ETHANAËL & BELLE

❝ let go of your yesterday ❞

Silencieuse, elle regarda la fumée s’élever pour disparaître tout aussi vite qu’elle s’était formée. Le froid envahissait de plus en plus la ville et elle n’avait pas eu d’autres choix que de ranger dans un coin de son armoire tous les vêtements trop fins pour cet automne aux températures hivernales. Elle était gelée. C’était à croire que malgré les couches de vêtements qu’elle pouvait avoir sur le dos, le froid parvenait à s’infiltrer à travers les tissus, puis à travers sa peau pour attaquer ses os. Ses dents ne cessaient de claquer les unes sur les autres et le fait de frotter frénétiquement ses mains ne lui apportait que peu de chaleur. Elle n’était pas une fille qui appréciait particulièrement le froid. Elle était née en Californie et appréciait que trop le soleil de cette partie des Etats-Unis qui à cette période de l’année lui manquait cruellement. Parfois, elle avait envie de tout plaquer sans réfléchir et de prendre le premier vol pour San Francisco afin d’y retrouver sa famille, ses repères et ses racines. Elle aimait New York, mais bien trop d’imprévus étaient venus se mêler à sa vie et elle avait parfois l’impression que c’était le fait de rester dans cette ville qui amenait tous les problèmes à elle. Pourtant, elle n’avait pas à se plaindre. Sa vie était plutôt paisible. Sa famille était toujours là pour elle malgré les erreurs qu’elle pouvait commettre.

Elle s’entendait assez bien avec ses colocataires et avait un toit au-dessus de sa tête. Malgré la fatigue, elle enchaînait les cours – pour un temps indéterminé, le temps que son transfert soit officiel – et ses deux travails sans trop de problèmes. Toutefois, elle était exténuée et ce même si elle connaissait la cause de cet état. Après la crise que sa mère avait pu piquer lorsqu’elle lui avait annoncé la nouvelle – réaction à laquelle elle s’était attendue venant de Piper tant sa mère pouvait encore la considérer comme une enfant – cette dernière avait tout de même trouvé la force de parler des effets de la grossesse à sa fille. Elle aurait probablement pu en parler avec sa sœur, mais Belle n’avait pas envie que Zeppelin en vienne à trop à penser à cet enfant qu’elle avait fait adopter sans que le reste de leur famille soit au courant. Au final, elle se tournait vers les dernières personnes vers lesquelles elle se serait tournée en temps normal et la jeune femme ne savait pas réellement quoi penser de tout ça. Chaque jour elle se remettait un peu plus en question. Serait-elle capable d’élever un enfant à tout juste dix-neuf ans tout en continuant ses études ou non ? Elle n’était pas égoïste – quoi qu’un peu parfois – cependant elle pensait à son avenir et jusqu’à peu encore elle n’y impliquait certainement pas un enfant.

À nouveau, de la fumée s’échappa de ses lèvres tandis que son regard fixait l’hôpital devant lequel elle se trouvait – et dans lequel elle était supposée devenir interne sous peu – avant d’y entrer. Comme tous les patients, ce fut en salle d’attente qu’elle passa une grande partie de son temps évitant soigneusement de croiser le regard des mères et futures mères présentent avec elle jusqu’à entendre son prénom. Le reste, Belle l’occulta. Elle était devenue bien trop pensive dernièrement, bien plus que ce qu’elle pouvait être habituellement. Elle répondit machinalement aux questions du médecin bien qu’assez rapidement elle fût incapable de comprendre seul mot prononcé par la jeune femme. En réalité, après cinq minutes à parler toute seule, elle posa son regard sur la demoiselle afin de jauger sa réaction à des paroles qu’elle n’avait pas même écouté ce que l’Américaine ne remarqua qu’à retarderment. « Quoi ? » Belle posa son regard sur la jeune femme face elle qui lui adressa un sourire gêné. Ses sourcils se froncèrent. Elle n’aimait pas ce regard et cette gêne qui venait d’envahir son médecin et elle regrettait de ne pas avoir été plus attentive à ses paroles, au moins ça aurait évité à la jeune femme de répéter des paroles qui, à priori, la mettaient mal à l’aise. « Je disais … pour l’avortement il est malheureusement trop tard, la date … » Et de nouveau Belle décrocha. Elle répéta inlassablement dans sa tête les premiers mots prononcés par son médecin, le regard perdu en direction du sol de la pièce où elle se trouvait.

