Faire la fête, être entouré d’un tas de gens plus ou moins éméchés qui lui braillait dans les oreilles, sentir ses organes secoués par la musique jouée bien trop fort dans les haut-parleurs d’une boite de nuit… Tout cela n’avait jamais vraiment été la tasse de thé de Peter. Ses amis se moquaient assez souvent de lui à cause de ça, mais il n’en avait pas grand chose à faire. Ce monde-là n’était pas le sien, et un peu à l’image d’un retraité aigri, l’irlandais préférait de loin rester chez lui, bien au chaud devant un épisode des Simpsons. Seulement voilà, il avait beau y mettre toute la bonne volonté du monde, il lui arrivait parfois de se laisser embarquer dans une soirée sans pouvoir protester. En général, le jeune homme s’arrangeait pour y passer quelques heures avant de fuir en utilisant des prétextes toujours un peu douteux. Mais ce soir, c’était différent. Ce soir, quelqu’un le surveillait et avait tout particulièrement tenu à ce qu’il l’accompagne à cette soirée de fin de campagne. Et bien malgré lui, l’étudiant avait été incapable de refuser cette faveur à Riley.

La jeune femme était vêtue d’une robe que Peter ne manqua pas de complimenter, par simple mesure de politesse. Car s’il y avait une fille qui occupait ses pensées en ce moment, c’était bien Mia. Et ce même s’il avait remarqué sa grande proximité avec son ex-petit ami, qui était également son colocataire. Mais avec Riley, c’était différent. Le jeune homme avait pour habitude de la voir en sous-vêtements pendant leurs nombreuses séances photos communes, alors ce n’était pas une robe qui allait faire changer le regard qu’il portait déjà sur elle. Car bien qu’elle se plaise à le taquiner sur le fait qu’il ne soit pas des plus à l’aise en face d’un objectif, Peter l’appréciait. Ils n’en étaient pas à leur coup d’essai tous les deux, et s’était déjà partagé les faveurs de quelques photographes professionnels avant cette campagne de publicité-là. Et Peter devait bien avouer que le fait de travailler avec Riley avait quelque chose de rassurant. Il la connaissait, l’appréciait, et avait aujourd’hui clairement plus de facilités à poser à ses côtés. C’est donc dans le seul but de lui faire plaisir que Pete avait accepté « l’invitation ». Selon Riley, c’était l’occasion rêvée de faire la fête avec des gens qu’ils ne recroiseraient sans doute jamais, et l’irlandais se devait, tout comme elle, de leur dire au revoir dignement.

Même s’il avait trainé les pieds, Peter était donc arrivé jusqu’à l’Awesome. Cette boîte dont il avait déjà entendu parler à plusieurs reprises et dont la seule évocation du nom suffisait presque à lui donner mal à la tête. Tout ce monde et surtout cette ambiance l’intimidait, et Pete ne semblait pas vouloir s’éloigner de Riley à plus de quelques mètres. S’il ne restait pas avec elle, avec qui pouvait-il bien parler de toute façon ? Alors même si ce n’était clairement pas dans ses habitudes, le jeune homme s’efforçait de se fondre dans la masse. Un verre à la main, il feignait d’être à l’aise même s’il n’avait qu’une seule envie : prendre ses jambes à son cou et s’enfuir d’ici. C’est d’ailleurs en reconsidérant cette option qu’il se mit à sourire, et s’approcha de l’oreille de Riley pour y glisser un « C’est la première et la dernière fois que tu me traines à ce genre de soirées ! » des plus ironiques.

La principale occupation de Peter consistait ce soir à observer les autres. Tous ces gens qui s’agitaient, se saoulaient ou se trémoussaient autour de lui lui donnaient littéralement le tournis, mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui. S’il avait su faire preuve d’un peu plus d’autorité et s’il avait refusé l’invitation de Riley, il se trouverait très certainement tranquille chez lui à l’heure qu’il était. Mais malheureusement, il n’était plus temps de se lamenter sur son propre sort. La seule chose qu’il lui restait à faire à présent était d’attendre que la soirée se passe et qu’il puisse tranquillement regagner son lit.

