-Merci à tous d’être venus !

Ce fût sur ces mots que Loyce termina son « concert ». Sourire aux lèvres, il parti se cacher en coulisse tout en se détachant de la sangle qui lui permettait de tenir sa guitare sèche. Une fois à l’abri des regards insouciants, son sourire niais disparu et son air devint bien plus sérieux. Il s’empressa d’aller s’enfermer dans sa loge et rangea directement son instrument avant de se laisser tomber mollement dans un des fauteuils rouges décorant la pièce. Il laissa partir sa tête en arrière en soupirant et fixa le plafond quelques courtes secondes avant de fermer les yeux. Les bruits provenant du bar dans lequel il venait de jouer -comme tous les soir- lui parvinrent à peine, comme un bourdonnement dérangeant. Mais le silence régnant dans sa loge fût de courte durée ; en effet, cinq minutes après son arrivée, trois de ses amis entrèrent sans frapper et se jetèrent de lui en rigolant. Le londonien ne put retenir un sourire et un léger rire. Le « quart d’heure folie » passé, les jeunes hommes se redressèrent et sortirent de la pièce pour se rendre dans le bar, au comptoir. Chacun passa commande d’une boisson alcoolisée (sans blague ?) et la burent d’une traite sans avoir a payé. L’avantage de travailler dans un pub, c’est que la consommation est gratuite pour vos amis et vous-même. Bref. Le passage boisson clos, Loyce se dirigea vers son patron et l’avertit comme quoi il partait. Il retourna chercher sa guitare protégée par une housse en tissu résistant noir. Le jeune homme passa la sangle de cette dernière sur l’épaule, rejoint ses amis hystériques et sortit avec eux, direction le centre de Manhattan pour une soirée entre amis.

Une bonne demi-heure plus tard.
Les garçons entrèrent dans un bar réputé du coin, rigolant fortement. Loyce était de la partie, pleurant presque de rire avec ses amis, une cigarette à la main. La soirée commençait bien. Avant de venir ici, les jeunes avaient fait un petit détour afin que le londonien puisse se fournir un joint auprès d’une personne de sa connaissance qu’il appréciait fortement. La cigarette de shit retirée, ils s’étaient ensuite rendu dans ce bar plutôt connu. Et pour comprendre le terme, il suffisait de constater da grandeur des lieux ainsi que le nombre de personnes qui y passaient leur soirée.
Bref. Les jeunes firent une entrée plutôt bruyante, mais étant donné le niveau sonore de la pièce, ce ne fût qu’un brouhaha parmi d’autres. Une fois au chaud, ils se dirigèrent directement vers le bar. Leur gorge réclamait de ces alcools qui rendaient les jeunes euphoriques à chaque soirée passée ensemble. Cela dit, Loyce fût arrêté net dans sa course quand il entendit une vois familière résonner non loin de lui.

-Oh non. Ma soirée est vraiment pire que je ne pouvais l'imaginer !

Il se tourna directement en direction de la personne qui avait prononcé ces mots. Bingo, il s’agissait de son ex, Jaelynn. Les deux jeunes étaient sortis ensemble pendant plus d’un an durant la période où le londonien avait résidé à Berlin. Des mois magnifiques passés ensemble mais qui avaient été subitement détruits simplement parce que Loyce s’était retrouvé dans l’obligation d’y mettre un terme s’il ne voulait pas blesser la jeune fille qu’il aimait plus que tout, soyons clairs. Depuis, les tensions avaient éclaté au grand jour entre eux deux et, à chaque fois qu’ils se croisaient, ce n’étaient qu’engueulades et vannes qui se succédaient. La jeune fille en voulait mortellement à son ex petit ami et ce dernier était simplement obliger de se comporter comme elle, ayant horreur de se faire marcher dessus.
N’étant pas du genre à perdre la face devant ce genre de situation (Loyce est un garçon ayant une très, très grande estime de lui-même, rappelons le), un sourire ironique vint de suite prendre forme sur son visage. Il entendit, juste à côté, ses amis qui le réclamaient. Il leurs fit signe d’attendre et répondit au charmant accueil de Jaelynn.

-Oh mais t’en fais pas poupée, tu es encore loin de l’enfer que ta soirée va devenir.

