« Demain il faut que je me lève tôt,
j’ai un rendez-vous hyper important,
si t’aimes ton père, si tu l’aimes vraiment,
sois fatiguée et dors maintenant. »

Fin du mois de février. Appartement des Alvarez. New York City. La nuit s’était déjà couchée depuis longtemps sur New York. Les noctambules retrouvaient leur environnement favori. La ville qui ne dort jamais commençait à vibrer sur des sons aléatoires. Depuis quelques jours, la ville était l’antithèse complète du jeune couple Alvarez. Alors qu’elle ne s’arrêtait jamais, eux priaient pour obtenir ne serait ce que quelques heures de sommeil. Cela faisait moins d’un mois que leur vie avait été totalement perturbée par l’arrivée d’un petit minimoy – comme aimait l’appeler Juan – d'un petit ange aussi – selon Melody cette fois. Après neuf longs mois d’attente, Melody avait enfin accouché, et une petite Lily Alvarez était venue s’ajouter au tableau déjà parfait que formait cette famille. Comme chaque jeune parent, ils découvraient les plaisirs des promenades dans l'appartement à trois heures du matin, la symphonie des Pleurs en fond sonore, l'odeur du lait qui salissait leurs vêtements. Autant dire que le bonheur était total dans le foyer. Juan faisait son possible pour appliquer à la lettre les conseils de ses parents, Akshan, Pedro, Felicity - qui lui expliquait certaines choses sur un ton totalement désespéré -, Ambre... Heureusement pour lui, Melody s'était découvert une fibre maternelle sur-développée et semblait s'occuper de son douzième enfant. Pendant ce temps, Juan ramait pour réussir à changer des couches, ou pour ne serait-ce que préparer les biberons.

Mais cette nuit-là, Juan était bien décidé à rattraper toutes les fois où il avait malencontreusement manqué de faire tomber sa fille, ou alors, ce jour où il avait mis ses habits à l'envers. Ce n'était pas comme s'il faisait des efforts, bien au contraire. Ou qu'il n'aimait pas Lily. C'est juste qu'il paraissait d'un seul coup trop immature et tête en l'air pour s'occuper d'un bébé. Il aimait sa fille plus que tout, depuis le jour où Melody et lui avaient décidé de la garder, de la voir grandir d'abord dans le ventre de la jeune femme, puis dans cet appartement, ou un autre. Lorsqu'il entendit sa fille pleurer, Juan ne dormait pas. Disons qu'il attendait le moment fatidique. Il sentit Melody bouger un peu, elle devait vouloir se lever, comme la majorité des fois où Lily pleurait la nuit. Aussitôt, Juan déposa un baiser sur le front de Melody et l'empêcha de se lever. « Laisse chérie. J’y vais. Rendors-toi. » Elle lui lança un regard à la fois étonné et endormi, avant de vite retourner rejoindre son oreiller. Fier de lui, il se dirigea d'un pas assuré vers la chambre de Lily. Il s'approcha à petits pas du berceau dans lequel sa fille s'agitait. Il l'observa un instant, et lorsque ses yeux marron rencontrèrent les yeux bleu remplis d'une tristesse qui semblait infinie, il décida qu'il était temps d'agir. Qu'est-ce qu'avait dit Pedro déjà ? Ah oui ; bien soutenir sa tête, et placer l'autre main dans son dos. Ok. C'était bon ça. « Bon alors, pourquoi tu pleures mon cœur ? » Seule réponse : des cris évidemment. Il parvint à trouver ça drôle, mais retrouva son sérieux en réalisant la charmante odeur qui se dégageait de Lily. « Couches. J'ai compris. » Tout en tenant le bébé contre lui, il partit à la recherche des fameuses couches et de ce qui était sûrement nécessaire pour réaliser cette opération si délicate. Opération vouée à l'échec car il ne trouvait rien. Déjà, Lily ne pleurait plus, on progressait. « T'inquiètes pas ma grande on va...aller voir maman vite fait ! Tu vas voir elle va être super contente de te voir. » Il n'était absolument pas convaincu. Mais bon, une petite question, et après, Melody pourrait retourner dormir. Tout en portant Lily plutôt convenablement, il retourna à son point de départ. « Meeeel ! Meeel ! Melody ! » Il s'assit sur le lit, à côté d'elle et attendit qu'elle ouvre un œil pour poser la question fatidique. « Dis-moi, tu les as rangées où les couches ? Ah puis, comment on fait déjà pour la changer ? Je me souviens plus bien. » A cet instant, il se maudit lui même pour être aussi incapable. Il tâcha de sourire, pour que Melody ne s'énerve pas. Car une Melody énervée, était une Melody bien vite contrariée.

