HANNES & RYU-HWAN

Thanksgiving

Thanksgiving. C’était loin d’être le truc que je fêtais. J’étais né et j’avais grandi en France. On fêtait noël, mais cette fête-là. Mais… J’avais pu voir qu’Alexia elle, aimait cette fête. J’avais donc décidé de lui faire plaisir, en lui faisant la surprise de rentrer ce soir en ayant des décorations de partout. Attrapant mon portefeuille, je me dépêchais donc de filer dans les magasins. Ou allais-je trouver tout ce dont j’avais besoin ? Je me le demandais bien moi. Dans le métro, je regardais sur mon téléphone, avant de filer dans un magasin. Fouillant les rayons, je fronçais les sourcils en voyant que c’était dévalisé. J’arrivais peut-être un peu trop tard. Plissant le nez je commençais à jurer. Je n’avais vraiment pas envie de passer ma journée dans les magasins. Surtout qu’il fallait que j’installe le tout avant le retour d’Alexia. Et ça, ce n’était pas une mince affaire. Allant dans un autre magasin, cette fois je trouvais plus ou moins mon bonheur. Mais pas assez. « Vous pourrez en trouver plus dans le magasin dans l’autre quartier. » M’annonça alors un homme à côté de moi. « Vraiment ? » Demandai-je en réfléchissant longuement. Surtout qu’il fallait que je me fasse livrer. « Vous êtes seul ? Vous avez besoin d’aide ? » L’observant longuement, je me pinçais les lèvres. Il voulait quoi ? Gratter l’amitié ? C’était un tueur ? Non. Il n’avait pas la gueule de l’emploi. Et ça je m’y connaissais après avoir passé dix ans en taule. « De l’aide serait le top je dois tout installer avant ce soir. » dis-je alors qu’il m’annonça que son neveux pouvait venir m’aider. Lui donnant mon adresse et mon numéro je l’abandonnais là pour aller dans l’autre magasin et passer commande. En effet, j’y trouvais tout ce dont j’avais besoin. Partant avec le livreur en direction de chez moi, il nous fallut une trentaine de minutes avant d’arriver. Déballant le tout, je soupirais avant de voir tout ce qu’il y avait à faire. J’avais espoir que le fameux neveu puisse venir. J’osais espérer oui. Commençant à bosser, je vis alors quelqu’un s’arrêter devant chez moi. L’observant je m’approchais de lui. « Vous êtes le neveux qui doit m’aider ? » Demandai-je alors en lui tendant la main pour la lui serrer.

