Le militaire était tellement absorbé par la préparation du petit-déjeuner qu’il ne remarqua même pas que Loan s’était levée. Du mieux qu’il pouvait, il s’appliquait à faire griller des tartines parfaites pour éviter de repenser à ce qu’il s’était passé pendant la nuit. Ces baisers qu’ils avaient échangés sans en avoir le droit, cette tendresse mutuelle qu’ils avaient retrouvé l’espace d’un instant… Tout cela le troublait au plus haut point mais Caleb s’efforçait de ne rien laisser paraitre. Au moment où il entendit la voix de la jeune femme derrière lui, il manqua de sursauter et sortit brusquement de ses pensées en souriant. « J’avais oublié que tu étais matinal. » Cette simple phrase, aussi banale soit-elle, éveilla en Caleb une multitude de souvenirs aussi agréables que douloureux. Car oui, à une certaine époque ils avaient eu leurs petites habitudes, ils s’étaient connus par cœur et cet élément-là était sans doute encore vrai aujourd’hui. Caleb cacha son petit malaise derrière un large sourire lorsqu’il vit Loan s’approcher un peu plus des fourneaux. « Hey ! Tu as bien dormi ? J’espère que je ne t’ai pas réveillée ! » s’exclama-t-il en grimaçant un peu.

En vérité, aux vues de leur soirée précédente, Caleb ne savait pas exactement comment agir avec Loan ce matin. Il y a quelques heures à peine ils étaient si proches ! Et le militaire ne pouvait pas nier qu’il crevait d’envie de retrouver cette proximité… sans pour autant se l’autoriser. Cette fois, ce fut un bruit de gargouillis provenant tout droit du ventre de Loan qui l’extirpa de ses pensées, et le fit rire en même temps. Visiblement, le jeune homme avait eu du flair de se lancer dans la préparation d’un petit déjeuner conséquent. « Qu’est-ce tu prépares ? » demanda-t-elle alors en reposant son regard sur un Caleb qui n’avait pas tardé à se reconcentrer sur sa poêle à frire. « Oh, rien de très spécial… Juste un vrai p’tit dej pour que tu prennes des forces ! Tu peux aller t’installer, c’est presque prêt ! » déclara Caleb en désignant un des tabourets qui trônait près du comptoir de la cuisine. En quelques minutes à peine il rassembla toutes ses préparations sur un plateau, qu’il vint déposer juste devant Loan, à l’endroit où il avait déjà prit soin de disposer des verres, des assiettes et des bols. « Tartines, œufs, bacon… et quelque pancakes ! » annonça-t-il fièrement. Et soudain, un vieux réflexe enfouit décida de refaire surface, le poussant à approcher son visage de celui de Loan. Mais lorsqu’il réalisa ce qu’il était en train de faire, Caleb se reprit brusquement et transforma son geste en un tendre baiser déposé sur le front de la jeune femme. Un peu gêné, mais en s’efforçant de faire comme si tout allait bien, le jeune homme prit ensuite place en face d’elle en souriant. « Je meurs de faim ! J’espère que toi aussi… ! » Caleb jeta alors son dévolu sur un morceau de bacon et une cuillérée d’œufs brouillés, en prenant grand soin de fixer son assiette et ainsi éviter de croiser le regard de Loan.

Cette situation lui donnait la sensation désagréable de déjà-vu. Elle n’aimait pas réellement l’impression de faire un bond dans le temps – trois ans en arrière – et ce même si cette complicité qu’elle avait pu avoir avec l’américain lui manquait atrocement. Avec ce retour en arrière dû à la situation, elle était d’autant plus dans l’obligation de faire face aux erreurs du passé, à ce qu’elle avait pu lui faire subir et qui la rongeait encore aujourd’hui. Elle savait que jamais elle ne cesserait de s’en vouloir et que la présence du jeune homme en ville et à ses côtés n’allait pas l’aider à oublier, mais elle aurait tout de même aimé que ça soit le contraire. Le passé était le passé, c’était ce qu’elle essayait de se dire depuis des années, mais elle peinait à s’en convaincre. Malgré son sale caractère, malgré sa tendance à prétendre être fière de tout ce qu’elle accomplissait et ne rien regretter de ce qu’elle avait fait, c’était totalement faux. Chaque jour elle repensait aux erreurs qu’elle avait pu commettre et chaque jour elle imaginait ce qu’elle aurait pu faire à la place, ce qui la faisait d’autant plus souffrir bien que la philippine ait toujours eu l’art et la manière de cacher ses faiblesses. Ce petit-déjeuner uniquement en présence de Caleb – puisque Nolan semblait encore être en train de dormir – ne l’aidait pas à se sentir à l’aise, quand bien même s’y forçait-elle. Loan avait bien plus envie de prendre ses jambes à son cou plutôt que d’aller s’asseoir pour manger tranquillement en compagnie du militaire.

Toutefois, la jeune femme prit sur elle et les gargouillements de son ventre l’y aidèrent beaucoup. « Hey ! Tu as bien dormi ? J’espère que je ne t’ai pas réveillée ! » Opinant du chef en guise de toute réponse, elle continua de le regarder cuisiner sans parvenir à faire disparaître le léger sourire qui étirait ses lèvres. Elle avait toujours admiré son aisance à cuisiner, sans doute parce qu’elle-même était une catastrophe en cuisine, du moins sauf en ce qui concernait la cuisine traditionnelle de son pays et du pays d’origine de ses grands-parents maternels. « Oh, rien de très spécial… Juste un vrai p’tit dej pour que tu prennes des forces ! Tu peux aller t’installer, c’est presque prêt ! » Un vrai petit-déjeuner … il y avait longtemps qu’elle n’en avait pas mangé, pas par manque de temps, mais uniquement par manque de courage alors qu’étant donné sa situation manger sainement était plus que conseillé pour elle. Loan se dirigea en silence vers l’un des tabourets sur lequel elle prit place en se faisant la promesse de lui en parler au plus vite, surtout après s’être jurée de ne plus lui mentir – ce qui allait vite se révéler difficile de toute manière. « Tartines, œufs, bacon… et quelque pancakes ! » Son regard passa sur chaque plat que l’américain énuméra tandis que son ventre gargouillait un peu plus au fur et à mesure que l’eau lui venait à la bouche. La philippine tourna la tête vers Caleb, un large sourire aux lèvres, prête à le féliciter lorsque son cœur manqua un battement au vu du geste qu’il s’apprêtait à faire comme par réflexe. Elle ne fit aucun commentaire et se contenta de pincer ses lèvres lorsqu’il l’embrassa finalement sur le front afin de cacher à la fois la panique qui l’avait gagné ainsi que la frustration.

