Les engueulades avec son frère, Soren, c’était ce qu’elle aimait sans doute le moins sur cette Terre. Ils étaient tellement proches, leur relation était tellement fusionnelle que chaque engueulade lui brisait littéralement le cœur. Et c’est ce qu’il venait d’arriver Le jeune Wildmore lui reprochait son manque de visites ou même de nouvelles. Il n’avait pas totalement tort. Entre les cours qu’elle dispensait à l’université, son job d’interprète et sa relation avec William, il fallait avouer qu’elle avait relégué au second plan sa relation avec son frère. Et sincèrement, elle en avait honte. Elle avait toujours fait passer Soren avant tout. Y compris avant ses copains. Seulement avec William, il semblait que ça soit un peu différent. Ou peut-être était-ce parce que ce n’était que le début de leur relation ? C’est dans ces conditions quelque peu tendues, que Lexie avait avoué à son grand frère qu’elle avait un petit-ami. Et comme elle s’y était attendue, Soren était rapidement monté sur ses grands chevaux, lui lançant qu’elle n’avait visiblement plus de lui et qu’il avait ‘compris’.
Beaucoup de personnes ne comprenaient pas la relation qu’elle avait avec son frère. Pour certains ça relevait de l’inceste tant ils étaient proches. Ca ne l’était aucunement. Ils étaient proches oui, toujours là l’un pour l’autre, mais ils se chamaillaient aussi, se taquinaient et s’énervaient mutuellement. Il y avait aussi une certaine jalousie envers les copains/copines respectives. Ils avaient tous deux peur de voir l’autre s’éloigner un peu trop, et de ne plus le voir revenir.
C’était sans doute ce qui expliquait la réaction de Soren lorsque sa petite sœur lui annonça qu’elle était en couple. Ca l’avait d’abord fait rire. Sa petite sœur, dans une relation, une vraie, sérieuse ? Puis il avait remarqué que sa réaction ne lui avait franchement pas plu, et il avait fini par s’énerver, ne comprenant pas le comportement et les cachoteries de sa cadette.

C’est les yeux encore humide qu’elle avait quitté Manhattan pour se rendre dans Brooklyn. Quelques minutes de voiture, et elle était enfin devant chez William. Ce n’est qu’une fois devant sa porte qu’elle hésita à sonner. Elle n’était pas du genre à se plaindre. Et pour lui dire quoi ? Que son état était dû à une engueulade avec son frère à propos de leur relation ? Finalement elle sonna. Rien, aucune réponse. Elle insista puis la porte s’ouvrit sur un William en serviette. Lexie resta bouche bée. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle voyait William aussi peu vêtu, mais ne s’y attendant pas, elle en resta médusée, et elle appréciait toujours autant le spectacle –même dans un moment comme celui-là. « Je… J’te dérange pas ? » demanda-t-elle finalement.

« Non, bien sûr que non. Tu ne me déranges jamais... » dit-il avant de se décaler pour la laisser entrer. D’un revers de main, la jeune femme essuya le reste de ses larmes. Là, elle avait tout l’air d’une gamine. Triste, les yeux rougis, sensible, et sans quelconque carapace pour cacher ce qu’elle pouvait ressentir. Finalement William la prit tendrement dans ses bras et elle se laissa faire, s’abandonnant totalement à lui. La tête calée contre son torse, elle respira profondément pour tenter de se calmer. Son odeur, sa peau… Elle n’aurait jamais pensé que ça aurait un effet si bénéfique sur sa personne. Les quelques doutes qu’elle avait eu en venant ici, à savoir si c’était une bonne chose ou non de se pointer sans prévenir, dans cet état, s’étaient totalement envolés tellement sa présence était apaisante. Elle sut alors qu’elle avait bien fait de venir ici et que le beau tanzanien n’était définitivement pas n’importe qui.

