MATTHEW & ARIZONA ❝ whispers in my ear ❞

Pourquoi était-elle là ? C’était une excellente question … peut-être parce qu’elle n’avait pas eu le choix comme le lui avait fait comprendre la lettre du tribunal qu’elle avait reçu quelques jours plus tôt. Pourtant, assise sur le banc elle ne pouvait s’empêcher de balayer la salle du tribunal du regard dans l’espoir de trouver un petit indice sur la raison de sa présence en ces lieux. Certes, elle était de la famille, mais elle était la seule Ioannis à se trouver dans cette fichue salle et ce détail ne cessait de lui retourner l’estomac comme si, inconsciemment, elle sentait que quelque chose allait mal se passer. Arizona aurait souhaité fuir et partir le plus loin possible de cet endroit, après tout elle était bien capable de feindre un malaise, mais sa curiosité la poussait à rester assise là où elle était, un sentiment tellement contradictoire que ça en devenait frustrant. Son cœur battait la chamade … la justice elle ne l’aimait pas parce que depuis ses quinze ans elle était persuadée que cette dernière n’existait pas. Son père était mort sous ses yeux alors qu’elle n’était qu’une gamine et en quelques minutes elle avait dû grandir d’un coup, être forte et mature pour éviter que son petit frère ne panique au beau milieu de la mer méditerranée. La police grecque avait conclu que la mort de son père n’était qu’un accident, mais encore aujourd’hui la jeune femme en doutait, mais elle ne possédait aucun moyen de mettre son nez dans cette affaire considérée comme classée. Depuis ce jour, les autorités, les avocats et tout ce qui allait avec Arizona ne les supportait plus, d’où cette sensation de malaise qui l’envahissait à présent. Les bruits de bavardages cessèrent brusquement autour d’elle lorsque l’accusé entra dans la salle et son regard posé sur ce dernier, Arizona ne put cacher sa surprise. Son oncle était loin d’être le meilleur homme du monde … il en était même très loin de ce qu’elle avait entendu dire, mais pour quelles raisons se trouvait-elle à son procès ? Se mettant à jouer nerveusement avec ses mains, Arizona se pencha légèrement sur le côté, près de l’oreille de son cousin ayant plus besoin que jamais d’avoir une réponse à son questionnement. « Tu peux me dire ce que je fais là ? » lui chuchota-t-elle sans pour autant quitter son oncle du regard. Quelque chose n’allait pas, la jeune résidente pouvait le sentir au fond de son être et le regard que posa Nikolas sur elle – un mélange de surprise et machiavélisme – la conforta dans cette idée tout en lui donnant froid dans le dos.

