Dix ans. Cela faisait dix ans que les tours jumelles du World Trade Center avaient été percutées par des avions, faisant ainsi trembler la ville de New York tout entier, comme le reste du monde. Ce jour là, ce 11 septembre 2001, je m'en rappelle comme si c'était hier. J'avais vu la retransmission de ces terribles attentats au travers de ma télévision. J'avais 16 ans mais j'avais rapidement compris tout ce que cela impliquait. Et dix ans plus tard, je redoute le pire. Ben Laden n'avait-il pas annoncé, avant son soi-disant meurtre, qu'il fêterait la décennie des attentats à sa manière ? Et pourtant, la journée du 11 septembre 2011 s'est passée sans embûches.

Lundi 12 septembre 2011, 6.50 pm.
Mon réveil sonne, comme tous les jours où je travaille, et comme tous les matins, je l'éteins rapidement, en grommelant. Je sens directement la fatigue me prendre. Cette nuit, j'ai très mal dormi, à cause de la chaleur qui régnait dans ma chambre. Et pourtant, je suis obligé d'aller travailler. Je me lève donc sans grande conviction et file directement dans ma salle de bain pour prendre une douche, histoire de me réveiller, puis je file m'habiller. Je ne me sens pas d'humeur aujourd'hui, si bien que je fais tout de travers. Je ne trouve pas le tee-shirt que j'aimerais mettre, je perds dix minutes à retrouver mon iPhone que j'avais laissé sur ma commode, je renverse mon café sur mes vêtements si bien que je dois me changer. Bref, la catastrophe. C'est donc en retard et sans avoir eu ma dose de caféine que je quitte mon appartement une heure après m'être levé.

Une demi heure plus tard et après m'être énervé dans les bouchons -ce qui n'est pas dans mes habitudes- je débarque sur mon lieu de travail. J'emprunte le chemin habituel afin de prendre l'ascenseur puis je traverse les couloirs pour débarquer dans la première salle. On me saute directement dessus pour m'annoncer que l'émission matinale à laquelle je participe sera déplacée à plus tard, ce qui me met hors de moi. Je fronce les sourcils, je m'énerve un bon coup puis je rebrousse chemin. Hors de question de rester ici avec l'humeur massacrante que je me paye. Je refais donc tout le chemin inverse et, tout en marchant, je crois Azure qui m'adresse un sourire et me salue. Je ne la calcule pas et continue mon chemin sans lui répondre, tête baissée. Depuis la fois où j'ai découvert qu'elle avait été mariée par le passé, je ne lui parle plus, je l'évite. Ce qui s'est passé ce jour là, entre notre grande engueulade puis le baiser que nous avons échangé m'a beaucoup trop remué pour que j'ose l'affronter. Je sais, je suis con. Bref, je traverse donc les couloirs à sens inverse et une fois dehors, je me rends à un Starbucks se trouvant sur la cinquième avenue. Il est temps pour moi d'avaler un café pour me calmer, parce que la journée risque de mal se passer si je n'accorde pas un minimum de caféine à mon corps. La porte du Starbucks passée, je me dirige directement vers la caisse et commande un Mocca. Je paye et fort heureusement, je me fais servir assez rapidement. Je vais m'assoir à une table et attrape le journal du jour pour me mettre à le parcourir du regard. À un moment, j'aperçois à nouveau Azure qui, elle aussi, franchi la porte du Starbucks. Elle vient certainement faire le plein de café, étant une accro à la caféine tout comme moi. Je me replonge rapidement dans ma lecture, faisant comme si je ne l'avais pas vue, en espérant que cela soit réciproque...

