqu’un d’autre y parvient. Je partais du principe que si je ne pourrais acquérir la grâce et la sensualité de la Zakharova, je pouvais sans mal obliger mon corps à sa flexibilité à elle. Ce qui était surprenant, c’était qu’Ambroise n’en soit pas capable. Il était grand, svelte, gracieux, gracile... Je tenais ça de ma mère, donc ? « Il n’est pas... Il ne sait pas...? » je ne parvenais à terminer cette phrase. Comment l’interroger sur un père qu’ils avaient renié, et que je crevais d’envie de connaître, si ce n’est réellement, au moins au travers des récits. Nastazià ne voulait pas me parler de lui, mais... « Est-ce que... Est-ce que tu pourrais me parler de lui ? » Lui, ce père. « Pas beaucoup, pas en détail, mais juste un peu... J’aimerais comprendre d’où je viens. Je sais ce que j’ai hérité de ma mère, mais... Il y a toutes ces choses en moi que personne ne comprend, que ma mère et ma grand-mère ne comprenaient pas. Peut-être que ça vient de lui ? Peut-être que ce que les autres prennent pour une forme de folie, est en réalité un trait de famille ? » Oui, forcément, présenté comme ça, même à moi, ça me semblait surréaliste et un brin désespéré. « Je suis pas folle, hein... Je fonctionne juste pas comme tout le monde. » j’ajoutais, espérant peut-être le rassurer, dans un haussement d’épaules. Ça marchait ?

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyDim 7 Déc - 16:52

Ebba + Ambroise
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Il était vraiment étrange de se découvrir, auprès d’elle, tant de points communs. De similitude. Jusque dans sa façon d’envisager, de concevoir l’âme d’une bibliothèque. Solanà ne comprenait pas ma passion pour les lettres, pour les livres, peut-être car contrairement à moi, les filles n’avaient jamais été envoyées dans une école, elles avaient eu des précepteurs, des gouvernantes, Lucy. Personne n’avait cultivée en elle la passion de la littérature, le goût du voyage en ouvrant un roman. Une aventure à chaque coin de couverture, on pouvait voyager sans quitter son salon, devenir un prince écossais au moyen-âge, tout apprendre d’un peuple disparut des milliers d’années plus tôt. L’intelligence des mots reposait là, dans le pouvoir qu’ils contenaient. Je lui souris tendrement car sa façon de concevoir les livres était identique à la mienne. Il était rare que je puisse parler ainsi avec qui que ce soit, l’image du mannequin incapable de réfléchir à autre chose qu’à ses vêtements ou sa coiffure était tenace chez mes interlocuteurs. Enfin chez la plus part d’entre eux. Les généralités avaient la vie dure. Ebba devait aussi y être confrontée par son métier : l’anorexie était une réalité dans ce métier mais pas une généralité. « Hum... Cette salle n’est pas assez vieille... Tout est trop neuf en Amérique. Je regrette le Mariinsky, parfois. L’Histoire de chacun des recoins de l’Europe. Un jour, on ira à la Fenice, ou la Scala, tu... Enfin, si tu veux bien. » Je posais doucement ma main sur la sienne, sa paume disparut sous la mienne, là où ma peau était dorée, celle de ma petite sœur était éthérée, pâle. Mes grandes mains couvrant les siennes biens plus fines et délicats. « J’aimerai ça... Ma culture classique s’arrête à une seule représentation avec ma mère ... Et un petit aperçu de ton quotidien. Si tu voulais un aperçu de ma vie je t’entrainerai dans les coulisses des ateliers de couture... A Milan. A Paris, à Londres. A Saint Pétersbourg. » Le nom de la ville dans laquelle j’avais grandi m’échappa, à la fin d’une ritournelle de villes longtemps répétée. La ville dans laquelle j’avais été élevé, avec un père, notre père. Un père qu’elle n’avait pas connu. Je réalisais aussi que contrairement à nous elle n’avait pas eu une vie facile, l’argent, les voyages, l’aisance de la naissance. Elle avait été privée de cela et pourtant ... Pourtant dans sa vie il y avait eu plus d’amour que dans la nôtre. Elle n’avait pas été abimée par cet argent, par des parents qui distribuaient des billets pour compenser un amour de façade. « Elle danse à Paris, cet hiver. Svetlana, je veux dire. J’aurais aimé pouvoir l’admirer. C’est en l’observant que j’ai pu comprendre le fonctionnement de mon corps, et perfectionner certains mouvements que d’autres disaient impossibles. » Elle avait grandi sans son compte en banque toujours approvisionné, sans l’aisance de ceux qui réservaient un vol en quelques secondes grâce à une carte de crédit non plafonnée. « Peut être pourrions-nous y aller ... Après tout nous avons un appartement à Paris, cela pourrait être un cadeau pour ton anniversaire... Un de ceux que je voudrais offrir à ma petite-soeur. » Je lui avais avoué que la grâce ne m’avait pas fait don d’un talent pour la danse. Si sur des podiums, des shootings je pouvais devenir un autre, tordre mon corps, prendre la pose des heures durant ... Je ne savais pas danser. La valse était la seule danse que je pratiquais régulièrement car elle demandait une certaine maîtrise de son propre corps. « Il n’est pas... Il ne sait pas...? » Je comprenais à qui elle voulait faire référence. A notre père. Cet homme dont je doutais qu’elle ne savait rien, si ce n’est ce que l’on pouvait glaner dans les journaux. L’homme qui avait joué un rôle important dans sa venue au monde. L’homme qui avait trompé son épouse légitime et avait engendré un enfant illégitime. Ebba. Parler de cet homme nous était difficile, d’ailleurs nous ne faisions jamais allusion à lui à la maison. Il avait été mon héro jusqu’à ce qu’il n’agisse pas pour protéger Nastazià et son enfant. Qui avait cautionné les agissements de notre mère, nous traitant comme des signes savants. Dont l’ultime trahison avait été de tromper leur mère enceinte alors de moi et de Solanà. Puis il avait régné sa propre fille portant un enfant hors mariage, un enfant issu d’un viol. J’en voulais à notre père depuis l’âge de treize ans et pourtant Ebba était une des rares choses qu’il avait faites de bien depuis mes treize ans. Nous offrir une nouvelle sœur. « Est-ce que... Est-ce que tu pourrais me parler de lui ? Pas beaucoup, pas en détail, mais juste un peu... J’aimerais comprendre d’où je viens. Je sais ce que j’ai hérité de ma mère, mais... Il y a toutes ces choses en moi que personne ne comprend, que ma mère et ma grand-mère ne comprenaient pas. Peut-être que ça vient de lui ? Peut-être que ce que les autres prennent pour une forme de folie, est en réalité un trait de famille ? Je suis pas folle, hein... Je fonctionne juste pas comme tout le monde. » Je l’attirais doucement contre moi, passant un bras autour de sa taille pour qu’elle pose sa tête dans le creux de mon épaule. Instinctivement. « Il m’a appris à danser la valse quand je suis entré au pensionnat. Je crois que c’est tout ce qu’il savait danser.... C’est l’homme le plus charismatique que j’ai rencontré. Il m’a envoyé au pensionnat parce qu’il voulait que je prenne sa succession un jour que je sois instruit dans les règles... Il aime les livres, Tolstoï, Sun Tzu, Baudelaire, Verlaine. Il résonne avec logique, sans appliquer trop souvent ses émotions. Il mange de la glace à son anniversaire. Ne boit que du thé à la bergamote. Il aime la rigueur, le travail bien fait, la volonté. Et non tu n’es pas folle, tu es une Alinovitch, le monde est étrange, différent pour nous. » Je soupirai en posant ma tête sur la sienne. « Pardonne à Nastazià de ne pas te parler de lui... Il est difficile pour nous de lui pardonner sa lâcheté le jour où ma mère l’a mise dehors... D’autant plus après ce qu’il a fait avec toi, te laisser, laisser ta mère sans lui venir en aide. » Parler de lui était douloureux. Mais elle avait le droit de poser les questions qu’elle désirait sur cet homme. Il était autant son père que le leur.
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyDim 7 Déc - 22:03

