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Salem McDaniels & Alaska Siobhàn McDaniels

« Ok. Et un deux trois quatre, un deux trois quatre ! Bouge tes fesses Carter, tu comptes faire foirer la variation ou quoi ? Allez, allez allez ! » Alaska soupira, attrapa sa bouteille d'eau, en but un grande gorgée avant de presque s'étouffer en reprenant son discours passionné « Mais c'est quoi ça ?! Carter, tu sors ! TU SORS ! Tu fais tout foirer ! Et un deux trois quatre, un deux trois quatre ! » Elle secoua la tête tout en se demandant qui lui avait foutu une équipe de bras cassé aussi empotée. Elle se leva, resserra son châle contre son corps et décida d'aller par elle-même montrer ce qu'elle voulait. Elle arrêta la musique et laissa place à un silence assourdissant. Personne n'osait broncher un mot, attendant ce qui allait se passer. La jeune américaine monta sur la scène avec grâce avant de se place devant tout le monde, qui se recula. Elle montra ce qu'elle voulait, c'est-à-dire quelque chose de fluide, de gracieux, de vivant. Une fois son enchaînement fini, elle se retourna vers les danseurs qui composaient le New York City Ballet qui n'osait piper mot. Elle avait beau être la Balletmistress de ce ballet mondialement connu depuis à peine plus d'un mois, elle avait réussi à obtenir le respect de tous les danseurs. Ils connaissaient tous sa carrière florissante, sa descente aux enfers et sa volonté à relever la tête hors de l'eau. Les premières semaines avaient été éprouvantes car ils avaient décidé de montrer qu'ils dansaient mieux qu'elle et qu'ils ne voulaient pas d'elle parmi eux. Mais, au fil des heures et des heures de travail, Alaska avait prouvé que son talent inné n'était pas perdu et que, même si elle avait des progrès à effectuer dans son travail pour retrouver sa souplesse, sa création et ses idées n'étaient pas perdues, loin de là. La danse était sa vie et tout le monde le savait. Elle avait tout mis de côté pour vivre à 300% sa passion, sa famille, ses amis qui ne faisaient pas partis du monde de la danse, les hommes et tout ce qui auraient pu la retarder dans sa progression dans la conquête du monde. Ce travail à NYC Ballet était, contrairement à ce qu'elle répétait à chaque magazine qui l'interviewait, temporaire. Elle ne comptait absolument pas passer sa vie dans cette ville. Elle n'avait que 24 ans et toute sa vie l'attendait encore. Pendant plus de dix ans, elle a vécu dans ce village qu'est le monde. Elle avait voyagé aux quatre coins du monde, avait même vécu quelques mois à Lhassa. Alors, vous dire que vivre à New York, c'était un peu banal et Alaska détestait les grandes villes. Elle avait vécu dans une petite ville du Colorado jusqu'à ses onze ans avant de partir pour Paris, la capital du romantisme. Malgré la taille de cette ville, Alaska avait toujours eu l'impression de vivre dans un petit village au sein du Marais et c'était ce genre qu'elle aimait. Avoir tout à portée de main mais ne pas avoir les inconvénients d'une grande cité tels que la pollution, le bruit, la populace trop importante.

Les danseurs de sa compagnie semblaient avoir compris le message qu'Alaska avait voulu faire passer. Ils se remirent au travail tout de suite pendant qu'elle retournait à sa place, au milieu des sièges, derrière sa table où l'attendait son verre d'eau qu'elle but d'un coup. La journée allait encore être longue. Elle parla dans son micro « Ok les gars, on fait une pause. Je suis en manque de café. On reprend dans une demie heure. » Les danseurs s'éparpillèrent, osant enfin parler tout en prenant soin de bien se couvrir et de s'hydrater, en professionnels qu'ils étaient. Pendant ce temps-là, Alaska sortit du Metropolitan Opera où ils s'entraînaient. Resserrant son châle autour d'elle, elle frissonna. Il ne faisait pas chaud et elle ne portait qu'un legging moulant noir et son justaucorps prune. Elle avisa un marchand ambulant de café et de bretzels en tous genres. Elle fut la queue, grelottant et attendant son tour pour enfin avoir ce café qui lui sauvera la vie...

L’automne, ses feuilles mortes et ses températures flirtant avec le froid. L’automne, saison morte. Nos âmes monotones se content de cette mélodie routinière qui accompagne nos journées. Mélodie insensée qui adoucit nos mœurs malgré tout. Pantins de nos vies. Tel un automate, Salem marchait à travers les ruelles newyorkaises. Sans but, ni intérêt, il marchait. Marcher pour simplement marcher. Marcher et sentir ce petit vent léger venir lui gifler gentiment les joues à chaque foulée d’effectuée. Il était quatorze heures moins le quart à la montre du jeune homme. Cela faisait déjà de bonnes longues minutes qu’il allait tel un vagabond dans le cœur de la ville. Il ne pourrait vous dire l’heure à laquelle il avait quitté son appartement, vu qu’il n’avait fait guère attention à l’heure. Il remonta le col de son manteau et s’entoura bien chaleureusement de son écharpe qui lui tenait chaud. L’automne, le début du froid. Il y avait dans cette saison comme une odeur d’antan. Certes rien ne pourrait lui rappeler ses si chers montagnes, sa neige et ces paysages authentiques qui avaient bercés son enfance, son adolescence. Rien de tout cela ne pourrait lui rappeler Silverthorne. Le jeune homme expira un grand coup, laissant échapper une fumée. Cigarette à la main, il continua son chemin. Encore et toujours. Il ne savait pas où ses pas allaient le mener, mais pourtant, il continuer. Il continuait encore et toujours à marcher. Comme si cette putain d’envie de se vider la tête s’était éprise de lui.

