Vagabondant seul dans les rues, mains dans les poches, capuche sur la tête, je gardais mes yeux rivés sur le sol sans prendre la peine de regarder ce qu’il y avait autour de moi, comme si plus rien n’existait, comme si plus rien n'avait d'importance. Le temps était maussade. Il collait parfaitement à mon humeur nauséeuse. Dans une marche cadencée, je rejoignais non sans peine les beaux quartiers du Bronx. Pourquoi ? Il y avait une personne en qui j’aimais croire ; en qui j’avais entièrement confiance, qui m’avait prouvé que la générosité existait encore dans ce bas monde. Cette personne répondait au nom de Sephora Neil-Douglas. Une riche avocate dont le destin a voulu que nos chemins se croisent. Deux ans que nous avions appris à nous connaître. Le fait d’avoir vécu plusieurs mois sous le même toi forcément ça rapproche. Une complicité est née petit à petit, on s’entendait à la perfection, on passait des bons moments. Je ne nie pas qu’il n’y ait jamais eu de fugaces tensions entre nous mais elles ne duraient jamais bien longtemps. J’aimais faire le con avec Sephora ; malgré ses apparences de petite fille riche, j’avais appris à connaître une toute autre personnalité et parfois j’arrivais à percer sous sa carapace pour y voir une fille plus déjantée et fragile à la fois. Enfin bref, j’allais lui rendre visite sans pour autant lui avouer que j’avais des problèmes principalement financiers, et que je m’étais fait viré de mon studio pourri. Sans parler d’abuser de son hospitalité, ma fierté en prendrait à nouveau un coup si jamais j'oserai lui annoncer que j'avais encore besoin d'aide. Il en était hors de question. Même si je lui étais extrêmement reconnaissant pour tout ce qu’elle avait fait pour moi, je me sentais aussi comme un boulet qui a besoin de se faire entretenir. Je lui ai toujours dit que je lui renverrai l’appareil seulement j’en ai été incapable pour le moment, chose qui m’irritait particulièrement mettant à rude épreuve mon orgueil. Vivre au dépend des autres n'avait rien de bien glorieux...

Je sonnai à l’interphone. Lorsque j’entendis une voix fluette, je me présentai simplement d’un, « C’est moi ! » Certain qu’elle me reconnaîtrait, rien qu’au son de ma voix. J’attendis quelques secondes avant que la lourde porte de sa résidence bip et s’ouvre. Me faufilant à l’intérieur du bâtiment, je montai deux à deux les marches de l’escalier, l’ascenseur étant déjà utilisé, toujours mains dans les poches de ma veste. En un rien de temps, je me retrouvai devant sa porte. Jetant un regard autour de moi, je me décidai à frapper deux petits coups lui annonçant mon arrivé.