L'idée même de fêter Noel ne réjouissait pas vraiment Calliopé. Et pour cause. Elle revenait de deux semaines de vacances en Espagne, semaines pendant lesquelles elle s'était rendu sur la tombe de sa défunte grand-mère la journée et s'était bourré la gueule dans les bars à tapas le soir. Ce programme alléchant avait rythmé ses vacances, mais aujourd'hui elle était bien obligée de retourner à la réalité. Métro boulot dodo. Ainsi, ce jour là, elle nettoyait son appartement de fond en comble avant de reprendre le travail le lendemain. Kennedy, pendant son absence, s'était occupé de tout avec gentillesse et Calli se sentait redevable envers elle. Elles n'étaient pas non plus meilleures amies, mais leur relation s'améliorait de jour en jour et la blondinette était forcée d'admettre que sa colocataire était tout ce qu'il y a de plus gentil. A se demander pourquoi elle était la meilleure amie d'un mec comme William. William. En y pensant, Calliopé ne put s'empêcher d'esquisser un petit rire. Avant son départ, elle avait veillé à commander tous les cadeaux qu'elle souhaitait offrir pour les fêtes. Des magnifiques escarpins pour Kennedy. Un livre de cuisine pour un de ses collègues. Un bracelet pour Gabriel. Une montre pour Manuela ... mais surtout, un manuel pour comprendre les filles, pour William. Calliopé trouvait cela très ironique et aussi approprié. Elle l'avait vu en réduction dans une librairie sur Brooklyn, pendant une de ses balades, et à la pensée de William ouvrant le cadeau avec une mine perplexe, le deuil de la blondinette quant à sa grand-mère s'était un peu atténué; et elle avait décidé de lui acheter.

Ainsi, ce jour là, Calliopé ne cessait de répondre aux téléphones. Tous les gens qu'elle avait gâté l'appelait pour la remercier, et lui promettait de lui envoyer quelque chose avant le Nouvel an. Au fond, la blondinette s'en fichait, elle ne faisait pas ça pour recevoir des cadeaux en retour. Juste pour le plaisir d'offrir ... et dans le cas de William, pour le plaisir d'humilier. Ainsi, après avoir raccroché, la blondinette passa un énième coup d'éponge sur la table et s'arrêta pour souffler un bon coup. Les fêtes étaient quelque chose de sacré chez elle, en Espagne. Sa grand-mère avait pour habitude de cuisiner pour 50 personnes et achetait des tonnes et des tonnes de raisins pour qu'ils en mangent les grains au Nouvel An, comme la coutume espagnole l'indiquait. C'était aussi pour cela que ces fêtes étaient difficiles pour Calli : c'était le premier Noel où elle ne recevait pas de churros faits-maisons venant tout droit d'Espagne.

La blondinette fut interrompue dans ses pensées par la sonnette. Pensant tout d'abord à Kennedy ayant oublié ses clés, elle se précipita en courant vers la porte pour secourir sa colocataire. Qu'elle ne fut pas sa surprise en dévérouillant le loquet que de trouver William, appuyé contre l’entrebâillement, d'un air désinvolte. Sans qu'elle ne puisse réagir, le jeune homme rentra dans l'appartement. « Kennedy n'est p... » Calliopé coupa sa phrase, entendant les propos du jeune homme. Oh, il voulait la voir elle, et pas Kenny ? La remercier du cadeau ? Ah, il s'était alors bien donné cette peine. « C'était avec plaisir William, j'espère que cela t'a instruit. Dieu sait que tu en as besoin. » Calliopé s'affala sur son sofa et croisa les bras. Si elle avait pu ressentir quelque chose pour le jeune homme, aujourd'hui elle le méprisait plus qu'autre chose. Non mieux, elle le détestait. « Sinon, tu comptes camper ici ? Parce que dans ce cas là, il y a un duvet dans un des placards. Et préviens-moi au plus tôt, que je puisse m'en aller. » Elle ne voulait pas de ce jeune homme dans son appartement. Elle ne supportait sa présence que pour Kennedy, or sa colocataire n'était pas là; ainsi elle n'avait pas besoin de faire semblant.

