Oh non, quelle horreur !!! Picsou venait de se faire voler son argent par un vilain pas beau et Mickey était accusé à tord ! Et ce stupide Pluto qui avait participé au vole pour un pot de beurre de cacahuète ! Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous avec cette crème pateuse et dégoûtante ?!
April éteignit la télévision, révoltée que l'on puisse introduire dans son dessin animé préféré un pot de beurre de cacahuète. Mais Mister Marshmallow avait l'air d'un tout autre avis... Cette peluche en forme de lapin allait-elle vraiment continuer à dicter la vie de cette pauvre April ? Apparemment oui, car elle ralluma la télévision. Elle se dit que le suspens était trop insoutenable et qu'elle n'était pas du tout en train de satisfaire une fois de plus les caprices de cette diabolique peluche. De toute façon, avec son pot de Nutella elle était parrée pour l'interminable lutte contre le beurre de cacahuète !
Mais il en fallait de l'énergie pour regarder un dessin animé et engloutir un pot de Nutella de trois kilos ! Ses paupières se faisant lourdes, elle s'allongea "juste une seconde" pour se reposer un peu, profitant de la pub qui, elle le savait, durerait un bon quart d'heure.
Sa journée avait été plutôt calme et joyeuse. Elle était partie d'Ecosse à six heures du matin et après un voyage en avion très reposant ( il y avait eu cinq turbulences et elle s'était écroulée de rire quand un gamin crâneur et prétentieux avait chuté par terre ), elle avait atterie sans problème à New York. Elle avait ensuite cherché un taxi, sachant qu'avec cette irrésistible frimousse elle ne tarderai pas à en trouver un et avait rejoins l'appartement de sa cousine. D'ailleurs, elle était "pratiquement" sûre de lui avoir demandé la permission au téléphone.
De toute façon, sa chère cousine n'oserait jamais la mettre à la porte. D'ailleurs, l'argent qu'April s'apprêtait à lui donner comme loyer ne suffirait-il pas à la convaincre ? Ah, l'argent ... Elles aiment toutes deux énormément ce mot ! Le matin même, à la banque, April avait été horrifiée en constatant que les dollars vallaient 2% de moins que les livres ! Mais, sa stupéfaction s'évanouie quand elle reçut les magnifiques billets verts. Ils étaient si ... voyants ! Ce soir, c'était dit, elle dormirait avec !!! D'ailleurs, ils étaient là, sous l'oreiller. Mais il fallait tout de même penser à mettre environ 50 dollars de côté pour Mister Marshmallow, il lui fallait impérativement de nouveaux noeuds rouges, ceux qu'il portait actuellement commencant à ternir. C'est qu'il devait être toujours au top !!! Une fois cette petite urgence vestimentaire réglée, il retrouverait toute sa beauté et son élégance. À en faire pâlir n'importe laquelle des petites filles New Yorkaise.
Elle avait si hâte de commencer sa nouvelle vie à New York ! Ca promettait d'être plutôt joyeux. Il est vrai que comparé à Tokyo, April aurait sûrement un peu plus de mal à entretenir Mister Marshmallow, mais cette ville était grande et nouvelle et vivre ici serait sûrement palpitant. D'ailleurs, elle avait déjà trouvée où travailler.
Les taxis étant plein au moment où elle était sortis de l'aéroport, elle s'était retrouvée dans un taxi avec un homme d'une cinquantaine d'années avec qui elle avait discuté. Enfin, disons plutôt qu'elle l'avait fait parlé de lui pendant qu'elle écoutait sagement. Etant donné les embouteillages qu'ils avaient rencontré, elle avait eu le temps d'apprendre qu'il avait divorcé quatre fois avec la même femme et qu'en ce moment même ils organisaient leur prochain mariage. Il lui avait également appris que son chien avait des puces, qu'un de ses enfants avait actuellement la varicelle et que sa fille de 25 ans avait le S.I.D.A. Le plus passionnant était bien évidemment pour la fin, quand il lui a dit qu'il était le patron de la meilleure édition de journal de la ville ( lui faisant également voir le prix qu'il avait reçu à cette occasion ). April avait sauté sur l'occasion pour lui dire qu'elle était journaliste et lui faire un petit résumé de son expérience professionnelle ( en omettant le fait qu'elle était détective privée ) et ainsi, son tout premier entretien d'embauche à New York se passa dans une voiture et elle fut acceptée avec enthousiasme. Il lui laissait quelques jours de vacances, le temps de se remettre du décalage horaire et de profiter un peu de la ville.
April c'était ensuite rendue à l'appartement de sa cousine. Elle avait forcée la porte sans difficultés et avait passé la journée à manger, dormir et à regarder la télévision.
Elle fut réveillée par le bruit d'une arme que l'on chargeait.