La tête de William se posa sur le haut de sa tête, tandis que ses doigts se glissaient dans sa chevelure ébène. Elle avait l’impression d’aller mieux, mais qu’à la moindre pensée un peu trop axée sur son frère, elle craquerait de nouveau. « Qu'est-ce qui se passe ? » Elle ne répondit pas tout de suite, ne voulant pas éclater en sanglot une fois encore. Elle détestait s’engueuler avec Soren. Ca arrivait rarement, mais quand ça arrivait, ça faisait vraiment mal. Et puis, Lexie ne pleurait vraiment pas souvent. Ca aurait été mentir que de dire jamais, mais ça s’en rapprochait. Ca lui arrivait seulement quand elle était vraiment au bord du rouleau et qu’elle n’avait plus aucun autre moyen d’extérioriser sa peine… Ou alors quand elle n’en trouvait tout simplement aucun. Finalement la jolie Russe se décida à répondre, mais tout de même un peu hésitante. « C’est Soren. Enfin… ça va te paraitre débile de me mettre dans cet état mais… j’me suis engueulée avec mon frère. Et… » et voilà, elle sentait les larmes monter et la colère refaire surface. Elle resserra alors son étreinte sur William, comme si ce simple geste allait de nouveau la calmer. Lexie finit cependant par se détacher du corps d’Appollon de son copain, et posa ses yeux rougis dans les siens. « J’ai parlé de nous à Soren… » commença-t-elle avec une boule dans la gorge. « Et… et je sais pas comment ça a merdé autant, mais il a pas apprécié. Nous, ou mon comportement, j’en sais rien. Enfin, c’est pour ça qu’on s’est engueulé… Et on se prend jamais la tête comme ça ! » lacha-t-elle les yeux brillants comme si c’était la fin du monde et que Will avait forcément une solution. Mais elle en doutait. Il n’y avait même pas de solution à avoir. Soren aurait dû accepter la relation de sa sœur puisqu’elle était heureuse, ou du moins son quotidien semblait plus égayé qu’avant, tout comme il aurait du accepter ses excuses vis-à-vis du manque de nouvelles. Mais non, il avait tout pris et tout fait de travers.

La jeune Wildmore avait tout l’air d’une gamine avec ses yeux bouffis et rougis par ses larmes. Elle avait l’air d’une petite chose fragile, dans les bras parfaitement dessinés et forts de William. L’image était belle. Et elle s’y sentait bien. Plus que ce qu’elle avait bien pu imaginer. Qui aurait cru qu’il lui était si simple de retomber dans les bras d’un homme ? C’était arrivé avec une facilité déconcertante. Rencontrer le beau tanzanien plus tôt n’aurait pas été de refus. « Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? » Puis peu après, il rajouta assez hésitant « Qu'est-ce qu'il t’a dit ? Est-ce qu'il a été... violent ? » Lexie se recula assez brutalement. Plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Son front se plissa et son visage se crispa légèrement. Jamais elle n’imaginerait Soren devenir violent. Du moins, pas avec elle. Parce qu’il fallait l’avouer, Soren pouvait l’être. Assez souvent même. Plusieurs fois, il avait eu des ennuis pour bagarres, provocations en tout genre. Le jeune russe était impulsif, tout comme sa sœur en fait. Mais il en venait aux points beaucoup plus rapidement qu’elle. Mais combien de fois aussi, grâce à ce caractère sanguin, l’avait-il sorti d’affaires ? Beaucoup trop de fois aussi. Mais il ne lui venait même pas à l’esprit un seul instant, qu’un jour, Soren puisse devenir violent avec elle, autrement qu’avec des mots. Parce qu’en plus de maitriser ses points, il maitrisait habilement l’art de jouer avec les mots tous plus tranchants et blessants les uns que les autres. « Non ! » répondit-elle un peu trop vivement. « Enfin, Soren n’a jamais été et ne sera jamais violent avec moi… » ajouta-t-elle plus doucement. Lexie aurait voulu qu’ils se connaissent, Willam et Soren. Tout aurait été plus simple. L’un et l’autre auraient vu à quel point ils étaient bons, adorables et surtout qu’ils comptaient plus que tout aux yeux de la Princesse.