« Je vois … Je vais y aller dans ce cas. » Elle ignorait comment ces mots étaient sortis de sa bouche et surtout elle ignorait qu’elle force lui avait permis de se lever et de quitter la salle sans même un regard pour le médecin, sans même écouter ce qu’elle était en train de lui dire. Elle continuait d’avancer vers la sortie, d’agir comme un être humain, mais elle était pourtant déjà très loin, marchant dans les rues de New York sans vraiment regarder où elle mettait les pieds. Belle bouscula quelques personnes sur son passage sans chercher à s’excuser et sans s’en rendre compte elle était parvenue jusqu’à Central Park et avait pris place sur un banc libre. Les mains enfouies au fond de ses poches, son visage à moitié couvert de son écharpe et son bonnet sur la tête, Belle fixait un point droit devant elle sans lui porter le moindre intérêt. Alors finalement elle n’avait pas le choix … cet enfant elle allait devoir le garder, le porter et le mettre au monde. Pourquoi avait-elle mis autant de temps pour prendre un rendez-vous déjà ? … Ah oui ! Ses cours, ils lui avaient pris tout son temps, la forçant sans cesse à repousser la date de son rendez-vous pour en finir là où elle en était : obligée de devenir « mère » dans les mois qui allaient venir, génial ! Un soupire lui échappa, se transformant également une fumée blanche qui se dissipa bien vite tandis qu’elle fermait les yeux en laissant sa tête tomber en arrière.

je t'avoue que j'ai longtemps hésité avec ce gif http://25.media.tumblr.com/tumblr_m5svuzvztS1qgz2ero5_250.gif

ETHANAËL & BELLE

❝ let go of your yesterday ❞

Le jour était venu et Ethanaël n'avait pas été convié à la visite de Belle. Le jeune homme était resté accroché à son téléphone pratiquement toute la semaine en espérant qu'elle le contacte, mais il n'en était rien. Belle avait sans doute décidé d'affronter ça toute seule, ce qu'il aurait pu deviné en réalité. La jeune femme ne devait même pas savoir qu'il était au courant de cette visite, il s'en voulait un peu de s'immiscer dans sa vie sans son accord, mais c'était visiblement l'unique façon pour lui de rester au courant. Ce rendez-vous l'effrayait un peu, Ethanaël mourrait d'envie de la stopper pour lui répéter une nouvelle fois qu'il pouvait être un bon père si elle lui laissait un chance de le prouver, mais intervenir à quelques minutes de ce rendez-vous risquait de d'énerver Belle et de lui faire prendre une décision irréfléchie, soit la dernière chose qu'il voulait. Au contraire, il priait pour qu'elle aie eut le temps de réfléchir mûrement à la question pour ne rien regretter par la suite. Au vue de la façon dont il l'avait piégée, de ce qui l'avait amené à passer la nuit avec elle, le jeune homme ne pouvait malheureusement pas s'opposer à sa décision, quelle qu'elle soit.

Après s'être difficilement concentré sur l'opération qu'il était occupé de pratiquer, Ethanaël avait rapidement retirer ses gants et troquer sa tenue de chirurgien pour une moins conventionnelle, quittant la clinique privée qu'il avait montée de toute pièce. Cet endroit était une bouffée d'air frais, il lui rappelait qu'il était talentueux et qu'il pouvait avoir une vie parfaitement normale s'il le désirait, mais il était étouffant à la fois car il n'en avait jamais voulu de cette vie normale. Quand bien même il en aurait envie, la décision ne lui revenait pas, s'il décidait de ne lus travailler pour ces personnes qui lui avaient tout offert, son corps seraient rapidement éliminé de la surface de la terre sans que personne ne s'en rende compte. A y réfléchir, Ethanaël se sentait sans le moindre pouvoir sur son avenir, celui-ci était tracé par la division professionnellement parlant et entre les frêles mains de Belle pour le reste. Se rendre compte qu'il n'avait aucun contrôle était déstabilisant et énervant, mais ces choix passés l'avaient placé dans cette position et il n'était pas le genre de personne à vivre avec des regrets. Au contraire, il acceptait parfaitement sa place et le rôle qu'il avait à jouer, il avait juste de brefs moments de doute, après tout il restait humain.

