Certes, Gabriel avait prévenu Elvia qu’il devait faire un discours officiel pour elle ne savait plus quelle occasion et certes, il n’était pas disponible pour avoir une discussion de la plus haute importance mais ça ne faisait rien. Sitôt ses résultats de prise de sang en main, la jolie suissesse avait foncé dans le premier taxi s’étant arrêté devant l’hôpital pour mieux blinder direction : le lieu du discours bien sûr ! Elle avait réclamé à Lawrence une pancarte ainsi qu’un feutre noir et, en sa compagnie, elle se mit à dessiner sur cette dernière pendant tout le temps que dura le trajet. Autant dire qu’il fallut faire des pieds et des mains afin de pouvoir se faufiler dans la foule en délire, buvant littéralement les paroles du prince héritier de Genovia alors qu’Elvia avait, elle aussi, une annonce de la plus haute importance à lui faire. « Pourvu qu’il me voit… Lawrence vous pensez que c’est un bon emplacement ? Je crois que je ne pourrais pas aller plus loin ! » Une chance que la jolie suissesse soit un poids plume, sans quoi jamais Lawrence n’aurait été en mesure de la porter à moitié alors qu’elle brandissait fièrement sa pancarte, représentant ni plus ni moins un papa ours, une maman ours, deux bébés oursonnes et… un petit ourson dessiné après un petit « + ». Le message était on ne peut plus manifeste : Gabriel et Elvia avaient réussi à faire « jeu, set et match » pour ainsi dire et malgré la position très inconfortable dans laquelle elle se trouvait, elle brandissait sa pancarte comme si sa vie en dépendait, espérant de tout cœur qu’il la verrait. « Allez mon ours, lève la tête ! » Qu’importe que la situation ou son comportement soit croquignolesque, Elvia n’en ressentait qu’une vive fierté.

Autant dire qu’Elvia éclata de rire en entendant Gabriel sortir un bon vieux « bordel » de derrière les fagots, preuve ultime qu’il avait dû capter sa présence ET le contenu de sa pancarte par la même occasion. Le moment n’était peut-être pas bien choisi mais la jolie suissesse s’en moquait bien, pour une fois elle voulait faire les choses à sa manière et point barre. D’ailleurs, elle riait aux éclats tandis que son ours royal de mari la faisait tourner en l’air en lui demandant confirmation de ce qu’elle lui avait avoué par pancarte interposée. « Mais il a quand même fait les choses bien, Charles-Henri ! La preuve, il n’y a eu qu’un seul « bordel », preuve que vous l’avez extrêmement bien briefé… » se défendit-elle non sans lui sourire de façon éclatante, lui embrassant la joue au passage pour mieux entraîner Gabriel un peu à l’écart. Elle adorait le majordome en chef mais pour un moment comme celui-ci, un brin d’intimité n’était tout de même pas de refus. « Sinon oui, aucun « made in China », je suis bien enceinte, tu as bien « planté ta petite graine » et double ration de titillements » s’amusa-t-elle à lui répondre avant de ne lui sauter au cou pour l’embrasser car il ne fallait pas croire, Elvia était vivement emplie d’une béatitude proprement indescriptible. Pour un peu, elle se moquait presque du fait qu’ils soient à moitié en public, car rien n’était plus important que l’annonce de cette bonne nouvelle. « Rassure-moi, tu n’as pas changé d’avis ? » plaisanta-t-elle avant de ne rougir aussitôt. « Je suis désolée pour ton discours mais je ne pouvais pas attendre… j’ai même demandé à ce pauvre Lawrence de me porter sans quoi j’aurais été écrasée par la foule malgré mes talons ! »