Ebba + Ambroise
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« J’aimerai ça... Ma culture classique s’arrête à une seule représentation avec ma mère ... Et un petit aperçu de ton quotidien. Si tu voulais un aperçu de ma vie je t’entrainerai dans les coulisses des ateliers de couture... A Milan. A Paris, à Londres. A Saint Pétersbourg. » Il avait couvert mes mains de la sienne. Un ensemble de phalanges que j’observais avec surprise et intérêt, tandis qu’il cherchait à me rassurer, je crois, en répondant à mon invitation par une nouvelle, celle de l’accompagner en coulisse, et à travers le monde. Un monde que j’avais déjà vu, bien sûr, peut-être ne le savait-il pas. Un monde que je serais amenée à revoir beaucoup aussi, lorsque je serais passée soliste. Et des coulisses... Oula non, surtout pas les coulisses. D’ailleurs, j’en secouais la tête avec ferveur. « Je serais trop mal à l’aise. » je justifiais cette brusque négation. « Je suis trop maladroite pour qu’on me laisse les mains libres avec du précieux tout autour. Je ferais une bêtise, ruinerais le travail de toute une vie, et... Non, je t’assure, il faut pas. Ou alors avec du papier-bulle tout autour de moi. Je me connais. » Oh oui, je me connaissais trop bien. Comment il s’appelait cet acteur français qui enchainait les catastrophes ? Ha oui, Pierre Richard ! J’étais un Pierre Richard dès lors que je n’étais plus sur scène. « Crois-moi, tu veux pas voir ça. Et pour Paris, Milan, Londres, il faudra attendre que mes tournées y passent. Pour Saint Petersbourg... Je crois que lorsque j’y retournerais ce ne sera pas pour faire du tourisme. » Non, ce serait pour y rencontrer ce père. J’avais beau y avoir passé la moitié de ma vie, St Pétersbourg ne m’enchantait plus. Elle était synonyme de trop d’abandons, de trop de pertes. Ma Babouchka était morte sans moi, parce que j’étais à St Pétersbourg. J’avais vécu une enfance loin de ma mère, parce qu’elle était à St Pétersbourg pendant que j’étais en Sibérie, parce qu’elle n’y était plus lorsque j’y étais moi. St Pétersbourg m’avait permis de m’affranchir d’une vie médiocre, St Pétersbourg avait été une porte ouverte sur un autre monde, mais elle n’avait été que ça : une porte. Une porte que j’aurais l’impression de franchir en sens contraire en y retournant. Alors, si je devais y remettre les pieds, ce serait uniquement pour respecter cette promesse faite à ma mère, et rencontrer mon père. Un père dont j’aurais aimé qu’ils me parlent, Nastazià et lui, un père dont j’aurais voulu qu’il me parle maintenant. Mais je n’étais pas encore prête pour ça, alors je gagnais du temps en évoquant Svetlana à Paris. « Peut être pourrions-nous y aller ... Après tout nous avons un appartement à Paris, cela pourrait être un cadeau pour ton anniversaire... Un de ceux que je voudrais offrir à ma petite-soeur. » Mon anniversaire ? Mais c’était passé depuis longtemps. J’étais née en juin. « Tu veux dire mon cadeau de Noël ? » Ca aurait plus de sens, tout de même. « De toute manière, je ne peux pas m’absenter. Je suis programmée sur plusieurs ballets, j’ai mon concours de soliste... On n’a pas beaucoup de vacances, tu sais ? » Et puis, je n’aimais pas les vacances. Je ne savais faire que danser, alors tout le temps que j’avais de libre, je l’avais toujours vécu comme du temps perdu. Cet été, j’avais commencé à enseigner pour tuer le temps, pour danser malgré tout. Si bien que, désormais que j’avais une famille, je n’avais plus ce qu’il fallait pour être vraiment avec elle. Une famille... Était-ce réellement ce que j’avais ? Oui, on avait du sang en commun, mais cette façon qu’ils avaient de m’accepter -pas tous, la réticence de Solanà permettant l’équilibre parfait- me semblait totalement improbable. Comme cette manière de m’attirer contre lui tandis que je l’invitais à me parler un peu de ce père que je ne connaissais pas. Comment pouvait-il être aussi chaleureux et presque naturel avec moi ? Je n’étais rien, du moins pas grand chose encore, juste un diable jaillissant de sa boîte et chamboulant tout leur univers. Alors je ne bougeais pas, me faisant toute petite, immobile, discrète, même lorsqu’il avait lui-même initié le contact. Et je l’écoutais. « Il m’a appris à danser la valse quand je suis entré au pensionnat. Je crois que c’est tout ce qu’il savait danser.... C’est l’homme le plus charismatique que j’ai rencontré. Il m’a envoyé au pensionnat parce qu’il voulait que je prenne sa succession un jour que je sois instruit dans les règles... Il aime les livres, Tolstoï, Sun Tzu, Baudelaire, Verlaine. Il résonne avec logique, sans appliquer trop souvent ses émotions. Il mange de la glace à son anniversaire. Ne boit que du thé à la bergamote. Il aime la rigueur, le travail bien fait, la volonté. Et non tu n’es pas folle, tu es une Alinovitch, le monde est étrange, différent pour nous. » J’essayais de me le représenter. Je crois que je me reconnaissais dans sa rigueur, sa soif de travail bien fait, sa volonté sans faille, sa passion des livres aussi. Pour la logique, moins, le camouflage d’émotions, pareil. Et pour le reste, non, il se trompait. « Le monde n’est pas étrange pour vous. Vous y êtes parfaitement acclimatés. Vous évoluez dans une sphère étrange, mais ça ne vous rend pas vous, profondément étrange. Moi, je dysfonctionne. Vraiment. Ça ne me rend pas malheureuse pour autant, juste parfois un peu incomprise. Mon cerveau va trop vite et de façon bizarre. Ce n’est surement pas Alinovitch, ça doit être un trait qui m’est propre. Mais c’est pas grave. Merci de m’avoir parlé de lui. » Dans les détails en plus. Des détails qui me permettaient de dresser un portrait plus précis de l’homme que j’imaginais. « Pardonne à Nastazià de ne pas te parler de lui... Il est difficile pour nous de lui pardonner sa lâcheté le jour où ma mère l’a mise dehors... D’autant plus après ce qu’il a fait avec toi, te laisser, laisser ta mère sans lui venir en aide. » Quoi ?! Je me détachais vivement de lui pour l’observer. Je ne comprenais pas. D’où sortait-il ça ? J’avais pourtant exprimé les choses clairement, pour une fois, et à de nombreuses reprises. Comment pouvait-il en être resté à une version des faits tout à fait erronée ? « Il ne m’a rien fait. Il ne m’a pas laissé. Il n’a pas laissé ma mère non plus. » Pourquoi disait-il ça ? Qu’il soit impardonnable pour ses agissements envers Nastazià, certes, mais me concernant, il n’avait absolument rien à se reproché. « Il ne sait pas que j’existe. Il n’en sait rien du tout. J’étais supposée le lui faire savoir à la mort de ma mère, mais je n’ai jamais eu le courage de le faire. Alors non, je ne lui reproche absolument rien personnellement. Ça ne veut pas dire que je cautionne ce qui a été fait à Nastazià, mais... Concernant ma mère, la tienne, et vous trois, il a fait le bon choix. Il est retourné auprès de vous. Et je crois qu’il l’a fait pour vous. Pour vous trois. Pour ses enfants. Ma mère a gardé ça pour elle pendant dix-sept ans pour vous aussi, pour moi, et pour votre père, pour ne pas briser sa famille, sa réputation, sa vie. Alors non, je ne reproche rien à personne, tout le monde a fait ce qui lui jugeait le mieux pour tout le monde. Sa seule preuve d’égoïsme a été de ne pas vouloir me laisser seule au monde, et m’apprendre que j’avais une famille. Arrêtez de me plaindre. J’ai pas besoin d’être plainte. Je vais très bien, personne n’a jamais manqué à ses devoirs envers moi. » Je fronçais même un peu les sourcils pour montrer à quel point ce discours ne souffrait pas qu’on me contredise, malgré ma voix douce, mon timbre calme, et mes moues désolées. Qu’ils en veuillent à leur père, d’accord, mais qu’ils ne m’utilisent pas pour se justifier davantage. « D’accord ? » Il la voyait la rigueur et la volonté que j’avais en commun avec ce père ?