A présent dehors et libre de ses mouvements, Ethanaël pris la route de la clinique, sachant parfaitement l'heure à laquelle Belle devant s'y rendre, en espérant qu'elle n'aie pas changer son rendez-vous depuis la dernière fois, puisqu'il n'avait pas pensé à vérifier ça ce matin. Le jeune chirurgien passait rapidement se chercher un chocolat chaud au starbucks le plus proche avant de prendre place sur un banc à l'écart qui lui donnait une parfaite vue sur l'entrée de l’hôpital tout en restant discret. Si elle savait qu'il la suivait, probablement qu'elle le tuerait mais il faut dire que la jolie blonde ne lui laissait pas vraiment d'autres choix. Les mains plaquées contre son gobelet, Ethan tentait de se réchauffer mais surtout de garder son calme alors qu'il s'impatientait de plus en plus de la voir ressortir de là. La jeune femme finissait par pointer le bout de son nez, emmitouflée dans une tonne de vêtements qui ne permettait pas à Ethanaël de voir si elle prenait des formes ou si au contraire, il n'avait plus aucune trace de vie de ce bébé. Le regard vide de Belle faisait peur à voir, lui laissant imaginer le pire des scénarios mais ce n'était pas encore le moment pour lui de la bousculer avec ses questions - ou sa simple présence! Sans la perdre de vue, il entrait à nouveau pour commander deux nouveaux chocolats chauds avant de pressé le pas pour la rattraper, gardant une vingtaine de mètres entre eux.

La jeune femme finissait par s'installer sur un banc, obligeant Ethanaël à ralentir et réfléchir. Savoir ou elle se trouvait était une excellente chose mais il n'avait aucun plan d'action pour aller lui parler et ne savait vraiment pas comment s'y prendre, lui qui planifiait toujours tout de A à Z. Il finissait par avancer prudemment, prenant place à ses côtés tout en sachant qu'elle n'avait même pas encore réalisé qu'elle était accompagnée. Elle était plongée dans une sorte de mutisme qui faisait peur à voir et qui le convainquait de plus en plus qu'il n'y avait plus de bébé. Quand bien même, si c'était le cas, elle avait surement besoin de soutient même si elle le détestait sans aucun doute. « Hey... » Finissait-il par souffler en effleurant son bras dans le simple but de lui faire remarquer sa présence. « Prends ça, ça va te réchauffer... » soufflait-il en lui tendant le chocolat chaud qui se faisait déjà tiède. Ridicule moyen de l'aborder, mais il perdait complètement ses moyens en sa compagnie, d'autant plus depuis qu'elle avait appris la vérité à son sujet.

Stupide … c’était le terme qui lui venait à l’esprit à présent qu’elle n’avait rien d’autre à faire que de réfléchir. Stupide, elle l’avait été en n’étant pas plus prudente que ça lorsqu’elle avait fini dans les bras d’Ethanaël. Elle l’avait également été à prendre si peu au sérieux sa situation alors qu’il y avait toutes les raisons de ne pas plaisanter avec ça … après tout il n’y avait qu’à voir où elle en était rendue à présent. Elle avait voulu être maligne ? Autant dire que c’était parfaitement manqué. Pourtant, elle savait que sa famille était derrière elle, qu’ils étaient tous bien trop proches pour abandonner l’un des leurs. Piper allait sans doute à nouveau devenir folle, paniquée à l’idée que son bébé soit finalement devenue une adulte sans même qu’elle s’en rende vraiment compte. Gabriel … et bien elle savait qu’il n’allait pas dire grand-chose puisque son père avait toujours été d’un soutien infaillible envers sa petite dernière. Ewan allait probablement être celui qui allait le plus lui remonter les bretelles en parfait grand frère qu’il pouvait être. Rafaël allait s’enthousiasmer à l’idée de devenir oncle sous peu et Zeppelin … et bien si jusqu’à quelques jours auparavant elle aurait été sceptique concernant l’avis de sa sœur aînée concernant toute cette histoire, aujourd’hui elle savait que Zeppelin serait à cent pour cent derrière elle, prête à aider sa petite sœur à n’importe quel moment et acceptant ses choix pour être passée par une situation fortement similaire.