On ne pouvait pas en vouloir à Charles-Henri que de désapprouver le comportement d’Elvia mais à sa décharge, elle n’avait jamais eu de cours de protocole et quand elle avait une idée dans la tête, elle ne l’avait pas dans les doigts de pied. Sans doute Morgana avait-elle une fâcheuse tendance à déteindre sur elle là-dessus… mais autant dire qu’un sourire éclatant se mit à pleurer ses lèvres alors qu’il lui assurait ne pas avoir changé d’avis là-dessus. Avec leurs multiples tentatives faites « par précaution », il valait mieux ! « L’idée de la pancarte ? Une scène de mon prochain livre ! Mais bon c’est une longue histoire. Quoi qu’il en soit, j’ai fais la totale par pure précaution : un test de grossesse, une prise de sang et même une échographie. Voilà pourquoi j’ai mis un moment à arriver et que c’est malheureusement tombé en plein pendant ton discours… ceci étant je te rassure sur un point : il n’y en a qu’un ! Je ne peux malheureusement pas te dire si c’est un garçon ou une fille et j’ai une intuition disons… extrêmement mauvaise alors il va falloir que tu prennes ton mal en patience mon ours. » Mais pour la peine, elle lui embrassa le bout du nez comme si cela pouvait l’aider à patienter d’une quelconque manière, bien que Gabriel ne manquerait sûrement pas de patienter à l’aide de ses bons vieux copains titillements. « Mais je me doute que tu veuilles un petit gars juste pour pouvoir lui apprendre à séduire les femmes, à te faire pardonner tes bêtises avec tes yeux bleus à faire tourner n’importe quelle tête… il ne faut pas croire, je sais tout ! Mais je suis contente d'avoir pu savoir avant que tu ne partes. »

« Je crains qu’il ne faille que tu deviennes ma muse, la suite des évènements est un peu brouillonne dans ma tête » avoua-t-elle avec sincérité, non sans rougir au passage, comme à chaque fois que leur vie sexuelle était ne serait-ce qu’évoquée par de simples sous-entendus. Mais cela faisait partie de son charme, n’est-ce pas ? Au même titre qu’elle trouvait Gabriel charmant à vouloir se justifier sur une bête plaisanterie… « Asticot ? Mon ours ce n’est vraiment pas poétique, je préfère de loin haricot ! Mais tu sais que même si je te donne un fils, vous ne serez toujours que deux contre toi ? Non, ne réponds mais, je vais essayer de deviner ce que tu pourrais me dire : que cela dépend des deux et qu’en l’occurrence, vous serez tellement illustres et irrésistibles que nous aurons perdu d’avance les filles et moi ? » le provoqua-t-elle sans quitter son sourire d’une semelle, l’embrassant tendrement par la suite avant que le sujet ne dérive sur le départ prochain de son mari. Certes, cela lui déchirait le cœur de savoir qu’il allait bientôt repartir en reportage mais Elvia refusait de le brimer et puis… elle ne voulait pas devenir une femme injuste qui importe des choses à son époux. Elle s’était donc faite à l’idée, avait muselé sa crainte et promis qu’elle ne baliserait pas… trop. « Ennuyer le protocole, quel doux son à mes oreilles ! Je suis rassurée que tu veuilles rester avec moi pendant toute ma grossesse. Je ne te l’aurais pas demandé, mais… même si je sais à quoi m’attendre, j’ai besoin de toi mon ours, je l’avoue. »

Hélas, après cette semaine parfaite à prendre soin l’un de l’autre, à faire des projets et à parler de l’avenir avec une sorte de passion dévorante dans le regard, Gabriel était effectivement parti en reportage. Elvia avait tenu sa promesse et fait en sorte de museler sa crainte jusqu’à ce que celle-ci ne la rattrape immanquablement. Un jour, deux jours, trois jours sans nouvelles. La jolie suissesse était en apnée et harcelait littéralement le journal dont Gabriel dépendait pour savoir ce qui se passait et subitement, le verdict tomba : d’après leurs dernières nouvelles, il se trouvait en terrain hostile et la communication avait rompu sans explication. Elvia était inconsolable. Et s’il lui était réellement arrivé quelque chose ?! Sans doute fut-ce son désespoir qui la poussa à se tourner vers le seul homme de confiance pour une mission de sauvetage : Javier. Certes, elle avait débarqué en pleine nuit pour lui faire part du peu d’éléments qu’elle avait mais sans surprise, l’agent n’hésita pas