Ce regard qu’il posait sur elle, elle ne l’aimait que très peu voire même pas du tout. Son oncle lui avait toujours fait peur au point qu’encore aujourd’hui elle était heureuse du fait de ne pas être allée lui rendre visite très régulièrement par le passé. Selon son père c’était avant tout parce que Nikolas n’était pas très famille, mais avec les années Arizona avait fini par comprendre qu’il s’agissait d’un mensonge pour éviter que ses enfants ne posent trop de question. Elle avait toujours apprécié sa tante, ses cousins et sa cousine, ne pas les voir souvent était bien là sa seule déception. Plus jeune, elle n’avait pas remarqué la méfiance que son père pouvait avoir vis-à-vis de Nikolas … à vrai dire personne n’avait fait attention au fait que le patriarche de la famille Ioannis enquêtait tranquillement sur cet homme par simple besoin de protéger sa famille. Quant à la question qu’elle posa à son cousin à ses côtés, Arizona n’avait pu la retenir. Elle était curieuse, bien trop curieuse d’ailleurs et pourtant elle n’était jamais allée jusqu’à fouiller dans le passé, peut-être par peur d’en apprendre trop, de savoir des choses qu’elle aurait préféré ignorer. « Tu fais partie des témoins à interroger... Je pouvais pas t'en parler, j'ai pas du tout eu mon mot à dire... ». Si jusque-là son regard continuait de fixer Nikolas afin de comprendre pour quelle raison il la regardait de cette manière, à la réponse de Matthew la jeune femme tourna brusquement la tête vers lui. Elle faisait partie des témoins à interroger ? Mais sur quoi ? Après tout ils avaient peut-être un lien de parenté, mais Arizona ne s’était jamais mêlée de ses affaires … elle préférait de loin laisser ça à Matthew. « Mais de quoi tu … ». Sa bouche se referma. Ses yeux voyagèrent de l’agent à ses côtés vers le père de ce dernier et aussitôt elle eut la sensation que le monde entier était en train de s’écrouler autour d’elle. « Nous appelons à la barre... Arizona Violet Ioannis, témoin & fille de la victime. ». Arizona ne put s’empêcher de déglutir bruyamment. Ses mains se mirent à trembler et pourtant elle se fit violence pour ne rien laisser paraitre lorsqu’elle se leva du banc pour rejoindre la place où elle devait être. Mâchoire crispée, elle lança un regard accusateur à son cousin ne supportant pas la sensation d’avoir été piégée et pourtant lorsqu’elle dû prêter serment elle le fit en gardant la tête haute même si elle ignorait par quel miracle elle tenait encore debout. « Bien … nous allons pouvoir commencer. ». Un dernier regard en direction de Nikolas et Arizona se laissa tomber sur le fauteuil tout en sentant les nombreuses paires d’yeux se poser sur elle. En quelques secondes elle avait compris … elle avait eu la confirmation que la mort de son père n’était pas un accident et surtout, elle venait de comprendre qu’il y avait bien pire, vraiment bien pire !

Tous ces regards posés sur elle ne faisaient qu’augmenter son angoisse et ce n’était vraiment pas ce qu’il y avait de mieux pour elle dans sa condition. Elle devait se calmer, inspirer et expirer tranquillement pour se détendre, mais elle n’y parvenait pas, surtout pas dans une salle pleine d’inconnus qui la regardaient tous dans l’attente de connaitre son histoire. Arizona n’osait même plus regarder en direction de Nikolas, le sourire peint sur ses lèvres lui donnait la nausée et éveillait une certaine colère qui allait la ronger de plus en plus si elle croisait son regard. « Mademoiselle Ioannis... Le 10 juillet 2001, vous vous trouviez sur un bateau, en mer Méditerranée, en présence de votre frère & de votre père. Pouvez-vous nous raconter ce que vous vous souvenez de cette journée ? ». Son regard se posa sur l’avocat de la partie civil qui s’était levé et venait de la rejoindre en quelques pas. Le 10 juillet 2001 … la simple évocation de cette date provoqua un frisson qui parcouru toute son échine. Ses yeux se mirent à picoter tandis que dans sa poitrine elle sentait son cœur se serrer douloureusement. La jeune femme due se mordre l’intérieur de la joue pour parvenir à se contenir et rester forte aux yeux des autres personnes présentes. Ses yeux dévièrent une nouvelle fois vers Matthew, son seul réconfort dans cette salle. Certes, elle éprouvait de la colère vis-à-vis du fait qu’il ne lui ait rien dit mais il restait son cousin et la seule personne de confiance dans cette histoire. « Vous voulez dire hormis le fait que mon frère de onze ans et moi-même avons manqué de nous noyer ?! ». Sa mâchoire se crispa et elle se risqua à lancer un regard accusateur en direction de Nikolas. Difficile de ne pas comprendre que si elle était là aujourd’hui c’était de la faute de son oncle et que par conséquent il était la raison de la mort de son père. « Répondez juste à la question s’il vous plait … ». Son regard dévia une nouvelle fois vers l’avocat face à elle. Un soupire lui échappa pour tenter de se calmer et Arizona se concentra pour répondre à la question. « Elle me semblait banale jusqu’à ce que mon père m’envoie chercher mon petit frère dans la cabine. Il y avait de l’eau qui se trouvait un peu partout. J’ai d’abord pensé que mon frère avait joué avec les robinets, mais on a découvert que l’eau venait de la salle de bain du bateau qui avait été sabotée. ». Arizona se refusait à entrer dans les détails, elle donnait volontairement les informations qui lui semblaient nécessaires, le reste était bien trop douloureux pour qu’elle y pense une nouvelle fois d’où le fait que ceci dit la jeune femme baissa la tête et joua de nouveau nerveusement avec ses mains.