En somme, tout le monde serait là pour la soutenir et pourtant ça ne semblait pas lui être suffisant pour se remettre de la nouvelle qui avait eu un effet dévastateur sur elle. Elle n’avait jamais voulu d’une telle situation et pourtant elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même et à sa fichue imprudence qu’elle refusait de travailler et ce malgré ce qu’elle avait connu déjà par le passé à cause de cette dernière. En réalité, Belle était totalement perdue. Elle était partagée entre la panique qui l’envahissait du fait d’être enceinte et incapable de revenir en arrière et entre ce besoin étrange d’aller jusqu’au bout, voire même de protéger cet être en elle qui n’avait rien demandé. La jeune femme doutait qu’il s’agisse de l’instinct maternel, son esprit était bien trop scientifique pour croire à une telle chose et surtout il était trop tôt, mais c’était sans doute là ce qui l’agaçait le plus. Consciente d’être trop jeune pour ce qui lui arrivait – même si des adolescentes avaient des enfants à quinze ans à l’heure actuelle – elle ne pouvait tout de même pas s’empêcher d’être ravie quelque part par cet évènement. Belle s’efforçait de paraître agacée et en colère contre elle-même, mais au fond elle était heureuse de ce qui lui arrivait et agir ainsi l’énervait au plus haut point. Tout ce qu’elle souhaitait était d’avoir une vie normale, de sortir avec ses amis, de voir sa famille, de finir ses études, de s’amuser et cette grossesse allait empêcher une grande partie de ces choses qu’elle aimait tant. C’était de l’égoïsme pur et dur de sa part, mais elle s’efforçait de se détester pour ne pas avoir à avouer que, oui, quelque part elle était heureuse de ce qui lui arrivait. Un énième soupire lui échappa. Sa tête resta penchée en arrière et ses paupières closes.

Elle réfléchissait beaucoup trop et aurait aimé être capable de se vider la tête en un claquement de doigts mais elle savait que c’était impossible. Belle avait toujours eu cette fâcheuse tendance à trop penser sans se dévoiler et ce n’était pas avec cette histoire que ça allait changer, de toute manière à qui pouvait-elle parler ? Son voisin Casper ? Passer pour une folle n’était pas non plus dans ses projets. « Hey... » Sentant quelque chose effleurer son bras en même temps qu’une voix parvenait jusqu’à ses oreilles, Belle fit un bond sur le banc, ouvrant brusquement ses yeux tout en parvenant à contenir son hurlement de peur tandis que son regard se posait sur son voisin. Finalement, son voisin Casper lui semblait être d’une bien meilleure compagnie que celle d’Ethanaël, la dernière personne qu’elle souhaitait voir et qui était tout autant responsable qu’elle vis-à-vis de son état. « Prends ça, ça va te réchauffer... » Son regard dévia vers le chocolat que le jeune homme lui tendit. Belle resta quelques instants à fixer le gobelet du regard comme si le prendre allait la tuer, puis dans un soupire elle le prit, adressant à Ethan un sourire bien malgré elle. « Merci. » Dit-elle par pure politesse, ses mains entourant bien rapidement le gobelet qui ne tarda pas à la réchauffer. « Tu m’espionnes ? » Demanda-t-elle sans se douter un seul instant qu’elle visait juste. Son regard se reposa dans la même direction que quelques minutes plus tôt, avant qu’il ne la rejoigne et avant qu’elle ne se laisse aller dans ses pensées. Puis, après quelques instants, son attention se porta sur son voisin tout en secouant la tête de gauche à droite. « Qu’est-ce que tu me veux ? ».