une seconde avant d’accepter. Après tout, Gabriel n’était pas seulement l’époux de la suissesse, il était également le meilleur ami du latino… et s’en suivirent de très longues journées pendant lesquelles, en plus du reste, Elvia fut littéralement harcelée par les parents du prince de Genovia. Elle fut même contrainte de s’y rendre avec les jumelles « au cas où », tout le monde agissant comme si le jeune homme était déjà mort et enterré alors que le cœur de l’ancienne patineuse olympique ne pouvait s’empêcher d’espérer. Il refusait une fin aussi tragique à leur histoire et, pour la première fois de sa vie, elle priait littéralement pour avoir eut tort en disant que son métier comportait trop de risques. Hélas, ce ne fut qu’un mois plus tard, alors qu’elle se trouvait à ruminer son désespoir sur un pont non loin du palais génovien, que Sergeï en personne vint la chercher en hélicoptère. Oh il lui dégoisa plus de deux mots mais la seule chose qu’elle retint fut : Javier a retrouvé Gabriel. Elvia fut incapable de dégoiser un mot tout le trajet durant, ordonnant simplement à Charles-Henri et Lawrence de rapatrier les jumelles à New York par le premier avion qu’ils trouveraient. Mais une fois arrivée à l’hôpital, c’est presque une vision d’horreur qui s’imposa au regard d’un bleu puissant de la suissesse alors qu’elle venait juste de poser un pied à l’intérieur de la chambre de Gabriel. « Je veux être seule avec mon mari, s’il vous plaît » énonça-t-elle d’une voix extrêmement sérieuse, presque froide, se rapprochant pour embrasser Gabriel non sans faire preuve d’une extraordinaire précaution. « J’ai cru que tu ne reviendrais jamais et que tu m’avais finalement laissée » tenta-t-elle de plaisanter au milieu de ses larmes, tandis qu’elle craquait sans pouvoir décemment se retenir. « Je t’en prie, je t’en supplie, tu ne peux plus repartir… je ne le supporterai pas ! »

Peut-être n’était-ce pas forcément malin de sortir une chose pareille alors qu’elle venait juste de le voir, de le retrouver et de le toucher mais c’était plus fort qu’elle. Si Elvia ne pouvait pas imaginer l’horreur qu’il avait vécue pendant ce long mois de perdition, l’inverse était tout aussi vrai même si c’était un cas de figure différent. Le cœur de la jolie suissesse saignait littéralement à l’idée de revivre ça et la frayeur, aisément lisible dans son regard, était en train de lui faire perdre la tête. « Je sais que tu as tenu ta promesse mais je ne savais pas quoi faire alors je me suis tournée vers Javier, qu’il faudra d’ailleurs que je couvre de remerciements car je ne pense pas que l’on t’aurait ramené à moi sans son aide… » commença-t-elle, incapable de calmer ses larmes. Il faut dire qu’elle était en train de relâcher l’intégralité d’un mois d’enfer en une seule fois et que d’autres avaient viré fou pour bien moins que cela. « Je t’aime Gabriel, si tu savais comme je t’aime… j’ai cru mourir sans toi et je sais que le moment n’est pas bien choisi mais j’ai besoin, maladivement besoin que tu me promettes de ne plus partir. Je ne le supporterai pas une seconde fois… je ne veux pas te perdre mon ours… traite-moi d’égoïste mais te voir en souffrance me tue littéralement ! Je ne veux plus prier en suppliant tous les dieux quels qu’ils soient pour ne pas avoir raison. Je t’en prie, je t’en supplie, j’ai juste besoin que tu me le promettes et à mon tour je te promets de ne plus jamais t’en parler et de savourer nos retrouvailles… »