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyLun 22 Déc - 20:52

Ebba + Ambroise
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L’idée qu’elle puisse vouloir rencontrer ce père qui m’avait tant déçu me mettait étrangement mal à l’aise. Je n’avais pourtant aucun mal à prononcer son nom, à évoquer le passé auquel il était lié. Mais je lui en voulais trop profondément pour accepter qu’il puisse un jour faire partie de sa vie. Il avait fait tant de mal à ma sœur, par son silence, par son rejet. Je n’arriverai probablement plus jamais à lui accorder ma confiance. Depuis que nous avions quitté notre demeure en Russie, en le laissant derrière nous pour rejoindre notre aînée, je n’avais plus eu aucun contact avec lui. Pourtant j’étais celui auquel il avait le plus accordé son attention depuis notre naissance. L’Héritier, avec un grand H. Le futur des entreprises Alinovitch, de l’Empire qu’il avait créé à la sueur de son front. Celui qui prendrait sa suite. Mais là aussi il s’était leurré, s’il n’avait accordé qu’une moindre importance à sa famille, comme notre mère, il avait vu les espoirs qu’il avait placé en moi s’effondrer le jour où il avait laissé notre mère mettre dehors notre sœur enceinte à la suite d’un viol. Ce jour-là il avait perdu son héritier, son fils, autant que sa fille. Je n’avais jamais supporté la lâcheté pourtant, il m’en avait coûté de tirer un trait sur l’internat, sur mes études, sur le bonheur que représentait pour moi l’instruction : je m’étais épanouis en dehors du cercle familial, loin de ma jumelle et de mon aînée, j’avais trouvé une autre voie que celle de la beauté. Mais, je ne pouvais pas lui faire ce plaisir, celui de rester son fils et de laisser ma jumelle affronter ce monde qui avait déshonoré notre sœur. Je n’avais jamais regretté ce choix, celui de protéger ma sœur des pièges de ce monde, de donner à ma mère un nouveau visage à exploiter. Même s’il m’arrivait de regrette d’appartenir à cet univers, de n’être qu’un visage, qu’un corps que l’on mettait en scène, je n’avais jamais regretté d’avoir puni notre père en lui ôtant l’espoir de voir sa société se transmettre à la génération suivante. Il n’avait jamais repris contact avec nous, nous n’avions jamais cherché à le revoir, pourtant j’aurai pensé qu’il témoignerait de l’intérêt pour ses petites filles. Mais là aussi, il m’avait déçu après la mort de notre mère. Il n’était pas venu. Il n’avait pas appelé. Peut-être était-cela que j’avais le plus de mal à accepter, qu’il n’ait pas voulu connaitre les petites filles, comme il ne nous avait pas témoigné d’attention les premières années de nos vies. Ebba ne pouvait comprendre cela, peut être vivait-elle avec l’image idéalisé de ce père qu’elle n’avait pas connu. Qui étais-je pour lui ôter ses illusions au sujet de cet homme ? J’avais tellement peur qu’elle soit déçue à son tour, qu’il la rejette comme il l’avait fait avec Nastazià. Il ne tolérait aucune tâche sur l’image de cette vie parfaite qu’il menait. J’avais du mal à envisager qu’il n’ait pas su pour elle. Il était le genre d’homme à tout contrôler. A s’assurer que sa maîtresse ne donne pas naissance à son bâtard pour ensuite créer un scandale. Mais une fois de plus, qui étais-je pour l’affirmer à la face de ma demi-sœur, qui étais-je pour lui ôter ses espoirs sur cet homme ? Elle voulait le connaître, l’aimer, être reconnue par lui. Peut-être ... Je savais ce qui me poussait à me taire, la peur de la blesser. La peur aussi d’avoir tort. Comment réagirai-je si je me trompais, s’il l’accueillait dans sa vie, après nous avoir abandonné à notre mère, comme des torchons sales. Comme si nous n’avions pas existés, comme si nos vies n’avaient pas d’importance. « Arrêtez de me plaindre. J’ai pas besoin d’être plainte. Je vais très bien, personne n’a jamais manqué à ses devoirs envers moi. D’accord ? » Je hochais simplement la tête, gardant pour moi mes doutes et mes craintes. Parler de lui n’était peut-être pas idéal ... Je comprenais pourquoi Nastazià avait refusé de le faire. Nous n’avions pas la même image de lui qu’Ebba. Elle ne pourrait pas comprendre l’homme sans l’avoir rencontré. Mais ensuite ... Il serait peut-être trop tard pour son cœur, je ne voulais pas le voir briser ses espoirs, comme les miens avaient été brisés quand il avait laissé notre mère chasser Nastazià. « Finalement ... Tu ressembles plus à Solanà que je ne voulais l’admettre... » Elles se ressemblaient, je me demandais ce que Solanà penserait de cela. Ma jumelle me manquait, elle n’était partie que depuis quelques heures mais je ressentais, physiquement, son absence. C’était étrange d’être séparés, surtout en ces périodes de fêtes où la famille était constamment mise en avant. J’aurais aimé que Solanà accepte Ebba, que nous puissions l’inviter plus en profondeur dans nos vies. Mais Solanà n’était pas prête, pas capable d’affronter ce que la naissance d’Ebba signifiait : notre père avait pris une maîtresse alors que notre mère était enceinte de nous. Un affront supplémentaire qu’elle n’arrivait pas à encaisser. « Tu sais ce qui est étrange pour moi, lorsque je t’écoutes. C’est que tu sois heureuse de faire ce que tu fais, que la danse soit une passion, une raison de vivre, un leitmotiv.... » Je soupirais, passant une main dans mes cheveux, ils avaient été raccourcis pour un défilé, ce simple geste suffisait à les ébouriffer plus que de raison. « Le mannequinat ne m’apporte pas tout cela ... J’attends que ma beauté fane, qu’un mannequin finisse par me dérober contrat sur contrat, jusqu’à ce que mon agence ne reconduise pas mon contrat... » avouai-je en contemplant la scène en contrebas. Je n’avais pas choisi ce métier, c’était lui qui m’avait choisi, à cause de ma mère, de mes sœurs, ce n’était pas mon rêve, cela ne l’avait jamais été. Etre désiré, scruté, devoir me contraindre aux canons de beauté, ne jamais pouvoir sortir de chez nous débraillé, n’avoir aucune vie privée, aucune ambition que d’être un jour assez usé pour ne plus vendre les vêtements que je portais. Un cintre, c’était ce que j’étais, un très beau cintre mais un cintre tout de même. J’attendais avec impatience le jour où ce métier m’abandonnerait. Mais alors, trouverai-je ma voie à mon tour ?
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMar 23 Déc - 2:23