8:56 pm.
Un énorme bruit retentit soudainement dans la rue, comme une explosion. J'ai à peine le temps de redresser la tête et je me sens projeter en arrière. Les secondes qui suivent, tout es flou. J'entends ce qu'il se passe autour de moi en écho, je vois noir, puis flou. Il me semble entendre des crépitements et des hurlements, ainsi que des sirènes. Je tousse et une douleur me prend soudainement le ventre. Mes mains se baladent à l'aveugle et finissent par reconnaître du bois. Je baisse mon regard vers mes mains et constate qu'une table est pressée contre moi, m'enfonçant les côtes. Je grimace, relève la tête et sent le mur dur sur lequel mon dos est appuyé. Je comprends que je suis coincé, incapable de bouger. Je secoue ma tête afin de reprendre mes esprits et regarde autour de moi. Le Starbucks est en feu. Mes yeux s'ouvrent soudainement et, sans prendre le temps de réfléchir, j'essaye de me dégager... sans succès. J'ai beau forcer, pousser le bois de toutes mes forces, je suis bloqué contre ce mur, assis par terre. La panique commence à secouer tous les membres de mon corps à mesure que je constate l'état des alentours. Je ne parviens pas à distinguer la rue à l'extérieur. Tout commence à brûler, la fumée s'étend dans l'espace comme un épais brouillard. Mes yeux commencent à me piquer et ma gorge me gratte. Je tousse une nouvelle fois et je finis par hurler afin de me faire entendre. « À L'AIDE ! JE SUIS COINCÉ ! VENEZ M'AIDER, S'IL VOUS PLAIT ! ». En réponse, je n'entends que le crépitement des flammes qui dansent, de plus en plus nombreuses, dans ce Starbucks de la 5ème Avenue où, je ne le sais pas encore, vient d'éclater la seconde puis la troisième d'une série de cinq bombes qui ont déclenché une série d'incendies dans les boutiques avoisinantes, en plus d'avoir endommagé la rue.

Les secondes défilent au ralenti. Plus le temps passent, plus je me sens faible. La fumée baignant ce qui ressemblait à un Starbucks il y a de ça quelques minutes devient de plus en plus dense. Elle flotte autour de moi, comme un nuage pesant, s'insère dans ma bouche pour glisser dans ma gorge, jusqu'à s'installer confortablement dans mes poumons, ce qui me fait inévitablement tousser. La chaleur que dégagent les flammes devient de plus en plus forte et de plus en plus insupportable par conséquent. Mon front, en plus d'être légèrement noirci se cendre, se couvre d'une légère couche de sueur alors que je tente une fois de plus de rassembler mes efforts pour me dégager. Mais j'ai mal au ventre, aux côtes, mon corps est complètement bloqué. Je laisse un souffle de douleur s'échapper d'entre mes lèvres, puis je regarde autour de moi. Je ne distingue rien d'autre que des morceaux de bois en feux, des semblants de fauteuils et un morceau du comptoir. Sinon, rien. Pas une seule personne, pas un seul secours qui pourrait venir m'aider. Je me sens paniqué et des larmes dues à la fumée dense qui s'amplifie roulent sur mes joues, brillantes sous la lueur du feu qui m'entoure. J'inspire, sans prendre garde aux cendres qui se faufilent dans ma trachée, et j'essaye d'appeler à l'aide une seconde fois. « À L'AIDE ! » Mais j'étais bien conscient que ma voix ne devait certainement pas porter jusqu'à l'extérieur du bâtiment et que les secours qui doivent sûrement être sur place ne m'entendent pas.