Jusqu'ici, Ethanaël n'avait jamais pensé à être père ni au travail que cela devait demandé. Le fait de travailler pour un service secret qui vous obligeait bien souvent à mettre votre vie en danger ne favorisait pas vraiment les plans pour une vie de famille. La situation était telle qu'ils étaient pratiquement tous célibataire, puisque sortir avec quelqu'un pouvait les mettre en danger indirectement et les relations entre agents étaient formellement interdites, par sécurité. Sur ce point là, il approuvait... les disputes des couples étaient parfois puissantes, autant les éviter entre des personnes qui avaient à disposition un tas d'armes capables de faire exploser un état au complet. Ils étaient protégés et mis en condition dés le début - autrement dit, ils avaient un petit lavage de cerveau - pour ne jamais se mettre en danger, eux ou l'organisation, cela passait par la protection des autres agents. En dehors de la situation étrange dans laquelle il vivait depuis des années, il n'avait jamais rencontré quelqu'un qui lui aie donné l'envie de tout abandonner pour fonder une famille, ce qui était bien mieux pour lui. On abandonnait pas la division et le fait de ne pas avoir ce genre d'envie lui épargnait bien des souffrances.

Belle avait tout changé, en quelques semaines à peine. Non seulement il s'était attaché à elle au point de douter, mais en plus, elle portait à présent son enfant, qu'il mourrait d'envie de voir venir au monde contre toute attente. En réalisant qu'il tenait sincèrement à elle, Ethanaël avait été prêt à aller à l'encontre des ordres pour lui épargner de rentrer dans le programme, ce qui n'était surement pas le genre de vie à laquelle elle aspirait. Après avoir été remis rapidement dans le droit chemin, il n'avait pas abandonné son objectif de la recruter et s'était même donné du mal pour y arriver, même si son refus était perçu comme une victoire, détail qu'il gardait pour lui. A présent qu'elle était enceinte, il ressentait encore plus le besoin de la protéger, de les protéger elle et le bébé, mais surtout de leur offrir sa présence, quoi qu'il arrive. Certes sa vie n'était pas idéale pour élever un bébé, c'était une route semée d'embûches il en était conscient, mais il était prêt à tout pour s'en sortir et lui prouver qu'ils pouvaient y arriver. Ethanaël voulait se le prouver à lui même, à la division mais surtout à Belle : un bébé ne ferait pas de lui un mauvais agent et la division ne l'empêcherait pas d'être un bon père. Le problème était que pour l'instant, il était le seul à le voir de cette façon et la convaincre allait être le plus difficile mais pas impossible.

Assis à ses côtés, Ethanaêl se demandait quels mots allaient bien pouvoir l'aider dans sa quête, parce qu'il était certain qu'ils étaient comptés. Belle ne lui laisserait pas un temps infini pour faire preuve de sa bonne foi et de son envie d'élever ce bébé avec elle. « Merci. » Il lui adressait un sourire en retour, même si le sien était sans doute beaucoup plus sincère. Le simple fait qu'elle accepte cette boisson au lieu de l'envoyer balader était une première victoire, il allait avancer à force de "baby steps", après tout il avait encore quelques mois devant lui pour qu'elle lui fasse confiance, ou seulement quelques jours si la décision de la garder ou non était toujours en jeu. « Tu m’espionnes ? » Le jeune homme grimaçait légèrement, il était inutile de le nier. « Je préfère dire que je garde juste un oeil sur toi... » Sur vous, mais il se gardait bien de prononcer cette pensée à voix haute. Il ne l'espionnait pas vraiment, et pas constamment surtout si c'était ce qu'elle pensait, mais aujourd'hui était un jour assez important, qu'elle aie tenu à lui faire savoir ou non. « Qu’est-ce que tu me veux ? » Ethanaël ne pouvait s'empêcher de sourire nerveusement face au ton agressif qu'elle employait avec lui, alors qu'ils avaient été complices quelques semaines plus tôt. Il lui voulait un tas de choses mais Belle ne voulait surement pas entendre sa liste de souhaits. « Je voulais savoir comment tu allais. Comment s'était passée la visite... ? » Il n'osait aller plus loin dans ses questions, pourtant il mourrait d'envie de lui demander si oui ou non elle portait encore leur enfant ou si elle s'en était débarrassée au plus vite.