Inspirer et expirer doucement. Arizona se concentra sur cette pensée pour ne pas céder, pour ne pas craquer. Elle ne supportait pas le fait de sentir toutes ces paires d’yeux braquées sur elle. Elle ne supportait pas le fait d’avoir été piégée de la sorte et surtout elle ne supportait pas le fait d’avoir à repenser à cette histoire. Elle avait mis du temps à encaisser et à faire disparaître les cauchemars qui la hantaient chaque nuit. Arizona n’avait jamais oublié, mais elle avait réussi à encaisser avec le temps et voilà qu’on lui demandait de replonger en plein dans ce passé qui lui avait fait si mal, qui avait séparé sa famille. La jeune femme savait que son petit frère continuait d’en faire des cauchemars toutes les nuits et que, tout comme elle, il avait une peur bleue de l’eau et tout ça était donc à cause de leur oncle, d’un membre de leur propre famille. Serrant la mâchoire, elle redressa la tête et posa son regard sur son cousin, même si elle était en colère elle ne parvenait vraiment pas à lui en vouloir parce que lui aussi avait subi à cause de Nikolas qui était son propre père, elle le savait très bien. « Est-ce que vous reconnaissez, sur ce cliché, la raison qui vous pousse à dire que le bateau a été saboté & que ce n'est pas un accident ? ». Arizona hésita un long moment à baisser les yeux vers la photographie que l’avocat venait de poser devant elle et à peine son regard attiré par l’image toute cette fichue journée lui revint un mémoire avec une si grande violence qu’elle déglutit bruyamment et dû mordre l’intérieur de sa joue pour ne pas fondre en larmes.

Incapable de prononcer le moindre mot, elle se contenta d’acquiescer d’un simple mouvement de la tête tandis que les larmes continuaient de l’assaillir sans qu’elle ne parvienne réellement à les retenir. « Monsieur le juge, voici une photo de la salle de bain du bateau en question : de toute évidence, ça n'a pu être provoqué qu'intentionnellement. ». Arizona profita du fait que l’avocat ce soit éloigné pour passer son index sous ses yeux et faire disparaître discrètement ses larmes. « Votre père avait-il déjà mentionné les activités de Mr Vryzakis avant son décès ? ». La jeune femme redressa brusquement la tête et posa les yeux sur l’avocat, sourcils froncés en tachant de voir si sa question était réelle ou si c’était une blague, malheureusement il s’agissait de la première option. « J’avais quinze ans … ce n’est pas le genre de choses dont mon père nous parlait, alors non il en a jamais fait mention. ». Arizona ne pouvait pas s’empêcher d’être froide, c’était malgré elle, c’était la colère, la panique et les hormones mélangés. La jeune femme s’enfonça dans le fauteuil sur lequel elle avait pris place sans quitter l’avocat des yeux. « Ceci dit … on avait tous remarqué que quelque chose le tracassait et dès qu’on parlait de mon oncle et de sa famille il avait tendance à … s’énerver. ». Adolescente, elle n’avait pas bien compris la raison de la colère qui envahissait son père à chaque fois que l’un de ses frères et sœurs – ou elle-même – venait à demander des nouvelles des Vryzakis, à présent elle comprenait mieux.