« Je meurs de faim ! J’espère que toi aussi… ! » Un petit sourire mal à l’aise remplaça le précédent. Loan suivit du regard le militaire qui prit place face à elle et ne fit pas le moindre mouvement tandis qu’il mangeait sans même lever la tête vers elle. Ce ne fut que pour faire cesser les grondements de son ventre qu’elle se força à avaler difficilement un pancakes avant que ses yeux ne fixent le jeune homme face à elle. « Caleb, il y a quelque chose dont il faut que je te parle. » Assez angoissant comme début de phrase, mais la philippine voyait mal comment débuter autrement. Inspirant un grand coup, elle dégagea doucement l’air de ses poumons avant de se lancer. « Il y a quelques mois, pas longtemps après que tu sois arrivé en ville, j’ai eu … une relation, enfin tu te doutes que j’ai continué de vivre, mais hm ... » Regrettant de s’être lancée, Loan tenta du mieux qu’elle put de rattraper sa maladresse. Elle passa nerveusement sa main dans sa nuque et pria pour que les battements affolés de son cœur se calment au plus vite. « Ce que j’essaye de dire c’est que … l’une des raisons pour lesquelles ont m’a renvoyé directement à New York plutôt que me laisser me remettre là-bas c’est parce que je suis enceinte. » Cette fois, ce fut à son tour de fixer le contenu de son assiette pour ne pas avoir à croiser le regard de Caleb. La vérité dite, elle ne se sentait pas plus légère pour autant. Elle allait le décevoir une fois de plus alors que jusque-là, depuis son retour, tout allait bien entre eux … ce qui lui faisait le plus grand bien, mais voilà que la philippine était à nouveau venue tout gâcher.

Caleb, pourtant si à l’aise jusqu’à maintenant et ce même si Loan était près de lui, se sentait désormais totalement désemparé. Ce foutu réflexe qu’il avait eu était arrivé au mauvais moment, et même s’il avait su se rattraper juste à temps, il ne doutait pas que Loan ait compris où il voulait en venir en tout premier lieu. C’est donc en se concentrant totalement sur le petit déjeuner qu’il avait mis tant de temps et d’attention à préparer que le militaire s’installa en face de la jeune femme. Il ne la regardait pas, et faisait tout son possible pour ne pas sentir son regard sur lui. Pourtant, il savait bien qu’elle était en train de le regarder, et qu’elle était certainement aussi frustrée et mal à l’aise que lui. Mais elle se décida finalement à manger, engloutissant tant bien que mal un de ses pancakes sans prononcer le moindre mot. Le silence qui s’était installé entre eux était tout bonnement glacial, mais il avait au moins le mérite de ne pas déranger Noaln dans son sommeil. Et puisque Caleb ne trouvait absolument rien à dire ni même à faire pour détendre l’atmosphère, il se contenta de manger comme s’il avait été seul à table.

Une fois n’étant pas coutume, c’est finalement Loan qui daigna reprendre la parole avant lui et briser ce nouveau silence qui s’était immiscé entre eux. « Caleb, il y a quelque chose dont il faut que je te parle. » Aussitôt, le jeune homme releva les yeux vers elle, en arborant une mine mi-curieuse mi-angoissée. Un discours qui commençait de la sorte n’augurait rien de bon, et avant même de savoir de quoi il s’agissait, le militaire redoutait la suite de cette conversation. Néanmoins, il s’efforça de rester calme et attentif pour inciter Loan à aller jusqu’au bout de ses pensées. « Il y a quelques mois, pas longtemps après que tu sois arrivé en ville, j’ai eu … une relation, enfin tu te doutes que j’ai continué de vivre, mais hm ... Ce que j’essaye de dire c’est que … l’une des raisons pour lesquelles ont m’a renvoyé directement à New York plutôt que me laisser me remettre là-bas c’est parce que je suis enceinte. » Même si la jeune femme lui laissa un peu de répit en entrecoupant ses propos de quelques pauses, le verdict n’en fut pas moins brutal pour Caleb. A peine eut-elle terminé sa phrase qu’une tonne de choses vinrent se bousculer dans la tête du militaire, si bien qu’il fut incapable de dire quoi que ce soit pendant les 30 premières secondes. Puis, lentement, il fronça les sourcils en lâchant sa fourchette avec fracas, sans être certain d’avoir compris ce qu’elle venait de lui annoncer. « Loan… Dis-moi que tu plaisantes ! C’est… c’est pas possible ! » balbutia-t-il en portant déjà un regard empreint de dégout ver elle. Jusqu’ici, il avait su rester à peu près calme, mais un nombre bien trop important d’émotions venait l’assaillir, lui faisant rapidement perdre pied. « Bon sang Loan ! Tu te fous de moi ? » cracha-t-il sans se soucier outre mesure de Nolan qui dormait encore près d’eux. « Tu n’as même pas été foutue d’accepter Nolan et… tu… Qu’est-ce que tu vas faire, hein ? Là aussi tu vas attendre que ce bébé naisse, pour ensuite l’abandonner comme si tu n’avais rien à voir avec lui ?! » Complètement hors de lui, Caleb se leva brusquement et passa ses mains sur on visage quelques instants, juste assez pour se rendre compte d’un « détail » qu’il avait omis jusque là. « Et ça veut dire que… quand tu es partie en Afghanistan, tu savais déjà que tu étais enceinte ? Est-ce que tu es complètement inconsciente ?!! » Décidément, son ex-petite amie n’avait pas changé tant que ça, et un sentiment de regret vint l’envahir. Si elle était réellement comme il l’avait connue quelques années auparavant, Nolan n’avait clairement pas besoin d’elle en guise d’exemple à suivre.