Thanksgiving

AVEC RYU-HWAN AHN

Novembre, époque de Thanksgiving, 15h54 Thanksgiving. Le principe de cette fête était stupide. À la base, Thanksgiving avait été créé pour se souvenir de l'aide que les Amérindiens avaient apportée aux Européens. Et comment ces derniers avaient remerciés leurs bienfaiteurs ? En les massacrant, bien sûr ! Voilà la vérité sur cette fête mettant en joie les États-Unis tout entiers. La commémoration de l'extermination d'un peuple. Ridicule. De toutes façons, tu n'aimais pas les fêtes de fin d'année dans leur intégralité, il n'y avait pas que Thanksgiving. Tu étais terrorisé à Halloween à cause des gosses s'amusant à hurler encore plus que d'habitude dans les rues et à cause du principe même de la fête, tu trouvais Thanksgiving ridicule, tu n'aimais pas Noël, et tu n'avais jamais compris l'intérêt de célébrer le réveillon du jour de l'an ainsi que le premier janvier. Les gens qui le fêtaient n'étaient pas morts dans l'année, c'était tant mieux pour eux, mais ce n'était pas une raison suffisante pour en faire une fête ! Entendre les gens raconter leurs souvenirs d'enfance concernant Noël ou les autres stupidités de ce genre t'exaspérait. Pourquoi ? Par simple jalousie. Tu ne le montrais jamais, mais vraiment jamais, que c'était en grande partie pour cette raison que tu n'aimais pas les fêtes de fin d'année. Bon, on n'allait pas dire que tu te forçais à sourire pour faire comme si de rien n'était, car ça serait surtout ça qui serait louche. Tu ne souriais quasiment jamais, encore moins à cette époque. Ça te rappelait bien trop ton enfance. Il n'y avait pas d'argent pour acheter des cadeaux pour Noël et de toutes façons, ta mère étant bouddhiste et ton père n'étant quasiment jamais là, ou, la grande majorité du temps avant que tu sois partie vivre chez ta tante, étant saoul, les fêtes de fin d'années étaient des jours comme les autres, voir peut-être encore plus difficiles. Alda pleurait dans son coin car elle n'arrivait plus à supporter l'ambiance et pensait à ses amies qui, elles, célébraient dans la joie les fêtes. La voir comme ça n'était pas agréable du tout, mais tu ne pouvais rien faire pour ta sœur. Et, même si Jòn ne montrait rien, lui aussi semblait triste que tout se passe comme ça. Alors, entendre les autres discuter joyeusement de leurs projets pour cette période, tu ne pouvais vraiment pas. Tout aurait bien pu se passer, enfin, se passer comme d'habitude. Tu étais tranquillement en train de regarder pour au moins la centième fois Winnie l'Ourson et l'Efélant, lorsque Sveinn te téléphona et troubla ta tranquilité. Apparemment il avait proposé à un type que tu l'aides à décorer chez lui, pour Thanksgiving. Ta première réaction fut de lui demander s'il se foutait de toi. Puis de lui dire que non, il ne sortirait pas, même sous la menace. Sveinn te menaças de renvoyer Shaolan en Chine et de t'obliger à aller travailler tous les jours, alors tu finis par être obligé d'accepter. Tu raccrochas et, tout en gardant l'adresse en tête, tu mis en veille le lecteur dvd. C'était justement le moment où Lumpy et Petit Gourou allaient s'amuser dans le potager de Coco Lapin, un de tes passages préférés. Tu soupiras, éteignit la télévision, enfila tes bottines, ta veste en cuir, pris ta trottinette et partis vers l'adresse. Jackson Heights. Il allait falloir passer par le métro et surtout, prier pour qu'il ne soit pas bondé.
Au bout de plusieurs longs moments où, en particulier pour ceux passés dans le métro, tu pensas être au bord de la mort à plusieurs reprises, tu finis par arriver à Jackson Heights. Tu posas alors un pied sur ta trottinette sitôt la surface retrouvée, et fila aussi vite que possible vers le numéro six. Tu allais vraiment devoir passer du temps dans cette rue, avec un inconnu ? Apparemment oui. Tu vis un type avec des cartons. C'était sûrement lui. Oui, c'était lui. Il s'approcha. Tu eus envie de t'enfuir en courant. « Vous êtes le neveux qui doit m’aider ? » Il tendait la main. Non, hors de question de la serrer. Hors de question ! Hors de question de toucher cet inconnu. « I-il p-paraît. », déclaras-tu simplement, avec une expression encore plus blasée qu'à ton habitude.

HANNES & RYU-HWAN

Thanksgiving

Faire toutes ces décorations allait me tuer. Pas que je sois un fainéant mais… Chez moi, on ne fêtait pas cette fête. C’est à peine qui on mettait les décorations de Noël. En fait, je ne me souvenais même pas d’avoir fêter noël. Le père noël ? Quel père noël, je n’avais jamais cru à ça, ou du moins, on ne m’avait pas laissé croire à ce truc féérique. Mais ma vie n’était pas ratée pour autant. Je le vivais bien. Pas de traumatisme ou toute autre connerie. Enfin, du moins pas de traumatisme sur ce point-là de ma vie. Soupirant, je commençais à déballer les cartons installant potirons et j’en passe dans la maison, avant de surtout, m’attaquer au dehors. L’intérieur pouvait attendre, je présume. Mais il y avait tellement. J’espérais que ça durerait longtemps, genre pendant dix ans. Et que chaque année, je ne serais pas obligé d’acheter des déco. C’est que ça revient cher cette merde. Enfin, j’espérais juste que le neveu du type là, allait venir. Mais même s’il ne venait pas, qu’est-ce que je pouvais y faire ? Je me débrouillerai seul comme convenu. Mais au bout d’un moment, je vis quelqu’un devant chez moi. Pourquoi il avait une trottinette le gars ? Haussant un sourcil, je lui demandai si c’était lui tendant la main pour dire bonjour. « I-il p-paraît. » Restant la main tendu, j’attendais. Encore. Qu’il me la serre, mais apparemment, monsieur n’était pas du genre poli. Fermant ma main, je me sentis tel un con venant de se prendre un vent. Je venais réellement de me prendre un vent. Laissant mon bras tomber le long de mon corps je souris faiblement. « Hum. Je suis Ryu-Hwan. Content de voir une bonne âme. » Il n’avait pas l’air ravi lui. Son oncle l’avait surement forcé. Au vu de la dégaine, c’était peut-être un geek, un truc du genre ? « Faut déballer les cartons et tout mettre en place dehors. Vous savez faire ? » Demandai-je en l’abandonnant là, allant continuer de défaire les cartons.