Ebba + Ambroise
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« Finalement ... Tu ressembles plus à Solanà que je ne voulais l’admettre... » Pourquoi ? Parce que je répondais ? Parce que je n’acceptais pas vraiment le fait qu’il pense savoir mieux que moi l’étendue de mon ressenti et mon vécu ? J’avais vu son regard posé sur moi, j’y avais lu le jugement et la peine. Je n’étais pas douée avec les mots, mais je savais traduire un corps et des expressions, c’était mon métier, et on me disait très douée. Nastazià aussi avait eu des doutes, mais au moins elle m’avait écouté. Elle m’avait réellement écouté. Lui, ne m’avait même pas entendu. Toute ma vie on m’avait considéré ainsi, comme une pauvre petite chose, une pauvre petite sotte. Je l’acceptais, à vrai dire je m’en moquais, mais pas lorsque ça venait de quelqu’un dont l’avis était important. J’aurais du l’ignorer, après tout il ne me connaissait pas, il était comme le reste de l’humanité, mais... Je crois que j’avais trop espéré de cette famille. Comme si le sang suffirait à me faire comprendre. Puisque le monde entier me trouvait bizarre et inexplicable, il était normal qu’il en aille de même de ces frères et soeurs qui ignoraient mon existence, il y a quelques mois de ça. Je pouvais me faire à cette idée, à l’idée que je ne savais rien d’eux et que j’avais tout à apprendre. Pourquoi n’en était-il pas capable lui-même ? Pourquoi se sentait-il obligé d’émettre un avis sur tout, sur moi ? Pourquoi imaginait-il pouvoir avoir raison alors que... Alors qu’il ne savait rien ? « Si ressembler à Solanà veut dire ne pas être du même avis que toi, alors le monde doit assurément être peuplé de beaucoup, beaucoup de Solanà. » je répondais, toujours de ma voix douce mais intransigeante. J’étais la gentille Ebba, la naïve Ebba, la douce Ebba, la pacifiste Ebba... Je n’étais pas l’idiote Ebba, et je n’aurais pas survécu un seul jour dans le monde hostile et austère de la danse, si je m’étais laissée dicter une façon de penser ou de voir le monde, si j’avais courbé l’échine et accepté d’être ce qu’on voulait que je sois. « Tu ne sais rien de moi, Ambroise, et mieux encore, tu ne sais absolument rien de ma mère. Tu aimerais que je perçoive les choses de ton point de vue, alors que ton point de vue est biaisé puisque unilatéral. Je ne prétends pas tout savoir, mais, une chose est sûre, j’en sais plus que toi. Je ne te demande pas de penser comme moi, pas plus que je ne te contemple avec tristesse en pensant tout savoir sur tout. Je te demande juste d’accepter l’idée que... Que ma vision des choses n’est pas nécessairement idéaliste ou naïve, sous prétexte qu’elle diffère de la tienne. Je t’apporte des informations nouvelles, à toi de voir ce que tu souhaites en faire. Mais ne les remets pas en question seulement parce qu’elles ne te conviennent pas. » Mon petit monologue achevé, je me fendais d’un sourire tendre, avant de déposer un baiser furtif sur sa joue, puis m’en retourner à la contemplation de la scène, bien des mètres en-dessous de nous. Je n’étais pas en colère, je n’étais même pas contrariée qu’il ait pu me comparer à Solanà... Non, c’était bien trop surréaliste pour m’affecter. C’était comme dire que le soleil était bleu ou l’herbe rouge. Si j’avais du faire un family portrait et demander à un inconnu de désigner l’intrus entre nous quatre, ce n’est pas moi qu’il aurait écarté du lot, mais Solanà. J’étais la demi-soeur illégitime, mais elle était la Alinovitch la moins ressemblante aux autres Alinovitch. Non, peut-être étais-je injuste, finalement. Elle était juste plus extrême que Nastazià, tout comme j’étais plus extrême qu’Ambroise. Il y avait le calme et l’énergique, et puis la très très très calme et la très très très énergique. On était comme une échelle de croissance, qui débutait de moi, au point zéro de l’excitation, et s’achevait avec Solanà, au point douze milliards de l’excitation. Nous comparer c’était comme comparer la lune au soleil. Rien à voir. « Tu sais ce qui est étrange pour moi, lorsque je t’écoute. C’est que tu sois heureuse de faire ce que tu fais, que la danse soit une passion, une raison de vivre, un leitmotiv.... » reprit-il en me tirant de mes pensées, m’obligeant à braquer un regard interrogateur sur lui. En quoi était-ce étrange d’aimer ce qu’on faisait ? C’était mal d’être heureuse ? « Le mannequinat ne m’apporte pas tout cela ... J’attends que ma beauté fane, qu’un mannequin finisse par me dérober contrat sur contrat, jusqu’à ce que mon agence ne reconduise pas mon contrat... » Oh ? Mes yeux roulèrent de droite à gauche, sourcils froncés, cherchant une explication à ce que je venais d’entendre. Oui, j’avais l’air très con lorsque je réfléchissais, ce qui ne me rendait que très rarement crédible. « Pourquoi tu fais ça, alors, si t’aimes pas ? » La question pouvait sembler stupide tant elle était évidente, mais pas plus que l’affirmation qu’il venait de me faire. Et puis, ce n’était pas comme s’il n’avait pas le choix, et qu’il était forcé de se lever chaque matin pour se ruiner la santé dans un job qu’il détestait dans le simple but de payer les factures et faire vivre sa famille. Ils avaient suffisamment d’argent pour vivre sans travailler, ou pour avoir le luxe de se permettre un métier qui leur plaisait. Tous, lui compris. « Pourquoi attendre d’être trop vieux ou dépassé ? Ça arrivera forcément, de toute façon, et tu devras bien te reconvertir à ce moment-là. Alors pourquoi pas dès à présent ? » Ca semblait assez logique, en réalité, et c’était quelque chose que je comprenais mieux que personne sachant que mon métier était, lui aussi, sur du court terme. Bientôt, trop tôt, je n’aurais plus l’âge requis, et je devrais céder la place à des plus jeunes et moins chers que moi. Mais tout était déjà prévu, dans mon cas, et je savais parfaitement ce que je ferais ensuite. Alors que lui... « Qu’est-ce que tu aimes faire ? Quel est le truc qui te plait le plus au monde ? Enfin, quelque chose dans lequel tu serais assez doué, naturellement, parce que... Moi, j’adore le violon, c’est magnifique le violon, mais j’ai beau admirer l’instrument et la musique, je serais une terrible violoniste. Cela dit... J’aime les crêpes. Tu penses que je pourrais devenir crêpière ? » Le pire dans tout ça ? C’est que je l’interrogeais sérieusement, et me voyais déjà avec une coiffe bretonne sur le sommet du crâne. J’aurais fière allure, mais... C’était pas un peu compliqué pour passer les portes ? Pas de problème, ma crêperie n’aurait pas de porte. Problem solved !