-April ... ?

Non ! Pas possible !!! Enfin !!! Elle était ENFIN là ! La connaissant par coeur, elle devina ses pensées.

-Non, tu ne vas pas me tuer. Ta mère ne t'as jamais dis que si tu rentres chez toi, que ta porte est enfoncée et que la personne responsable dors dans le canapé, il était très impolie de la tuer ?

Elle alluma la lumière et sauta sur la forme au révolver devant elle.

-Billyyyyyyyyyyy !!!! Enfin !! C'est à cette heure que tu rentres ? Et ton virginal sommeil, qu'en fais-tu, hein ? Tu as donc oublié tous se qu'on t'as appris ? Qu'as-tu fais de ton éducation ? Alors, dur dur le travail ? J'ai appris que tu travaillais dans un bar, la classe ! Tu m'offriras un coup, hein ? T'as un super appartement ! Mais tu sais se qui le rendrait encore mieux ? Des photos de moi !!!

« Mon éducation je l'ai toujours, mon sommeil il s'en fout pas mal d'être là ou non, je gagne beaucoup en ne faisant quasiment rien, tant que tu prends pas d'alcool, et des photos de toi, et puis quoi encore ? »

Ah, quelle tête de mulle celle-là ! Elle avait peut-être de la répartie, mais elle se fourvoyait en pensant qu'April allait se laisser faire sans rien dire ! Être journaliste lui avait apprit qu'il ne fallait surtout pas se laisser marcher dessus, il n'y avait pas écrit "essuie tes pieds sur mon dos, s'il te plaît" non plus.

« Tu as toujours ton éducation ? Tant mieux. Il faut dormir pour être en forme, sinon tu vas t'endormir sur les bouteilles de champagnes que tu vends; beaucoup d'argent ? Ca c'est une informations qui mérite d'être stipulée ! Je déteste l'alcool, mais juste pour t'embêter je prendrais du wisky. "Et puis quoi encore ?" C'est gentil de proposer, j'ai besoin d'un dressing, alors si tu pouvais virrer un ou deux de tes vêtements... Evidemment, si tu les enlevait tous ce serait plus pratique. Mais je ne veux pas m'imposer non plus ! »

Allait-elle répliquer ? En attendant, April se rendit dans la cuisine chercher de quoi boire et revînt au canapé. Elle s'y assit et regarda Picsou heureux de retrouver ses beaux billets. Rien que d'y penser, April en bavait sur Mister Marshmallow. Combien allait-elle pouvoir gagner en un mois ? Si elle se faisait une bonne renommer, elle en aurait sûrement pour 3000 dollars, sans compter ses économies et l'argent qu'elle pouvait se faire à côté. Il fallait bien évidemment retirer au tout le loyer qu'elle comptait donné à Billy, les frais de shopping, le taxi quotidien, les théâtres etc. Connaissant sa cousine, elle devrait certainement s'occuper de temps à autres de remplir le réfrigirateur et faire le ménage. Elle sourit à cette dernière pensée. Ca n'allait sûrement pas être elle qui ferait le ménage ! Plutôt payer quelqu'un pour le faire à sa place ! Non pas qu'elle soit paresseuse, bien au contraire ! Mais le temps c'est de l'argent, et faire le ménage chez sa cousine serait une véritable perte de temps. En attendant, Picsou et ses billets étaient le principal centre d'interêt de l'anglaise.
Elle ne fit pas attention à se que faisait sa cousine. Elle était probablement en train de lui crier dessus, lui sermonnant qu'entrer chez les gens sans prévenir était très impolie; ou elle établissait un plan pour la sortir de chez elle; comptait combien April lui coûterait par mois ou boudait quelque part. Peut-être même qu'elle finirait par remarquer le pot de Nutella de 3kg vide, qui sait ? Mais quel brouhaha faisait-elle !