La seule chose qu’Arizona souhaitait était de partir de là le plus vite possible et même retourner s’asseoir auprès de son cousin n’allait pas lui sembler suffisant. Tout d’un coup elle ne rêvait plus que d’une chose, être aussi petite qu’une souris et aller se cacher dans un trou pour se faire oublier du monde. Bien qu’elle commençait à s’habituer aux regards du jury et des autres personnes présentes dans cette salle, dès qu’il s’agissait de son oncle la jeune femme avait la sensation d’être prise pour une véritable cible et c’était bien loin de la rassurer. Même en ayant perdu le contact avec sa famille du côté Vryzakis, Arizona était tout de même capable de savoir que son oncle était capable de tout … après tout n’avait-il pas tué son propre demi-frère sans même se préoccuper du fait que ses enfants pouvaient être avec lui ? L’idée d’être mêlée contre son gré à cette histoire ne lui plaisait que très peu, sans doute parce que paranoïaque comme elle pouvait l’être par moment, Arizona était en train de se persuader qu’elle allait entrer dans le collimateur de Nikolas et se mettre en danger. « Objection ! Votre honneur, nous ne pouvons pas fonder des accusations sur une sensation de tracas, un différend familial n'implique pas forcément un meurtre. ». Cette fois sa mâchoire se crispa. Qu’est-ce qu’il voulait entendre ? Que oui, elle se doutait depuis des années que son père avait découvert quelque chose et qu’elle avait toujours soupçonné que l’accident était plutôt un meurtre du fait que la police grecque avait trop rapidement classée l’enquête ? Même ces propos n’étaient pas fondés.

« Retenue. ». Le sourire qui étira les lèvres de l’avocat de Nikolas lui donna froid dans le dos et Arizona s’efforça de détourner le regard aussitôt pour ne se mettre à paniquer plus qu’elle ne risquait de le faire. « J'aimerais maintenant présenter à la cour cette pièce à conviction : un enregistrement téléphonique. » « Objection ! Nous n'avons pas connaissance de cette pièce à conviction. ». Et elle ? Elle pouvait retourner s’asseoir ou était-elle obligée d’avoir encore à subir un interrogatoire sur un évènement passé qui la bouleversait depuis ses quinze ans ? Apparemment, Arizona était bel et bien obligée de rester là où elle était en regardant les deux avocats se défier verbalement sur ce meurtre et les pièces à convictions reliant Nikolas à ce dernier. « Rejetée. Maître ? ». Lorsque l’avocat activé le magnétophone et que la conversation lui vint jusqu’aux oreilles, la jeune femme eut la sensation d’être projetée onze ans en arrière. Les battements de son cœur se mirent à battre de manière très irrégulière et l’air lui manquait de plus en plus. Sa vision était en train de se brouiller et malgré la force qu’elle usa pour ravaler ses larmes en mordant l’intérieur de sa joue il n’y avait rien à faire, elle entrait dans une crise de panique. « Elément conservé. Maître, quelque chose à ajouter concernant mademoiselle Ioannis ? ». Ce fut des yeux baignés de larmes qu’elle leva vers l’avocat de son oncle et sa panique redoubla. « Oui, j’ai également quelques petites questions. ». Si le premier avait été tendre avec elle, elle savait pertinemment que ça ne risquait pas d’être le cas avec l’avocat de la défense et Arizona due enfoncer ses ongles dans la paume de ses mains pour ne pas tourner de l’œil.

Elle allait s’évanouir si la pression qu’elle avait sur ses épaules ne diminuait pas dans les minutes à venir. Arizona éprouvait de plus en plus de difficulté à respirer correctement ou encore à avaler sa salive. Sa gorge était nouée et dans tout son corps elle sentait son sang battre avec une telle intensité qu’elle était même surprise que le juge tout près d’elle ne le voit pas. Lorsque l’avocat de son oncle se leva, l’australienne eu l’impression que le monde venait subitement de s’arrêter, que le temps s’était gelé tandis qu’il lisait quelques lignes du dossier qu’il tenait entre ses mains avant de le faire claquer et de poser ses yeux de rapace sur elle. La jeune femme n’aimait pas ça, mais alors pas du tout et pourtant elle ne pouvait pas fuir à moins de vouloir s’attirer plus de problèmes qu’elle en avait déjà. « Mademoiselle Ioannis, votre dossier médical rapporte que le 28 juin, vous avez été victime d'un accident. ». Arizona ne se laissa pas démonter. Elle se savait être plus forte que ça et capable de tenir tête lorsque c’était nécessaire comme son père le lui avait appris, un père dont elle n’allait pas laisser cet homme tacher l’image. En guise de réponse, même si elle avait bien compris que l’avocat ne faisait que citer un fait, elle agita la tête en soutenant son regard tandis que ses mains se desserraient afin que le sang puisse à nouveau y affluer.