Ce silence entre eux deux l’angoissait même si elle essayait tant bien que mal de faire bonne figure. Longtemps on lui avait reproché ses mensonges et la philippine avouait aujourd’hui, sans mal, avoir beaucoup exagéré par le passé, si bien qu’à présent elle s’était fait la promesse d’être aussi sincère que possible. C’était une nouveauté pour elle – non pas qu’elle ait passé toute son existence à mentir – et la jeune femme ne savait pas toujours comment s’y prendre et surtout elle doutait souvent que cette nouvelle résolution lui soit toujours bénéfique. La nouvelle qu’elle venait de lâcher allait avoir l’effet d’une bombe. Elle connaissait Caleb par cœur pour savoir qu’il n’allait pas du tout apprécier, pas avec leur passé et c’était sa réaction qui la faisait paniquer plus qu’autre chose, plus que l’inconscience qui avait pu la gagner quelques mois plus tôt et que ses supérieurs avaient évité de souligner pour la ménager étant donné son traumatisme. Pas un seul instant elle ne quitta l’assiette devant elle, bien trop paniquée pour relever la tête et croiser le regard du militaire face à elle. Son estomac s’était noué douloureusement et elle sentait que son cœur avait définitivement décidé d’accélérer la cadence si bien qu’elle peinait à respirer correctement. Pourquoi mettait-il autant de temps réagir ? Pourquoi lui avait-elle dit ? Sans doute parce que ce genre d’évènement devenait difficile à cacher au bout de quelques mois et peut-être aussi parce qu’elle tenait à tenir la promesse qu’elle s’était faite quitte à briser le fait qu’enfin ils parvenaient à être ensemble sans avoir à se disputer pour un oui ou pour un non.

Lorsque la fourchette que Caleb tenait jusque-là dans sa main retomba bruyamment contre son assiette, Loan ne put contenir son sursaut, mais elle ne leva pas la tête pour autant et resta aussi silencieuse que possible. Tout d’un coup elle rêvait de pouvoir se faire aussi petite qu’une souris et fuir l’appartement de l’américain au plus vite pour aller se réfugier dans un trou et attendre que sa colère passe … si elle passait un jour. « Loan… Dis-moi que tu plaisantes ! C’est… c’est pas possible ! » La philippine garda la même position bien que, par réflexe, ses épaules se voûtèrent. Cette fois elle ressemblait à une enfant qui se faisait disputer par ses parents après que sa bêtise fut découverte. Quelque part, elle était toujours une enfant ou du moins elle agissait bien souvent comme tel. Loan n’était pas touchée par le syndrome de Peter Pan, mais par moment c’était à se le demander. Elle rêvait de redevenir une enfant et de baigner encore dans l’innocence, mais elle avait tout de même conscience que c’était impossible et qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’affronter les conséquences de ses actes, ce qu’elle faisait du mieux qu’elle le pouvait. « Bon sang Loan ! Tu te fous de moi ? » La jeune femme passa le bout de sa langue sur ses lèvres qu’elle ne tarda pas à mordre pour contenir la colère qui s’emparait d’elle comme par réflexe. Elle n’avait jamais aimé le fait que l’on s’emporte contre elle et même si elle était en tord, il fallait toujours qu’elle s’énerve à son tour pour tenter de se justifier. « Tu n’as même pas été foutue d’accepter Nolan et… tu… Qu’est-ce que tu vas faire, hein ? Là aussi tu vas attendre que ce bébé naisse, pour ensuite l’abandonner comme si tu n’avais rien à voir avec lui ?! » Cette fois, la philippine redressa la tête pour regarder le jeune homme qui s’était brusquement levé.

Serrant les dents pour tenter de rester calme, Loan essaya de taire l’agacement qui la gagnait de plus en plus même si elle était parfaitement consciente de mériter la colère de Caleb. « Et ça veut dire que… quand tu es partie en Afghanistan, tu savais déjà que tu étais enceinte ? Est-ce que tu es complètement inconsciente ?!! » Le menton tremblant de colère, ce fut à son tour de se lever. Elle laissa ses vieux réflexes l’envahir et pointa du doigt l’américain en laissant sa colère se lire dans son regard. « Arrêtes tout de suite avec tes jugements ! J’ai fais des erreurs que je ne compte pas refaire ! » Commença-t-elle en haussant le ton, oubliant presque qu’à quelques pas d’eux, Nolan se trouvait dans sa chambre et que si jamais il se réveillait, il allait entendre les paroles qu’allaient s’échanger ses parents. « Et oui je le savais ! Qu’est-ce que ça peut bien te faire de toute manière ? Tu n’as pas la moindre idée de ce par quoi je suis passée dernièrement, tu ne sais pas à quel point j’ai pu en avoir marre de ma vie ! Alors oui je suis partie en le sachant parce que la seule chose que j’avais en tête à ce moment c’était l’espoir de pas rentrer. » La voix tremblante, la philippine garda la tête haute malgré l’aveu qu’elle venait de faire et qu’elle n’avait jamais prononcé à voix haute. Jamais elle n’avait voulu se l’avouer, mais la dépression qui l’avait touché avant son départ pour l’Afghanistan lui avait fait espérer les pires choses, ce qu’elle regrettait à présent. Sentant ses mains commencées à trembler, elle croisa ses bras contre sa poitrine sans quitter Caleb du regard. « Et il faudrait savoir ce que tu veux : que je sois sincère ou non ! Tu n‘es jamais content. » Celle-là elle était trop facile, elle le savait mais elle n’avait pas la moindre envie de réfléchir à ce qu’elle devait ou non dire, poussée par sa colère, Loan avait surtout tendance à prononcer toutes les choses qui lui passaient par la tête.

oui, oui déjà j'étais en pleine maj

Dès l’instant où Loan lui avait fait l’aveu de sa grossesse, le militaire avait su que cette conversation tournerait mal. Il essayait pourtant de se contrôler mais ce genre de nouvelles ne pouvait définitivement pas le laisser de marbre. Encore moins en sachant qu’il s’agissait de Loan, et en connaissant le passé qu’ils avaient en commun. Alors même si Nolan était censé dormir à poings fermés dans la pièce voisine, Caleb ne put faire autrement que de hausser le ton, et de s’emporter malgré lui contre la jeune femme qui, dans un premier temps, resta prostrée et silencieuse. Mais à peine le militaire eut-il terminé son discours que cette dernière se leva avec un sorte de rage que Caleb ne comprit pas vraiment. « Arrêtes tout de suite avec tes jugements ! J’ai fais des erreurs que je ne compte pas refaire ! » Ah non ? Elle ne comptait peut-être pas refaire les mêmes erreurs mais aux yeux du jeune homme, le scénario ressemblait tout de même à s’y méprendre à celui qu’il avait pu vivre avec elle quelques années plus tôt. Alors, curieux de connaitre ce qu’elle avait de plus à lui dire, il serra les dents pour ne pas protester et la laissa cracher tout ce dont elle avait besoin.

