JANE & TONY

Affalé telle une crêpe sur son matelas. Non Tony ne dormait pas. Il avait les yeux bien ouverts et contempler simplement le plafond blanc. Bizarre me direz-vous ? Je ne vous le fait pas dire ! Il était songeur, rêveur, penseur, choisissez l'adjectif que vous voulez, mais ce qui est sur c'est qu'il n'était pas bosseur. Il aurait dû lever ses fesses depuis déjà une bonne quinzaine de minutes. Avec le temps qu'il met à rejoindre Manhattan en taxi, c'était sûr qu'il serait bien en retard pour commencer la journée, mais qu'avait-il dans la tête ? Enfin il se décida à bouger son cul du lit. Il se traîna comme une loque dans la salle de bain, direction la douche. Laissant couler l'eau chaude sur son corps, il se surprit même à se rendormir dans l'étroit compartiment vitré, une main sur le crane. Oh là, ça n'allait pas fort pour le jeune Davis. Il ressortit au bout d'une dizaine de minute, nu comme un vers et alla directement enfilé son jean, à peine essuyer, décidément il n'était pas réveillé ce matin et cela n'allait pas en s'arrangeant. En effet, aujourd'hui le jeune homme devait travailler à la Juillard School, un établissement prestigieux qui l'avait accepté comme pianiste. Il était conscient de sa chance et ne voulait surtout pas faire de pas de travers ! Chose qui serait difficile avec sa fâcheuse manie d'être constamment en retard ! Il se dépêcha de se préparer pour au moins arriver un minimum en retard et surtout attraper un taxi, à cette heure. Par chance le trajet se déroula sans trop d'embouteillage, chose plutôt rare à New-York. Il posa à peine un pied dans les couloirs, que déjà il était dans un autre univers. La différence et le contraste des classes étaient flagrantes ici. Tony n'était pas vraiment à sa place. Tout le monde le regardait. L'homme au jean et à la veste bon marché. Mais Tony s'en foutait royalement. Les regards, les chuchotements, tout ça passait bien au-dessus de lui ! C'était la marque des grands hommes. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour ce frayé un passage parmi les étudiants, vers une grande salle de danse, à l'étage.

L'endroit était spacieux et surtout vide. Au centre trônait un magnifique piano à queue, Shimmel. Un sourire se dessina progressivement, à mesure qu'il s'avançait vers l'instrument, sur le visage du jeune pianiste. Il retira sa veste et la posa sur le piano. Laissant apparaître ses tatouages avec les manches de sa chemise qui étaient relevées. Il s'installa et laissa ses doigts effleuré les touches avec une délicatesse inouïe. Quelques notes s'échappèrent de l'instrument. Le sourire sur le visage du jeune homme était maintenant bien présent. Il sortie une partition qui ne semblait pas finit et l'installa sur le présentoir devant lui. Un craquement de doigt retentit puis il posa ses doigts sur les touches et ce mit à jouer sa mélodie.

Il y avait une telle émotion dans ses gestes, mais aussi dans la salle, si bien que cela devenait déroutant. Les yeux fermés, le jeune Carlson était totalement transporté par la musique. On pouvait même apercevoir ses mains tremblées sous les chaque notes. Tout était si précis, si radieux, une harmonie complète entre la musique et le musicien ! Le rythme s'emballa et quand vint la dernière note, on put sentir toute l'hésitation du monde dans son poignée. Comme s'il n'avait pas envie d'en finir, que la mélodie n'était pas finie. Il voulait trouver cette note, mais rien n'y pu rien et s'attarda quelques minutes, toujours les yeux fermés, en quête de l'inspiration. Il lui fallut renoncer. Il laissa sa main retombait sur les touches, un bruit effroyable sortie alors du piano. Il se frotta le visage comme pour se réveiller. Il était embarrassé de ne pouvoir trouver la fin de son morceau.

_ C'est toujours pas ça ! ... C'est pas vrai...

Il faut dire qu'il avait vraiment besoin d'un nouveau morceau pour le proposer à l'équipe des inspecteurs de l'école. Il fallait qu'il leur montre son talent. Mais la pression, lui faisait perdre tous moyens en ce moment. Un miracle lui serait très utile...

Le réveil sonna, mais Jane était déjà réveillée, la tête enfoncée dans l’oreiller, elle regardait le soleil s’infiltrer dans sa chambre à travers le rideau. La française finit par se lever, se dirigeant directement à la salle bain, une douche rapide, des vêtements prient tout aussi rapidement dans l’armoire, elle ne dit pas vraiment attention, de toute façon, elle troquerait dans deux heures ce jean et ce tee-shirt noir pour ses habits de
danse. La jeune femme était parfaitement réveillée, et elle ne perdit pas une seconde de son temps, elle bu son café, et en moins de deux qu’il ne faut pour le dire, elle était déjà hors de chez elle, se dirigeant vers le métro.
Il était rare qu’elle soit aussi enthousiaste le matin, mais aujourd’hui n’était pas un jour ordinaire pour elle. Leur pianiste habituel avait demandé à l’administration de le remplacer définitivement le jeudi, après plusieurs échecs, il y avait eu ce garçon, Tony, au début, la française l’avait jugé par rapport à sa façon d’être, ses tatouages et autres critères. Elle avait toujours eu ce côté supérieur, cet air hautain avec tout le monde, Jane était une peste depuis toujours et se savoir meilleure que tout le monde en danse n’avait fait qu’empirer les choses, elle le savait, et elle assumait. Mais en jouant les premières notes de la mélodie, elle avait su qu’il était différent de tout les autres pianistes qu’elle avait vu dans cette école, Tony avait ça dans le sang, chaque notes étaient limpides, clairs, jouées avec tant de souplesse qu’elle le ressentait au fond d’elle quand elle dansait. Le métro s’arrêta à sa station, et la jeune femme descendit, marchant d’un pas rapide vers l’école, une fois devant, elle s’engouffra à l’intérieur, se dirigeant vers les vestiaires. Elle posa son sac, elle avait encore quelques heures devant elle avant que son cours ne commence, elle se changerait quelques minutes avant, enfilant juste ses chaussons de danse.
Jane prit le chemin de la salle, devant la porte, une mélodie parvint à son oreille, décidant alors de ne pas rentrer tout de suite pour ne pas interrompre la personne qui jouait, elle ouvrit délicatement la porte pour mieux entendre et surtout mettre fin à ses doutes par rapport à la personne qui était au piano. A sa vue, elle eut un sourire, qui s’effaça en s’accompagnant d’un sursaut quand il lâcha ses mains sur le piano faisant retentir un son lourd et horrible qui résonna dans la salle. La française fit son entrée à ce moment là. Elle se dirigea vers la barre pour faire quelques étirements, reprenant son air indifférent, tout en s’échauffant, elle leva la tête vers Tony.