« Hé, tu peut faire moins de bruit ? J'écoute mon dessin animé. Et si tu pouvais éviter de passer devant la télé aussi. À moins que tu subisses bientôt une opération pour être invisible, quand tu te mets devant quelqu'un cette dite personne ne voit plus se qu'il se trouve derrière. »

« Et comment tu sais que je suis à New York ? C'est ma mère qui te l'as dit ? Et qu'es-ce que tu sais d'autre sur moi, hein ? »

Ah, quelle pipelette ! Mais bon, le dessin animé était terminé et ils allaient passer une émission sur Barack Obama et sa charmante famille. April n'en n'avait que faire, elle ne les connaissait même pas. Quoiqu'un jour elle avait dûe enquêter sur une des filles de cette parfaite petite tribu. Enfin, parfaite façon de parler ! La cadette était infernale et la plus jeune n'était pas mieux ! Le double-président des Etats-Unis avait beau faire l'éloge de sa progéniture, elle n'avait rien d'exceptionnelle. April décida donc de répondre à sa cousine avec cet air mystérieux, ce petit sourire en coin et ce regard énigmatique que Billy ne supportait pas. Un jour, April avait réussi à lui faire croire qu'elle était un extra-terreste rien qu'en la regardant et en faisant le petit rire suspect qui accompagnait généralement le tout. Elle avait beau affirmer le contraire, cette tête lui avait toujours fait froid dans le dos, et ce n'était pas maintenant que ça allait changer.

« Bien plus que tu ne le crois, ma chère... Bien plus. Ta mère ? C'est sous-estimer mes capacités et mon incroyable talent que de penser ne serait-ce qu'une seule seconde qu'elle est impliquée. Me connais-tu si mal ? As-tu oublié le jour où nous avons joué à cache-cache ensemble ? C'était la prémière fois et dernière fois que nous y jouions. J'avais passé une journée épouvantable à attendre que tu me trouves. Et en compensation, tu avais dû me donner ton pot de Nutella;elle recouvrit une tête "normale" et poursuivit son dialogue. En parlant de Nutella : comment se fait-il qu'il n'y en aille pas ici ? Il n'y a que de cet immonde beurre de cacahuète ! Oh, et regarde ce que j'ai trouvé dans tes placards : un magnifique pot de 3 kilos. Mais où diable as-tu donc déniché cette merveille ?! »

Le temps que Billy fasse bien rentrer ce dialogue dans sa petite tête laissait à April du temps pour regarder la télévision. Elle se jeta sur la télécommande et ô délicieuse surprise, tomba sur "Pirates des Caraïbes jusqu'au bout du monde" ! C'était le combat final, l'un de ses moments préféré du film. Elle n'écouta pas un traitre mot de la réponse de sa cousine ( mais quand se rendrait-elle enfin compte qu'April ne l'écoutait jamais ? ). Jack Sparrow se battait contre le capitaine du vaisseau ennemi, cet infâme Devi Jones. Will prit la relève. Ensemble, ils en venèrent à bout et les deux équipages s'allièrent pour vaincre leur ennemi commun.

« Ouiiiiiiiiiii !!! Le roi et ses paires, on enfermés la Reine à bord d'un bâteau de plomb. Nous naviguerons et par ces couleurs, moi et mes frères vogueront. Hissez haut ! L'âme des pirates jamais ne mourra. Allez Billy, vient te battre ! 'Spèce de chien galeux, plus vite que ça ! Allez, tous sur le pont. Hissez la grand voile ! Nous avons un cap... Tortuga, nous voilà ! »

Du whisky ? Non, vraiment ?! Billy devait être bien irresponsable pour oser tenter donner du whisky à April ! Mais puisqu'il était là, autant goûter. Et puis, avec un peu de chance, ce serait bon, elle viderai son verre, en reprendrai dans le dos de sa cousine et serait bien saoule de façon à exaspérer encore plus cette chère Billy ! April bu une gorgée et fit une grimace de dégoût. Mais quelle horreur ! Cette "boisson" avait un goût encore pire que cet étrange brevage que Tatie McWinniston préparait quand elle venait chaque Noël. C'était d'une drôle de couleur marron, ça puait le rat mort et ça avait un goût d'ortie mélangée avec de la bouse de bison. Elle expliquait souvent qu'il s'agissait d'eau de vie avec de la menthe et du caramel. Mais, elle s'était à l'évidence trompée en choisissant les ingrédients; et ce pour une raison très simple : la vue de Tatie c'était éteinte en même temps que les Dinosaures. D'ailleurs, toute jeune, April lui demandait souvent si les Tiranosaures Rex avaient réellement excités; et la Tatie ne comprenant pas lui répondait qu'elle n'en avait aucune idée, April se fâchait alors, pensant qu'elle lui mentait.
Elle vida discrètement son verre par la fenêtre et continua de regarder son merveilleux film, debout sur le canapé en mimant un combat imaginaire contre Devis Jones. S'il croyait la battre, cet orgueilleux monstre tentaculaire ! Elle lui en faisait voir de toutes les couleurs, cassant certainement quelques objets bien réels au passage. Mais soudain, April eu l'impression qu'on lui mettait un sac en papier sur la tête.