« Et oui je le savais ! Qu’est-ce que ça peut bien te faire de toute manière ? Tu n’as pas la moindre idée de ce par quoi je suis passée dernièrement, tu ne sais pas à quel point j’ai pu en avoir marre de ma vie ! Alors oui je suis partie en le sachant parce que la seule chose que j’avais en tête à ce moment c’était l’espoir de pas rentrer. » Cette fois, il fallut un certain temps à Caleb pour saisir le sens de ce qu’elle venait de lui dire. A quoi jouait-elle exactement ? Tentait-elle de le manipuler ? Malgré tout ce qu’elle avait pu lui faire par le passé, le jeune homme ne voulait pas y croire. Il voulait croire qu’elle avait foncièrement changé, et qu’elle n’était plus capable de le mener en bateau comme avant. « Qu’est-ce que ça peut bien me faire ?! QU’EST-CE QUE CA PEUT BIEN ME FAIRE ?! » répéta-t-il alors en perdant tout contrôle de la situation. « Loan bordel ! Tu as accepté de revoir Nolan juste avant de partir, comment tu pouvais espérer ne pas revenir après ça ?! Tu as fais ça pour me faire plaisir, et tu espérais ne plus avoir à t’occuper de lui, c’est ça ? » Excédé, le jeune homme finit par détourner son regard d’elle avec autant d’incompréhension que de dégout. Il secoua la tête, mettant tout en œuvre pour tenter de comprendre son petit jeu, mais il n’y avait rien à faire. Tout cela lui passait bien au-dessus, et ressemblait bien trop à ce qu’il avait vécu pour qu’il puisse réfléchir librement. « Alors c’est qui le père cette fois, hein ? Tu as quelqu’un ? Pourquoi tu ne me l’a pas dit avant ?! » Tant de questions et d’idées se bousculaient dans sa tête que Caleb en oubliait presque le sens de ce que Loan venait de lui avouer. Elle avait voulu ne jamais rentrer d’Afghanistan, elle aurait préféré tomber pour son pays et pourtant, elle était bel et bien là. Et ce qui tracassait le plus le militaire, c’était qu’il n’avait rien vu venir. Il l’avait pourtant vue plusieurs fois avant qu’elle ne parte en mission et à aucun moment il ne s’était douté de l’état dans lequel elle se trouvait. C’est donc un regard un peu moins dur et empreint de peine qu’il braqua finalement sur elle en murmurant : « Tu ne m’as rien dit… »

Cette fois, elle était persuadée que par moment le mensonge était ce qu'il y avait de mieux. Pourtant, une grossesse n'était pas quelque chose qui pouvait être facilement cachée, encore moins si elle devait passer du temps avec leur fils, il aurait eu vite fait de le remarquer et la situation aurait été bien pire qu'elle ne pouvait l'être actuellement. Cependant, elle n'arrivait pas à faire taire la petite voix dans sa tête qui ne cessait de répéter qu'elle n'aurait jamais dû ouvrir la bouche, qu'elle aurait dû se contenter du moment présent et laisser quelques jours passer avant de lâcher la bombe. Seulement voilà, elle en avait été incapable à cause de cette promesse qu'elle s'était faite, à cause du fait qu'elle ne voulait plus lui mentir, pas si elle devait à nouveau le perdre pour un mensonge de plus. Elle avait déjà vécu ça une fois et s'en était mordue les doigts, la philippine n'avait pas la moindre envie de réitérer l'expérience, vraiment pas. Néanmoins, elle avait la sensation que l'effet était le même pour l'américain. Qu'elle lui mente ou qu'elle lui dise la vérité, il était tout autant hors de lui et elle n'avait pas eu besoin de lever les yeux pour le savoir, elle l'avait senti à la tension qui s'était installée entre eux lorsqu'elle lui avait dit être enceinte. Le silence ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait. Il s'agissait du calme avant la tempête, une tempête qui ne mit pas de temps à exploser, tout d'abord chez Caleb puis chez Loan. En principe elle n'avait aucune raison de s'énerver comme elle pouvait le faire, mais ce n'était pas parce qu'elle faisait des efforts sur elle qu'elle était capable de corriger tous ses défauts d'un claquement de doigts.

Elle n'aimait toujours pas être agressée, qu'elle soit en tord ou non, si bien que la colère du militaire ne tarda pas à la mettre hors d'elle à son tour, la poussant même à prononcer des paroles qu'elle aurait préféré garder pour elle. « Qu’est-ce que ça peut bien me faire ?! QU’EST-CE QUE CA PEUT BIEN ME FAIRE ?! » Bras croisés contre sa poitrine, Loan le dévisagea en silence sans cacher la colère qui continuait de monter doucement en elle, son regard se faisant de plus en plus noir au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient. « Loan bordel ! Tu as accepté de revoir Nolan juste avant de partir, comment tu pouvais espérer ne pas revenir après ça ?! Tu as fais ça pour me faire plaisir, et tu espérais ne plus avoir à t’occuper de lui, c’est ça ? » Sa mâchoire se crispa, mais la philippine ne prononça aucun mot. A vrai dire, elle avait été totalement égoïste pour ne pas changer les vieilles habitudes. Lorsqu'elle avait eu sa lettre de déploiement, pas une minute elle n'avait pensé à Nolan, à sa sœur, à Caleb ou même à l'enfant qu'elle savait porter. Loan avait pensé à elle et uniquement à elle. Elle avait pensé à la douleur qui lui broyait le cœur depuis trop longtemps et la frustra qui la gagnait à chaque fois qu'elle pensait à Elijah. Elle avait pensé au fait qu'elle en avait marre de sa vie si chaotique, au fait qu'elle n'en voulait plus et à rien d'autre. Toutes ces pensées avaient bien évidemment disparu lorsqu'elle avait été prise en otage puisqu'elle avait eu le temps de réfléchir en sachant sa vie et celle de son bébé menacées, mais ça n'effaçait pas le fait qu'elle était partie en connaissance de cause et avec l'idée de ne pas revenir ou plus exactement l'espoir de ne pas revenir.