Dire qu’elle ne se sentait pas à l’aise lui sembler être un doux euphémisme. Elle n’avait qu’une envie, fuir au plus vite cet endroit qu’elle avait rejoint sans même réfléchir, bien trop perturbée par le fait qu’elle venait d’apprendre qu’à présent elle n’avait plus tellement de choix concernant les neuf prochains mois à venir. Elle était totalement fautive. C’était elle qui n’avait pas cessé de repousser les rendez-vous sans même se rappeler combien ce qui lui arrivait n’était pas quelque chose à prendre à la légère. Pourtant, elle n’arrivait pas à savoir si cette nouvelle la mettait hors d’elle ou si, au contraire, elle était heureuse de le savoir, heureuse d’avoir été si peu sérieuse au point qu’à présent elle était obligée de garder l’enfant qu’elle portait en elle. Il fallait avouer que depuis la conversation qu’elle avait pu avoir avec sa sœur aînée le doute n’avait cessé de grandir en elle l’empêchant ainsi de savoir ce qu’elle souhaitait réellement. C’était une première fois pour elle qui avait l’habitude d’avoir un tant soit peu de contrôle sur sa vie en grande indépendante qu’elle était. Voulait-elle de ce bébé ou non ? Telle était la grande question. En plus de considérer le fait qu’il n’avait rien demander au monde – encore moins l’avoir comme mère – il y avait cet attachement qu’elle avait pour le père de l’enfant et qu’elle refusait tout de même reconnaître qui la poussait à hésiter d’autant plus. Néanmoins, elle continuait de se considérer comme bien trop jeune pour avoir un enfant.

Elle avait terminé le lycée que très récemment et entamait tout juste des études qui lui tenaient à cœur et qui risquaient d’être dérangés par cette grossesse. Elle savait pourtant que sa mère n’était pas bien plus âgée qu’elle lorsqu’elle avait appris être enceinte d’Ewan et elle avait pourtant bien réussi sa vie, mais Belle n’était pas Piper. Aussi intelligente qu’elle pouvait être, elle était parfois touchée par un certain manque de confiance en elle qui la poussait à douter qu’elle serait capable de réussir sa vie et ce d’autant plus si des embûches comme ce qui lui arrivait lui tombaient dessus. De plus, si elle doutait du simple fait de réussir ses études en étant enceinte, elle ne préférait même pas imaginer ce qu’elle vaudrait en tant que mère. Cette simple idée la terrorisait et depuis qu’elle avait entendu le médecin lui annoncer que l’avortement était à présent impossible, c’était bien pire encore et l’américaine ne cessait de penser à ça. Elle voulait à présent allait se cacher dans un petit trou après s’être faite aussi petite qu’une souris et n’en sortir qu’une fois que ce « problème » serait réglé. Cependant, elle n’était pas du genre à être aussi lâche. Quand bien même était-elle terrorisée par ce qui lui arrivait, Belle assumait les conséquences de ses actes et elle assumerait sa grossesse quoi qu’il en coûte même si elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle comptait faire une fois le bébé venu au monde, mais pour ça elle avait encore plusieurs mois devant elle.