Je finis par déposer les armes. Mes muscles se décontractent alors que la douleur au niveau de mon ventre se fait de plus en plus violente, et je ferme les yeux en respirant le moins possible, pour ne pas ingérer encore plus de fumée et autres substances nuisibles pour mes poumons. Ma tête commence à tourner, je me sens vaciller, comme si j'étais sur un bateau en pleine mer, jour de tempête. Mon corps se soulève au rythme du toussotement qui me prend, plus long cette fois, plus puissant. Le fait d'être secoué à cause de cette satanée toux m'arracha un cri. Mon ventre... ça me fait vraiment trop mal. Je tente de glisser ma main jusqu'à l'endroit qui m'envoyait des signaux de souffrance, mais je fus vite arrêter par le bois de la table qui me compressait contre le mur. Je grimace et redresse la tête. C'est là que j'aperçois une silhouette se dessiner au milieu des flammes dansantes, se dessinant de mieux en mieux au fur-et-à-mesure qu'elle s'approchait de moi. Les secours ! Enfin ! Je sens ma peur se dissiper soudainement et je m'apprête à appeler la personne pour bien lui indiquer ma position. « Heuuu je suis là …. je vais vous sortir de là … » À l'entente de cette voix, je reste coi. Cette voix douce et mélodieuse, malgré sa teinte de panique, je la reconnaitrais entre mille. Je me redresse faiblement et fixe la femme qui est accroupie à mes côtés et qui commence à tirer de toutes ses forces sur le reste de table. « Azure ?! » Mais ma voix est couverte par le bruit d'une poutre qui s'effondre du toit, un peu plus loin, affaiblie par le feu et réduite à s'écrouler. Je regarde au loin et sens la peur m'envahir à nouveau alors que ma douleur au ventre ne cesse de s'accroître. « Mais pourquoi ça ne marche pas …. Aller pousse toiiiiiiii …. » Elle est là, en train de m'aider, sans se rendre compte que c'est de moi qu'il s'agit. Et là, sans réfléchir, j'ai plus peur pour elle que pour moi. Si elle reste ici, au milieu de ce feu qui ne fait que grandir, elle court un énorme risque. Je préfère encore rester ici et mourir plutôt que de le laisser me sauver, prenant le risque d'y rester à son tour. Je lui saisis donc le poignet afin de la stopper et la regarde de mes pupilles brillantes de larmes. Cette fumée m'agresse, ça me pique les yeux, ça m'empêche de respirer correctement. Mais j'inspire un bon cou et me bats une fois de plus pour parler, malgré ma faiblesse grandissante. « Azure, sors de là, tout de suite... » Je préfère encore mourir en sachant qu'elle est en sécurité plutôt que de rester là à espérer que les secours viennent avec elle à mes côtés, courant le même danger que moi.

07h45 - 12 septembre 2011. Le réveil sonna, Jayden sortit le bras de sa couette il chercha l'emplacement du réveil avec le bout de ses doigts, il trouvât une montre, un bracelet, mais rien en comparaison à un réveil. Alors il se leva sous le crissements de celui-ci qui devenait au fur et à mesure, un simple bourdonnement.
Quand il tombât sur la cause de son réveil, il l'éteignit et finit par se lever, aujourd'hui, il devait se rendre chez Calypso -son ex- pour y voir Jamie -son fils-.

08h26 - 12 septembre 2011. Jayden sortit de son appartement, celui-ci se situait à Brooklyn, rien de mieux que ce bon vieux Brooklyn... Il était habillé avec débardeur noir moulant, et un jeans noir taille basse avec des trous. Il portait une magnifique paire de Doc Martens noir mâte, ayant le bas du jeans rentrer à l'intérieur.
Lunette de soleil sur le nez, il commença à se diriger vers un taxis qui le déposa au niveau du Metropolitan Museum of Art. Il le connaissait bien celui-ci, en effet, son père y travaillait, mais aujourd'hui, il était en séjour à Paris avec sa femme. Marchant les mains dans les poches, il croisait les passants, tous étaient pressés d'aller au travail, et c'était d'un fascinant...

08h56 - 12 septembre 2011. Un énorme BOOM retentit derrière le jeune homme, celui-ci se retourna brusquement, plusieurs personnes hurlaient, et d'autre restaient là à pleurer. Il s'approcha de la source, un immense tas de fumée s'élevait en direction du ciel. Le musée de son père, Jayden couru dans sa direction, il y découvrit des morts, et des blessés, comment cela était-il possible ?
La seule pensée que lui vint en tête, fut d'essayer de retrouver son fils et Caly. Il partit alors dans la direction qu'il avait opté, des débris se projetaient parfois dans sa direction, le blessant légèrement. Mais malheureusement Jay, était loin de savoir ce qui allait lui arriver dans les instants à venir.

Il avait toujours été quelqu'un de franc et loyale, il aurait aimé sauver ces personnes, mais sa principal préoccupation était de retrouver sa famille. Le jeune barman courrait dans les rues de New York, puis il se retrouva dans la 5ème avenue, c'est alors qu'une bombe explosa à nouveau, presque à coter du jeune homme, celui-ci fut projeter plus loins, blesser par l'explosion. Il retomba à terre, le visage ensanglanté, une entaille au niveau du front, inconscient.