Salem se trouvait au cœur d’Upper West Side, ne sachant guère ce qu’il faisait ici, il continuait sa route. Jusqu’à trouver un marchand de café ambulant avec son espèce de chariot. Quel métier saugrenu. Il regardait quelque peu amusé l’homme qui se tenait derrière ce comptoir à servir des gens plus ou moins aimables en fonction des personnalités. Il y avait des jeunes, des moins jeunes, des vieux aussi. McDaniels s’approcha et vint se mêler à ce melting-pot. Résigné, il se mit dans la queue. Faire la queue, quelle idée, songea-t-il. Après tout pourquoi ne pas donner des coudes et passer devant deux ou trois personnes ? Comment cela ça ne se fait pas ? Bien sûr que ça se fait, des petits cons s’amusent à le faire. Il y en a toujours qui le font. Un coup dans son bras vint le tirer de ses pensées et il regarda à côté de lui. L’air hautain, il se racla la gorge avant d’attraper ce jeune par le bras. Il enleva la clope qu’il avait dans sa bouche afin de pouvoir parler. « Tu feras la queue comme tout le monde, mon petit. » lui cracha-t-il à la face. Quelques regards curieux dans la queue se tournèrent vers Salem. Et comme de rien n’était, il se retourna face à la file, soupirant fortement. A vrai dire, il soupira deux fois. Deux fois de suite, avant de nouveau consulter sa montre. Sûrement ennui et trouver quelque chose à faire de ses mains. Il les enfonça bien profondément dans les poches de son manteau et piétina sur place à chaque fois qu’une personne quittait la queue avec son gobelet de café chaud à la main. Le regard de Salem se posa sur la jeune femme qui se trouvait en face de lui. Il ne pourrait vous décrire son visage. Une brune, sûrement jolie… à moins que la nature ne l’ait guère gâté. Et c’est alors qu’il se mit à la regarder de haut en bas, sans gêne. Après tout, elle ne voyait pas, étant donné qu’elle était de dos ! Il ne put se contenter de commenter à haute voix la tenue de cette femme. « Et bien, il y en a qui sont réchauffés par ce temps… » lança-t-il. Un sourire qui se voulait amusé et moqueur se dessina sur ses lèvres.

Alaska était pressée. Ce moment de la journée était le seul où elle était toute seule, enfin, façon de parler vu la populace qui l'entourait. Pour mieux formuler cela, il faudrait dire que la jeune femme profitait de ce moment pour ne penser à rien, siroter son café, se réchauffer doucement, membres par membres. C'est pourquoi quand un homme harangua un gamin derrière elle pour l'obliger à faire la queue comme tout le monde, elle sourit mais n'y prêta pas plus attention. A quoi bon prêter gare à un inconnu dans la rue, de mauvais humeur qui plus est ? Cela dit, il continua de parler et de la façon la plus gentille qui soit. Alaska soupira et se retourna brusquement, faisant face à cet impoli. « Va faire chier quelqu'un autre part ou attend que j'ai ma dose de café pour... ». Elle s'arrêta en plein milieu de sa phrase, bouche bée. Elle aurait pu faire la doublure d'un manga avec ses expressions si exagérées. Mais la situation était trop inattendue pour réagir autrement. Celui qui se tenait devant elle ne pouvait pas être, ne devait pas être... Salem. Salem ? Elle n'était pas sûre mais ne pouvait nier la ressemblance troublante entre ce jeune homme mal poli et son frère jumeau.

Depuis quand n'avait-elle pas vu son frère ? Noël dernier sans doute. Tous les ans, les McDaniels se rassemblaient pour la fête familiale. Ils prenaient une photo de groupe (oui, sept enfants, c'est une photo de groupe à ce nombre-là) qu'Alaska mettait ensuite dans un cadre qu'elle emportait partout avec elle, dans tous ses voyages. Quand elle a habité quelques mois à Lhassa, au Tibet, ce cadre était sur sa table de nuit, quand elle a visité l'Australie en road trip, ce cadre était toujours là, à côté du compteur. D'une certaine façon, les McDaniels étaient toujours avec elle malgré le fait qu'elle les avait quitté très tôt pour aller étudier à l'Opéra de Paris dès ses onze ans. Elle s'obligeait à n'avoir aucun remords pour cette décision : qu'aurait-elle fait de sa vie sinon ? Mais là, devant ce jeune homme qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à Salem, elle hésitait.

Alaska se reprit en secouant la tête devant le manque de réaction du jeune homme qui se tenait devant elle. Elle baissa la tête, fit une petite moue gênée avant de reprendre la parole, en plongeant ses yeux dans ceux de son interlocuteurs. « Euuh, je... » Quelques secondes s'écoulèrent. « Salem ? » Incertaine, Alaska se balança d'un pied sur l'autre, ne faisant aucunement aux gens autour d'elle. Et si elle s'était trompée et que ça n'était pas Salem ? Que ferait-il ici d'ailleurs ? A New York ?