« Oh non. »

Oh non ? Pourquoi "oh non" ? C'est bien elle qui avait placé ce sac là non ? Pourquoi la télévision était-elle soudainement si silencieuse ? Il y aurait dû avoir des centaines de bruits de canons, c'était tout de même l'affrontement final ! Et puis, ce film, April le connaissait par coeur, en particulier ce passage-ci ! Une seule solution s'offrait à elle. Oh non ! Pas ça, en tout cas pas maintenant !

« Billy ! Au secours ! Les extra-terrestres nous ont retrouvés ! Je t'avais bien dis de pas faire la danse d'Altaïr un soir de demi-lune ! C'est ce soir là qu'ils fêtent la mort de Crabouiboui II !!! Noooon ! Ils vont nous forcer à éplucher des patates sur l'île de Jakokoko IV !!! Et pire encore : je pourrais pas voir le nouveau Pirates des Caraïbes et la fontaine de Jouvence, je l'ai vu que treize fois depuis qu'il est sortis ! Fait quelque chose... Pitié... Pour moi. Je sais que je t'embête souvent, mais tu sais aussi que c'est un façon de me protéger. On a fait un pacte quand on était petite : je commande et tu obéis. Alors respect-le ! »

À ce moment précis, debout sur le canapé, Billy près de l'interrupteur et Mister Marshmallow étalé par terre ( April l'avait malencontreusement fait tomber durant sa lutte contre Devis Jones ), April se senti très ridicule... si les extra-terrestres voulaient leurs faire éplucher des patates ce serait sur l'île de Wiwoki et pas celle de Jakokoko IV ! Mais quelle idiote ! Peut-être que si on leur offrait Billy en offrande, ils la laisserait partir avec Mister Marshmallow. Le désespoir commença à la gagner : elle n'aurait de toutes façons pas le temps de voir le quatrième Pirates des Caraïbes car il fallait acheter une pizza ( elle ne savait pas cuisiner ) et elle mettait toujours trois heures à se décider sur la garniture. Mais quelle vie cruelle ! Sans le moindre espoir, April imagina Mister Marshmallow se transformer en un chevalier servant, poli et bienveillant. Elle l'entendit presque parler dans sa tête. "Mais ne restez pas là voyons ! Venez je vais vous réconforter."
C'était bien trop beau pour être vrai, il devait plutôt parler à son noeud rouge. Mais pourquoi le vouvoyait-il ? C'était le sien, non ?

« Billy, Mister Marshmallow m'embête ! Et puis, il perd la boule : il dit "vous" à son noeud papillons !»

« Dis-moi April, es-ce que tu as bu ? »

Oui, une gorgée de cet immonde poison que tu chache dans tes placards. Mais je suppose que ta phrase sous-entends "est-ce que tu es saoule ?". Et bien, tiens-toi le bien pour dire, la plus stupide dans cette pièce n'est pas celle que tu penses. Mais après tout, continu de penser que je suis folle et idiote. Ca me donne un avantage, ainsi tu ne te doute pas que je suis capable de réfléchir.

« Non. Et si tu veux parler du ce verre, sache qu'il y a belle lurette que je l'ai vidé par la fenêtre. D'ailleurs, à en juger par le sympathique juron qui a suivi, je crois pouvoir affirmer que quelqu'un se promène dans New York avec l'apparence d'un raisin sec frippé et l'odeur de ce pestilent whisky bon marché que tu as osé me servir. Mais ne t'inquiètes pas. Quand la police débarquera, je stipulerai bien que tu es atteinte cérébralement et que tu ne voulais en rien arroser ce pauvre monsieur. Seulement, au supermarché au rayon "alcool" tu voulais acheter la bouteille à 105 dollars mais tu as confondu avec sa voisine à 10.5 dollars. Tu as goûté à cet infamie et ta maladie c'est réveillée sous le coup de l'horreur : tu as voulu vider ton verre et tu as confondu l'évier et la fenêtre. Ma chère cousine, tu as eu l'existence si dure. Et ce n'est pas mon arrivée qui va t'aider, ne t'inquiètes pas ! Bon, c'est pas tout ça, mais aurais-tu l'extrême obligence de m'enlever ce sac en papier de la tête maintenant ? »