Jayden ne savait plus où il était, ce qu'il se passait, il avait cette sensation de flotter, quelques chose d'agréable, mais il ne pouvait pas abandonner sa famille, il n'en avait pas le droit... Il entendait brièvement les gens courir à coter de lui, d'autre crier, une véritable hécatombe. Tous revivaient les attentats du 11 septembre 2001, avec un jour de retard...
Jay se retrouvait incapable de bouger, prisonnier de son corps inanimé, prisonnier de toute liberté, là, au milieu de la cinquième avenue... Qu'allait-il devenir ? Allait-il mourir de ses blessures ? Ou allait-il survivre ?

Ma tête... ça y est, je commence à voir trouble. Tout tangue, tout tremble, comme si mes yeux n'étaient plus capable de discerner ce qui m'entouraient. Mes yeux me brûlent de plus en plus et quelques larmes coulent malgré moi, dues à la fumée ambiante. La chaleur environnante commence à devenir insupportable, j'étouffe, sans parler de cette horrible douleur qui me tire le ventre. J'essaye de bouger, mais j'étouffe un cri. Je dois avoir des côtes cassées, si ce n'est pire. Je ne parviens même pas à sentir si le morceau de bois est appuyé contre moi ou carrément enfoncé à travers ma chair. Je laisse ma tête reposer contre le mur derrière moi alors qu'Azure continue à s'acharner sur le bois. Puis, je la vois redresser sa tête et me fixer. Son regard se teinte d'horreur et elle se jette presque sur moi. J'exagère. Elle pose une de ses mains sur ma joue, ce qui me rassure étonnamment. « Oh mon dieu Tim c’est toi, ne t’inquiète pas je vais te sortir de là, je vais pas te laisser tomber … tient bon !!! » Non, non, non ! Je ne veux pas qu'elle m'aide ! Je veux qu'elle sorte d'ici, qu'elle soit en sécurité... au lieu de ça, je la vois pleurer silencieusement tout en se remettant à l'oeuvre. Mon visage se crispe, car je sens le bois bouger contre moi, en moi, je ne sais pas. Mais mon dieu, ça me fait mal. Je grimace, un souffle de douleur s'échappe d'entre mes lèvres. « Ça ne veut pas bouger … je n’y arrive pas … ». « Azure... » Mes supplications ne changeraient rien, je le savais. Azure avait toujours été une femme forte, prêt à se battre et là, elle semblait bien décidée à rester avec moi, quitte à y passer. « Je vais pas te laisser, je ne t’abandonnerais pas tu m’entends, jamais … » Ces quelques mots résonnent dans ma tête... elle ne m'abandonnera jamais ? Mais n'est-ce pas ce qu'elle a fait en mettant un terme à notre histoire, sans explications ? À cette pensée, mes yeux se ferment et des larmes de tristesse se mêlent à celles qui coulaient précédemment sur mes joues à cause du feu et de la fumée qui se faisait de plus en plus dense à mesure que le Starbucks se transformait en cendres. Pendant ce temps, j'entends Azure qui se met à hurler, à crier au secours. J'ai envie de la stopper, de lui dire que j'ai déjà essayé d'alerter l'extérieur, mais je n'en trouve pas la force. J'entrouvre mes yeux difficilement alors que je me sens défaillir. Mon ventre me fait horriblement mal, je me sens trop faible. Et pourtant, lorsque je sens sa main prendre la mienne, je sens mon coeur battre plus fort, comme si elle lui avait redonné de l'énergie par ce simple contact. Je la regarde, nos yeux se croisent. « Les secours vont arriver, ils vont te sortir de là … » Mes lèvres s'entrouvrent, mes yeux larmoyants restent profondément encrés dans son regard noir. Je sers sa main, je ne la lâche pas du regard, puis je puise dans mes dernières forces pour la supplier une fois encore de partir d'ici. « Azure, s'il te plait... ne reste pas là... je ne supporterai pas qu'il t'arrive quelque chose... » Une petite voix en moi me pousse à lui murmurer un "je t'aime" afin de la décider, mais je n'en trouve pas la force ni le courage. Je continue à serrer sa main, la suppliant du regard pour qu'elle s'enfuie vers l'extérieur, vers l'air pur, vers la vie...