« Il indique également que des suites de cet accident, vous avez été victime, et vous l'êtes toujours, d'une perte de mémoire conséquente. ». Sa mâchoire se crispa et sans savoir exactement pourquoi elle lança un regard en direction de Nikolas qui affichait un sourire satisfait et la regardait de telle sorte qu’elle détourna bien vite les yeux après qu’un frisson ait parcouru son échine. « J’ai amnésie partielle qui touche uniquement des évènements précis de ma vie au cours de ces deux dernières années, mais si vous avez lu mon dossier, vous devriez le savoir. ». D’un coup elle se moquait éperdument des conséquences que pouvait avoir son insolence, elle ne comptait pas laisser cet avocat faire croire à qui voulait l’entendre qu’elle était incapable d’avoir des souvenirs précis de l’accident de son père. « Mademoiselle Ioannis, contentez-vous de répondre lorsqu’on vous pose une question. ». Arizona tourna la tête vers le juge et s’enfonça dans son fauteuil. Même s’il lui avait lancé le premier regard bienveillant depuis qu’elle était là, la fermeté dans son ton lui donnait l’impression d’être une petite fille venant de se faire disputer. « Comme vous l'avez si bien rappelé, vous n'aviez que quinze ans à l'époque. A cet âge-là, tout peut être mal interprété. Peut-être... Peut-être que c'était votre père qui représentait un danger pour son frère, peut-être que son obsession à vouloir déterrer des informations qui n'existaient pas l'a rendu fou, et dangereux. ».

L’australienne aurait voulu bondir hors du petit box où elle se trouvait et sauter à la gorge de cet homme ne serait-ce que pour le faire taire. Cependant elle savait que pour tenter de gagner ce procès il devait traîner son père dans la boue afin de faire passer Nikolas pour le saint de cette histoire bien qu’elle ne comptait pas laisser son oncle s’en sortir. « Mon client n'a aucune connaissance de l'appel téléphonique que nous venons d'écouter. Mr Ioannis aurait facilement pu monter ça en scène, espérant que son sacrifice ferait enfin éclater au jour cette vérité à laquelle il rêvait tant. ». La jeune femme fini par se redresser et regarda l’avocat sans ciller. Silencieuse, elle se pencha en avant, le regard plus insolent que jamais et pris à nouveau la parole. « La seule folie qui a pu atteindre mon père fut de considérer votre client comme un véritable frère et tenter de l’arrêter avant qu’il n’empire son cas. ». Arizona lança un regard mauvais à son oncle et reprit. « Quant à ce qui s’est passé lorsque j’avais 15 ans, ayant toujours fait passer ses enfants avant lui, il n’aurait pas pris le risque d’amener deux d’entre nous avec lui pour créer une quelconque tragédie et sachez que ma mémoire fonctionne encore très bien pour que je me souvienne que mon père était bien incapable de piéger son demi-frère, autrement je ne serais pas là. ».

Le sourire satisfait qui se dessina sur les lèvres de l’avocat n’avait rien de rassurant, mais Arizona s’en moquait et si elle s’était écoutée elle aurait été probablement plus loin dans le fond de sa pensée ne serait-ce que pour protéger le souvenir de son père. Ce dernier avait toujours été là pour sa famille, faisant passer ses enfants avant lui comme elle l’avait si bien souligné quelques instants auparavant. Jamais il n’aurait été capable de mettre l’un d’eux en danger et sans même avoir à poser son regard sur Nikolas elle savait pertinemment que ce dernier le savait également et que le jeu de son avocat était uniquement fait pour tenter de gagner la sympathie des membres du jury. Elle ne supportait pas cette injustice et se contrôler était bien plus difficile qu’elle ne l’aurait pensé et sentir toutes ces paires d’yeux posées ne l’avait pas aidé. Néanmoins, l’australienne garda la tête haute, elle restait forte et aussi impassible que possible aux yeux des autres, comme ses parents le lui avaient appris lorsqu’elle était jeune pour ne pas laisser les autres croire qu’ils l’avaient abattu.