Thanksgiving

AVEC RYU-HWAN AHN

« Hum. Je suis Ryu-Hwan. Content de voir une bonne âme. » Une bonne âme ? Euh, oui. S'il voulait. Enfin, ce n'était pas que tu n'aimais pas aider. Ça dépendait des moments, de la situation. Ce que tu n'aimais pas, c'était te retrouver avec des inconnus. Pas parce que tu n'aimais pas ça, mais parce que tu ne pouvais pas. Tu en étais psychologiquement incapable, pourtant tu avais déjà essayé. Il suffisait de faire un retour en arrière et d'observer tes années lycées. À Winnipeg. Horrible. Insupportable. Impossible. Et puis, tu te doutais bien que sa remarque était ironique. Tu te doutais que tu ne devais pas avoir l'air heureux d'être là. « R-ravi de v-vous r-renc-contrer. H-hannes. » Ravi de vous rencontrer, c'était surtout par politesse car tu n'étais que très rarement ravi de rencontrer un inconnu. Tu n'avais pas serré la main qu'il tendait car tu ne le connaissais pas et que, contrairement au travail, tu n'étais pas obligé de le faire. Mais ce n'était pas pour autant que tu n'étais pas poli. Par écrit, tu savais assez bien entretenir une conversation. Tu n'avais pas à ouvrir la bouche, ni à regarder ton interlocuteur si tu te cachais derrière ta feuille ou ton bloc-note. Ce n'était pas de l'impolitesse contrairement à ce que les personnes que tu ne connaissais pas pensaient. Quand elles commençaient à te connaître, elle voyait que ce n'était pas de l'impolitesse. Juste de la peur irraisonnée mais bien réelle malgré tout. « Faut déballer les cartons et tout mettre en place dehors. Vous savez faire ? » Tu hochas lentement la tête, observant les cartons sortis, puis le mot ''dehors'' parvint à tes oreilles et tu relevas la tête d'un coup. « D... d-dehors ? » Tu te retournas, afin de constater le nombre de new-yorkais évoluant dans les environs.. « Þet-tta er-r ek-kki s-satt... » Si, c'était vrai, dommage pour toi. La rue ne semblait pas vraiment fréquentée, mais... ça restait une rue. Avec les voitures sur la route et des passants de temps à autre. Tu allais t'amuser, ah ça, c'était indéniable. « J-je devrais s-savoir f-faire o-oui. » Tu savais très bien t'occuper d'une maison, tu avais d'ailleurs passé une partie de ton adolescence à le faire au lieu d'aller en cours. Donc déballer des cartons et mettre en place les décorations, ça devrait être faisable. Tu le suivis vers le carton et commenças à l'aider à déballer. « F-faut m-mettre t-tout ça o-où ex-xactem-ment ? », demandas-tu.

HANNES & RYU-HWAN

Thanksgiving

« R-ravi de v-vous r-renc-contrer. H-hannes. » Ravi ? Franchement, je ne saurais dire s’il se foutait de moi ou pas Le simple fait, qu’il n’ait pas pris ma main pour la serrer, me laissait tout de même foutrement perplexe. Ou alors nous n’avions pas la même conception de la politesse. Plissant faiblement le nez, je préférais laisser couler oui, il valait mieux. Au moins maintenant je connaissais son prénom, c’était toujours mieux que de ne pas le connaitre non ? oui, on allait dire ça. Souriant faiblement, je lui donnais alors les instructions, de ce qu’il fallait faire, à savoir commencer par le dehors, ce qui s’annonçait le plus chiant. « D... d-dehors ? » Oui dehors. Il fallait tout vite installer même. « Þet-tta er-r ek-kki s-satt... » Hein ? Il avait parlé dans quelle langue là ? Impossible de comprendre. Je parlais trois langues, mais ce n’était pas l’une des trois. C’était quoi ? Du russe ? Du slave ? Je ne savais pas si je devais entretenir ma curiosité ou au contraire, la ranger au placard, et ne jamais savoir ce qu’il venait de dire. « J-je devrais s-savoir f-faire o-oui. » Bien. Parce que si ce type m‘envoyait quelqu’un qui me ralentissait, ça n’allait clairement pas le faire. « F-faut m-mettre t-tout ça o-où ex-xactem-ment ? » Tournant le regard vers lui, je plissais les yeux avant de tourner le visage vers l’extérieur. « Le long des escaliers dehors. Collé contre les parois, histoire que ça ne gêne pas la montée. » Dis-je avant de sortir les grosses citrouilles pour les sortir dehors. C’est que c’était lourd tout de même ces trucs-là. Soupirant longuement je me tapais les mains une fois posée sur le sol avant de sortir les autres décorations des cartons. J’en avais peut-être un peu trop pris ? Je ne savais pas trop… « C’est la première fois de ma vie que je fête Thanksgiving… vous le fêtez-vous ? »