Mes paupières se baissent, m'offrant le noir total comme simple vue. Je sens que ma tête part légèrement en avant alors que ma main relâche la pression qu'elle exerçait auparavant sur celle d'Azure. Suis-je en train de partir ? De mourir ? Ou simplement de m'évanouir ? Je n'en sais rien. Le crépitements des flammes me semble lointain alors que la chaleur du feu continue de caresser ma peau. J'ai de la peine à respirer, ma cage thoracique se soulève difficilement au rythme de ma respiration entrecoupée. Puis, il me semble entendre une autre voix, plus grave, celle d'un homme. Les secours ? Enfin ? Je l'espère ! J'essaye d'ouvrir mes yeux, mais rien. Je reste à moitié inconscient contre le mur, à me concentrer sur cette voix pour oublier la douleur que je ressens. « Merde, qu’est-ce que tu fous là toi ? » L'inconnu s'est adressé à moi et, étant donné les mots que j'ai entendu, il ne s'agit pas des secours. Je me donne une gifle mentalement et parviens tout de même à entrouvrir mes paupières. Alors que ma vue se brouille, je distingue tout de même cet homme et le reconnais : Stanislas. Je souffle et me mets à tousser faiblement, prêt à lui demander de faire sortir Azure d'ici, mais il me devance. « Attends deux petits minutes, je la sors et je reviens. » . Dieu soit loué ! Merci Stan' ! Je le regarde, mes yeux rouges exprimant la souffrance que je ressens, mais aussi le soulagement suite aux paroles que je viens d'entendre. Je referme mes yeux, incapable de les garder ouverts plus longtemps, puis me laisse complètement aller. À quoi bon lutter à présent ? Je suis à bout de force et je sais que Stanislas va sauver Azure. Qu'elle soit en sécurité, en vie, c'est tout ce qui m'importe. Dans un dernier effort, j'arrive à lui exprimer ma reconnaissance, d'une voix faible. « Merci Stan'... » Et là, presque le trou noir. Tout son m'arrive en échos, je ne perçois même plus la sensation de chaleur sur mon épiderme. Meme la douleur au niveau de mon ventre s'atténue petit à petit, à mesure que tous mes muscles se relâchant.

Je me sentais vraiment mal à l’aise. Malgré tout les efforts que je faisais pour rester le plus neutre possible face à la situation qui se déroulait sous mes yeux, j’avais beaucoup de mal à digérer la présence de Timothy. C’était monstrueux, c’était égoïste, bref c’était tout ce qu’il y a de plus négatif, mais je ne pouvais m’empêcher de ressentir une pointe de jalousie envers lui. Et dire que quelques minutes plus tôt, j’avais imaginé avoir une conversation houleuse avec Azure… J’étais bien loin de la vérité, en fait.

« Je t’en prie Azure, ce n’est franchement pas le moment de me faire de reproche, s’il te plait. » Dis-je d’une voix calme.

J’avais besoin d’être calmé et posé, afin de peser le pour et le contre de la situation le plus rapidement possible. Vu l’état de chaos dans lequel nous étions plongés, il fallait aller à l’essentiel, et au plus efficace. Et m’engueuler avec ma demi-sœur n’était pas franchement ce dont j’avais besoin, à cette heure-ci.

« De toute façon, les secours ne sont pas disponibles. C’est le bordel partout, dehors… » Lâchais-je en secouant légèrement la tête. Impuissant. Voilà le mot qui résumait mon état d’esprit à cet instant précis. Pourtant, ce sentiment s’effaça pendant de courts instants, alors qu’Azure (sans doute mue par une espèce de forme de soulagement de voir que quelqu’un arrivait enfin à son secours) me sentait au cou. Au sens littéral du terme ; ma demi-sœur s’était purement et simplement jetée dans mes bras. Plutôt étrange, comme action, mais je mettais ça sur le compte de l’impulsivité. Passée la première seconde de surprise, je l’ai doucement serrée contre moi.

« Ça va aller, ne t’en fais pas. » Tentais-je de la rassurer, alors que ses sanglots venaient entrecouper ce qu’elle disait.