- C’est dommage, tu avais bien commencé.

Simple, directe, avec gentillesse mais pas trop. Jane ne montrait pas ses sentiments, elle ne le voulait pas, même si au fond d’elle, la jeune femme était ravie de le voir, et que son cœur suivait le rythme de cette joie, il était hors de question de lui montrer de l’intérêt.

Totalement emporté dans sa musique, le jeune homme n'avait même pas remarqué la présence de miss Swann dans la salle. Il était comme coupé du monde extérieur. Exaspérer de ne pouvoir trouver une fin à sa mélodie. Il avait juste besoin d'une inspiration, du flash, qui lui manquait cruellement. La remarque de la belle, le fit légèrement sursauté sur place. Lui qui pensait être seul. Il se retourna et découvrit la jeune femme. Mais ce n'était pas n'importe qui. Miss Swann était une femme, que le jeune homme avait remarqué rapidement, d'une part par sa beauté, mais aussi de par sa grâce lorsqu'elle dansait. Tony n'était pas un coureur de jupons, bien loin de là, mais il n'avait pas un coeur de pierre non plus. Il lui arrivait de ressentir des choses et pour le moment la petite attirance physique qu'il avait pour la belle était bien là. Un sourire se dessina sur son visage.

_Ô je ne t'avais pas entendu rentrer. Je ne savais pas qu'il y avait un cours de prévu ici.

Il attrapa ses partitions maladroitement, laissant le paquet de feuille tombée et s'étaler sur le sol. Il jeta de furtifs regards vers la jeune femme, tout en ramassant ses feuilles. Il savait bien que comme toutes les personnes dans cette école, la jeune danseuse le voyait d'un mauvais oeil avec son look et ses tatouages, mais qu'importe, il était à prendre où à laisser. Tony se dit qu'après tout s'il n'allait pas vers les autres, ils n'apprendraient pas à le connaître davantage.

_Tu t'appelle Jane je crois. Moi c'est Tony, l'éberlue du piano !

Il était lui-même, simple, décontracté. C'était peut-être ça que les gens n'aimaient pas, le fait qu'il soit heureux en toute circonstance, le fait de vivre sa vie, de ce foutre de tout. Tony se releva et s'approcha de la jeune femme, il essuya sa main contre son pantalon et lui tendit, comme pour la saluer. Une façon bien familière, mais que voulez-vous, on ne change pas un homme. Et puis c'était le genre d'homme à vouloir décoincés tout ce beau monde de la haute société.

Jane avait encore du temps devant elle avant que son cours ne commence, alors engagé avec la conversation avec Tony n’était pas une mauvaise idée. Et même si son look un peu débraillé, et ses tatouages repoussait certaines filles de sa classe, elle, elle n’en fit rien. Qu’importe sa façon de s’habiller ou d’être, il jouait du piano merveilleusement bien. Les gens dans cette école ne pensaient plus que par le fric et avaient oublié que ce qui primait avant tout était le talent.
A la phrase qu’il prononça suite à son arrivée dans la salle, elle nota qu’en plus d’être doué, il était aussi poli. Trouver des gens polis dans cette école était devenue quelque chose de rare, alors autant en profiter.
Tout appuyer contre la barre de danse, elle regarde faire tomber ses partitions, sa maladresse la fit sourire, elle ne l’avait vu que peu de fois, mais il y avait toutes ses petites choses qui faisait que malgré elle, elle commençait à s’attacher petit à petit à lui. Elle n’avait pas un cœur d'artichaut, s’attacher aux gens étaient très rare dans son cas, mais Tony était quelqu’un de différent, même si elle ne le connaissait pas vraiment, elle pouvait le sentir.
Le fait qu’il se soit souvenue de son prénom, la fit sourire un peu plus, il n’y avait pas vraiment de quoi, c’était qu’un prénom après tout. Quand à Jane, elle savait déjà comment il s’appelait, mais se reteint de dire un « je sais.. » qui aurait pu paraitre hautain.

- Enchanté Tony.

Elle serra la main qu’il lui avait tendu après s’être approché d’elle. Elle voulait en savoir plus sur lui, mais ne savait pas par où commencer, une simple question parmi des centaines qui se battaient dans sa tête, finalement, au bout de quelque secondes de réflexion, elle se lança.

- Tu joues du piano depuis longtemps ?

C’était une bonne question. Pas trop personnel, et qui allait dans le cadre du lieu où ils se trouvaient.