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyVen 2 Jan - 16:36

Ebba + Ambroise
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Je n’étais pas habile avec les mots, pas pour verbaliser ce que je ressentais ou pour expliquer clairement mes pensées. Je n’étais pas habitué à devoir ainsi analyser et décrire clairement ma pensée. Solanà me comprenait instinctivement, c’était ainsi entre nous, cela le serait toujours. A demi-mot. Mais Ebba ne me connaissait pas, ou peu, le lien qui nous unissait était encore fragile et les propos que je venais de tenir pouvait être jugé comme un jugement justement. « Si ressembler à Solanà veut dire ne pas être du même avis que toi, alors le monde doit assurément être peuplé de beaucoup, beaucoup de Solanà. » Ce n’était pas ce que je voulais dire. Bien sûr elle ne pouvait pas le savoir. Elle ne voyait de Solanà que les mauvais côtés, que son caractère emporté, son esprit de contradiction. Je voyais au-delà chez elle. Sa force de convictions, la façon dont elle défendait ses idées, sa façon de tenir tête au monde, à ne pas hésiter à me rabrouer. En cela elle ressemblait à ma jumelle. « Tu ne sais rien de moi, Ambroise, et mieux encore, tu ne sais absolument rien de ma mère. Tu aimerais que je perçoive les choses de ton point de vue, alors que ton point de vue est biaisé puisque unilatéral. Je ne prétends pas tout savoir, mais, une chose est sûre, j’en sais plus que toi. Je ne te demande pas de penser comme moi, pas plus que je ne te contemple avec tristesse en pensant tout savoir sur tout. Je te demande juste d’accepter l’idée que... Que ma vision des choses n’est pas nécessairement idéaliste ou naïve, sous prétexte qu’elle diffère de la tienne. Je t’apporte des informations nouvelles, à toi de voir ce que tu souhaites en faire. Mais ne les remets pas en question seulement parce qu’elles ne te conviennent pas. » Ok, Solanà était peut-être moins virulente dans sa façon de me rabrouer. Ebba tapait fort et cela faisait mal. Elle interprétait mes silences et mes regards. Là où je voulais seulement lui taire mon avis sur notre père, elle voyait un jugement, de l’apitoiement sur sa vie, sur celle de sa mère. Mais elle se trompait ce n’était pas sur sa vie que je m’apitoyais mais sur l’avenir, sur l’éventuelle réaction de notre père à l’annonce de son existence. « Je parlais de ta force de caractère, Solanà à ce même courage. » je ne voulais pas revenir sur ce dont elle venait de m’accuse, à juste cause d’ailleurs si j’étudiais bien ce que je pensais, parce que voilà un sujet sur lequel nous ne serions jamais d’accord, jusqu’à ce que notre père tranche. Avoue, confesse. L’un de nous avait tords, j’espère que ce serait moi. Pour elle. Pour son bonheur. En espérant qu’elle ne serait pas déçu. « Pourquoi tu fais ça, alors, si t’aimes pas ? » Je soupirais. Bonne question. Juste question. Qui comprendrait qu’on s’enchaîne dans un métier qu’on n’aimait pas. « Au début ... ce n’était qu’un moyen d’être proche de mes sœurs, de ma mère... J’étais qu’un gamin, je ne voulais pas qu’on me laisse seul dans cette grande maison. J’ai été envoyé en pensionnat ... Et Nat’ a été agressée... Je n’étais pas là. Il fallait que je sois là ensuite. Pour elles. » Je savais que mon raisonnement était archaïque, voir misogyne sur certains points. « Pourquoi attendre d’être trop vieux ou dépassé ? Ça arrivera forcément, de toute façon, et tu devras bien te reconvertir à ce moment-là. Alors pourquoi pas dès à présent ? » Elle avait raison mais... C’était difficile pour moi de quitter ce métier. Pour mes sœurs, qui bien que célèbres et demandés étaient toutes les deux fragiles. Nat et la drogue, Solanà et ses éclats d’humeurs ... et parce qu’aucun travail ne me permettrait de veiller sur notre nièce, d’être aussi libre. Par peur aussi. D’être confronté à un échec. « Je n’ai toujours fait qu’une seule chose dans ma vie... Ça. J’ai arrêté mes études à quinze ans ... Je ne suis pas sûr d’être capable de faire quelque chose d’autre. Ou que les filles ... Elles sont fragiles. L’une comme l’autre. » Le sacrifice était une couverture commode. « Qu’est-ce que tu aimes faire ? Quel est le truc qui te plait le plus au monde ? Enfin, quelque chose dans lequel tu serais assez doué, naturellement, parce que... Moi, j’adore le violon, c’est magnifique le violon, mais j’ai beau admirer l’instrument et la musique, je serais une terrible violoniste. Cela dit... J’aime les crêpes. Tu penses que je pourrais devenir crêpière ? » Je ris, parce qu’elle avait toujours le mot pour me faire sourire. « Je te verrai bien avec la coiffe des Bretonnes, y’a un super stand qui a ouvert au marché couvert d’ailleurs, c’est un français je crois... Enfin, j’aime la littérature... Ecrire aussi. Apprendre. » Je listais en levant trois doigts. « Tu prendras la relève de celle qui régente la troupe, tu deviendrais professeur ? »
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyLun 5 Jan - 3:26

