Une autre journée parfaitement normale pour Athena Bahati. Depuis que la Révolution du Jasmin avait fait souffler un vent de révolte dans les pays de l'Afrique du Nord & du Moyen-Orient, elle passait toutes ses journées aux Nations-Unies. Elle courrait de bureau en bureau, ses lunettes sur le nez, s'asseyait parfois quelques heures dans l'une des grandes salles de conférence pour traduire les dires du porte-paroles iranien. Certaines personnes se retournaient sur son passage mais peu se laissaient happer par sa beauté ; elle faisait en sorte que ses vêtements, son absence de maquillage, ses lunettes et ses talents d'actrice ne poussent pas les gens à vouloir la connaître, ou ne serais-ce que lui parler. Chacun de ses gestes était minutieusement étudié ; passer inaperçu pour pouvoir se faufiler partout et laisser glisser une oreille indiscrète partout où des informations utiles pourraient filtrer.
Après sa dernière réunion, elle fila jusqu'à l'extérieur du bâtiment et s'engouffra dans une bouche de métro pour rejoindre le sud de Manhattan, d'où un ferry l'amènerait jusqu'à Staten Island. Pendant le chemin, elle laissa son esprit s'éloigner vers les souvenirs qu'elle avait de la veille et qui, à vrai dire, l'étonnaient. Il y avait cette fille, Louise... Depuis qu'elles s'étaient rencontrées, Athena ne se posait pas de question. Avec elle, elle n'avait pas besoin de jouer à la jeune femme douce et sensible, elle pouvait dire ce qu'elle pensait sans que son amie ne se mette à hurler dans tous les sens qu'elle était bonne à enfermer. Bien sûr, elle ne lui avait pas tout dit, elle restait Athena Bahati pour elle comme pour tous les autres mais... C'était la première fois, depuis qu'elle était à New York, qu'elle rencontrait quelqu'un avec qui le
feeling était si facile. Et puis, la veille, alors qu'Athena était partie pour dîner chez Louise, elle avait découvert quelque chose de fascinant chez elle. Évidemment que cet état d'esprit n'était pas venu de nulle part... Un bordel ! Elle avait été entourée de putes toute sa vie, forcément, ça forgeait tout un caractère. Et Athena aimait celui de Louise, elle était de ces très rares personnes qui la faisaient se sentir
elle-même, si seulement cela pouvait exister.
La jeune femme, en arrivant à Staten Island, rejoignit sa demeure en quelques minutes seulement. La maison, sur quatre étages dont un sous-sol incluant un grand garage, était magnifique ; et bien au-dessus des moyens d'un agent lambda de l'ONU, mais encore une fois, elle pouvait se permettre beaucoup de choses si elle était prudente, et peu de personnes avaient eu l'occasion de voir ne serais-ce que la façade de sa villa, petit cadeau de son grand-père lorsqu'elle était arrivée à New York, entre autre. Alors qu'elle était sur le point d'entrer dans la maison, son téléphone sonna ; pas son Blackberry, l'autre, un vieil appareil des années 90. En une seconde, elle l'avait plaqué contre son oreille.
« Это настасия » prononça-t-elle dans un russe parfait. Ils n'avaient pas besoin de plus, il suffisait qu'elle lâcha un
Nastasia pour qu'on reconnaisse l'intonation réelle de sa voix, dure, froide et déterminée. Elle s'arrêta alors qu'elle écoutait son interlocuteur et, sans même lui répondre lorsqu'il eut fini, s'empressa de raccrocher pour pénétrer chez elle.
Forcément, c'était toujours comme ça que ça se passait. Ca faisait des semaines qu'elle n'avait rien eu à faire et, brusquement, il fallait qu'elle intercepte un colis le soir-même ? Elle n'avait jamais le temps de se préparer, et elle soupçonnait son grand-père de la faire prévenir toujours au dernier moment pour la tester, bien qu'ils sachent tous deux qu'elle n'en avait pas vraiment besoin. Elle monta d'abord dans sa chambre, se délesta de tous ses vêtements pour une douche express avant de revenir pour enfiler un pantalon en cuir et un pull noir avant d'enfiler ses bottes plates ; certes, elle avait encore quelques heures devant elle, mais mettre ces vêtements... C'était comme tenir son arme. C'était retrouver un but, retrouver l'identité qu'elle avait choisie et épousée.
Elle descendit d'un étage, traversa le salon, longea un long couloir et déverrouilla la dernière porte. Derrière... Sa vraie maison. Elle passait un temps incommensurable dans cette pièce dont les murs étaient remplis d'armes, d'un grand bureau en acier et de vitres à double teint. Aussitôt, elle fut attirée par les nombreuses armes à feu et en caressa un avant d'ouvrir un tiroir pour analyser ses munitions. Elle prit un petit revolver, le soupesa et le reposa avant de choisir un 9mm et de faire la même opération. Satisfaite, elle sortit les munitions correspondantes et, comme si c'était sacré, mit toute son attention à la charger. Elle caressa encore son arme et un léger sourire se dessina sur son visage
(psychopathe).
« Athena ? » La jeune femme réagit au quart de tour. En moins d'une seconde, elle avait fait volte-face et pointait son arme vers la source de la voix. Son coeur s'était complètement arrêté et, lorsqu'elle prit conscience que c'était son amie qui se tenait en face d'elle, n'osa pas plus réagir.
Louise ? C'était inconcevable, non, non ! Aucune personne qu'elle n'ai pas connu dans le cadre de ses agissements passé ne connaissait son secret, sa couverture. Personne ne savait de quoi elle était capable, ce qu'elle dissimulait derrière sa blondeur angélique et son regard bleuté. Et pourquoi Louise n'était-elle pas en train de fuir, ou d'appeler déjà la police ? Est-ce qu'elle aurait le temps de fuir, de retourner en Russie, de se créer une nouvelle identité, de se teindre les cheveux ?
« Fais gaffe ! Ta porte était ouverte, tu te rends compte si quelqu’un d’autre était entré ! » Remarquant que son amie ne semblait vraiment pas secouée, elle baissa son arme avec fluidité en lui lançant un regard interrogatif. Elle était... fascinante, elle n'avait absolument pas peur d'elle.
« Louise, qu'est-ce que tu - » Et puis soudain, ça fit tilt. Elle ne laissait jamais,
jamais sa porte ouverte. C'était l'une des premières choses que Kurski lui avait appris : ne laisse jamais quelqu'un te surprendre lorsque tu es en position de faiblesse. Chez elle, c'était le cas. Elle se tendit immédiatement et parcourut les quelques pas qui la séparaient de son amie, plaçant un doigt sur sa propre bouche pour intimer le silence à son amie.
« Personne n'aurait dû entrer. Attends-moi là. »ϟ
Si quelqu'un était entré, il n'était pas resté. Elle fit un rapide tour dans les étages, vérifiant sous les lits, dans les placards, mais tout était vide. Le garage, en revanche, était allumé mais toujours aucune trace de vie. La blonde remonta rapidement jusqu'à la salle où elle avait laissé Louise et hésita un instant avant d'y pénétrer. Dans ce cas de figure, Athena avait des ordres précis ; éliminer le danger, quel qu'il soit. Mais son amie... était son amie, justement. Elle entra finalement, Louise lui tournait le dos et Athena referma silencieusement la porte.
« Ca ne te choque pas ? » demanda-t-elle seulement, élevant la voix alors que cette maison ne connaissait, la plupart du temps, que le silence, pendant que Louise détachait son regard des multiples armes et accessoires d'Athena.