Un mot. Enfin, une phrase. Il fallut une phrase pour qu’Elvia ne se relève, écarquillant deux grands yeux surpris à l’attention de Gabriel comme s’il venait de sortir la plus grosse connerie de son existence. Peut-être était-ce vrai, d’ailleurs. Mais de surprise, son visage se transforma bientôt en colère. Oui, la jolie suissesse, timide comme personne, résolue à toujours raser les murs pour ne pas faire de vagues, était en colère. Sûrement était-ce dû au manque de sommeil, à l’abus de protocole, à la pression qu’elle avait ressentie durant un mois entier et, avant toute chose, à la crainte d’avoir perdu celui qu’elle aimait. « Tu vas t’en remettre oui mais apparemment pas pour rester auprès de ta famille, mais pour aller faire le zouave à tataouine les bains, là où c’est dangereux et où tu peux te prendre une balle en pleine tête ! » vociféra-t-elle d’une voix aussi murmurante qu’elle put afin de ne pas lui casser les oreilles et d’être en prime virée avec pertes et fracas par l’infirmière se trouvant dans le couloir. Elvia ferma les yeux un instant tentant de calmer la rage qui irradiait tout son être et fixa un point dans l’atmosphère pour avoir le courage de lui dire ces mots : « je sais que tu adores ton métier et que tu estimes sûrement que c’est une partie de toi Gabriel, mais autant avant je ressentais juste une peur qu’il ne t’arrive quelque chose, autant aujourd’hui JE SAIS qu’il peut t’arriver le pire ! Tu n’es peut-être pas mourant mais ne va pas me dire que tout ceci n’est pas grave, j’ai vu les médecins… je ne le supporterai pas si tu repars. Alors c’est vrai, c’est ton travail, c’est ta vie, mais cela me concerne aussi puisque tes parents se sont soigneusement déchargés sur moi en te croyant mort. Tout le monde t’avait déjà enterré mais moi j’ai voulu croire. Croire que tu me reviendrais et que l’on pourrait faire face à ce qui t’était arrivé ensemble… me suis-je trompée ? » Elvia reposa un regard humide de désespoir sur son mari, tentant de dominer ses émotions mais à sa décharge, avec les hormones, la donne était loin de devenir aisée. « Je ne t’empêcherai pas de partir Gabriel puisque tu prends tes choix tout seul. Mais si tu décides de partir… j’ai trois enfants à protéger et je ne suis pas certaine d’être là si tu reviens. »

De longues heures s’étaient écoulées depuis que Gabriel avait coupé court à son besoin maladif de confiance et de nouvelles promesses. La jeune femme peinait à s’en remettre, autant dire ce qui est. Elle n’avait pas quitté sa chambre depuis son retour de l’hôpital, tentant de se concentrer sur son livre à paraître sans grand succès. Et quand elle n’essayait pas de chatouiller la muse, elle tentait de frémir entre les bras de Morphée… sans grand succès non plus, sauf tardivement, du moins avant que quelqu’un ne lui envoie un message sur son cellulaire. A peine Elvia avait-elle entendu vibrer son téléphone qu’elle extirpait un visage ensommeillé de son lit pour atteindre l’appareil et voir quel cruel individu osait la déranger à une heure pareille… son radio réveil annonçant deux heures du matin. C’était Gabriel ! « Que… » murmura-t-elle alors que la jolie suissesse s’était déjà extirpée de ses draps, avait attrapé ses baskets et filé une fois la première nuisette enfilée pour prendre un taxi juste en bas de son immeuble. Comme si c’était la réponse la plus évidente, Elvia pensa évidemment au pire alors que le trajet jusqu’à l’adresse indiquée dans le message lui paraissait des plus interminables. Ce à quoi elle ne fit nullement attention, ce fut le regard plus qu’insistant du conducteur, perdant littéralement la vue sur son décolleté pigeonnant donné par sa nouvelle grossesse. On ne pouvait pas lui jeter la pierre, il faut dire que dans pareille tenue, sans culotte en prime, la suissesse était hautement désirable. Même les cheveux en bataille, puisqu’elle n’avait pris aucun temps pour se passer un coup de peigne ! Mais quoi qu’il en soit, c’est en quatrième vitesse qu’elle monta dans l’ascenseur et débarqua dans le bureau lui ayant été indiqué à l’accueil même du building, retrouvant un Gabriel légèrement pâle à son plus grand désespoir. Aussitôt, elle poussa cependant un