« Là bas … dans l'armoire ... » Il sourit légèrement. D'accord, une Melody endormie était une Melody contrariée, mais c'était aussi un Melody adorable. Certes, ses cheveux étaient ébouriffés et ses yeux encore gonflés de sommeil, mais malgré ça, il la trouvait belle, comme toujours. Il leva les yeux au ciel face à sa propre niaiserie, puis cligna des yeux. L'armoire, oui, l'armoire. Il pivota un peu pour voir la fameuse armoire. Ah oui, en effet, elle était pile en face de la chambre de Lily, ça semblait logique, vu comme ça. Lorsqu'il reporta son regard sur sa femme qui avait déjà un peu râlé, il fut surpris de sentir une main venir cacher son sourire. « Et arrête de sourire comme un idiot ... » Il poussa un faible soupir. De un, il ne souriait pas comme un idiot, de deux il ne pouvait pas s'empêcher de sourire quand il tenait sa fille contre lui même si elle ne sentait pas bon, et de trois, c'était son sourire habituel, souriait-il comme un idiot à longueur de journée ? Il fronça les sourcils, mais préféra ne pas relever, sachant que répliquer ne ferait qu'énerver la blonde. « Je vais aller la changer … » Alerte rouge, alerte rouge. La bonne action de Juan, sa tentative pour être un père parfait était en train d'échouer. Il se leva d'un bon, alors que Melody était en train de tendre les bras pour attraper Lily. Cette dernière devait se dire que ses parents - ou du moins son père - n'était pas très doués. Elle n'avait pas tort la petite. Juan se dirigea vite vers l'armoire que sa femme lui avait indiquée, l'ouvrit et attrapa le premier paquet de couches qui lui tomba sous la main. Son oreille attentive lui fit remarquer que Melody était en train de se lever, tout en râlant d'avoir épousé un mari aussi peu doué. « Recouche-toi chérie... Monsieur sourire idiot va aller s'occuper de tout. » Malgré cet ordre, il sentit Melody marcher sur ses talons tandis qu'il allait à nouveau dans la chambre de Lily.

Bien décidé à régler ça aussi vite que possible, Juan installa sa fille sur la table à langer. Lily lui accorda alors un joli sourire, comme si elle voulait dire "c'est bien papa, tu y arrives, maintenant dépêches-toi, sinon maman va râler". L'acteur se retrouva à sourire comme un idiot en imaginant les pensées - sûrement fausses - du bébé. « Alors...bon... C'est pas difficile. Askhan y arrive. Pedro aussi. Felicity aussi. Puis Lena, et Ambre. Oui bon... Je dois bien pouvoir y arriver... Allez hop, au boulot ! » Il tapa dans ses mains, et il lui sembla voir Lily faire de même. Non, il était juste fatigué, et il se faisait des films. Il ferma les yeux, tâchant de se souvenir des conseils de Felicity qu'il avait un jour contacté en urgence lorsqu'il s'était retrouvé dans une situation identique à celle-ci. Mais encore une fois, rien ne lui revint en mémoire. Juan était capable de savoir ses textes par cœur, il retenait parfaitement chaque code qui lui était nécessaire soit pour rentrer chez lui ou pour sa carte bancaire, mais il oubliait toujours comment il fallait changer une couche. Il se tourna vers Melody qui était appuyée dans l'encadrement de la porte. Juan se passa une main nerveuse dans les cheveux, et finit par lâcher : « Je suis vraiment...inutile... » Il essaya de sourire quand même, après tout, ce n'était pas si grave que ça...mais quand même.

« Tu me laisses la changer? Et puis demain je pourrais te remontrer comment faire. Enfin, on pourrait le faire maintenant, mais disons que j'ai vraiment envie de retourner au lit, toi aussi, je suppose. Et puis Lily aussi. N'est-ce pas, ma belle? »

Juan hocha légèrement la tête à la proposition de sa femme, et l’embrassa à son tour, rapidement, avant de s’éloigner un peu pour la laisser faire. Il alla s’asseoir sur l’un des fauteuils de la pièce, et commença à observer du coin de l’œil les ‘deux femmes de sa vie’, comme il aimait dire en plaisantant. Un sourire triste se forma sur son visage quand il remarqua avec quelle facilité déconcertante Melody parvenait à faire rire Lily et à s’occuper d’elle. Dans des moments comme celui-là, il en venait presque à regretter cette décision, celle d’accepter la future venue de sa fille, suite à une discussion de mai dernier. Melody ne lui avait pas vraiment laissé le choix ; même s’il l’avait quittée, elle aurait gardé l’enfant, l’idée d’avorter n’avait pas effleuré l’esprit de la jeune femme, pas une seconde. Pour Juan, c’était une autre histoire. Il ne s’était jamais vu père. Il y a encore un an tout juste, il ne dormait que rarement chez lui, sortait tous les soirs, et les magazines people se frottaient les mains devant le nombre de photos plus ou moins compromettantes qui paraissaient chaque jour. Un enfant n’aurait pas sa place, dans cette vie trop dissolue. Même Melody, ne parvenait pas à lui assurer cette stabilité. Certes, il n’avait pas pensé à l’avortement, loin de là. Mais il avait déjà songé à sortir de leur vie, à toutes les deux, pensant que ça serait plus faciles pour elles. Evidemment, Pedro, Lena, Ambre ou encore Akshan, avaient toujours été là pour lui faire comprendre qu’il risquait de faire la plus grosse bêtise de toute sa vie. Ca, ça avait été durant les premiers jours. Puis les mois passant, et le temps aidant, il avait accepté. Il serait père oui, et il y arriverait, il ferait tout pour. Mais c’était encore plus dur qu’il ne le pensait, malheureusement.