« Alors c’est qui le père cette fois, hein ? Tu as quelqu’un ? Pourquoi tu ne me l’a pas dit avant ?! » Son regard se posa une nouvelle fois sur Caleb et au fond d'elle Loan sentit quelque chose se briser et son cœur se faire plus lourd que jamais. Nerveusement, elle passa le bout de sa langue sur ses lèvres pour les humecter et poussa un soupire. « Je n'ai personne … il est partit et même le fait de savoir qu'il allait être père ne l'a pas fait revenir. » C'était plus ou moins exact puisque, de toute manière, la philippine refusait que le grec approche de son enfant, pas s'il devait subir les foudres de ses ennemis qui étaient nombreux. « Allez, vas-y ! Dis-le, dis-moi que je n'ai que ce que je mérite, je sais que ça te brûle les lèvres ! » Et Caleb aurait eu parfaitement raison de le lui dire, ce n'était jamais que le revers de la médaille, elle ne faisait que récolter ce qu'elle avait semer. Pourtant, même si Loan savait mériter tout ce qui lui arrivait, ça ne changeait pas le fait que c'était affreusement douloureux et que l'envie de pleurer la gagnait. Toutefois, la jeune femme ravala ses larmes comme elle avait l'habitude de le faire et soutint son regard. « Tu ne m’as rien dit… » Même s'il s'agissait de murmures, étant donné le calme de l'appartement, elle l'entendit sans le moindre mal et sa colère ne diminua pas pour autant. Elle le regarda quelques longues secondes de plus, déglutissant avec difficulté. « Ne prétends pas que t'inquiéter Caleb, je mens bien assez pour deux. » Et la philippine n'en était pas fière, ce n'était que la vérité. Elle continua de le regarder un peu plus longtemps puis baissa les yeux avant de passer l'une de ses mains sur son visage, main qui alla se perdre à l'arrière de sa nuque qu'elle massa nerveusement.

Caleb avait eu beau essayer de se contenir, tant pour Nolan que pour Loan qu’il ne voulait pas brusquer, la colère qui s’était emparée de lui avait été plus forte que tout le reste. En un clin d’œil, il avait oublié tout ce qui avait pu se passer pendant la nuit qu’ils venaient de passer ensemble, et son attention s’était concentrée sur la toute nouvelle révélation de la jeune femme. Et cette dernière n’avait eu pour seul effet que de le faire sortir de ses gonds. Caleb se croyait revenu plusieurs années en arrière, comme si le cauchemar qui les avait déjà séparés une fois se reproduisait juste au moment où les choses semblaient s’arranger entre eux. Et le militaire commençait à croire que décidément, ils n’étaient vraiment pas faits l’un pour l’autre. Sans qu’il ne comprenne précisément pourquoi, Loan semblait aussi remontée que lui et ce qu’il pouvait lire dans ses yeux n’avaient plus rien à voir avec ce qu’il y avait lu la veille. Une nouvelle fois, Caleb s’emporta, et ce n’est que lorsque la tension retomba un peu qu’il daigna poser LA question qui le hantait depuis le début. Voyait-elle quelqu’un ? S’était-elle reconstruite au point d’être liée durablement à un homme, bien plus qu’ils n’avaient pu l’être tous les deux ? Quoi qu’il veuille en dire, le militaire sentit une pointe de jalousie l’envahir et c’est avec une certaine appréhension qu’il attendit que Loan daigne lui répondre.

« Je n'ai personne … il est partit et même le fait de savoir qu'il allait être père ne l'a pas fait revenir. » expliqua-t-elle, faisant instantanément se serrer le cœur de l’américain. Malgré lui, il ne put s’empêcher de la prendre en pitié et de songer qu’elle n’avait décidément pas de chance avec ses relations amoureuses. Mais en ce qui le concernait, elle l’avait bien cherché. Alors il se retint de toute réflexion, et se contenta de l’observer en silence, en serrant les dents pour tenter de faire redescendre sa colère. Et même lorsqu’elle l’incita ouvertement à s’en prendre à elle, Caleb resta de marbre. Il ne rentrerait pas dans son petit jeu qui n’avait d’autre but que de la blesser. Pour l’heure, il considérait qu’il en avait assez dit. « Ne prétends pas t'inquiéter Caleb, je mens bien assez pour deux. » cracha-t-elle finalement en détournant les yeux, laissant un Caleb aussi interdit qu’abasourdi. Sa rage semblait s’être brusquement apaisée, et il ressentait désormais plus de tristesse et de compassion pour elle. Mais il ne voulait pas perdre la face après l’altercation qu’ils avaient eue, et resta donc campé sur ses positions en la regardant sévèrement, et en éludant sa dernière réplique. « Qu’est-ce que tu vas faire ? » murmura-t-il finalement. Il aurait voulu ajouter « tu vas l’abandonner comme tu as fait avec Nolan ? » mais n’en eut pas le courage, et laissa sa question en suspens. Après tout, Loan comprendrait ce qu’elle voudrait comprendre, et c’était très bien comme ça.

Loan avait envie de prendre ses jambes à son cou et partir de cet endroit au plus vite. Elle avait envie de tout fuir, mais surtout de le fuir lui plus qu’autre chose. Elle n’en revenait pas, une nouvelle fois elle était parvenue à tout gâcher parce qu’elle n’avait pas pu s’empêcher d’être franche alors que par le passé l’inverse avait été la cause de leur séparation et du dégoût qu’il pouvait éprouver à son égard. Comment était-elle supposée savoir de quelle manière elle devait agir lorsque dès qu’elle effectuait un changement les conséquences étaient les mêmes ? La philippine était complètement perdue et surtout consciente de ne pas être si adulte que ce qu’elle voulait bien laisser croire et voir. À l’extérieur elle avait tout d’une femme, le corps, le métier et l’indépendance, mais à l’intérieur elle restait l’éternelle enfant qu’elle avait toujours été, celle qui tentait de trouver ses marques et de comprendre de quelle façon le monde fonctionnait sans y parvenir. Elle n’était pas stupide, mais le monde tel qu’il pouvait être se révélait bien trop compliqué pour elle qui peinait à s’y fondre. La philippine ignorait comment gérer la situation, comment faire disparaître cette tension qui avait brutalement pris place entre eux si bien qu’elle laissa ses vieilles habitudes reprendre le dessus et s’emporta contre Caleb alors que des deux il était celui qui était le mieux placer pour s’énerver de la sorte. Toutefois, Loan n’arrivait pas à le comprendre.