Lexie se mit alors à faire les cent pas, ne sachant pas trop par où commencer pour lui expliquer comment la situation avait pu autant déraper avec son frère. Brusquement, elle se stoppa, tandis que son regard ne cessait de parcourir le torse de William. Elle se retint de balancer que le voir dans cette tenue ne l’aidait pas vraiment à se concentrer ou à avoir les idées claires. La bonne vieille Lexie dans toute sa splendeur, qui, même réellement bouleversée, ne pouvait s’empêcher d’admirer la perfection physique de son petit ami. « Il m’a sorti que je te faisais passer avant lui… Et que j’aurais dû lui dire avant qu’on était ensemble, qu’il aurait voulu te rencontrer… » Elle se retint par la même occasion de sortir le commentaire qui allait avec, à savoir que vu la façon dont l’avait dit Soren, c’était surement une mauvaise idée. « Il n’y croit pas. Il veut pas y croire. Et je l’ai ‘déçu’ ! » dit-elle en mimant des guillemets avec ses doigts. « Sérieusement ?! DECU ? » lacha-t-elle presque hystérique. Soren avait abusé. Grandement abusé. Et vu sa réaction, elle avait surement eu raison de le lui cacher…

« Avant tout, calme-toi. Respire un grand coup. » Leurs regards plongés l’un dans l’autre, Lexie se força à inspirer et expirer calmement, à respirer comme il le lui demandait. Elle n’avait pas l’habitude d’être calmée ou du moins qu’on tente de la calmer aussi rapidement et surtout de cette manière-là. Soren avait une toute autre manière de le faire. Ils partaient bien souvent tous les deux, Dieu seul savait où, et se défoulaient jusqu’à ce qu’ils soient à bout de force et qu’ils n’en puissent plus. Seulement à partir de ce moment, Lexie retrouvait un semblant de calme. Jamais elle ‘n’avait été habituée à ce qu’on lui dise de simplement respirer profondément. Peut-être était-ce plus sain et plus efficace que la méthode de son frère ? C’était déstabilisant, mais elle ne risquait sans doute rien à essayer. « Maintenant, je vais aller enfiler quelque chose. » Hein ? Comment ça un truc à enfiler ? Lexie ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Elle avait beau être énervée, elle n’en perdait pas le nord. Il l’embrassa alors furtivement avant de prendre le chemin de sa chambre « Assis-toi, je reviens ! » « Eeeeh mais… » Trop tard pour la plainte contre le fait de s’habiller. Il était déjà parti. Quelle idée de s’habiller lorsque l’on avait un corps pareil. Il devrait y avoir un quota d’exposition obligatoire… privée évidemment. Il ne manquerait plus que d’autres filles puissent profiter de ce corps. Après quelques minutes à peine, William revint dans le salon, finissant de boutonner sa chemise, le sourire aux lèvres. « Un verre de vin ? Je ne crois pas que tu aies vraiment besoin d'un café, vu ton degré d'énervement » La jeune Wildmore fit alors une moue qui sembla vouloir ‘hum… t’as sans doute raison’. Le genre de moue enfantine et craquante dont elle seule avait le secret. « Va pour un verre de vin, monsieur l’expert » répondit-elle en souriant. Des fois, elle se demandait ce qu’elle avait fait pour mériter un mec comme William. Attentionné, charmant, gentil, attentif, et incroyablement beau. Ne s’était-il pas trompé en lui accordant le droit de l’avoir dans sa vie ? N’était-il pas destiné à une autre ? Parfois, elle avait simplement l’impression qu’il ne s’agissait que d’un rêve. Un pauvre rêve éphémère où la fin était proche et dont le réveil serait affreusement douloureux.
Le beau tanzanien se rendit dans la cuisine pour attraper deux verres qu’il remplit de vin, avant de revenir vers la Princesse. Lui tendant l’un des verres, il s’installa à ses côtés dans le canapé. Lexie se cala contre William tandis qu’il glissait une main derrière elle. « Tu sais, je crois que ma sœur aurait réagi de la même façon... Mais elle a été au courant toute seule... » Dans un premier temps Lexie ne fit attention qu’à la première partie de la phrase de son copain, à savoir que sa propre sœur aurait sans doute réagi de la même façon. Visiblement, ils avaient tous deux une fratrie très possessive et de qui ils étaient très proche. Mais rapidement, elle fronça les sourcils. « De quoi ? Comment ça elle a été au courant toute seule ? » Elle porta finalement son verre à ses lèvres pour en boire une gorgée avant de reposer le verre sur la table basse. « Ta sœur est voyante ? » demanda-t-elle avec un sourire malicieux.