C’était toujours comme ça. Barbant dans le fond, car Loyce ressentait encore son cœur battre pour la demoiselle. Il ne l’avait pas oubliée. Il n’avait pas oublié les moments passés avec elle. Elle faisait encore partie de lui. Mais une reconstruction de couple n’était pas envisageable, ni pour lui, ni pour Jaelynn. Ce pourquoi le jeune londonien faisait taire ses cris du cœur pour se montrer le plus froid possible avec son ex petite amie.
Sa phrase débitée, il rejoint ses amis sans lâcher la jeune blonde du regard. Son sourire partagée entre ironie et sadisme ne le quittait pas, ni même lorsqu’il commanda un rhum-coca au barman qui venait les servir. Il posa ensuite la housse de sa guitare au sol, la calant correctement contre le comptoir pour lui éviter une quelconque chute, puis il attendit son verre en fumant tranquillement sa cigarette, ses yeux portant toujours une attention à Jaelynn, assise non loin de lui et ses amis.

Loyce était donc à présent correctement installés, assis sur un des tabourets face au comptoir. Sans cesser de guetter son ex, il se remit à rire de bon cœur avec ses amis. De temps à autres, sa cigarette vint se placer entre ses lèvres lui permettant ainsi d’aspirer cette fumée si toxique mais si relaxante, juste avant de la recracher dans l’air ambiante. Il venait d’écraser ce bâton de tabac dans un cendrier quand le barman leurs servit les boissons tout juste commandées. Portant à présent toute son attention sur son verre d’alcool, Loyce le saisit et lança un « Santé ! » bruyant en même temps que ses amis avant de boire une longue gorgée de son rhum-coca. Fermant les yeux après avoir posé son verre sur le comptoir, il savoura la sensation de chaleur qui engourdit sa gorge au passage du liquide. Décidément, il aimait vraiment trop l’alcool... ce pourquoi il s’empressa de reboire une gorgée de son verre, puis une autre.
Et alors que le jeune londonien était concentré sur sa consommation d’alcool, Jaelynn s’était dangereusement rapprochée, employant une manière très sensuelle pour se déplacer, ce qui n’échappa pas aux regards des amis de Loyce. Ils se mirent à la siffler, souriant comme jamais, ce qui força le châtain à reposer son verre et à se retourner. Quand il vit de qui il s’agissait, il fronça les sourcils et se remit droit face aux garçons.

-Calmez-vous putain, c’est qu’une nana !
-Ouais bah t’as vu la nana ?!

Loyce soupira d’exaspération et reprit son verre en grommelant quelque chose d’incompréhensible. Paradoxal me direz-vous... le jeune homme semblait ne pas apprécier que ses amis s’intéressent à son ex petite amie. Et pourtant, il y avait toutes les raisons pour qu’il n’en ait rien, mais alors strictement rien à faire. Et pourtant, il sentait bel et bien l’agacement lui prendre les entrailles, comme s’il était encore avec elle et qu’un homme l’abordait alors qu’il se trouvait à côté de lui.
Sans y faire vraiment attention, Loyce reporta son attention sur Jaelynn. Tournant la tête vers elle sans lâcher son verre, il posa ses yeux, toujours sourcils froncés, sur elle. Elle se rapprochait dangereusement de lui, ce qui l’amena à se demander à quoi elle jouait. Mais la réponse fût vite là, quand sa voix douce sonna faussement pour lui dire :

-Je pense que j'ai du mal comprendre ce que tu m'as dit Loyce. Je pensais que je t'avais déjà demandé de ne jamais, ô grand jamais m'appeler « poupée ». Apparemment il est trop difficile pour toi de comprendre ça !

Puis elle retourna à sa place. Loyce ricana doucement sans la lâcher du regard, ni même quand elle le fixa en adoptant le même sourire que l’anglais.