Par le passé il lui avait reproché ce mensonge dans lequel elle l’avait impliqué en se servant de lui et à présent qu’elle essayait d’être la plus sincère possible il fallait que ça lui retombe également dessus. Peut-être que la seule chose à faire au final était de ne plus du tout s’adresser la parole et de se voir uniquement pour leur fils qu’elle refusait d’abandonner comme elle avait pu le faire à sa naissance. Cependant, elle ne parvenait pas envisager un seul instant cette possibilité. Si pendant trois ans elle était plus ou moins parvenue à chasser Caleb de son esprit, elle savait que c’était désormais impossible et que même si elle se montrait indifférente, ça ne serait absolument pas le cas. Elle avait besoin de lui dans son existence, bien plus que ce qu’elle était capable de dire ou de montrer. Il faisait partie d’elle même si la jeune femme avait mis du temps à s’en rendre compte. Il avait toujours été plus que son demi-frère, elle avait toujours eu cette attirance pour lui malgré le fait qu’il avait aussi le don de l’énerver comme personne d’autre. C’était comme si elle dépendait de lui, comme si elle était liée à lui mais qu’elle avait refusé de l’avouer et de le voir, passant son temps à tout briser entre eux et à s’attacher à d’autres hommes afin de se prouver que c’était absolument faux, qu’elle pouvait vivre sans l’américain. Mais même si elle en prenait doucement conscience, Loan ne se sentait pas encore prête à l’avouer, encore moins dans une telle situation où la colère s’était emparée d’elle à la fois comme mécanisme de défense, mais aussi parce qu’elle était blessée.

Elle avait beau ne pas aimer la situation et cette sensation douloureuse en elle, cet automatisme qui l’avait à nouveau gagné la poussait une nouvelle fois à être trop fière pour être celle qui baisserait les bras en premier, elle préférait de loin garder la tête haute et rester sur sa position plutôt que de lui donner raison alors qu’il était probable que l’inverse aurait été mieux. « Qu’est-ce que tu vas faire ? » La philippine releva la tête pour poser son regard sur le militaire. Aucun son ne lui échappa. Elle le regarda en silence tout en sachant de quoi il voulait parler. Sa main qui était toujours sur sa nuque retomba le long de son corps et la jeune femme s’humecta les lèvres sans faire d’autres mouvements. « Sûrement pas deux fois la même erreur. » Répondit-elle sur un ton bien plus calme que précédemment. « Et probablement partir d’ici pour éviter qu’on déclenche la troisième guerre mondiale. » Si ce n’était pas déjà fait ! Loan soutint son regard quelques instants de plus et sans dire quoi que ce soit d’autre, elle récupéra ses affaires avant de se planter à nouveau devant Caleb. « Je suis désolée. » Souffla-t-elle en sentant son regard se faire bien plus brillant qu’elle ne l’aurait voulu. Pour quoi s’excusait-elle ? Pour bien des choses. Pour lui avoir fait du mal trois ans auparavant, pour les erreurs qu’elle avait commise, pour s’être emportée, pour avoir menti, pour avoir été trop franche, pour l’avoir de nouveau blessé, pour avoir abandonné Nolan, pour avoir tenté de se reconstruire sans y parvenir …

Alors que Caleb semblait peu à peu se calmer, c’était plutôt l’inquiétude qui prenait place dans son esprit. Il savait Loan fragile quoi qu’elle puisse bien vouloir en dire. Il savait qu’elle tentait de se reconstruire, mais aussi qu’elle avait vécu des choses horribles quelques semaines auparavant en Afghanistan. Et le fait qu’elle soit enceinte en plus de tout le reste ne le rassurait pas du tout. C’est pourquoi le militaire s’efforça d’adopter un ton plus calme et moins agressif, pour demander à la jeune femme ce qu’elle comptait faire avec cet enfant. Et dans un sens, la réponse qu’elle lui apporta le rassura. Cependant, il sentit aussi une pointe de vexation s’insinuer en lui. Elle n’avait pas su accepter leur fils, et l’avait lâchement abandonné à la naissance alors que Caleb nourrissait pour elle de réels sentiments. Cette fois, elle portait l’enfant d’un homme qui s’était enfuit et que l’optique de devenir père n’avait même pas fait revenir, et elle comptait bien le garder ! En effet, la situation avait quelque chose de rageant mais une fois de plus, Caleb décida de prendre sur lui et de ne rien laisser paraitre de sa frustration. « Et probablement partir d’ici pour éviter qu’on déclenche la troisième guerre mondiale. » ajouta alors la jeune femme qui semblait elle aussi s’être calmée. Le militaire jeta un regard quasi-désespéré vers elle, mais il n’eut pas la force de la retenir. Pas après ce qu’il venait d’entendre. Alors il allait la laisser partir comme ça, en se contentant de hocher la tête lorsqu’elle s’excusa pour des raisons tellement nombreuses que Caleb n’eut même pas le courage de les recenser.

Mais tout ça était sans compter sur une petite voix qui se fit entendre juste derrière eux. « Pourquoi vous criez ? » Nolan était là, les yeux encore remplis de sommeil, planté dans l’encadrement de la porte de sa chambre et Caleb ne savait même pas depuis combien de temps. Avait-il tout entendu en détail ? Avait-il vu ses parents se disputer sous son nez ? Avait-il comprit que sa mère attendait un autre enfant ? Une multitude de questions venaient alors se bousculer dans l’esprit de l’américain qui lança un regard éberlué en direction de Loan, avant de se retourner vers son fils en s’efforçant de sourire. « Hey… t’es réveillé ? Viens là… » déclara-t-il n s’approchant et en se baissant pour arriver à la hauteur de Nolan, sur le front duquel il déposa un tendre baiser. « C’est rien, d’accord ? On ne criait pas vraiment, c’était… c’était pour rire ! » tenta-t-il de dire en ayant l’air le plus convaincant possible. Mais alors qu’il allait prendre son fils dans ses bras pour l’emmener vers la table du petit-dej, Nolan se déroba et se précipita vers Loan en enfouissant sa tête contre ses jambes. Caleb ferma les yeux quelques instants, puis se releva et regarda la scène avec une certaine amertume. Son regard tomba ensuite sur celui de Loan et s’y attarda un long moment, avant qu’il ne détourne une nouvelle fois les yeux pour venir se rasseoir en face de son assiette. Derrière lui, il entendit avec une certaine stupéfaction Nolan qui continuait : « Tu voulais partir ? Je veux pas que tu partes ! Je veux que tu restes avec nous ! »