soupir de soulagement, bien évidemment… « As-tu perdu la tête de m’envoyer pareil message à une heure pareille ? J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose ou qu’il y avait eut un mort !! D’autant que tu devrais être à l’hôpital, à être soigné ! » s’exclama-t-elle, le visage encore marqué par toute l’inquiétude qu’elle avait ressentie jusqu’à lors. Certes, le voir ainsi lui permit de s’apaiser mais leur précédente altercation n’avait aucunement été oubliée par Elvia. Pire, celle-ci l’empêchait de dormir depuis qu’elle avait eue lieu, sans oublier qu’il ne s’était pas tourné vers elle pour en parler… mais bien vers Sullivan. En un mot comme en cent, Elvia n’expérimentait pas seulement les affres de la jalousie mais aussi de l’orgueil, de la fierté blessée. « Que s’est-il passé ? Puisque je suis venue jusqu’ici, raconte ! Même si je suis presque étonnée que cette fois-ci tu te sois tourné vers moi… » ne put-elle s’empêcher de noter tout en se mordillant aussitôt la lèvre inférieure et en rougissant violemment. Elvia ne pouvait pas être méchante, ce n’était pas dans son caractère, mais elle ne pouvait pas non plus passer outre le fait qu’il lui ait soigneusement présenté la sortie pour la garder exclue des heures et des heures durant… « C’était déplacé excuse-moi » s’excusa-t-elle tout en baissant le regard, prête à faire amende honorable avant de se souvenir enfin de sa question. « Je suis dans cette tenue parce que je me suis imaginée le pire et que j’ai préféré privilégier mon temps en venant ici le plus vite possible plutôt qu’en enfilant quelque chose ! Je ne suis pas indécente flûte… » marmonna-t-elle sans violence aucune sur la fin, s’armant du plus grand calme tandis que son corps tremblait tout de même de froid et face à l’adrénaline qui commençait à retomber.

« Navrée d’avoir préféré me dépêcher pour foncer dans un taxi plutôt que de faire l’intégralité de ma garde robe afin d’enfiler quelque chose de seyant ! Déjà, j’ai mis quelque chose, soit content, normalement je dormais nue ! »Elvia leva les yeux au ciel une fois que Gabriel lui eut passé une veste sur le dos, bien qu’elle ne puisse pas réellement lui en vouloir, ne connaissant que trop bien son caractère possessif et jaloux. D’ailleurs, elle tenait les deux pans de la veste qu’il venait de lui passer, prête à faire au moins cet effort même si son visage, d’ordinaire aux traits si doux, demeurait toujours aussi fermé. Là, il ne pouvait pas non plus l’en blâmer vu la façon dont il l’avait sciemment écartée. Que ce soit pour éviter une dispute ou pas, Elvia ne pouvait décemment pas s’empêcher de voir la finalité de la chose sans s’intéresser forcément aux raisons ayant conduit son mari à agir de la sorte. « Voilà je tiens les deux pans de ta veste, tu peux te concentrer et me dire ce qui se passe ? » rétorqua-t-elle avant de ne se trouver avec un paquet entre les mains, paquet qu’elle ouvrit aussitôt pour y découvrir une plaque avec l’ancien nom de Gabriel ainsi qu’avec le terme « rédacteur en chef ». D’un côté, la jolie suissesse avait follement envie d’y croire, d’où le fait que son visage se radoucit aussitôt, mais d’un autre, elle déglutit avec difficulté de peur de ne s’avancer et de croire à des balivernes. « Est-ce que je dois comprendre que… ? » Sauf que le simple fait de voir son mari s’appuyer contre l’un des bureaux lui fit froncer les sourcils et, non sans poser la plaque contre ledit bureau, elle lui attrapa délicatement le bras pour le forcer à s’asseoir contre son immense fauteuil de patron. Elvia restait debout, certes, mais au moins Gabriel ne risquait pas de lui claquer entre les doigts. « Tu as beau ne pas aimer les hôpitaux il n’empêche que toi et moi, nous allons rentrer et que tu ne bougeras pas du lit tant que je ne dirais pas, vu ? »