Un sac en papier. C'est si peu crédible... À côté de ça, Mister Marshmallow et son amourette avec Miss Fleur-et-pâquerette serait presque du sérieux ! Mais sincèrement, je ne pouvais pas laisser cette union ce faire : Miss Fleur-et-pâquerette ! Non mais, vraiment ?! Qui appellerai sa peluche caniche comme ça ? En plus, elle n'avait ni ruban, ni frou-frou et n'était même pas peignée ! On ne pas dire que cette peluche soit un bon parti à marier... Il me semble que c'est la première fois où j'ai réussi à être autoritaire avec Mister Marshmallow. J'en ai eu du courage !

« April, ma pauvre April. Il n'est pas vivant, c'est une peluche. »

« Une peluche ? Une peluche ?! UNE PELUCHE ?! UNE PELUUUUUUUCHE !!!!!!!!!! »

« April, c'est une coupure de courant. Tu sais, il n'y a plus d'électricité après. »

Nan mais c'est qu'elle me prend pour une débile en plus ! Bon j'y mets pas trop du mien... Et puis ignorer à ce point mon étonnement devant le "C'est une peluche", il faut vraiment être bornée ! Elle n'a donc pas changé depuis tout ce temps. Aussi têtue que son père celle-là ! Oh, misère ! Voilà que je commence à utiliser un language si peu châtié. Sa mauvaise éducation déteint sur la pauvre petite chose que je suis.

« Naaaaaan ?! Mais c'est pas possible ça ! Pas possible du tout du tout ! Comment on va faire chauffer la pizza que je vais aller chercher ? Comment on va regarder la télé ? Comment je vais lire mes livres policiers ? Comment je vais pouvoir regarder l'expression de ton visage afin de deviner tes réactions ? Comment je vais me mettre en pygama ? Ah, non... en fait je le porte déjà. »

Et puis Mister Marshmallow qui me regarde avec cet oeil narquois ! Un jour je me vengerai de lui. Mais je ne peux pas y faire de mal, c'est le seul véritable ami que j'ai jamais eu. Au tout début de mon enfance il y avait Billy, mais... Maintenant, elle doit vraiment me détester. Je ferai mieux de partir. Pour aller où, hein ? Dans un bar ? Ca pu. Chez mon patron ? Ca ne fait pas sérieux. Peu importe, je vais bien trouver. Ou alors, je reste au moins pour la nuit. Ou au moins toute ma vie...
Je me mis à marcher dans l'appartement, ne renverant aucun objet, ne faisant aucun bruit sur le sol. Je me postais derrière ma cousine. Elle n'avait pas remarqué ma présence à ses côtés. Je la connais si bien, mais ça, je suppose qu'elle l'ignore. Elle ignore sûrement également que je l'aime de tout mon petit coeur... Je verse une petite larme. C'est si stupide. Si je voulais qu'elle m'apprécie je n'avais qu'à pas l'embêter autant. Je suis certaine qu'elle ne garde en tête que les mauvais souvenir. Elle ne se souvient sûrement pas de toutes les fois que je l'ai couverte devant ses parents, de toutes celles où j'ai réparé quelques bêtises, de toutes ces fois où je lui ai été utile... Elle ne l'a d'ailleurs peut-être même pas remarqué. J'aurai pourtant aimé avoir une véritable relation sociale avec un humain bien réel. Je sais que je pourrais faire confiance à Billy. Elle ne me trahirais pas comme "il" l'a si bien fait. Je ne sais pas si elle a répondu à ma question, je n'ai pas fait attention. Mon coeur bat très vite, c'est une grosse décision à prendre. Je quitte la seule personne que j'aime et en qui j'ai réellement confiance pour aller vivre dans la rue ou je reste avec elle et la rend malheureuse ? Le mieux serait de lui demander à elle. Mais avant j'ai une petite chose à faire. Je contourne Billy pour atteindre l'interrupteur, durant tout ce temps elle ne m'a toujours pas remarqué. Je fais exactement comme "il" m'a appris : je sors un petit couteau de ma poche et cherche à taton les vis. Mes yeux s'étant habitués à l'obscurité, je repère rapidement les fils. En effet, il y en un qui est tout noué sur lui même, il doit créer un court circuit. Je le démêle doucement en prenant garde de ne pas le déssouder et remets le boîtier en place. J'appuis dessus : la lumière se rallume. J'ai dû surprendre Billy, elle ne devait pas s'attendre à ça. Premièrement, elle ne savait pas que j'étais à côté d'elle et deuxièmement, elle doit être surprise de constater que je sais faire quelque chose de mes doigts. Je te comprends, c'est surprenant, n'est-ce pas ? Je me tourne vers elle avant qu'elle ai eu le temps de parler ou de s'en aller. Je la sers fort dans mes bras.