*Tu veux jouer à ça ? Mmh, très bien.*

Sur ce, Loyce empoigna son verre et but d’une traite le fond d’alcool qui restait. Il recommanda un verre et, en attendant que le barman lui amène sa nouvelle boisson, il se ralluma une cigarette, se leva et marcha gentiment vers Jaelynn. Il se rapprocha encore plus dangereusement qu’elle ne l’avait fait il y a quelques secondes, jusqu’à avoir son corps presque entièrement collé au sien, son visage vers le coté du sien. Évidemment, la jeune fille eut le réflexe de se reculer, mais Loyce la devança et plaça sa main dans le creux de son dos afin de l’en empêcher. Puis il murmura à son égard :

-Ah oui, excuse-moi. Tu préfères quand je t’appelle ma beauté, ma princesse, ma chérie, mon amour, mon étoile, ...

Provocateur, certes. Mais il adorait ça.
Une fois son murmure placé, il se recula, souriant toujours aussi ironiquement, puis il porta sa cigarette à sa bouche, aspira la fumée pour ensuite pencher sa tête en arrière et la recracher. Il jeta un dernier regard vers Jaelynn et retourna à sa place, mine de rien, pour s’asseoir et se mettre à boire son deuxième verre.

Sur ce coup, Loyce était très fier de son coup. Il ne perdait pas la main du côté de la répartie et de l’ironie, ses atouts majeurs quand il s’agissait de rabaisser une personne rapidement. Seulement, il savait que Jaelynn était comme lui ; elle ne se laissait jamais marcher sur les pieds et savait toujours quoi répondre. Mais le châtain n’en avait que faire. Il avait l’habitude d’être confronté à sa mauvaise humeur et ses crises d’hystérie. C’était comme ça depuis qu’ils s’étaient séparés. La bonne ambiance, en effet.
Bref. Le londonien était donc reparti s’asseoir à sa place. Directement, il eut droit aux réflexions de ses amis. « Tu la connais d’où ? », « Tu crois que je lui plais ? », « Wow mais regarde la ! ». Loyce commençait à en avoir un peu marre. Eh oui, la jalousie le rongeait toujours, bien qu’ils ne soient plus ensemble. C’était ainsi. Et entendre ses amis parler ainsi de son ex petite amie le rendait malade. Si bien qu’il finit par poser violemment son verre contre le comptoir avant de se tourner vers eux, sourcils froncés.

-Vous voulez pas vous la fermer deux secondes ?

Mais au même moment, il sentit sa cigarette glisser d’entre ses doigts. Surpris, il se retourna et remarqua que la belle blonde avait prit place à ses côtés, lui chipant sa cigarette pour se mettre à fumer. Etant à présent de forte mauvaise humeur, le jeune homme garda les sourcils froncés. Finit l’ironie et les « je te cherche », maintenant la guerre allait commencer.

-J'avais oublié à quel point tu jouais mal la comédie Loyce. C'est super drôle quand tu es jaloux et que tu essayes de le cacher !

Et en plus elle s’appropriait son verre ? Loyce était sidéré. Mais, comme si emmerder le monde était sa profession, il parvint à reprendre son sourire mi-sadique, mi-ironique et passa rapidement son doigt sur les lèvres de la jeune fille pour récolter les dernières gouttes d’alcool. Il porta ensuite son doigt vers sa bouche et le lécha sans manière particulière, le regard fixé sur Jaelynn, ce fameux sourire toujours présent. Puis il posa sa main à plat sur le comptoir du bar alors que l’autre était posée sur sa cuisse.

-Oh mais c’est juste que je trouve leur manière de t’aborder tellement vulgaire ! D’ailleurs, je pourrais leurs dire comment je m’y suis pris moi, non ? Des regards langoureux, des approches physiques... c’est dingue comme tu es facilement tombée dans mes bras !

Là, Loyce y était allé un peu fort, car il savait très bien qu’ils s’étaient mutuellement plut. La jeune fille pouvait donc facilement renverser la situation de son côté, surtout que, la connaissant, ce que venait de sortir le guitariste n’allait pas vraiment lui faire plaisir. Cependant, Loyce ne perdit pas la face. Gardant le même air, il rappela le barman et recommanda un verre. Il laissait l’autre à sa blonde d’ex, étant donné qu’il ne restait plus grand chose. De leurs cotés, ses amis étaient toujours en train de parler de Jaelynn, à voix basse. Mais ils étaient tellement discrets...