Thanksgiving

AVEC RYU-HWAN AHN

« Le long des escaliers dehors. Collé contre les parois, histoire que ça ne gêne pas la montée. » Il n'y avait pas tant de monde que ça, dans ces escaliers-là... Enfin, il ne devrait pas y en avoir. Mais entre ce qui devrait être et ce qui était... il y avait une grande différence, et tu le savais très bien. Mais bon. Quelques décorations dans les mains, tu entrepris de commencer à décorer les lieux, en faisant du mieux que tu le pouvais pour ne pas trembler et lâcher quelque chose, tout en songeant à la meilleure façon de te venger de Sveinn pour t'avoir sorti de force de ton Winnie pour t'envoyer dehors. Sur le coup, aucune idée ne te venais, mais ça allait sûrement venir. Et puis, si rien ne venait, tu irais demander à Shaolan, il aura sûrement une idée. À moins qu'il ne te conseille encore une fois de régler ça ''en adulte''. Selon Shaolan, tout pouvait se régler en discutant et il était inutile d'user de plans très recherchés pour se venger de ''presque rien''. En attendant, si ce qu'il disait était si vrai que ça, il aurait réussi à calmer Jòhanna quand elle avait appris qu'il la trompait. Enfin bon. Les décorations installées, tu repartis voir Ryu-Hwan. « C’est la première fois de ma vie que je fête Thanksgiving… vous le fêtez-vous ? » Tu haussas vaguement les épaules. « M-mon onc-cle f-fête Th-thanksg-giving. M-moi n-non..Et d-de t-toutes f-façons, j-je d-dét-teste l-les f-fêtes d-de f-fins d-d'ann-née. » Tu avais clairement l'impression de passer pour un rabat-joie, tu savais très bien que ce n'était pas qu'une impression, mais tu n'en n'avais rien à faire. Tu n'allais pas faire semblant d'apprécier cette période de l'année juste pour faire plaisir à un inconnu. Un bref, très bref, instant, tu envias ce type qui semblait enjoué par Thanksgiving, comme il allait sûrement l'être pour Noël et le reste des fêtes. « En f-fait, c-c'est s-surt-tout q-que j-je n-n'ai pas s-souv-vent e-eu l'oc-ccasion d-d'en p-prof-fiter... », ajoutas-tu, histoire de, tout compte fait, paraître un peu moins blasé et rabat-joie.

« M-mon onc-cle f-fête Th-thanksg-giving. M-moi n-non..Et d-de t-toutes f-façons, j-je d-dét-teste l-les f-fêtes d-de f-fins d-d'ann-née. » Okai, oui pourquoi pas, chacun ses convictions après tout. M’enfin, j’avais un peu de mal avec sa façon de parler. Je lui faisais peur ou il parlait de la sorte constamment et avec tout le monde ? si tel était le cas, ça devait être insupportable à la longue non ? Enfin, moi en tout cas, j’en avais déjà mal aux oreilles. Peut-être qu’il était bègue un truc du genre, je ne me souvenais plus trop du nom de la maladie. « En f-fait, c-c'est s-surt-tout q-que j-je n-n'ai pas s-souv-vent e-eu l'oc-ccasion d-d'en p-prof-fiter... » Hum. Ça avait son rôle aussi, si on n’avait pas le temps d’en profiter, on ne pouvait pas réellement les apprécier. Enfin, pour ma part, j’étais content de pouvoir les fêter. En prison, ce genre de fête, on s’en fout complet… Et je dois avouer que ça m’avait pas mal manqué. « Je vois. Et cette année ? Pourquoi vous n’en profiteriez pas ? » ça pouvait être une bonne chose, il y avait un début à tous en plus, et ça pouvait être le moment de franchir le cap. « Vous avez de la famille en plus dans le coin si j’ai bien compris. Vous ne passez pas la journée avec eux ? » Après tout, c’était surtout une fête que l’on passait avec sa famille et non seul dans son coin. Sinon c’était un tant soit peu triste. Finissant de sortir les décorations des cartons, je me dépêchais de les poser là où ça allait le mieux, collant le tout contre les barrières des escaliers, histoire que personnes ne se fassent pas. Un accident était si vite arrivé, ça serait tout de même dommage. « Et du coup, il y a les décorations chez vous ? » oui, j’essayais de faire la conversation …

Thanksgiving (intrigue)