« Ce sera tout, votre honneur. ». La jeune femme essaya de cacher son soulagement au mieux, mais le voir s’éloigner d’elle et savoir qu’il en avait terminé avec ses insinuations douteuses la détendait. C’était fini, elle n’allait plus avoir à se souvenir du passé, elle n’avait plus à répondre au moindre de leurs questions et elle n’avait plus à tenter de repenser à tous les petits détails du jour de la mort de son père pour aider la justice à enfermer son oncle. Arizona était soulagée et la perspective de sortir de ce box la réjouissait au point d’éveiller son impatience. « Bien. ». La jeune femme tourna la tête vers le juge en silence puis attendit la suite de sa décision même si elle avait bien envie de fuir les lieux au plus vite. « L'audience est maintenant suspendue pour laisser le temps au jurés de délibérer. ». Le coup donner fut sa délivrance et Arizona poussa un long soupir de soulagement en se levant du fauteuil et en s’éloignant, les jambes plus tremblantes qu’elle ne l’avait imaginé. Elle n’osa même pas regarder en direction de son oncle, croiser son regard l’aurait fait craquer d’une manière qu’elle ignorait et qu’elle préférait ne pas connaitre. Finalement, ce fut le visage rassurant de son cousin qui apparut dans son champ de vision, Matthew ne tardant pas à la rejoindre.

« Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolé. ». L’australienne lui adressa un léger sourire et laissa sa tête tomber contre l’épaule de Matthew pour y trouver un tant soit peu de réconfort après ce moment qu’elle avait cru interminable. « Viens, on va prendre l'air. ». Arizona accepta sans le moindre mal, quittant la salle en compagnie de son cousin en suivant la foule de personnes qui suivaient le même chemin et ce fut une fois dehors qu’elle se tourna enfin vers lui ravie de pouvoir enfin respirer. « Ça va Matt … tu me l’as dit toi-même, tu n’avais pas le droit de m’en parler mais je suis soulagée que ça soit fini je crois que j’étais à deux doigts de faire un double meurtre et de prendre sa place. ». Arizona parlait évidemment de Nikolas qui de toute manière aurait fini six pieds sous terre si elle s’était emportée. La jeune femme lui adressa alors un léger sourire et croisa les bras contre sa poitrine. « Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça … je veux dire c’était son frère et … enfin on fait partit de sa famille et il n’aurait eu aucun remord à nous tuer ? Phœnix n’avait que onze ans à l’époque … ». Sa voix s’étrangla sur la fin. Ses nerfs étaient sur le point de lâcher malgré le mal qu’elle se donnait pour ne pas fondre en larmes.

Jusqu’à ce jour elle n’avait jamais détesté Nikolas, elle se contentait de savoir qu’il n’était pas le genre d’homme avec qui elle devait passer du temps – famille ou non – mais elle ne l’avait jamais haït jusqu’à apprendre qu’il était celui qui avait fait tuer son père. « Oui, j'avais cru remarquer ça... ». L’australienne grimaça légèrement. Elle savait qu’elle s’était sans doute un peu trop laisser emporter, mais il était question de son père, du souvenir qu’elle souhaitait que l’on garde de lui – même s’ils n’étaient trois à l’avoir connu dans la salle – et puis il avait aussi été question de sa fierté à elle, elle ne pouvait le nier. Mais Arizona était fière d’elle. Sans s’être attirée d’ennuis elle était parvenue à tenir tête à l’avocat de Nikolas et par extension à son oncle et c’était un détail qu’elle n’était pas prête d’oublier. « Sincèrement, je pense que ça lui aurait fait ni chaud ni froid. ». La jeune femme posa un regard surpris sur son cousin. Elle connaissait véritablement très mal sa famille du côté de son père et même si elle adorait Matthew et Kina, les deux seuls qu’elle connaissait un tant soit peu, elle était heureuse de ne pas avoir eu à côtoyer plus souvent la famille Vyrzakis par le passé, c’était bien trop compliqué pour elle qui avait déjà assez à faire avec sa grande famille et ses propres ennuis. « Il a enlevé Toyiah, et si on avait pas réussi à les retrouver à temps... Je pense que rien que pour le message, il aurait pu la tuer. Sa petite-fille. ». La bouche de l’australienne s’ouvrit mais aucun son n’en sortit. Heureusement que ses jambes avaient cessé de trembler car face à ce que venait de lui avouer le jeune homme elle en serait vite tombé par terre.