Partir lui semblait être la meilleure chose à faire. Elle sentait sa colère diminuer de plus en plus en elle, mais elle se savait incapable de rester plus longtemps ici, en sa présence. Elle n’avait pas voulu empirer la situation entre eux, loin de là. Elle souhaitait encore tenter de sauver le peu d’attachement qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre et Loan était persuadée que ce n’était pas en restant dans l’appartement du militaire qu’elle y parviendrait. Il leur fallait du temps afin de se calmer, afin de réfléchir à bien des choses que la philippine ne pouvait pas même énumérer dans son esprit pour le moment. Ils avaient besoin de se retrouver aussi loin que possible l’un de l’autre pour pouvoir souffler ou digérer la nouvelle concernant Caleb. Alors oui, il fallait qu’elle parte d’ici et le plus vite serait le mieux. Elle se sentait faiblir et elle n’aimait pas du tout cette sensation. Si jamais elle devait pleurer, se laisser aller à cause de ses hormones qui faisaient encore des leurs ce n’était sûrement pas face au militaire. Déjà elle regrettait son appartement tristement vide. Pourtant, elle savait qu’une fois seule à l’intérieur, seule avec elle-même, elle allait se sentir mal et ressentir le besoin de repartir au plus vite, mais pour le moment elle rêvait de l’instant où elle allait franchir la porte de chez elle, puis celle de sa chambre avant de se laisser lourdement tomber sur son lit tandis que les larmes viendraient l’assaillir et elle ne lutterait pas contre elles.

Elle savait que Caleb ne comptait pas la retenir, il avait autant besoin qu’elle – si ce n’est plus – d’être seul ou tout du moins loin d’elle, mais Loan ne pouvait pas quitter les lieux sans s’excuser. Elle s’était promis de faire des efforts et même si elle peinait encore à reconnaître ses tords ou à faire taire sa fierté, elle était tout de même capable de s’excuser lorsqu’elle sentait qu’il le fallait. Malheureusement, si les deux adultes semblaient ne plus rien avoir à se dire, ça n’était pas le cas du petit bonhomme qui venait tout juste d’ouvrir la porte de sa chambre. « Pourquoi vous criez ? » La philippine se figea instantanément. Elle resta un petit instant dos à l’endroit où se trouvait Nolan, mordant l’intérieur de sa joue à cause de la culpabilité qui la gagnait. Il les avait entendu se disputer et Loan ne pouvait s’empêcher de se sentir mal n’ayant absolument pas envie qu’il ait pu tout entendre. Lentement, elle se tourna pour regarder son fils dont les petits yeux peinaient à s’ouvrir et immédiatement elle ressentit un pincement au cœur mais fut incapable de prononcer la moindre phrase. « Hey… t’es réveillé ? Viens là… » Loan regarda Caleb passer à côté d’elle pour aller rejoindre leur fils. Elle n’eut pas de mal à sentir que lui aussi se sentait mal, mal à l’idée que le petit garçon ait pu tout entendre, même les pires choses qu’ils avaient pu se dire. Peut-être avait-il entendu le fait qu’elle allait avoir un enfant alors qu’elle n’avait même réfléchi à la façon dont elle pourrait lui annoncer à lui. « C’est rien, d’accord ? On ne criait pas vraiment, c’était… c’était pour rire ! » La philippine sentit sa mâchoire se crisper comme par réflexe.

Elle ne se sentait pas à l’aise du tout et pourtant lorsqu’elle vit Nolan lever les yeux vers elle, elle parvint par miracle à agiter la tête en lui adressant un sourire désolé comme pour lui faire comprendre que son père disait vrai et qu’ils n’avaient pas voulu l’inquiéter. Mais le plus surprenant fut ce qu’il se passa ensuite. Alors que Caleb s’apprêtait à prendre le garçon dans ses bras, ce dernier l’esquiva et se précipita en direction de sa mère, nouant ses petits bras comme il le put autour de ses jambes. Tout d’abord surprise par ce geste, son regard croisa brièvement celui de l’américain avant qu’elle ne passe une main dans les cheveux de l’enfant qui releva la tête vers elle tandis que son père reprenait place face à son assiette. « Tu voulais partir ? Je veux pas que tu partes ! Je veux que tu restes avec nous ! » Le regard ancré dans celui de son fils, Loan resta sans voix avant de pincer ses lèvres pour ravaler la tristesse qu’elle ressentait à présent. Puis, doucement, elle se pencha en avant pour attraper Nolan et le porter contre elle en vérifiant qu’il n’aille pas appuyer sur blessure avant de planter son regard dans celui du petit garçon. « Écoute bonhomme … hm … Il faut que je rentre chez moi parce que j’ai plein de choses à faire depuis mon retour, comme m’assurer que je ne partirais plus et … » Loan fut coupée par le mouvement frénétique de la tête de Nolan qui refusait tout de même qu’elle parte tandis que sa mère fronça son nez pour lui montrer qu’elle n’était pas plus ravie que lui. « Je te promets de te revoir très bientôt, d’accord ? » Mais de nouveau l’enfant secoua sa tête de droite à gauche et s’accrocha au cou de sa mère, laissant Loan totalement perdue. Par réflexe, elle posa son regard en direction de l’endroit où se trouvait Caleb pour y chercher de l’aide, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire : partir ou rester, si bien qu’elle laissa plutôt le silence prendre place entre eux trois, Nolan toujours accroché à elle.

S’il y avait bien une chose que Caleb refusait, c’était d’inculquer de mauvaises valeurs à son fils. Et il n’était pas persuadé que le fait de voir son père se disputer avec sa mère puisse vraiment être quelque chose de positif pour le petit garçon. Aussi, et même si cela lui demanda un effort quasi-surhumain, le militaire assura à Nolan qu’il ne s’agissait que d’une plaisanterie, et que ses parents n’étaient pas vraiment en train de se crier dessus. A vrai dire, Caleb n’était pas sûr de sa crédibilité mais il fut soulagé de voir que Loan l’appuyait dans ce petit mensonge. D’ailleurs, le fait de mentir n’était pas non plus un des meilleurs exemples à donner à Nolan, mais avaient-ils vraiment le choix ? Le petit garçon fila donc vers sa mère qui ne tarda pas à se baisser, l’invitant ainsi à s’accrocher à son cou tel un bébé koala. Caleb savait à quel point son fils savait être têtu lorsqu’il avait décidé de quelque chose, et c’est précisément ce qui lui faisait dire que la situation s’avèrerait rapidement complexe. Et Nolan lui en apporta très vite la confirmation en secouant frénétiquement la tête lorsque Loan tenta de lui expliquer qu’elle devait partir. Mais dans un sens, les deux jeunes parents ne pouvaient s’en prendre qu’à eux, puisque Nolan était le fruit d’un mélange de leurs deux caractères particuliers. Le résultat était là, et maintenant il fallait bien faire avec !