Ebba + Ambroise
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« Je parlais de ta force de caractère, Solanà à ce même courage. » Ma force de caractère ? Mon courage ? Mais de quoi parlait-il ? J’étais la nana la plus effacée et timide du monde. J’avais peur de tout, même de mon ombre parfois. Il m’était même arrivé de sursauter en voyant ma main passer dans mon angle mort. J’étais pas courageuse. J’avais pas un fort caractère. À moins que... Ne pas être d’accord avec lui était une preuve de caractère ? J’aurais aimé être d’accord avec lui, parce que j’étais comme ça, j’avais besoin d’être en osmose avec mon prochain, ne surtout pas le contredire. Mais là, il pensait comprendre une relation entre deux personnes qu’ils n’avaient connu qu’à moitié. Il n’avait connu que son père. Pas ma mère. Il ne savait rien de ma mère, et était donc totalement ignorant sur le sujet. Il ne connaissait pas son histoire, ni les circonstances de sa rencontre avec ce père, qu’on avait en commun. Il ne savait rien de leur relation, ni ne comprenait les raisons qui avaient poussé ma mère à tant de sacrifices. Je ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas savoir, mais je pouvais lui reprocher de juger et imposer son jugement tout en ayant conscience de ne pas savoir.  Je n’étais pas en train d’idéaliser ce père, bien au contraire, et je ne voulais pas créer de lien avec lui, non. Je ne rêvais pas d’histoires au coin du feu, de protection ou de soutient de la part de ce père qui n’en était pas un, pas pour moi. Je n’espérais pas qu’il me voit comme sa fille chérie... Je voulais juste honorer une promesse faite à ma mère sur son lit de mort. Je devais lui faire savoir que j’étais là, que j’existais. Rien d’autre. Cela dit, j’étais moins vindicative que lui, et je savais qu’il y avait du bon dans cet homme-là, simplement parce que les monstres n’existaient pas. Ils n’avaient jamais existé. Alors, si ce père était humain, il avait le droit à l’erreur, comme tout un chacun. Cela dit, je ne répondais rien à ce que je percevais comme une forme de reddition de sa part, et gardais le silence un instant, avant qu’il ne le brise en évoquant ce métier qu’il n’affectionnait pas, et que je le questionne sur les raisons qui le poussaient à poursuivre tout de même. « Au début ... ce n’était qu’un moyen d’être proche de mes sœurs, de ma mère... J’étais qu’un gamin, je ne voulais pas qu’on me laisse seul dans cette grande maison. J’ai été envoyé en pensionnat ... Et Nat’ a été agressée... Je n’étais pas là. Il fallait que je sois là ensuite. Pour elles. » Comment aurait-il pu faire quoique ce soit ? C’était un gamin à l’époque. Et encore maintenant, comment pouvait-il espérer être là tout le temps, et partout ? C’était surréaliste, trop ambitieux, et pas vraiment flatteur vis-à-vis de ses soeurs. « Elles sont adultes, tu dois leur faire confiance. La confiance, c’est une preuve de respect. » C’est ainsi que j’avais toujours vu les choses, mais... J’avais été seule durant toute ma vie, et j’avais quitté ma famille, à savoir juste ma grand-mère, et mon village natal à l’âge de douze ans. J’avais été entourée et protégée d’une autre façon, moins évidente, mais plus respectueuse. On m’avait fait confiance, on avait cru en moi. Si j’avais foi en mes talents, c’était aussi pour ça. Alors que lui... Lui ne semblait même pas croire en lui. « Je n’ai toujours fait qu’une seule chose dans ma vie... Ça. J’ai arrêté mes études à quinze ans ... Je ne suis pas sûr d’être capable de faire quelque chose d’autre. Ou que les filles ... Elles sont fragiles. L’une comme l’autre. » Je secouais la tête. Non, elles ne l’étaient pas. « Tu te trompes. Elles ne sont pas comme tu les vois, ou comme tu voudrais les voir. Elles sont humaines, certes, mais pas plus fragiles qu’une autre. On a tous connu des épreuves qui nous ont affaibli un instant, puis transformé à jamais. Certes, je n’ai pas connu les épreuves de Nastazià, mais elle n’a pas connu les miennes, ni les tiennes... Aujourd’hui elle est plus forte que moi sur certains points, et je le suis sur d’autres. Et je crois que tu le sais. Et je crois que ça te fait peur. Parce que tu t’es toujours défini au travers d’elles, et que sans elles, tu as l’impression de n’être rien, simplement parce que tu ne te connais pas. Tu n’as jamais pris le temps pour ça. » j’expliquais, presque innocemment, sans même réellement prendre conscience de la profondeur de ce que j’avançais. J’étais naïve, mais très lucide sur les gens, sur le schéma des gens. Je cernais vite, et je comprenais bien. Tout le reste m’échappait, mais ça. Ça, je le voyais très clairement, et partais du principe que c’était évident pour tout le monde. Ça ne l’était pas, mais je n’en avais pas conscience. Aussi, j’exprimais tout ceci très naturellement, presque nonchalamment, mon regard naviguant de droite et de gauche, observant sous nos pieds, puis lui, puis là-haut, puis de nouveau lui dans un petit sourire. Il allait falloir lui trouver une occupation, maintenant, un nouveau métier. Une passion ? Une passion dans laquelle il serait doué ? Pas comme moi avec les crêpes. « Je te verrai bien avec la coiffe des Bretonnes, y’a un super stand qui a ouvert au marché couvert d’ailleurs, c’est un français je crois... Enfin, j’aime la littérature... Ecrire aussi. Apprendre. » Et bien, on tenait peut-être quelque chose, là, non ? L’écriture, peut-être ? La traduction, aussi, non ? « Tu prendras la relève de celle qui régente la troupe, tu deviendrais professeur ? » Hein ? Oh ? « Non. Enfin oui. Mais non. J’aurais jamais l’âge, elle est au moins centenaire... » je soufflais en baissant la voix, comme si je craignais qu’elle nous entende, sait-on jamais. Elle n’avait pas 100 ans, évidemment, mais avec ses soixante-dix années bien passées, elle m’apparaissait comme séculaire. « Mais je suis déjà professeur. J’enseigne au conservatoire. Et j’aime vraiment ça. Les petites n’ont pas pour ambition de devenir danseuses classiques, elles veulent être des fées, mais ça ne me dérange pas. Je ne peux pas être toujours là, alors j’ai une assistante pour quand je suis en tournée ailleurs, mais je suis le professeur officiel, et c’est plaisant. Transmettre quelque chose, donner un peu de ce qu’on m’a offert. Et puis, elles sont vraiment mignonnes, en tutu. » J’aimais moins la présence des parents scrutant mes faits et gestes -sauf un-, mais c’était un détail. « Tu devrais essayer... » j’affirmais, avant d’enchainer très rapidement : « La transmission, pas le tutu. Non pas que je doute de ta crédibilité en tutu, mais... Ce que je voulais dire, c’est que tu devrais essayer de transmettre quelque chose, un peu de toi... Par l’écriture ou bien par un autre biais. Mais avant ça, il faudrait que tu partes en quête de toi-même. Finalement, je ne suis pas la seule, ici, à ne pas savoir totalement qui je suis. » J’avais eu besoin d’une identité. Il avait besoin d’une définition.