« Juste fatigué… tu es au courant que si les rôles étaient inversés, tu me harcèlerais jusqu’à ce que je me repose le temps qu’il faut ? Mais tu vas me répondre que les rôles ne sont pas inversés, que tu es un warrior et blablabla je ne vais pas me battre avec toi je n’en n’ai ni l’énergie, ni l’envie et puis je doute que ce soit bon pour le bébé » soupira-t-elle subitement avant que Gabriel ne reprenne de plus belle sur leur discussion précédente, lui avouant enfin qu’elle n’avait pas compris de travers et qu’effectivement, il avait bien accepté le poste de rédacteur en chef, arrêtant ainsi les reportages en pays en guerre et de se frotter constamment au danger dès qu’il avait le malheur de repartir. Bien sûr, cet aveu arracha à Elvia une expression émue, bien qu’elle fasse preuve d’une retenue surhumaine pour ne pas exploser purement et simplement en larmes. « Dire que je ne considère pas ça comme une bonne idée serait mentir mais je ne comprends pas Gabriel… hier, tu étais incapable de me faire cette promesse et tu m’as présenté la sortie, et aujourd’hui tu me dis que tu as accepté le poste de rédacteur en chef… je suis perdue je dois admettre ! Tu es sûr de toi ? Parce que si c’est pour que tu me détestes ou que tu me considères comme la pire des égoïstes… je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. » D’un certain côté, il fallait que cela vienne de lui. Mais cela viendrait-il un jour de lui alors que le reportage avait fait sa vie pendant huit ans ? A cette pensée, Elvia s’assit contre une chaise à quelques mètres, passant et repassant ses mains contre son visage.

Elvia savait dans le fond de son cœur que la manière d’agir adoptée n’avait pas été la bonne mais à sa décharge, elle n’en n’avait pas vu d’autre. Gabriel était à terre lorsqu’elle l’avait retrouvé et cette vision, elle ne pouvait pas l’effacer de sa mémoire. Le fait même d’y repenser lui arrachait littéralement le cœur et dans le fond, elle ne regrettait pas sa manière d’agir, bien qu’elle ait été maladroite, car la finalité était de lui sauver la vie avant qu’il n’ait le reportage de trop, comme cela avait manqué d’être le cas. Ceci étant, avec toute la sagesse dont elle était capable, la jolie suissesse écouta le discours de son mari jusqu’au bout, laissant quelques larmes s’écouler contre ses joues, incapable de faire preuve de davantage de contrôle, c’était impossible. Autant s’enfoncer elle-même un couteau en plein cœur. « Je sais que ma manière de faire n’était pas la bonne mais tu ne sais pas ce que j’ai ressenti en te voyant sur ce lit, après avoir passé un mois à craindre le pire. Je sais que je ne peux probablement pas comprendre ce qui te lie au reportage, au même titre que tu ne pourras jamais savoir ce que j’ai abandonné en arrêtant le patinage mais je voulais t’empêcher de faire une connerie et qu’il vienne un moment où justement, le reportage que tu aimes tant finisse par te tuer. Ce n’est pas la peine de revenir sur mes arguments et je n’ai pas l’intention de me battre avec toi. Mais oui, pour moi, notre famille passera toujours avant tout et être plus importante que tout le reste. » La jolie suissesse poussa un petit soupir histoire de reprendre contenance avant de ne se heurter à sa supplique, qui l’incita à essuyer ses joues par ses propres moyens avant de ne se relever, comblant la distance se jouant entre eux afin de caresser délicatement le visage de son mari du bout de ses doigts. Avec une précaution particulière, elle s’assit doucement contre ses genoux, craignant par-dessus tout de lui faire mal, mais n’hésita pas à lui donner un baiser des plus fougueux qui lui offrit l’impression de cesser tout bonnement d’être en apnée. Il n’avait pas été le seul à ne plus supporter d’être éloigné… voilà pourquoi, dès lors qu’elle eut mis un terme à leur baiser, elle entoura la tête de Gabriel de ses bras pour mieux le serrer contre elle, se moquant bien d’être toute tremblante d’émotion. « Je t’aime plus que tout mon ours, tu es toute ma vie… sans toi je suis perdue. Mais je vais prendre bien soin de toi, tu verras. »