Depuis quelques temps, elle se demandait ce qu’elle avait de si bien pour mériter d’avoir William dans sa vie. Beaucoup auraient été gavé d’avoir leur copine, pleurnichant sur une dispute avec ses frères. Mais pas lui. Sans doute parce qu’il comprenait la relation qui la liait à Soren, puisque lui-même avait un lien fort avec sa sœur. Mais aussi, elle en était persuadée, parce que le beau tanzanien était un être sensible et attentif, loin des grosses brutes dénués de tout sentiment qu’elle avait quelque peu fréquentée dans le passé dans le seul but d’énerver sa chère et tendre mère. Il ne sembla d’ailleurs pas prendre trop mal la réaction qu’avait eu Soren en apprenant la relation que Lexie et lui entretenaient. Comme pour la réconforter, il lui précisa que sa sœur aurait sans doute réagi de la même façon… Si seulement elle n’avait pas été au courant d’elle-même. C’est là que Lexie eut que peu du mal à comprendre la suite de la conversation. Comment sa sœur aurait-elle bien pu savoir ça ? « Un peu... » Répondit-il lorsqu’elle lui demanda si elle était voyante. Lexie fronça légèrement les sourcils en se retenant de ne pas dire ‘serieusement ?!’ au risque d’avoir l’air totalement naïve. Heureusement pour elle, la véritable réponse ne tarda pas à venir. Finalement, elle avait bien fait de garder sa remarque pour elle. « Ou peut-être qu'elle t'as croisé ces derniers jours dans un café... Une certaine Aileas, ça te dit quelque chose ? » « Nan ?! » lacha-t-elle avec la plus grande surprise en se tournant brusquement face au tanzanien. « Enfin je veux dire, oui si je crois que c’est elle ! Une grande brune, bavarde et un peu maladroite ?! » demanda-t-elle avec un grand sourire. « Oh merde Will, si j’avais su que c’était ta sœur… » ajouta-t-elle pensive. « Elle a dû me prendre pour une cinglée non ? » Lexie se remit à penser à cette rencontre des plus hasardeuses, qui au final avait été plutôt agréable. Alors qu’elle était plutôt du genre à s’énerver sur toutes les personnes pouvant la bousculer. Ca devait être le destin. C’était surement le destin qui l’avait fait être aimable. Même si elle ne croyait pas tellement au destin… Au moins ça enlevait un poids quant à la rencontre avec la famille… C’était fait. Pour ce qui était de Lexie en tout cas. Par contre elle pouvait comprendre que William angoisse à l’idée de rencontrer sa fratrie. Surtout Soren, vu la réaction qu’il avait eu en apprenant la relation de sa cadette. Et pourtant, c’était surement l’approbation de ce dernier qui comptait le plus à ses yeux. Elle voulait, plus que tout, que Will et son frère s’entendent. Peut-être pas à merveille et qu’ils soient inséparables, mais ne serait-ce que bien s’entendre la rendrait réellement heureuse.
Se penchant vers la table basse pour attraper son verre de vin, elle le porta ensuite à ses lèvres tout en observant William. « Non franchement, elle t’a dit quoi ? » demanda la jeune russe presque inquiète. Lexie était une véritable force de la nature. Elle était passionnée, impulsive et intrépide. Elle avait aussi un trop plein d’énergie qui pouvait fatiguer rapidement une bonne majorité de la population. Seulement elle n’était pas que ça. Lexie démarrait aussi au quart de tour, et pouvait se révéler sacrément capricieuse et pas très aimable lorsqu’elle l’avait décidé. Alors même si dans sa tête, elle n’avait pas souvenir d’avoir fait une quelconque bourde lors de sa rencontre avec la sœur de William, ce n’était peut-être pas pour autant qu’elle lui avait laissé une bonne impression.