À peine avait-il balancé sa vanne que Loyce avait déjà retournée ses yeux. Son nouveau verre d’alcool en main, il le tourna machinalement pour faire tourbillonner le mélange dans le récipient, fixant le fond de ce dernier avec ce même sourire forcé. Ce qu’il ressentait était tellement étrange. Un mélange de haine et de peine. C’était très contradictoire et horriblement dure à supporter. Si Jaelynn avait été un mec, le londonien lui aurait déjà envoyé son poing en pleine face.
Cependant, il ne pût rester bien longtemps dans sa réflexion, car la belle blonde fit tout à coup pencher la balance de son côté ; elle se rapprocha dangereusement de Loyce pourquoi faire ? Pour emprisonner sa lèvre inferieure entre ses dents. Le châtain n’en revint pas, si bien que son cœur bondit violemment dans le fond de sa cage thoracique et que ses yeux s’écarquillèrent. Mais si tôt que le jeune fille s’écarta, son visage redevint un mélange de haine et d’ironie.

-Oh oui ! Bien entendu, Monsieur est un Dieu ! Monsieur est adulé de tous ! Monsieur a tout le monde à ses pieds. Non mais je rêve ! Comme si c'était ça qui m'avait rapproché de toi ! Tu te moques de moi j'espère ?!
-Me moquer de toi ? Nonnnn, je n’oserais ja-mais !, rétorqua-t-il d’une voix grinçante.

C’était fait, Jaelynn atteignait les limites du jeune homme. Quand elle s’approcha de ses amis pour taper la discussion, ce fût la goutte d’eau faisant déborder le vase. La rage bouillait dans les entrailles du guitariste, si bien que de la fumée aurait pût s’échapper de ses narines, comme pour les personnages de dessins animés. C’en était trop. Il y avait deux options : soi il mettait la vitesse supérieur et la dispute risquait d’éclater au milieu de ce bar, soi il s’avouait à demi vaincu. Aussi fier qu’il pouvait être, le jeune homme opta plutôt pour la seconde solution. Partir pour mieux revenir... s’il prenait un peu l’air pour se calmer, il reviendrait plus prêt encore pour affronter la demoiselle.
Sur ce, il avala cul-sec le fond de son verre, posa son verre dans un bruit sourd sur le bar et rappela une fois encore l’homme qui servait les clients. Et cette fois ce ne fût pas un verre mais une bouteille complète qu’il commanda. Du rhum, son alcool préféré. Puis il paya l’addition complète -qui s’avérait être salée-, car d’après lui, l’alcool allait largement suffire. Puis il empoigna sa bouteille et se leva. Il passa à côté de ses amis et de Jaelynn. Il s’arrêta vers un des garçon et lui glissa au creux de l’oreille :

-Garde un œil sur ma gratte s’te plait.
-Pas de soucis...

Puis il se dirigea vers la sortie. Ouvrant la porte d’un coup de pied non-violent, il se retrouva à l’extérieur. Tout en marchant, il glissa sa main dans une des poches de sa veste et en sortit son joint et un briquet. Pinçant le premier entre ses lèvres, il l’alluma, aspira une première fois la fumée et rangea le deuxième avant de prendre la cigarette de drogue entre son majeur et son indexe pour ensuite recracher cette fumée épaisse et si apaisante. Directement, la pression redescendit pour le jeune homme. Sa haine s’évanouit doucement, laissant place à ce sentiment de planage et d’extase qu’il ressentait à chaque fois qu’il fumait un bédot. Replaçant ce dernier entre ses lèvres, il reprit une bouffée de cette drogue si délicieuse à son goût et ouvrit le bouchon de sa bouteille en même temps. Reprenant la « cigarette » entre ses doigts, il franchit les quelques pas qui le séparait d’un mur, s’y adossa et porta la bouteille à ses lèvres pour boire plusieurs gorgée de rhum. L’alcool lui réchauffa la trachée, puis la cage thoracique pour finir par l’estomac. Là, il se sentait mieux. Triste à voir non ? Un joint et de l’alcool pour se détendre. Mais ne lui en voulez pas, Loyce est un jeune comme un autre.