La venue inopinée d’Ethanaël près d’elle n’était pas pour lui plaire. Il était la dernière personne qu’elle souhaitait voir en ce jour, pas après une nouvelle comme celle qu’elle venait d’apprendre. Elle lui en voulait, il était simple de le comprendre. Il l’avait manipulé puisqu’elle ne parvenait pas à voir leur rapprochement autrement. Toutefois, ce qui l’agaçait le plus était le fait que malgré sa rancœur elle était incapable de le sortir de sa tête. Elle repensait sans cesse à son regard, à son sourire et surtout à la tendresse dont il avait fait preuve avec elle et qui lui semblait bien trop sincère pour avoir été pensée à l’avance. En réalité, l’américaine n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle devait penser de lui et cette frustration que cela éveillait en elle la poussait d’autant plus à le détester. Cependant, elle était gelée et trop bien élevée pour refuser le chocolat chaud qui lui proposa et l’envoyer sur les roses, cependant ce n’était que de la politesse, rien de plus … du moins ce fut sa première pensée. « Je préfère dire que je garde juste un oeil sur toi... » L’un des sourcils blonds de la demoiselle s’arqua avant qu’elle ne lève les yeux au ciel. Elle avait de sérieux doute concernant la sincérité de cette réponse qu’Ethanaël venait de lui donner d’où le soupire agacé qui ne tarda pas à lui échapper. « Oui, sait-on jamais si l’un de tes collègues est envoyé pour me recruter à son tour … tu n’apprécierais pas qu’il essaye aussi de coucher avec moi pour me faire tomber dans le panneau comme tu l’as fait. »

Le sarcasme … Il était rare que Belle en use, hormis lorsqu’elle était vraiment fatiguée et agacée pour une raison quelconque. Elle n’avait pas le moindre besoin qu’il garde un œil sur elle, elle savait parfaitement se débrouiller par elle-même et si jamais ce n’était pas le cas, elle avait auprès d’elle des personnes en qui elle avait bien plus confiance que lui pour la protéger. « Je voulais savoir comment tu allais. Comment s'était passée la visite... ? » Belle le regarda quelques instants, les yeux plissés comme pour savoir s’il était sincère, bien sa question l’obligea à détourner le regard. Elle poussa un long soupire avant de fermer les yeux pour ravaler la panique qui la gagnait à chaque qu’elle pensait au fait qu’elle allait devoir aller jusqu’au bout de sa grossesse. « Tu veux dire hormis le fait que grâce à la nuit qu’on a passé je suis plus lunatique que jamais ? J’ai connu mieux … » Garde ta rancœur Belle fut la pensée qui lui traversa l’esprit. Ethanaël était agréable avec elle et réellement préoccupé par son état et pourtant elle ne trouvait rien de mieux que d’être ironique avec lui. La jeune femme contracta ses épaules lorsqu’un coup de vent frais l’enveloppa avant de disparaître, lui permettant ainsi de laisser ses épaules retomber. « J’ai dépassé la date pour l’avortement … » Se contenta-t-elle de répondre vis-à-vis de la question qu’il lui avait posée. Son regard se posa droit devant elle. Belle refusait de croiser le regard d’Ethan, elle avait juste envie que cette conversation se termine au plus vite, qu’il parte à présent qu’il avait ce qu’il souhaitait et qu’il la laisse ruminer en paix.

Ethanaël n'avait pas conscience du boulot que représentait un enfant, du temps que cela vous prenait sur une journée car c'était le genre de chose qu'on ne pouvait réaliser qu'une fois dans la situation, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir prêt. Il viendrait un moment où il serait dépassé comme tous les jeunes parents, mais cela n'entravait en rien sa motivation à convaincre Belle de garder le bébé. Il savait déjà qu'il ne répèterait pas les erreurs de ses parents, ce qui était déjà pas mal... et si les parents de belles en avaient eux aussi faites, et bien elle épargnerait leur enfant. Ils ne seraient pas parfaits mais Ethanaël ne demandait pas à recevoir une médaille mais simplement d'élever ce bébé du mieux qu'il le pouvait en s'assurant qu'il soit heureux en tout instant. Et s'il avait de la chance, tout cela serait aux côtés de la jeune femme qui l’obsédait pour l'instant et non pas chacun à son tour, même s'il l'avait mérité, leur enfant pas. Le jeune homme avait conscience qu'avant de la convaincre de garder le bébé, il devrait surement s'assurer qu'elle le croit quand il lui disait être prêt et surtout être sincère avec elle, ce qui était a plus grosse part du travail. Après tous les mensonges qu'il avait pu raconter, le nombre de fois ou il l'avait manipulée dans son propre intérêt, Ethan réalisait aujourd'hui qu'il y avait très peu de chances qu'elle ne lui accorde à nouveau sa confiance un jour et sans doute qu'elle avait raison de ne pas le faire. On réalisait souvent ses erreurs après les avoir commise et malheureusement, c'était aujourd'hui le cas pour lui.