« C’est gentil de te veiller sur moi, mais ça va je n’ai pas à me plaindre. Pourquoi tu connais des volontaires pour assouvir mes besoins ? » Calliopé fit un sourire ironique au jeune homme. « Non, je te fais confiance pour trouver tout seul. » Après tout, c'était lui le coureur de joupon, le collectionneur, le briseur de coeur. « Dix petites minutes ? Vraiment ? WAW ! J’en connais une qui n’a pas vraiment la notion du temps. T’a prit ton pied on le sait toi autant que moi, alors cesse ta petite comédie veut-tu ! » La blondinette leva les yeux au ciel. Elle avait prit son pied, oui, mais ça William n'avait pas besoin de le savoir. « J'ai pas pris mon pied, j'ai pris mes clics et mes clacs et je suis partie le plus vite possible. Je suis restée sur ma fin, pour tout te dire. » La jeune femme se ressaisit de son magazine, dans l'intention de vraiment le lire cette fois. Elle n'écoutait William que d'une oreille, concentrée à lire un article sur la dernière collection de Lagerfeldt. Elle en avait assez de cette conversation, puisqu'elle était vaine. Le jeune homme n'avait pas à venir ici pour essayer de se justifier : Calliopé ne lui accordait aucun bénéfice du doute. Alors qu'elle tournait la page, d'un air lassée, elle fut cependant interrompue par certains propos de William.« Je suis désolé pour ta grand-mère… je l'ai lu dans le journal» .A la pensée de sa pauvre grand-mère, la blondinette sentit le noeud dans sa gorge se former; comme à chaque fois. Mais ce qui la choquait le plus, c'était le fait que Kennedy en ait parlé à Will. Sa grand-mère n'avait jamais mi un seul pied à New York, et il était peu probable que William lise les journaux espagnols. « Merci, mais tu n'as pas besoin de mentir. Consuelo Martinez-Perez-Evans n'est jamais venu en Amérique et à moins que tu ne maitrises l'espagnol, je ne vois pas dans quel journal tu aurais pu apprendre son décès. » Calliopé tourna à nouveau la page de son magazine. Elle ne voulait pas montrer à William que parler de sa grand-mère lui faisait de la peine. Cela faisait presque 2 mois qu'elle était partie, et pourtant, la douleur était toujours aussi présente. « Ecoute, j’ai joué au con j’me suis déjà excusé pour ça. Ma meilleure amie vit avec toi tu ne crois pas que ça serait cool qu’on range la hache de guerre ? Parce qu’à chaque fois que j’te vois j’ai limite l’impression que tu va me la planter entre les deux yeux. C’est assez flippant. J’te jure ! » La jeune femme profita du changement de sujet du jeune homme pour rebondir. Elle n'allait pas lui montrer qu'elle était faible. Ainsi, elle reposa sa revue, et lui lança un sourire à nouveau ironique. « Tu as tord, William. Quand je te vois, je n'ai pas envie de te planter une hache entre les deux yeux ... j'ai envie de t'en mettre une dans chaque oeil. » Elle se releva, sur ses belles paroles, pour se servir un verre d'eau, ignorant la main que William lui tendait. Enfin, elle se retourna à nouveau vers lui et le regarda dans les yeux. « On sera ami le jour où tu traiteras mieux les femmes. Enfin, cela ne devrait pas tarder, si tu suis bien ce que dit le livre que je t'ai offert ! »

Calliopé était forcé d'admettre qu'elle s'était trompé : Kennedy n'avait pas cafté, elle avait bien gardé le secret. Cette pensée la rassurait un tant soit peu : elle ne voulait pas que sa nouvelle amitié avec sa colocataire soit compromise, une nouvelle fois, par William. Celui-ci semblait sincère dans ses propos, il l'avait visiblement vraiment lu dans le journal. Voilà qui était déjà bien mieux.

Calliopé se délectait, elle devait l'avouer, du désarroi de William. C'était une vengeance -certes maigre- puisque quelques mois auparavant, c'était lui qui l'avait rendu mal à l'aise, le jour où elle l'avait croisé au bar avec Kennedy. Ainsi, elle ne put retenir un sourire amusée. Il semblait vraiment contrarié par la tournure des évènements, et ce n'était pas pour déplaire la blondinette. Et bien évidemment, elle n'allait pas se retenir de taquiner le jeune homme. « Alors comment ça fait de se faire rejeter par quelqu'un dont tu veux être l'ami ? Désagréable, hein ? » Le tout avec une pointe d'ironie. Tel est pris qui croyait prendre; la vengeance est un plat qui se mange froid, chassez le naturel, il revient au galop ... tous ces proverbes correspondaient assez à cette situation plutôt cocasse. Bien évidemment, la jeune femme connaissait assez le jeune homme pour savoir qu'il n'en resterait pas là, il n'allait pas se laisser faire. Il était assez têtu, tout comme elle, et il ne lâchait jamais rien. Cependant, quelle ne fut pas sa surprise quand il évoqua cette affaire de boite de conserve vide. Il était décidément prêt à tout pour se sortir de cette situation, quitte à mentir. La jeune femme n'allait cependant pas se gêner pour le rembarrer. Ainsi, elle se mit à rire ouvertement, comme pour le ridiculiser. « Tu sais, avec ton imagination, tu pourrais devenir romancier. Tu y as pensé ? »
. Puis, finalement, elle se resservit un verre d'eau, d'un air lassé, même si en vérité cette conversation l'amusait beaucoup. « Dis moi, tu me crois vraiment assez bête pour t'offrir une boite de conserve vide ? Non, quitte à dépenser mon argent pour toi, autant essayer de t'instruire un peu, t'apprendre quelque chose, quoi. » La blondinette fit mine de réfléchir. « Quoique, j'en aurais bien été capable. Ca t'aurait permis d'y mettre le nom de tes conquêtes ... si toutefois tu t'en souviens. Tu m'avais appelé comment déjà ? Julie, non ?»