L’air était frais. Normal pour un mois d’octobre. Et bien que le jeune homme ne soit vêtu que d’un simple tee-shirt blanc et d’une veste brune par dessus, il n’avait pas froid. Cela semble logique étant donné les boissons qu’il avait enchaînées depuis le début de la soirée. L’alcool réchauffe, c’est bien connu. Ce pourquoi Loyce descendait sa bouteille plutôt rapidement. Mais il fût coupé dans son élan quand il vit Jaelynn sortir du bar. Et ça, il l’avait prévu. Il connaissait suffisamment la belle blonde pour savoir quels étaient ses réactions. Et une fois de plus, il avait visé juste. Reprenant une bouffée de fumée, il écouta la jeune fille.

-Tu es ridicule et pathétique Loyce ! Comme si tu n'avais rien de mieux à faire ! Allez rentre !
-Rentrer ? Mais je suis très bien, adossé à ce mur en compagnie d’un bon joint et d’une bouteille de rhum...

Ironie quand tu nous tiens... cependant, Loyce n’avait pas finit de parler. Et cela peut paraître étrange, mais son sourire auparavant moqueur et méchant se transforma. C’était à présent un sourire léger mais sincère qui décorait son visage d’ange. Et ce sourire, Jaelynn savait qu’il était différent. C’était, comme écris, sincère.

-Ridicule et pathétique. Comme quoi on se ressemble mine de rien. Parce que... c’est pas moi qui t’ai suivie.

Ce n’était pas pour provoquer. La voix de Loyce s’était montrée étonnamment douce. Et là encore, son ex petite amie devait très bien faire la différence entre le discours qu’il avait tenu dans le bar et celui qu’il tenait maintenant. À cause de l’alcool et de la drogue ? Certainement... mais cela faisait du bien au châtain de, pour une fois, ne pas s’égosiller à hurler sa haine contre la demoiselle. Parler calmement pouvait très bien marcher également.
Une fois encore, il porta sa bouteille à sa bouche, avalant quelques longues gorgées de rhum dans un soupir d’extase. Il le savait, il allait finir par se comporter n’importe comment et, le lendemain, il ne se rappellerait certainement que de la moitié de la soirée, si ce n’est moins. Mais pour le moment, tout semblait jouer, alors pas d’affolement.

-N'empêche, je ne veux pas foutre la merde, mais tu pourrais partager quand même ! Dit-elle ironiquement en désignant la bouteille qu'il tenait à la main.

Le jeune homme rigola doucement en un souffle et garda son sourire si craquant en penchant quelque peu la tête. Ses yeux se fixèrent sur Jaelynn, la scrutant de bas en haut, puis s’arrêtèrent sur son visage angélique pour y noter les moindres détails. Ce visage si parfait, si beau qu’il avait adoré regarder pendant des heures du temps où ils étaient ensemble. Ce visage qu’il n’avait cessé d’embrasser et de caresser... son visage à elle. Un visage si différent.
Sans s’arrêter de sourire, le jeune londonien finit par tendre sa bouteille à la demoiselle, la fixant toujours de ses yeux chocolatés. En attendant qu’elle daigne s’approcher, il reporta son joint vers ses lèvres pour aspirer une longue bouffée de cette fumée nocive. Voyant le petit temps que mit Jaelynn pour se décider à avancer, Loyce finit par lui dire très doucement :

-Tu peux t’approcher hein... je me suis pas transformé en canibale.