S’approchant une nouvelle fois de Riley, Peter ne se priva pas de lui susurrer qu’il ne la suivrait plus jamais dans ce genre de soirée. Et la première réaction de la jeune femme fut de lui retirer son verre, chose que l’irlandais ne comprit pas tout de suite. Il l’observa en fronçant les sourcils, sans pouvoir s’empêcher de nourrir un maigre espoir. L’espoir qu’elle trouve également cette soirée complètement nulle et ennuyeuse, et qu’elle décide de quitter l’endroit avec lui. Mais le jeune homme ne tarda pas à avoir une explication qui ne l’enchanta guère. Tout sourire, Riley lui tendait un verre plein pour remplacer celui qu’elle venait de lui prendre. « Bois ca, ca va te détendre. » déclara-t-elle, visiblement amusée par le comportement un brin coincé de son comparse. Se saisissant du verre en grimaçant, Peter ne se priva pas de grogner pour lui répondre, et lui faire comprendre qu’il ne partageait pas vraiment son point de vue. « Je suis sûre que tu vas finir par apprécier la soirée. » Alors qu’il avait commencé à goûter le breuvage, Pete fit mine de s’étouffer en entendant la conclusion de la jeune femme. Secouant la tête en signe de négation, le jeune homme s’exclama : « Ca m’étonnerait ! Je te déteste déjà pour ça tu sais… Sans rire, on s’entend à peine parler, la musique est nulle, et puis il y a cette fille là-bas… elle me regarde bizarrement depuis toute à l’heure ! Ca va durer encore longtemps ? »

Peter était bien conscient d’agir comme un véritable gamin, et il se surprenait même à en faire un peu trop, juste pour se venger. Il laissa échapper un nouveau soupir et, par dépit, se consola en engloutissant la quasi-totalité du verre que Riley lui avait offert. « C’est quoi au juste ? C’est… pas mauvais en fin de compte ! » déclara-t-il en lançant un regard suspicieux en direction du verre. Mais à peine eut-il relevé la tête qu’il aperçut la fille dont il évitait le regard depuis qu’il était arrivé s’approcher de lui. Instinctivement, il se colla à Riley en écarquillant les yeux, comme si elle était la seule à pouvoir le « sauver ». « Elle est là ! C’est elle ! Tu m’as emmené ici alors trouve un moyen de la faire partir maintenant ! » souffla-t-il comme si sa vie en dépendait.

Le fait de se retrouver au beau milieu de tous ces gens était déjà un exploit bien assez pénible pour Peter. Si on lui avait dit qu’en plus, il serait la cible de clins d’œil plus ou moins cachés d’une fille qu’il n’avait même jamais rencontrée, et qui était loin de l’attirer, l’irlandais serait très certainement resté chez lui. Et ce malgré les démonstrations d’insistance de Riley. Mais il était bel et bien trop tard pour penser à ça et désormais, Peter devait faire face à tout ce qu’il détestait le plus dans cette ambiance de fête ou tout le monde semblait s’amuser… sauf lui. Et pour ne rien arranger, les effets de ce breuvage que Riley lui avait conseillé commençaient clairement à se faire sentir. Pour sa défense, mise à part la bière, l’irlandais n’était pas spécialement habitué à l’alcool et c’était bien compréhensible. En général, les cocktails festifs et autres shots allaient de paire avec les soirées qu’il avait pour habitude de fuir. Alors il n’était pas étonnant pour lui de sentir que sa tête commençait à tourner. Mais malgré tout, le jeune homme devait bien avouer que Riley avait vu juste en lui proposant de tester la Pina Colada. La prochaine fois qu’il sortirait, si tant est qu’il y ait une prochaine fois, Peter ne manquerait pas d’y regouter.

Mais alors que Pete se prenait à « profiter » de sa découverte alcoolisée, la fille qui l’avait visiblement repéré se rapprocha dangereusement, le faisant quasiment paniquer. Instinctivement, il se rapprocha alors de Riley en lui faisant partager ses inquiétudes, sans se douter une seule seconde de la façon dont elle l’en débarrasserait. Sous le regard médusé d’un Peter aussi immobile qu’une statue, la jeune femme se hissa sur la pointe des pieds, et lia leurs lèvres dans un doux baiser. Sous le coup de la surprise, l’irlandais fut incapable d’esquisser le moindre mouvement et même de répondre à ce baiser qu’il venait de recevoir, et son seul réflexe lorsque Riley recula fut d’effleurer ses propres lèvres du bout des doigts. Le plus naturellement du monde, la jeune femme récupéra son verre, comme si rien ne s’était passé. Totalement abasourdi, Peter lança un regard discret en direction de la jeune femme qui le visait, mais il fut incapable de la retrouver. Sans qu’il ne puisse se l’expliquer, un petit sourire prit alors place au coin de ses lèvres. « Bah tu vois, c'était pas si compliqué. » déclara alors sa voisine en souriant à son tour. Un peu maladroitement, Peter replongea son regard dans celui de Riley et balbutia : « Euh… merci… ? »