« Je te promets de te revoir très bientôt, d’accord ? » tenta-t-elle une nouvelle fois, en obtenant exactement la même réponse que précédemment. Comme un dernier recours, Loan posa alors son regard sur Caleb, comme pour le prier de faire quelque chose et de lui venir en aide. Le jeune homme commença par lâcher un léger soupir avant de secouer la tête, et de se lever. « Nolan… sois gentil, Mam… » brusquement, le militaire se tut, et tourna un regard éberlué en direction de Loan. C’était bel et bien la première fois qu’il l’appelait « Maman », et il trouvait ça plutôt étrange. Mais un simple regard de Nolan suffit à le réveiller, et Caleb reprit le plus naturellement possible : « Maman dois partir, mais elle reviendra très vite. Allez… viens déjeuner. » Caleb eut beau y mettre le plus de persuasion possible, son fils se contenta d’enfouir une nouvelle fois sa tête dans le cou de Loan, arrachant par la même occasion un long soupir au jeune homme. Décontenancé, et finalement pas certain de vouloir la voir partir après leur dispute, Caleb se résigna et lui indique d’un signe de la tête le tabouret sur lequel elle s’était installé quelques minutes plus tôt. Lui-même se dirigea de nouveau vers son assiette et s’installa à la table. L’arrivée de son fils l’avait quelque peu apaisé, mais les paroles de Loan trottaient toujours dans sa tête. Quoi qu’il fasse, il ne parvenait décidément pas à y voir plus clair. A vrai dire, il ne savait même pas ce qu’il éprouvait réellement : trahison ? Jalousie ? Pitié ? Aucun mot ne semblait correspondre au mélange de sentiments qui se bousculaient en lui. Alors oui, il espérait que Nolan finisse par lâcher prise et laisse sa mère sortir d’ici, mais il savait aussi que sa fuite ne réglerait en rien ce nouveau problème qui se posait entre eux.

Pour le coup, Loan était totalement désespérée et elle n’avait pas la moindre idée de la démarche à suivre pour s’en sortir. Évidemment, elle était touchée que son fils tienne absolument à ce qu’elle reste avec eux, c’était sans doute la plus belle chose qu’il ait pu lui dire jusque-là – hormis la fois où il lui avait dit qu’elle était belle – mais la philippine ne pouvait pas se résoudre à rester dans cet appartement plus longtemps. Elle savait que c’était lâche de sa part, qu’elle aurait dû être au-dessus de tout ça, mais elle n’y arrivait pas tout simplement parce qu’elle ne supportait plus le fait d’être en conflit avec Caleb. Elle avait grandement besoin de partir d’ici, de retrouver son chez elle pour souffler un coup mais elle n’avait aucun moyen de l’expliquer à Nolan alors qu’ils venaient tout juste de lui assurer qu’ils ne se disputaient pas. Elle n’était pas fière de ce mensonge, mais ils le protégeaient contre cette relation complexe qu’ils entretenaient depuis un long moment déjà. Ni Caleb, ni Loan n’avait envie de mêler ce petit bonhomme à leur histoire, ils voulaient simplement qu’il soit heureux et puisse profiter de ses deux parents même si l’un d’eux avait grandement envie de partir à ce moment précis.

Que pouvait-elle lui dire ? Que si elle restait plus longtemps ses parents risquaient réellement de se disputer ? Sûrement pas, même si l’enfant allait probablement sentir de lui-même la tension qui régnait entre les deux adultes dans la pièce. Partir n’était pas un choix, c’était une obligation mais Nolan ne semblait véritablement pas l’entendre ainsi. Il s’accrochait à sa mère comme s’il craignait qu’elle disparaisse d’un instant à l’autre et Loan était incapable de le forcer à descendre n’aimant déjà que très peu l’air boudeur qui avait pris place sur son visage. Son dernier secours fut Caleb et pourtant le militaire ne semblait pas plus assuré qu’elle vis-à-vis de ce qu’il devait dire ou faire pour que leur fils accepte que la philippine quitte les lieux. « Nolan… sois gentil, Mam… » Instinctivement, les sourcils de la jeune femme se froncèrent. Le regard qu’elle échangea avec l’américain démontra qu’elle était tout aussi déconcertée que lui lorsqu’il s’était apprêté à l’appeler « maman ». Ce n’était pas le genre de chose qu’elle avait pu entendre régulièrement et même si Nolan semblait déjà très attaché à elle, aussi loin que remontait sa mémoire il ne l’avait encore jamais appeler ainsi mais elle ne s’en formalisait pas et lui laissait tout le temps nécessaire pour qu’il puisse le faire – ayant elle-même besoin de temps pour s’y préparer.

« Maman dois partir, mais elle reviendra très vite. Allez… viens déjeuner. » Loan posa les yeux sur Nolan dont le froncement de sourcils l’aurait sans doute fait rire à un autre moment tant il pouvait lui faire penser à elle, mais elle resta silencieuse et plus désespérée que jamais. Toutefois, si Caleb semblait avoir baissé les bras ce n’était pas le cas de la jeune femme qui, de toute manière, ne se sentait pas courageuse au point de rester plus longtemps, ce que l’enfant sembla comprendre d’une manière qui lui échappait. Le regard de Nolan ancré dans le sien, Loan se figea d’autant plus ayant la désagréable sensation que son fils tentait de la sonder. « Tu promets de revenir ? » Loan opina du chef en lui adressant un petit sourire pour lui prouver sa sincérité. « Jure-le … » Bien que surprise par la demande de son fils, Loan accepta de se prêter au jeu et parvint à refouler un soupire qu’elle avait manqué de laisser s’échapper. « Je te le jure … ça te va ? » Demanda-t-elle doucement. Nolan sembla avoir un moment d’hésitation avant de secouer vivement sa tête au grand soulagement de la philippine qui s’empressa d’aller l’asseoir face à son petit-déjeuner, puis elle posa un dernier regard à Caleb. Elle ne savait pas quoi dire et se contenta seulement d’un sourire timide avant de s’éloigner, attrapant son sac au passage. Puis, après un dernier regard aux deux hommes elle se dépêcha de gagner la porte d’entrée et de quitter l’appartement au plus vite pour s’éloigner de ce qui étaient déjà des souvenirs douloureux.