« Je suis désolée Billy. Vraiment. Je vais te donner le loyer de 1000 dollars que j'avais prévu de te donner chaque mois, tu l'utilisera pour racheter du Nutella et les objets que j'ai cassé. Maintenant, je vais m'en aller. Je ne sais pas où je vais aller. Je vais peut-être devoir retourner en Angleterre. Là, j'irai chez mes parents. Je ne risque pas de les déranger, ils ont oublié que j'existais. Merci d'avoir longtemps été là pour moi. Ne sois pas étonnée du sérieux dont je vais preuve, tu sais je ne suis pas si stupide et folle que tu peux le croire. J'aurai bien aimé rester ici, mais j'ai peur de te rendre malheureuse. C'est dommage tu sais, parce que tu es la seule personne en qui j'ai jamais eu confiance. Je te laisse Mister Marshmallow, en espérant que de temps en temps tu pensera à moi, mais je ne me fais pas trop d'illusion. Tu vas me manquer. Adieux. »

J'essuyais délicatement son haut, je l'avais inondé de mes chaudes larmes. Je n'avais pas encore eu le temps de défaire mes bagages et par chance elles se trouvaient à mes pieds. Je m'en saisi et ouvrit la porte.

« April !! Mais qu'es-ce que tu racontes ? J'ai besoin de toi, de ta compagnie... je suis complètement seul depuis maintenant plus de deux ans... »
« Moi ? »
J'ai murmuré si faiblement que c'en était à peine audible. Quoi ? J'ai bien entendue ? Besoin de... moi ? Moi ? Moi ?! ELLE a besoin de MOI ? Mais c'est impossible. Personne n'a jamais eu besoin de moi, tout le monde m'a toujours ignoré, même elle, comme si je n'existais pas. Je n'ai toujours été qu'une semi-vivante. Ici mais pas trop là non plus. J'étais vivante mais personne ne me voyais, les seules conversations que j'avais étaient fictives et s'adressaient à une peluche qui dirigeait ma vie... Ma vie... J'ai toujours pensé que je l'avais râté celle-là. Et là j'entends quoi ? Que quelqu'un a BESOIN de moi ? C'est tellement inespéré : je suis "utile" à quelqu'un. Quelqu'un veut que je reste alors qu'on m'a toujours demandé de sortir. Qui plus est, cette personne compte beaucoup pour moi. Mais moi, est-ce que je compte pour elle ? L'avenir me le dira, sans doute...
Bon, réfléchir c'est bien, mais je ne sais toujours pas quoi faire. Est-ce que je vais être à la hauteur de vivre une vie "normale", si on considère qu'une détective privée vivant chez sa cousine tueuse à gages peut mener une vie normale... Mais qu'est-ce qu'on a tous dans la famille avec les métiers à risques ? J'hésite à poser ma valise. Je n'ai qu'une envie : la laisser tomber au sol et me jeter sur Billy. Mais, je risque d'abîmer le parquet, non ? Je suis trop moqueuse, ça va finir par causer ma perte. Est-ce que je peux vraiment croire qu'une personne qui m'a tourné le dos pendant si longtemps puisse aujourd'hui envisager de m'héberger chez elle ? Je pose ma valise sur le sol, attendant une réaction de ma cousine. Si elle poursuit dans son argumentation, c'est qu'elle veut vraiment que je reste. C'est que cette solitude lui pèse vraiment, que ma compagnie que peut vraiment être bénéfique... et qui sait, peut-être que ce serait également une preuve que je compte pour elle et qu'elle m'aime. Qu'elle m'aime. Ah, si seulement j'arrivais à m'en convaincre...
« Ian a été tué en juillet 2010. »
Je souris et m'entends prononcer doucement :
« Menteuse... »
Je me retourne et lui souris à travers mes larmes et mon nez qui coule.
La vie est si belle.