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMar 6 Jan - 19:44

Ebba + Ambroise
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« Elles sont adultes, tu dois leur faire confiance. La confiance, c’est une preuve de respect. » Je savais bien sûr qu’elle avait raison. Que mes sœurs n’avaient plus besoin de moi pour veiller sur elle. Depuis la mort de Camilya, Nastazia avait petit à petit retrouvé pieds, décroché doucement mais surement de la drogue. Quant à Solanà on ne pouvait rien faire réellement pour améliorer son caractère, s’était un combat perdu d’avance cependant ma présence, mon attention limitait la casse la plus part du temps. Mes deux sœurs avaient leur comportement destructeur propre. Difficile d’être la zone tampon qui limitait la casse constamment. J’avais porté la famille à bout de bras après l’accident. J’avais continué à veiller sur Solanà mais c’était Nastazià qui avait eu le plus besoin de moi, pour Marilys, pour gérer le quotidien, assurer la pérennité de sa carrière, la protéger des journalistes. J’avais pris sur moi. J’avais repoussé mon envie de tout plaquer, de quitter ce milieu. Pour elles, mais aussi par peur. L’idée d’échouer était effrayante. Prétendre qu’elles avaient besoin de moi dans ce métier m’avait permis de reculer. Sans jamais sauter. Ne pas prendre le risque. Etre le cœur de cette famille était plus facile. S’assurer que chacun mange, dorme, vive, aille à l’école dans le cas de Marilys, c’était plus facile que de prendre le risque de tout bousculer. De me bousculer. J’étais quelqu’un d’assez routinier. Le plus ennuyeux des Alinovitch. J’enviais parfois à mes sœurs leur capacité à évoluer, se renouveler, prendre des risques. « Tu te trompes. Elles ne sont pas comme tu les vois, ou comme tu voudrais les voir. Elles sont humaines, certes, mais pas plus fragiles qu’une autre. On a tous connu des épreuves qui nous ont affaibli un instant, puis transformé à jamais. Certes, je n’ai pas connu les épreuves de Nastazià, mais elle n’a pas connu les miennes, ni les tiennes... Aujourd’hui elle est plus forte que moi sur certains points, et je le suis sur d’autres. Et je crois que tu le sais. Et je crois que ça te fait peur. Parce que tu t’es toujours défini au travers d’elles, et que sans elles, tu as l’impression de n’être rien, simplement parce que tu ne te connais pas. Tu n’as jamais pris le temps pour ça. » C’était fou comme elle était capable de clairvoyance et très déstabilisant car nous nous complaisions tous dans cette espèce de routine qu’était devenue notre vie à trois. D’ailleurs qui d’autre que nous vivait encore avec ses frères et sœurs à notre âge ? Aucun n’avait pris son envol. Certes nous avions été séparés des années, cependant nous aurions pu, chacun prendre un appartement, nous voir plusieurs fois par semaine. C’était simplement plus commode de se définir comme une part d’un groupe que comme un individu à part entière. Mais elle avait raison, je m'étais oublié au sein de notre famille, gommant mes traits de caractère, tour à tour médiateur, confident, père de substitution. Mes soeurs vivaient leurs vies, nous "imposant" plus ou moins leur conquête, leurs amis, se réinventant constamment. Pour ma part je n'avais aucune relation sérieuse avec des femmes, que des petits aventures sans conséquences, je cachais même les études que j'avais suivis par correspondance, quant aux amis je pouvais les compter sur les doigts d'une main. J'avais pris sur moi le rôle du patriarche, oubliant que j'étais avant tout un frère et un homme. Une responsabilité qui ne m’appartenait pas. Désormais il était plus facile de se complaire dans ce rôle que d’envisager un autre avenir. Risquer quelque chose. Jouer un espoir, un rêve. Peut-être le perdre. « Tu devrais essayer... La transmission, pas le tutu. Non pas que je doute de ta crédibilité en tutu, mais... Ce que je voulais dire, c’est que tu devrais essayer de transmettre quelque chose, un peu de toi... Par l’écriture ou bien par un autre biais. Mais avant ça, il faudrait que tu partes en quête de toi-même. Finalement, je ne suis pas la seule, ici, à ne pas savoir totalement qui je suis. » Parler avec elle était ... Enrichissant, une sorte d’exploration de soi-même. Elle voyait par-delà ce que je reflétait, elle creusait et n’avait pas peur de déterrer. « Oublie la crêperie, tu ferais une bonne analyste. » Je soufflais l’ombre d’un sourire aux lèvres. « J’aimerai savoir quoi écrire ... Sincerement mais quoi ... Et est-ce que cela serait bon, est-ce que je pourrais en vivre. C’est beaucoup d’incertitudes et une faible chance de réussite. » C’était cela qui m’effrayait le plus au fond. L’incertitude. L’échec. N’avoir jamais essayé, n’était-ce pas le pire ?
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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyMar 6 Jan - 23:30