Manifestement, les déchirements venaient de prendre définitivement fin. Elvia sentit peu à peu un doux calme s’insuffler à l’intérieur de ses veines alors qu’elle couvait Gabriel du regard, faisant preuve d’une tendresse retrouvée après un mois à n’être qu’une boule de nerfs. Autant dire qu’elle n’avait guère suivi les conseils de son médecin durant tout le temps où elle avait cru que son mari pouvait ne pas revenir… « Quel doux son à mes oreilles mon ours, je crois que je n’ai jamais autant aimé t’entendre me faire une promesse ! » s’amusa-t-elle en le gratifiant en prime d’un sourire éclatant tandis qu’elle déposait un dernier baiser contre ses lèvres pour mieux se relever et lui tendre la main en prime. Il n’était pas question d’agir comme s’il était infirme mais elle ne voulait surtout pas s’éloigner même d’un millimètre, c’était au dessus de ses forces. Elvia avait maladivement besoin d’entendre sa voix, de sentir sa chaleur, de goûter ses baisers. Même s’il n’avait la force de rien d’autre cela lui importait peu. Il était de retour, et en prime il ne repartirait plus ! « A mon tour de te faire une promesse, histoire d’équilibrer la balance mon ours : je n’enlève pas la veste avant que tu ne l’aies fait toi-même, d’accord ? Comme ça, aucun risque de bagarre, tu ne voudras crever les yeux de personne et tu pourras te rincer l’œil quand nous serons dans l’intimité de notre chambre… » Mais la question des titillements, clairement, Elvia ne s’y était pas attendue, d’où le fait qu’elle n’éclate purement et simplement de rire. Diable que c’était divin de relâcher la pression de cette manière, personne n’avait idée… « Chéri je n’ai pas eu de titillements depuis ton départ… comme si mon corps ne voulait pas en avoir si tu n’en profitais pas. Mais j’ai quand même une bonne nouvelle : d’après mon gynéco, il est fort possible que j’attende un garçon. »

« Tu plaisantes ? Avec ta veste on ne voit strictement rien, bien que ce soit le but je suppose, et nous n’avons vraiment pas la même carrure dirais-je… » s’amusa Elvia non sans accueillir son compliment d’un sourire éclatant alors qu’elle le lâchait pas son bras, comme s’il pouvait s’écrouler dans la seconde si elle osait s’y risquer. « Je ne vois pas le rapport avec les titillements alors que je t’annonce que c’est peut-être un garçon, mais soit… tu ne me fais pas peur mais tu es content mon ours ? » fit-elle par la suite en éclatant finalement de rire face à ses bêtises. Elle préférait mille fois voir Gabriel dans cet état que de le voir à l’article de la mort… elle fut d’ailleurs soulagée qu’il n’entoure son bras contre ses épaules, même si la suite de son discours lui arracha une vive expression de surprise. Il n’était pas sérieux ?! Il faisait un drame d’une simple disparition de titillements ? A croire qu’il y soit tellement devenu accro que c’était impossible pour lui de s’imaginer sans… bigre, Elvia n’aurait pas cru une chose pareille possible… « Tu plaisantes là j’espère ?! Mon ours je n’ai pas eu de titillements parce que je n’avais aucune raison d’en avoir : aucun temps pour écrire mon livre, tes parents toujours sur mon dos à me rabâcher que je devais élever nos filles dans le respect du protocole génovien… jusqu’à me faire céder pour que j’aille habiter au palais ! Ca n’enlève rien à mon désir de toi, ça va revenir, et tu es toujours le plus beau à mes yeux… tu es si désespéré que ça ? De toute façon ce n’est pas plus mal qu’ils ne reviennent pas immédiatement, tu dois au moins récupérer de ta fatigue… » Bon pas sûr qu’il adhère à ce genre de discours, m’enfin…