Sa propre petite-fille … Une enfant innocente qui n’avait rien demandé à qui que ce soit et qui se trouvait au beau milieu d’une histoire qu’elle ne devait même pas comprendre. A la place de son cousin, la jeune femme savait qu’elle aurait été tout aussi haineuse et remontée contre Nikolas. « Au moins tu sembles avoir plus de sang-froid que moi. Tu m’impressionnes Matt, je sais pas comment tu as pu tenir dans la même salle que lui sans l’abattre. Mais Toyiah va bien ? Et Lulani ? ». Même si elle ne connaissait que très peu son ex belle-cousine et sa petite cousine – voire également son petit cousin – ça ne l’empêchait pas de s’inquiéter sincèrement pour eux, ils étaient sa famille et ils avaient juste la malchance d’avoir un lien avec eux. « Tu t'es bien défendue, en tout cas. Et tu as bien défendu ton père... Nikolas va payer, c'est sûr. ». Arizona lui adressa un petit sourire pour le remercier. C’était son père dont il avait été question et la jeune femme n’aurait laissé personne salir son image que ce dernier soit six pieds sous terre ou non. Son père avait fait beaucoup pour ses enfants, après le divorce il les avait élevé seul et s’en était toujours bien sorti. Il l’avait poussé à aller au bout de ses rêves et l’australienne refusait qu’on lui donne un aspect d’homme fou. « Il ne mérite que ça … pour toi, Kina, ta mère, Francis, Toyiah et mon père. », dit-elle en ponctuant sa phrase d’un mouvement bref de la tête. « Et si c’est pas la justice qui le fait, j’espère sincèrement que je n’aurais jamais à croiser sa route. ». Arizona se savait capable de tout lorsqu’il était question de vengeance, toutefois elle doutait d’être la gagnante d’un combat contre son oncle bien que ça ne l’empêchait pas de dire ceci avec autant de conviction sans quitter son cousin du regard.

Finalement, Arizona prenait conscience de l’étrangeté de sa famille qu’aujourd’hui. Même si elle avait toujours trouvé que sa famille était touchée par des évènements particulièrement tragiques et dignes d’un film américain, il fallait bien avouer qu’elle ne se serait jamais attendue à une telle chose, pas même de la part de son oncle. Toutefois, elle ne le connaissait pas et même si elle avait toujours plus ou moins su qu’il ne faisait pas dans la légalité, l’australienne n’avait pas imaginé que ça pouvait être à ce point. Il avait enlevé sa propre petite fille et selon Matthew, tuer cette dernière ne lui aurait pas posé le moindre problème … décidément elle en venait même à douter que la prison soit une punition suffisante pour Nikolas, il méritait surtout de se retrouver avec une balle entre les deux yeux. « Elles vont bien, oui. ». Arizona lui adressa un sourire. Elle était rassurée de le savoir. Toyiah devait probablement se sentir perdue et ne pas comprendre pour quelles raisons son grand-père voulait lui faire autant de mal, quant à Lulani … la jeune femme ne préférait même pas imaginer ce par quoi son ex-femme avait pu passer en sachant sa fille aux mains du patriarche Vryzakis. « Je pense qu'elles, comme nous tous, ont hâte que tout ça soit terminé. ». Ça pour avoir hâte que ça soit terminé, c’était bien le cas. Arizona laissa ses bras retomber le long de son corps et soupira.