Bien décidé à rattraper celles-ci, il n'avait pas hésité à la suivre et à aller lui parler ensuite, même si cela devait le mener à admettre qu'il la surveillait, ce qu'elle n'apprécierait pas. Au pont ou ils en étaient, Ethan n'était pas certain que ses actes puissent encore la faire enrager plus ou moins contre lui que ce n'était déjà le cas, alors autant s'assurer de sa sécurité. « Oui, sait-on jamais si l’un de tes collègues est envoyé pour me recruter à son tour … tu n’apprécierais pas qu’il essaye aussi de coucher avec moi pour me faire tomber dans le panneau comme tu l’as fait. » Effectivement, cet agent serait même mort la seconde ou il l'apprendrait et ce sans le moindre regret. Le jeune homme détournait le regard pour observer le ciel, comme si les réponses à ses ennuies pouvaient tomber de celui-ci ou qu'une quelconque aide allait surgir de nul part, et pourtant il n'avait rien de croyant. « Personne ne va chercher à te recruter ou à coucher avec toi... personne de chez nous en tout cas, tu as ma parole. » En réalité, Ethanaël n'en savait rien, il ne pouvait pas contrôler les mouvements de la division et si - malgré son rapport - ses supérieurs restaient décidé à l'engager et qu'il était jugé comme incapable de le faire, quelqu'un d'autre s'en chargerait. Le jeune chirurgien préférait se dire qu'ils avaient laissé couler, après tout Belle n'était pas l'unique personne susceptible de les rejoindre, mais maintenant qu'elle savait, Ethan devait admettre qu'il y avait de grande chance pour qu'ils insistent. « Et ce n'est pas arrivé pour que tu sois recrutée... On ne va jamais si loin, j'étais sincère. » Certes il avait souvent fait du charme à leurs recrues, mais il n'était pas non plus une prostituée et ne couchait pas avec toutes celles qu'il tenait à recruter. Il avait bien tenté de lui expliquer que ses sentiments étaient sincères mais elle n'en croyait rien et pour l'instant, il ne pensait pas que c'était le bon moment pour lui répéter.

Ethanaël en venait donc à parler du bébé, indirectement du moins, mourant d'envie de savoir ce qu'il en était. « Tu veux dire hormis le fait que grâce à la nuit qu’on a passé je suis plus lunatique que jamais ? J’ai connu mieux … » Ethan ne put s'empêcher de sourire en notant avant tout que pour qu'elle soit aussi lunatique, il fallait que le bébé soit encore présent. Ce n'était surement pas la réaction qu'elle voulait, alors qu'elle semblait se contenir pour ne pas le frapper, mais il ne pouvait pas s'en empêcher, Belle l'observait à peine de toute façon et n'en avait surement rien vu. « J’ai dépassé la date pour l’avortement … » Poussant un soupire, le plus silencieusement possible, de soulagement, Naël finissait tout de même par sentir sa mâchoire se crisper en voyant à quel pont ce détail ne ravissait que lui. Il ne pouvait pas laisser son ressentit transparaitre quand la personne à qui il tenait le plus se sentait aussi mal. « Je serai là pour t'aider... Je sais que tu n'as plus du tout envie d'entendre parler de moi, mais je veux être là. Pour ce bébé mais surtout pour toi... » Avalant sa salive, Ethan déglutissait péniblement sans savoir quels mots, quels actes allaient pouvoir la convaincre de sa sincérité. « Avec ou sans le bébé, je n'imagine pas ma vie sans toi Belle... J'ai été sincère sur tout ce que j'ai pu te dire, c'était pas le cas au début mais j'ai vite été dépassé, ça n'avait plus rien avoir avec le boulot. » Tournant la tête sur sa gauche, Ethanaël tentait tant bien que mal de croiser son regard qu'elle semblait fuir pour lui prouver qu'il n'inventait pas tout dans un de ses énièmes plans. S'il devait lui répéter cela pendant des mois, il le ferait car s'il était du genre à abandonner facilement, ça ne sera pas le cas cette fois-ci.