« Tu m’a offert le kamasoutra ? C’est gentil. Mais j’en ai déjà trois et je t’assure que j’ai bel et bien reçu une boite de conserve vide ! Tu va me faire croire que ce n'est pas ton genre ? » Calliopé fit un sourire sarcastique. William ne ratait jamais une occasion de faire référence au sexe, et pour cause il n'était visiblement pas assez cultivé pour parler de sujets profonds et réellement intéressants. Ou alors était-ce une carapace, se faire passer pour plus bête qu'il ne l'était vraiment ? La blondinette n'en serait jamais vraiment sur, tant ce garçon était difficile à comprendre. « 3 exemplaires, tu dis ? Hum ... tu connais la théorie alors. Parce qu'en pratique, hormis le bon vieux missionnaire, tu n'es pas vraiment ... hum ... innovant. Tu devrais vraiment le lire plus souvent. » Calliopé fit une petite pause pour l'effet. « Oh mieux, sors le juste avant de passer à l'acte ! Je suis sure que ta partenaire te prendra alors très au sérieux.» Quant à cette histoire de boite de conserve vide, elle n'était pas vraiment sure de comprendre de quoi le jeune homme lui parlait. Qui offrait ça de nos jours ? La jeune femme était bien trop innovante, créatrice et originale pour offrir un présent aussi inutile. A part y mettre des vieux boutons de chemises, elle ne voyait pas à quoi une vieille boite aurait servi à Will. Elle s'apprêtait à lui dire, seulement celui-ci lui coupa allégrement la parole pour reparler de cette fameuse nuit, puis de ce fameux jour où ils s'étaient revu et où elle avait rencontré Kennedy. Ce fameux jour où il l'avait appelé Julie, ne se souvenant plus de son prénom. Bien évidemment, le jeune homme n'en avait soi disant aucun souvenir. Calliopé était prête à parier qu'il mentait : être pris sur le fait n'était jamais vraiment agréable, et jouer sur la mémoire pouvait être parfois une bonne alternative pour éviter les disputes. Seulement, ce qu'il ne savait pas, c'était que la jeune femme était une dure à cuire et qu'elle n'allait pas laisser passer cette histoire comme ça. « Ah bon ? J’ai fait ça moi ? Tu dois confondre avec un autre William Slayers. » Typiquement masculin, se dit la blondinette en levant ostensiblement les yeux au ciel. Elle passa alors une main sur sa joue, et fronça les sourcils, faisant semblant de considérer les paroles du jeune homme. « Hum ... laisse moi réfléchir. Un mec prétentieux, imbu de lui même, irrespectueux, dont la barbe est mal rasée, dont les chaussures sont affreuses, et qui est impossible de s'attacher à aucune fille ? Oh et j'oubliais les deux neurones se battent en duel ... » dit-elle un sourire aux lèvres. « Désolée, je suis catégorique, c'était bien toi. Tu devrais assumer tes propos et éviter de mentir, notamment sur les cadeaux... » Calliopé s'absenta une minute pour aller fouiller dans son sac, restée dans sa chambre. Se saisissant de son porte-monnaie, elle revint dans le salon, et en sortit un ticket de caisse. Elle gardait toujours les factures de ses achats datant des 3 derniers mois. Question de principe, on ne savait jamais. Si les chaussures qu'elles achetaient se mettaient soudainement à lui serrer ? Le sourire fier, elle tendit à William la facture du livre qu'elle lui avait offert. « C'est pas poli de montrer les prix d'un cadeau ... mais bon, je veux te prouver ma bonne foi. » ajouta-t-elle un sourire narquois au lèvre, devant Will qui lui regardait le ticket d'un air surpris. Faussement surpris, la blondinette en était persuadée.