Malgré ce soudain rapprochement, je me sentais plus impuissant que jamais, mais aussi surtout plus seul que jamais. J’avais l’impression que l’avenir d’Azure, mais surtout celui de Tim, étaient entre mes mains. Autant le dire, je n’avais pas le droit à l’erreur. Réalisant que Timothy était complètement bloqué, j’ai pris ce qui me semblait être à la fois la meilleure décision, mais aussi la plus égoïste : celle de faire sortir Azure. Mais ma demi-sœur ne l’entendait pas de cette oreille. J’ai senti sa main se poser sur mon torse, pour me repousser. La légère pression qu’elle exerça ne me perturba pas outre mesure ; si elle voulait que j’agisse, elle allait devoir aller nous attendre dehors. D’ailleurs, avec un peu de chance, elle serait prise en charge par une ambulance, qui l’amènerait tout droit vers l’hôpital le plus proche.

« J’annonce, tu exécutes. Point final. » Dis-je avec un ton légèrement autoritaire.

Allez courage Stan, tu peux le faire. D’habitude, je n’avais aucun mal à me faire respecter, que ce soit dans ma vie professionnelle comme dans ma vie privée. Mais avec Azure, les choses étaient loin d’être aussi simple : c’était à celui qui aurait le dernier mot. Sauf qu’aujourd’hui, nous n’avions pas franchement le temps de nous battre ; apparemment, la vie de Tim était en jeu. Et je savais très bien que ni elle ni moi ne pourrions nous pardonner si jamais il lui arrivait quelque chose. J’ai posé la main sur l’épaule d’Azure, alors qu’elle s’était détournée de moi pour se pencher aux côtés de Tim. J’allais lui dire que nous n’avions pas toute la nuit pour agir, lorsque je l’ai vue approcher son visage de celui de son ex petit-ami, avant d’hurler. Ma main serra légèrement son épaule, alors que je me penchais à mon tour.

« Arrête. Arrête. Arrête Azure ! » M’exclamais-je en retenant une de ses mains. « Lui donner des claques ne le ramènera pas. Il faut qu’on agisse, et vite. » Lâchais-je avant de me relever pour enjamber Tim. « Regarde-moi. Il faut que tu le tires, d’accord ? » Dis-je en posant une main sur le bois qui bloquait Tim. « Je vais soulever ça, mais j’vais pas pouvoir dégager Tim d’ici tout seul. »

Oui, dis comme ça, ça sonnait franchement dramatique. Mais, même si ça ne faisait pas parti de mon caractère, j’essayais de rester le plus optimiste possible, tout simplement parce que j’en avais besoin. J’ai soupiré, avant de dire :

« Trois, deux, un, go. » Dis-je avant de soulever le légèrement bout de bois.

« Non, non et non je ne partirais pas, je ne te laisserais pas … ne te préoccupe pas de moi, c’est toi qui est bloqué pas moi et je ne partirais pas, je ne le pourrais pas. » En quelle langue dois-je parler pour qu'elle m'écoute et fasse ce que je lui dise ? Bon sang, elle devrait déjà être sortie d'ici ! Elle devrait être dehors, à l'abris, loin de cette fumée envahissante, de ces flammes qui dansent et de ce toit qui menace de s'écrouler au fur-et-à-mesure que l'incendie se fait plus grand. Je la regarde, mais je ne trouve plus la force de lui demander de partir. J'entrouvre mes lèvres desséchées par la chaleur ambiante et seul un filet d'air, supporté de ma voix faible, parvient à marmonner son prénom encore une fois. « Azure... » Je garde ma bouche entrouverte, pour tenter de faciliter ma respiration trop ardue à cause de la fumée. L'air devient de plus en plus irrespirable. Azure ne va pas tenir bien plus longtemps que moi...