Ce passage au tribunal l’avait vidé de son énergie et l’avait secoué bien plus que n’importe quel autre événement ces derniers jours. Elle voulait que ça se termine au plus vite et pourtant elle savait qu’elle allait devoir entrer à nouveau dans cette salle et attendre patiemment de savoir ce que les jurés avaient décidé de l’avenir de son oncle. « Il va pas garder ce sourire suffisant longtemps sur son visage, là où les juges l'enverront. ». Difficile de ne pas déceler une pointe de sadisme dans cette phrase, mais à vrai dire ce n’était que ce qu’il méritait, même si Arizona savait qu’elle ne serait jamais satisfaite en le sachant en vie. Bien que curieuse, l’australienne préféra tout de même ne poser aucune question parce que, finalement, moins elle en savait et mieux elle se portait. De toute manière, tous les deux furent interrompus dans leur courte conversation lorsqu’on leur signala que l’audience allait reprendre. Le jury avait donc délibéré et tandis qu’elle suivait son cousin en se frayant un chemin dans la foule, son estomac ne cessa de se nouer de plus en plus. « Asseyons-nous par là. ». La jeune femme acquiesça en silence et suivit Matthew pour prendre place sur un banc sans parvenir à s’empêcher de saisir sa main lorsque Nikolas entra tant son oncle pouvait l’effrayer à présent. « Dit … s’ils ont été assez fous pour l’acquitter, j’ai le droit de le tuer moi-même ? Je suis médecin, ça ne se verra pas facilement. », demanda-t-elle en chuchotant, la tête penchée sur le côté pour être aussi près que possible de son oreille afin que Matthew soit le seul capable d’entendre sa question.

A nouveau dans la salle d’audience, le regard d’Arizona tentait au mieux d’éviter celui de son oncle et pourtant c’était à croire que Nikolas avait une quelconque attraction sur sa nièce qui avait bien du mal à regarder ailleurs. En réalité, la jeune femme désirait le regarder comme pour tenter de trouver quelque chose allant contre les propos de Matthew, quelque chose qui pourrait lui laisser croire que Nikolas éprouvait un tant soit peu de remords, mais rien. Il était froid, sans doute sadique quelque part à cause de ce sourire qui se dessinait discrètement au coin de ses lèvres et que l’australienne parvenait à discerner sans la moindre difficulté. Si elle devait le regarder maintenant c’était pour voir – elle l’espérait – son visage se décomposer lorsque la sentence aller tomber. Les jurés ne pouvaient pas le laisser partir. Ils ne pouvaient pas le libérer, pas avec ce qu’il avait fait et ce qu’il risquait encore de faire dans le futur s’il restait dehors. Arizona désirait plus que tout qu’il soit puni pour ses crimes et elle savait que son cousin en pensait de même et elle était toujours aussi impressionnée par le fait qu’il soit autant capable de se retenir alors que son père avait enlevé Toyiah et fait tant de mal à toute sa famille.

« Je t'interdis de faire ça. Si il s'en sort... ». L’australienne décrocha avec difficulté son regard de sur son oncle. Elle tourna doucement la tête vers Matthew et se mordilla nerveusement la lèvre inférieure comme si elle venait de se faire disputer par ses parents après avoir fait une bêtise. « On l'arrêtera encore et, cette fois... Il n'aura aucune chance. ». Arizona opina du chef et détourna une nouvelle fois son attention en direction de Nikolas. Elle ne doutait pas de ses paroles. Elle savait que si jamais son oncle s’en sortait aujourd’hui, Matthew ne le laisserait jamais tranquille, qu’il le poursuivrait probablement jusqu’à s’assurer qu’il ne soit plus nuisible à qui que ce soit. Lorsque les jurés entrèrent dans la salle, Arizona suivit le mouvement du reste de l’assemblée et se leva de son banc, son regard toujours accroché au visage de son oncle tandis que le juge entrait à son tour pour ensuite leur faire signe de s’assoir. « Messieurs et Mesdames les jurés, avez-vous pris une décision ? ». L’angoisse commençait à s’insinuer en elle petit à petit et Arizona craignait de regarder en direction du jury comme si elle s’attendait à ce que son regard les force à considérer Nikolas comme non coupable. « Oui votre Honneur. ». L’australienne cessa de respirer et posa les yeux sur son cousin juste à côté d’elle, c’était toujours plus agréable que son oncle et plus rassurant aussi.