Ebba + Ambroise
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Pourquoi il me regardait comme ça ? J’avais un truc sur le bout du nez ? J’avais dit une bêtise ? Ça m’arrivait souvent, j’étais coutumière du fait, mais... Lui, à contrario des autres, ne riait pas, ni ne souriait d’ailleurs, il se contentait de m’observer comme s’il me voyait pour la première fois. On n’était pas loin de ça, d’accord, mais tout de même. À moins qu’il ne souffre de micro-amnésies qui lui faisaient tout oublier l’espace d’un instant, jusqu’aux raisons de sa présence ici ? J’avais vu un reportage, là-dessus, c’était très déroutant comme maladie. Mais alors que je m’apprêtais à le rassurer en lui rappelant mon prénom et le pourquoi du comment il se trouvait dans les cintres d’un des plus grands théâtre du monde, il reprit la parole. « Oublie la crêperie, tu ferais une bonne analyste. » Analyste ? Analyste de quoi ? Un genre de comptable ? Pourquoi il disait ça ? « Non, j’suis pas bonne en chiffres. » je lui répondais, tout de même, histoire de ne pas le vexer. Mon truc c’était la danse, je ne savais rien faire d’autres. En même temps, j’avais consacré toute ma vie à ça, je n’avais pas eu le temps d’apprendre autre chose. Enfin si, le piano, mais pas au point de devenir concertiste. Ça faisait juste partie de l’apprentissage à Voganova, tout comme les langues, l’Histoire et les danses folkloriques. Et lui ? Visiblement c’était l’écriture, la lecture, l’apprentissage. Suffisamment de passion pour pouvoir songer à une reconversion, et à la transmission de son savoir.  « J’aimerai savoir quoi écrire ... Sincèrement mais quoi ... Et est-ce que cela serait bon, est-ce que je pourrais en vivre. C’est beaucoup d’incertitudes et une faible chance de réussite. » Je pouvais comprendre ses craintes, dans un sens, mais ne les cautionnais pas. Je ne pouvais pas. J’avais tout sacrifié pour mon art, j’avais pris le risque d’être mauvaise et de gâcher huit années de ma vie. Je l’avais fait parce qu’il y avait cette phrase, en anglais : I will what I want. Et puis cette autre phrase, en français : Si on veut, on peut. « Pouvoir en vivre ? Pourquoi cette question t’importe alors que tu pourrais passer ta vie entière sans travailler juste avec un dixième de ton compte en banque ? T’as cette chance que beaucoup n’ont pas. Et rien que pour ça, tu leur dois d’essayer. Au moins ça, essayer. » Les aspirants écrivains crevant de faim durant tout le temps de rédaction de leur premier essai, étaient légion. Lui n’avait pas ce problème-là. Il pouvait s’accorder une année sabbatique pour écrire, sans avoir à changer quoique ce soit à son train de vie. « Je ne peux pas te promettre que tu seras bon, je n’ai jamais rien lu de toi, mais tu dois essayer pour le savoir. Vivre dans la crainte d’un éventuel rejet, ce n’est pas vivre. Ce n’est même pas survivre, c’est... Attendre. Attendre de mourir. » Dur, froid, un discours, des propos, très éloignés de mon univers à moi, doux et coloré. Pourtant, c’était moi aussi, lucide et désabusée, née et élevée dans la zone la plus froide du monde, la zone la plus miséreuse aussi, coincée dans un communisme qui n’offrait rien aux filles, aux femmes, destinée à une vie triste et courte. Une vie dont on m’avait extrait à force de sacrifices. Deux femmes, deux générations, se sacrifiant pour la troisième : moi. « Je ne te dis pas de commencer avec un roman en quatre tomes, mais tu peux essayer avec de courts articles postés anonymement sur internet, histoire de t’assurer que ce n’est pas ton nom qu’on aime, et non ton style, tes mots. Il faut commencer doucement, sur un sujet que tu maîtrises... Hum... » qu’est-ce qu’il pouvait bien maîtriser ? Beaucoup de choses, évidemment, mais il fallait quelque chose d’attractif. « L’envers du décor du monde de la mode ? » Ca, ça plaisait toujours. « Beaucoup ont essayé, mais un avis masculin pourrait faire la différence. Et les articles pourraient te permettre de garder ton job de mannequin, tout en te faisant la main. Le temps de voir si ça vaut le coup. » le temps qu’il prenne confiance en lui, qu’il apprenne à se connaître, se connaître vraiment, et qu’il sache sur quoi écrire. Un laps de temps tampon, qui effacerait ses craintes, et lui permettrait de ne pas plonger dans l’inconnu. Un bon deal, non ?

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MessageSujet: Re: Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... Ebba & Ambroise - Follow the leada, leada, leada... EmptyDim 11 Jan - 14:58

Ebba + Ambroise
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« Non, j’suis pas bonne en chiffres. » Elle était drôle à ses dépens. Je devais me souvenir qu’elle n’était pas depuis aussi longtemps que nous dans ce pays. Ou quelle prenait tout au premier degré. Je lui souris, en précisant. « Je voulais dire comme psikhoanalitik » En russe cela passait mieux quand même. Enfin j’espérais. Il était vrai que l’amalgame était facile entre analyste/comptable/banquier. Elle avait grandi dans l’univers de la danse et je constatais que je n’étais pas le seul à n’avoir connu qu’un seul univers, à n’avoir fréquenté que des mannequins, des photographes, des créateurs durant mon enfance. Elle présentait le même schéma, mais dans un univers différent. Nous avions grandi à l’écart des autres. Mais pour Ebba cela se manifestait dans son rapport avec le reste du monde. Elle était naïve et présentait un retard dans son contact aux autres. Ce qui n’était pas notre cas, son univers était plus protégé que le nôtre, fait de plus de discipline, avec moins de temps libre voir très peu. Le métier de mannequin présentait l’avantage d’offrir une certaine liberté, qui était dangereuse : sexe, drogue,  abus de tout genre. Nous avions vu trop de choses en grandissant, exposé un peu trop tôt à certaines scènes. Nous en avions développés un certain cynisme, là où Ebba était encore innocente. « Pouvoir en vivre ? Pourquoi cette question t’importe alors que tu pourrais passer ta vie entière sans travailler juste avec un dixième de ton compte en banque ? T’as cette chance que beaucoup n’ont pas. Et rien que pour ça, tu leur dois d’essayer. Au moins ça, essayer. » Elle avait raison bien sûr, j’avais depuis longtemps de quoi vivre tranquillement jusqu’à la fin de mes jours. Par l’héritage de ma mère ou encore à cause de l’argent que j’avais gagné depuis l’âge de trois ans. Elle ne pouvait comprendre si je ne lui offrais pas les derniers mots de mon père, lorsque j’avais quitté le pensionnat. La réussite se mesurait à la hauteur de son prestige, de l’argent que l’on gagnait. « Lorsque j’ai quitté la russie avec Solanà, j’ai eu un dernier entretien avec notre père. Il m’a dit que ce métier ne me mènerait jamais à rien ... que je devrais gagner seul mon avenir, qu’il se lavait les mains de notre avenir.... Il a toujours mesuré la réussite d’un homme à son argent ... Si je me lançais, si j’écrivais, il faudrait que je puisse en vivre... » Car tout revenait toujours là : prouver à mon père que j’existais en dehors de notre famille. Qu’être un Alinovitch ne voulait pas dire que j’existais en étant son héritier. « Je ne peux pas te promettre que tu seras bon, je n’ai jamais rien lu de toi, mais tu dois essayer pour le savoir. Vivre dans la crainte d’un éventuel rejet, ce n’est pas vivre. Ce n’est même pas survivre, c’est... Attendre. Attendre de mourir. » Elle avait raison. J’hésitais depuis des années. A me lancer, à essayer. J’avais écrit depuis des années. D’abord les jours où il m’était nécessaire d’extérioriser ce que j’éprouvais. J’avais beaucoup écrit à la mort de notre nièce. « Je ne te dis pas de commencer avec un roman en quatre tomes, mais tu peux essayer avec de courts articles postés anonymement sur internet, histoire de t’assurer que ce n’est pas ton nom qu’on aime, et non ton style, tes mots. Il faut commencer doucement, sur un sujet que tu maîtrises... Hum... L’envers du décor du monde de la mode ? Beaucoup ont essayé, mais un avis masculin pourrait faire la différence. Et les articles pourraient te permettre de garder ton job de mannequin, tout en te faisant la main. Le temps de voir si ça vaut le coup.» Elle était de bons conseils. Cette petite sœur nouvellement débarquée. Elle savait écouter et conseiller. Sans être trop douce ou compatissante. Elle assénait des vérités avec sa candeur. « Tu accepterais de lire quelque chose que j’ai écrit lebedka* ? » Chacune de mes sœurs avaient un petit surnom russe, un diminutif tendre que je lui avais attribué un jour. Elle était ma sœur. J’avais conscience en elle. En son jugement.   « Et me donner un avis objectif. J’ai foi en ton jugement. Tu ne me ménagera pas ... »

*Petit cygne
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