Et pourtant, une personne semble s'approcher. J'aperçois vaguement une silhouette se dessiner dans la noirceur qui nous entoure. « Ils arrivent, on m’a entendu Tim, ils vont te sortir de là. » Mais je ferme mes yeux, trop affaibli. Mes pupilles me piquent horriblement, je ne peux pas garder mes paupières levées plus longtemps. C'est là que je reconnais la voix de Stan. Il essaye tant bien que mal de raisonner Azure pour la convaincre de sortir de cet endroit dangereux, mais il a beau faire, elle ne change pas d'avis. Je la connais, elle est très têtue. Cela nous a valu d'ailleurs bon nombre de disputes. Et en ces circonstances, elle n'allait pas décider d'écouter Stanislas. Elle avait choisi de rester pour m'aider, alors elle ne bougerait pas d'ici du moment que je resterai coincé. Et nos supplications à Stan et moi n'y pourront rien changer.

Mon attention finit par se détourner d'eux. Alors qu'ils sont en train de polémiquer sur le fait qu'Azure ne se plie pas aux ordres pourtant clair de Stanislas, je détourne mon regard et me mets à fixer une flamme se trouvant à trois mètres de mois, si ce n'est moins. Elle valse dans les airs, victorieuse, savourant son oeuvre. Ses teintes oranges, rouges et jaunes tournoient librement au milieu de l'épaisse fumée qu'elle crée. Je l'observe et sens la chaleur grandir. Ma chair me brûle, j'ai l'impression que le feu m'enveloppe de toutes parts. Je pousse un dernier soupir et repose mes yeux bruns sur le duo, qui parle encore et toujours, puis, à bout de force, je laisse mes muscles se décontracter alors que ma vue se brouille. Soudain, un voile noir vient se poser devant mes pupilles. Ma tête me tourne et je la sens basculer sur le côté, légèrement, mais de quoi montrer l'inconscience qui me est en train de me prendre dans ses filets. Ma cage thoracique se soulève de plus en plus lentement, à mesure que ma respiration se fait difficile. Progressivement, je ne ressens plus la douleur de mon ventre, je ne ressens plus la chaleur qui, précédemment, me brûlait l'épiderme. Je me sens partir, comme si je tombais dans un gouffre sans fin. « Tim, réveil toi !!! TIM !!!! » La voix d'Azure résonne dans ma tête. Elle sonne comme un écho lointain, elle sonne comme s'il s'agissait d'un ange qui m'appelait pour le rejoindre au-delà des cieux. « Arrête. Arrête. Arrête Azure ! » La voix masculine de Stanislas ricoche dans ma tête à son tour. Tout me parait si... étrange. Est-ce que je suis en train de rêver ? Ou bien sont-ils encore avec moi ? Je ne saurais dire... Plus rien ne me parvient. Trou noir. Silence radio. Je suis seul face au gouffre, et je tombe, je tombe, je tombe...

Quand soudain, je ressens une terrible douleur au niveau de mon ventre. C'était comme si l'on me retournait un couteau dans une plaie profonde. La souffrance est telle que je reprends soudainement conscience. Mes yeux s'ouvrent subitement, mon buste se redresse et mes mains se portent automatiquement en-dessous de mes côtes. « HANNN ! » Un cri me déchire la gorge. Directement, je referme mes yeux à m'en fendre les paupières et repose violemment ma tête contre le mur derrière moi en me tenant le ventre du mieux que je le peux. Le morceau de bois m'empêche d'atteindre l'endroit concernée. Des larmes de souffrance dévalent la pente de mes joues. Je plante mon regard suppliant sur Stanislas, le regarde quelques secondes pour lui faire comprendre que je ne vais pas bien du tout. Le voyant, les mains autours du morceau de bois qui me maintient prisonnier, je comprends qu'il a essayé de le déplace, d'où ma violente douleur. Puis je regarde Azure. À ce moment précis, je sens la peur m'attraper la gorge. J'ai peur de ne plus jamais la revoir, de ne plus pouvoir lui parler, de ne pas avoir le temps de lui dire que je n'ai jamais cessé de l'aimer, de ne plus pouvoir tenter ma chance auprès d'elle... Un toussotement soulève mon torse et me fait grimacer. Mes yeux larmoyants fixent celle que j'aime et là, sans savoir pourquoi, je mets à la supplier. « Aide-moi... je t'en prie... » Ça allait certainement l'affoler, mais qu'importe. J'avais besoin d'elle plus que jamais et elle devait le savoir.