Le geste pourtant si anodin de Riley avait littéralement secoué l’irlandais qui n’était pas habitué à autant d’audace et d’impulsivité. Mais à sa plus grande surprise, il n’avait pas trouvé l’initiative désagréable. Au contraire, il se prit même à regretter de n’avoir su prolonger ce moment. Lentement, il posa une de ses mains dans le dos de la jeune femme. Mais au moment même où sa peau entrait en contact avec Riley, un flash lui fit retirer sa main en vitesse. Mia. Il venait de revoir Mia. Pas en réalité, simplement dans un songe. Il avait revu son visage, la soirée qu’ils avaient passée chez lui puis leur réveillon du Nouvel An. Et l’espace d’un instant, Peter se traita intérieurement de tous les noms d’oiseau… avant que l’image de Mia accompagnée de son charmant colocataire ne lui revienne brusquement à l’esprit. Il les avait vu si proches, et avait été tellement déçu que sa mâchoire se serra à cette simple pensée. Alors, sans s’accorder plus de temps pour y réfléchir, aidé par le regard que Riley portait sur lui, le jeune homme l’attira presque violemment contre lui pour l’embrasser fougueusement, oubliant du même coup les regards de ses collègues qui venaient de se poser sur lui.

« Pas de panique, c'était simplement pour la faire fuir. » Simplement pour la faire fuir… Mais dans l’esprit de Peter, tout n’était pas si simple que ça. Ce baiser, aussi bref et sans intérêt fut-il pour Riley, avait poussé l’irlandais à voir le cours de la soirée autrement. Depuis le début, elle lui répétait qu’il était là pour s’amuser et pourtant, Peter ne semblait pas avoir tout à fait saisit la signification du mot « amusement ». Jusqu’ici, il avait plutôt regretté de s’être laissé embarquer dans une telle soirée alors qu’il savait pertinemment qu’il détestait ça. Mais tout à coup, sans savoir si cela était du aux quelques verres qu’il venait d‘avaler, l’étudiant avait l’impression de comprendre de quoi elle voulait parler. Ils étaient jeunes et par conséquent, ils étaient censés profiter de la vie. Alors, non sans avoir repensé à Mia une dernière fois, Peter sauta le pas et lia ses lèvres à celles de Riley dans un nouveau baiser qui sembla la surprendre… et c’était tout à fait compréhensible. Après tout, la jeune femme le connaissait assez pour savoir qu’il n’était pas du genre à agir sous le coup de l’impulsion comme il venait de le faire, ni même de sauter sur une fille juste parce qu’elle lui lançait un regard un peu trop insistant. La malheureuse qui s’y était essayé quelques instants plus tôt en avait d’ailleurs fait les frais. Mais bizarrement, le fait qu’il s’agisse de Riley semblait tout changer.

Une fois l’effet de surprise passé, la jeune femme ne tarda pas à se laisser aller et à faire glisser ses mains le long du corps de l’irlandais qui perdait bel et bien les pédales. Puis, Riley rompit le contact de leurs lèvres et de leurs peaux, afin d’entrainer Peter vers l’extérieur avec elle. Sans lui opposer la moindre résistance, l’irlandais la suivit docilement jusqu’à se retrouver dans un endroit où personne ne pouvait les voir. Et sans qu’il ne puisse dire ou faire quoi que ce soit, il se sentit projeté contre le mur derrière lui, et n’eut plus qu’à accueillir Riley dans ses bras. Le baiser qu’elle lui offrit était bien plus fougueux et même sauvage que le précédent. Et sans forcément y répondre, Peter profita tout de même pleinement de cet instant. A aucun moment l’image de Mia ne quitta son esprit. Mais cette image qu’il voyait, c’était celle d’une Mia au bras de Casey et inévitablement, son esprit échafaudait les pires scénarios, même si aucun d’entre eux n’était fondé. Alors, sans se poser plus de questions, Peter fit descendre ses mains jusqu’à les mettre en bonne place sur les fesses de Riley, et ainsi la hisser vers lui pour qu’elle soit à sa hauteur. Beaucoup plus entreprenant que d’ordinaire, il se lança à l’assaut de ses lèvres et l’embrassa jusqu’à manquer d’air. Ce n’est qu’après ça qu’il daigna reculer un peu son visage, et afficha un sourire en coin. Son regard planté dans celui de Riley, Peter était incapable de dire quoi que ce soit. Mais il espérait que son sourire et sa prise d’initiative suffisent à lui faire comprendre où il voulait en venir.