Un ‘gazouillement’ le tira de ses pensées. Sa femme tenait à présent Lily dans ses bras, et n’avait pas l’air de vouloir la recoucher toute suite. Elles étaient bien réveillées, pour une heure aussi tardive. En les regardant toutes les deux, il retrouva son sourire niais – ou idiot, au choix – et chassa ses idées sombres. Ce choix était le meilleur de sa vie. « T’as de la chance pauvre idiot, profites-en au lieu de te morfondre dans ton coin. » pensa-t-il fortement. Il quitta enfin son fauteuil pour aller se placer juste derrière Melody. Ainsi, il passa ses bras autour de la taille de la jeune femme, et déposa un baiser dans son cou, avant d’adresser une grimace à Lily, toujours présente dans les bras la jolie blonde. « J’ai de la chance de vous avoir quand même. Bon, vous avez aussi de la chance vous, mais c’est pas la même chose, je sais.» Melody ayant les bras occupés, ne pouvait pas lui donner un léger coup dans le ventre – chose qu’elle faisait chaque fois qu’il se ventait pour plaisanter, souvent donc – il en profitait pour retrouver un semblant d’humour. « Tu crois qu’elle a besoin de quelque chose encore ? Manger ? Un câlin de son super papa ? Regarder un dessin animé ? Oui je sais qu’il est tard, mais il n’est jamais trop tard pour regarder un disney après tout. » Un gamin. Voilà ce qu’il était de grand idiot, un vrai gamin. C’est sûr, il n’aura aucun mal à jouer avec sa fille plus tard, niveau autorité, il faudra penser à quelqu’un d’autre.

Alors qu'elle pensait dormir une nuit entière, Juan l'avait tiré de ses rêves pour qu'elle lui rappelle où était les couches. Au départ Melody s'était levée du mauvais pied, mais désormais elle la changeait et elle n'en voulait pas à Juan. Demain, elle lui montrerait, encore une fois, comment la changeait et il aurait intérêt à s'en rappeller. Quelques fois Melody n'arrivait pas à se rendre compte qu'elle était devenue une mère et qu'elle s'était mariée à l'homme qu'elle avait aimé depuis son jeune age. Melody n'avait pas à se plaindre. Sa vie était parfaite. Juan avait un travail qui leur apportait beaucoup, beaucoup d'argents et ils allaient faire en sorte que leur petite Lily ne manque absolument de rien, en essayant de veiller à ce qu'elle ne devienne pas une enfant pourrie gâtée non plus. Si, l'année dernière, on lui avait dit qu'elle vivrait tout ca, Melody ne l'aurait jamais cru. Avoir un enfant était la plus belle chose qui puisse leur arriver mais ca n'avait pas été facile. Elle avait vu à quel point Juan ne se sentait pas prêt de devenir père et pourtant elle avait tout fait pour qu'ils l'aient cet enfant. Si Melody avait été contrainte de ne pas avoir l'enfant, elle l'aurait mal vécu, ça c'était certain. Mais désormais ils ne regrettaient. Ils étaient là, debout au milieu de la nuit, essayant de calmer les pleurs de la petite Lily, et même si Juan avait toujours un peu de mal, à deux, ils y arrivaient. Et Melody était là pour aider son mari, car elle savait que c'était toujours un peu dur pour lui.

Melody avait terminé de lui changer sa couche et elle prit Lily dans ses bras, afin de la bercer pour qu'elle puisse s'endormir paisiblement. La jeune maman sentit alors des bras entourer sa taille et un baiser se déposa sur son cou. Melody souriait et frissonna au contact des lèvres de Juan sur son cou. « J’ai de la chance de vous avoir quand même. Bon, vous avez aussi de la chance vous, mais c’est pas la même chose, je sais. » Généralement Melody adorait le taper lorsqu'il se venter comme ça, c'était un petit jeu entre eux et Juan ne s'en lassait pas, à croire qu'il aimait lorsque Melody le tapait. Mais là elle ne pouvait pas. Ayant Lily dans ses bras, et puis elle ne devait montrer aucun signe de 'violence' en présence de leur petite fille. Melody se contenta de lui répondre. « Mais je pense quand même que c'est toi le plus chanceux, mon amour. » Puis Juan enchaîna en lui demanda si elle pensait qu'elle avait besoin de quelque chose. Et à ses proposition, ça faisait sourire Melody. « On garde le disney pour demain par contre je pense qu'elle ne dirait pas non pour un gros câlin avec son papa, hein ma belle?? » dit elle en regardant et en souriant à sa fille. Elle se tourna alors vers Juan et la posa dans ses bras.