Jaelynn avait déjà tourné les talons. Sa réaction tira un sourire amusé des lèvres de Loyce... bien qu’au fond il se sentait légèrement déçu du fait qu’elle reparte aussi vite qu’elle était venue. Déçu pour plusieurs choses. Premièrement, pour sa fierté. Vous commencez à cerner le personnage, Loyce a une tête grosse comme une citrouille d’Halloween. Je l’ai suffisamment répété, il déteste ne pas maîtriser les choses, adore jouer le frimeur en se vantant de tout ce qui touche sa personne, etc, etc. Mais, le second élément de sa déception est plus surprenant... le jeune londonien sentait son cœur se crisper très, très légèrement, comme si on lui enlevait quelque chose de précieux à ses yeux. Les sentiments ne se commandent pas...
Heureusement -ou malheureusement, cela dépend du point de vue-, la demoiselle s’arrêta dans sa course et se retourna pour rebrousser chemin en direction de son ex-petit ami qui avait tendu sa bouteille vers elle dés qu’elle avait détourné ses pas. Un nouveau sourire chaleureux prit place sur le visage du châtain alors que son cœur battait un peu plus rapidement que d’habitude.
Aussitôt qu’il eut sorti sa remarque concernant le cannibalisme, Jaelynn s’empara de la bouteille de rhum et en bu plusieurs gorgées. Comme elle était occupée à autre chose que le regarder, Loyce parcouru son visage de son regard. Ses traits étaient toujours aussi joliment dessinés, avec cette bouche fine et rosée, ce nez magnifiquement proportionné, ces yeux clairs et perçants. Loyce redécouvrait ces aspects qui l’avait tant fait craqué auparavant et qui, je ne vous le cache pas, ne le rendait pas indifférent en ce moment même.

-Heureusement d'ailleurs ! Rester seule avec toi ici serait du suicide !

Les paroles de la jeune fille sortirent Loyce de ses pensées un peu trop subitement. Il écarquilla ses yeux, comme surpris, et s’empressa de reprendre la même expression qu’il y a un court instant, avec ce fameux sourire si charmeur, si doux, si craquant. Il ne lâcha pas la belle blonde de ses yeux noisette, la regardant s’adosser contre le mur, à ses côtés.
Quand elle eut trouvé sa place, Loyce se retourna de sorte à n’avoir que son épaule appuyée contre la façade de briques. Ses mains glissées dans les poches de son jean vaguement et grossièrement déchiré à certains endroits, il continua de sourire de la même manière, sans lâcher le visage si parfait de la jeune femme du regard. Elle rebut une gorgée de rhum. Loyce imaginait la sensation qu’elle éprouvait en sentant ce liquide brûlant lui parcourir la trachée. Et rien qu’à cette idée, il posa sa main sur la bouteille, incitant Jaelynn à la lui redonner afin qu’il puisse boire à son tour. Ce qu’il fit dés qu’elle lâcha le récipient. Tout en avalant une, deux, trois, ... plusieurs longues gorgées à la suite, il continua de la fixer de ces yeux presque totalement noircis par la nuit. Quand il eut terminé de savourer sa boisson, il re-proposa le rhum à la délicieuse blonde en lui tendant la bouteille, le tout en l’observant d’un regard langoureux.

-C’est en te regardant comme ça que je comprends pourquoi je suis tombé raide dingue de toi...

Ce ne fut qu’un marmonnement, mais suffisamment prononcé pour que la demoiselle l’entende. C’était voulu. Par là, elle devait comprendre que le londonien regrettait amèrement ce qu’il s’était passé. Leur rupture n’avait pas été désirée, même si il l’avait fait naître. En effet, un événement avait contraint le jeune homme à quitter la ville au plus vite, l’obligeant malgré lui à mettre un terme à sa relation avec la jeune fille, ne désirant pas lui faire courir un quelconque risque avec cette histoire. C’était le cœur déchiré qu’il avait quitté Berlin... le cœur déchiré de voir la femme qu’il aimait pleurer devant lui à chaudes larmes, ne comprenant pas la raison de cette décision. Loyce n’avait jamais donné d’explication plausible à Jaelynn, simplement parce qu’il n’en avait pas trouvé le courage. D’où cette haine que la berlinoise éprouvait pour lui à présent. Et Dieu sait comment la punition était bien choisie... à chaque dispute, même s’il ne voulait pas l’admettre, Loyce sentait son cœur hurler de douleur.
Bref, si le jeune homme avait marmonné cela, c’est bien sûr parce qu’il le pensait. Mais en temps normal, jamais il n’aurait osé dire une chose pareille. Sa fierté l’aurait rattrapé une fois de plus. Cependant, dans cette situation, en comptant la quantité d’alcool qu’il avait déjà avalée, en plus du joint -qu’il continuait de fumer paisiblement d’ailleurs-, il ne pouvait que laisser parler son cœur. Vous savez tous que les mots sortent tous seuls quand notre taux d’alcoolémie est élevé... n’est-ce pas ?