Nora était quand même étonnée de voir que son père avait engagé quelqu’un qui paraissait si jeune. Pas qu’elle n’ait pas confiance en les jeunes hommes mais… celui-là n’avait rien à voir avec les armoires à glace qu’on voyait habituellement. Puis elle ne savait pas que son père avait besoin d’une protection particulière. Alec avait enfin décidé de passer à l’action et attenterait à sa vie pour régler tous leurs problèmes ? Oui, non, c’était beaucoup trop radical comme solution et elle ne voyait pas son fiancé aller jusque-là. Néanmoins, elle décida de ne pas trop se poser de questions pour le moment, elle aurait tout le loisir de demander à son père tout à l’heure. Son seul problème était qu’ils aillent manger et qu’ils se dépêchent si elle voulait arrivée à l’heure en cours, pas que son cours de l’après-midi soit très important non plus.

Avec assurance, elle s’était approchée du jeune homme bloquant le passage pour annoncer qui elle était, certaine qu’elle n’aurait aucun mal à entrer. Visiblement, ce n’était pas si simple que ça. « Ça risque de ne pas être possible. » Elle se prit un mur, pas habituée à ce qu’un employé de son père lui dise non, sans vouloir passer pour une petite princesse pourrie gâtée. « Il a un rendez-vous très important actuellement, vous feriez mieux de repasser plus tard, ça risque de prendre du temps. » La jeune femme fronça d’abord les sourcils puis soupira. « C’est une blague ?! » dit-elle plus pour elle-même ou pour son père qui ne pouvait vraisemblablement pas l’entendre que pour le jeune qui lui barrait la route. Elle allait vite commencer à bouillir. Déjà que son père n’était pas bien haut dans son estime en ce moment, s’il lui faisait des coups comme ça, elle allait très vite ne plus rien accepter de sa part. « Il ne peut pas reporter ? Vous ne pouvez pas entrer et lui dire qu’il ferait mieux de déplacer son rendez-vous et que je l’attends ? Il saura que c’est la meilleure chose à faire. » affirma-t-elle d’une manière toujours aussi assurée. Son père n’avait pas le droit à l’erreur et peu importe qui se trouvait avec lui en ce moment, elle était forcément plus importante que cette personne.

Elle ne lâcha pas le blond du regard, espérant réussir à le faire céder rien qu’en le regardant. Ce qui tout bien réfléchi était plutôt compromis. Soudainement, elle entendu un bruit étrange venant du bureau. Elle fronça de nouveau immédiatement les sourcils. Quel genre de rendez-vous était-ce ? Elle voulait entrer pour satisfaire sa curiosité (ou pas peut-être, c’était assez louche comme bruit) mais elle se trouva confrontée à un mur. « Vous feriez peut-être mieux de revenir demain même, ça risque de prendre toute la journée. Il a sûrement oublié de vous prévenir... » Pour le coup Nora n’appréciait pas qu’il l’empêche de passer, mais son petite sourire la troubla quelque peu et le pardonna presque immédiatement. Elle soupira une nouvelle fois, elle n’avait pas envie d’avoir fait tout ce chemin pour rien et avoir déplacé son déjeuner avec Lindsay pour rien non plus. Ce n’était pas juste et franchement embêtant. « Non mais vous ne comprenez pas je pense. Je ne suis pas venue là pour me voir dire non et je pense que vu pour qui vous travaillez, vous pouvez au moins faire l’effort de faire ça pour moi. En tout cas je ne bougerais pas de là tant que vous ne lui aurez pas parlé ou que je ne l’aurais pas vu. » Ce n’était pas dans les habitudes de la jeune femme de se comporter de cette façon, mais aux grands maux les grands remèdes.

Nora s’était découvert le défaut (ou la qualité selon certains, c’était à voir) d’être têtue. Têtue et très déterminée. Depuis quelques temps, elle n’était plus aussi manipulable qu’auparavant. Elle s’affirmait un peu plus et n’hésit ait plus à élever la voix quand quelque chose ne lui plaisait pas. Elle en avait marre de tout subir sans pouvoir dire ce qu’elle pensait des choses. Elle ne voulait plus être celle qui se faisait toujours avoir. Et là, aujourd’hui, elle mettait ses nouvelles compétences en application : elle ne partirait pas d’ici tant qu’elle n’aurait pas vu son père que le blond qui lui barrait toujours la route n’était pas allé lui parler (ce qui revenait au même puisque son père savait qu’il n’avait plus le droit à l’erreur avec elle et qu’il viendrait inévitablement la voir). La jeune femme n’avait toujours pas bougé, ne serait-ce qu’un d’un millimètre, et soutenait toujours le regard du jeune homme qu’elle prenait encore pour le nouvel agent de sécurité de son paternel. Quelques temps auparavant, elle aurait abandonné beaucoup plus rapidement et n’aurait pas joué à la princesse pourrie gâtée comme elle venait de le faire. Elle n’aimait pas afficher son « pouvoir » et se la jouer supérieure avec les employés de son père. Pas mal de choses avaient changées depuis et elle avait appris qu’elle n’aurait rien sans rien. « Alors vous risquez de rester là toute la journée. » Ah ! Elle leva les yeux au ciel et s’empêcha de soupirer bruyamment. Elle était à deux doigts de pousser le jeune homme et d’entrer de force dans le bureau mais il n’aurait aucun mal à la maitriser donc c’était plutôt un mauvais plan. Elle ne pouvait pas non plus faire un caprice : il y avait des limites quand même, et elle n’aimait toujours pas se donner en spectacle. C’était bon pour les vraies filles à papa ça. Elle allait lui répondre quand il ajouta quelque chose à voix basse « Même si j'avoue que ça ne serait pas pour me déplaire... ». Elle se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas sourire et perdre toute sa crédibilité mais elle nota quand même le compliment. Il reprit ensuite. « Mais s'il ne vous a pas prévenu c'est justement parce que c'est très important. Il ne faut surtout pas le déranger et si vous ne le pouvez pas, moi non plus je n'en ai pas le droit. » Ce qu’il était agaçant quand même… Elle savait qu’il faisait simplement son boulot et qu’elle ferait mieux de l’écouter et d’arrêter de perdre son temps mais elle n’en avait absolument aucune envie. Pas simplement par esprit de contradiction même si ce facteur pesait quand même dans la balance. « Rester ici toute la journée n’est pas un problème. » affirma-t-elle, une lueur de défi dans le regard. C’était faux cela dit : elle ne se voyait pas poireauter ici et regarder la nouvelle armoire à glace de son père dans le blanc des yeux toute la journée. Même si en soit il y avait des choses plus désagréables à regarder. « Vous savez quand j’ai quelque chose en tête je ne suis pas du genre à renoncer facilement… Je pourrais bien sûr, mais ça pourrait vite s’avérer problématique pour mon père. Pour vous aussi. Je suis sûre qu’il n’appréciera pas de savoir que vous m’avez renvoyé sans ménagement. » Malheureusement pour elle, il ne semblait pas être prêt à céder. Pourquoi fallait-il que son père n’engage que des gens consciencieux et appliqués dans leur travail ? Le jeune homme en rajouta d’ailleurs une couche. « Il n'y a même pas de chaises pour patienter, vous risquez de vous ennuyer rapidement. Vous feriez mieux de rentrer chez vous, je suis sûr qu'il vous donnera des nouvelles rapidement. » Qu’est-ce qu’ils avaient tous à toujours vouloir la contrarier ? Pourquoi est-ce qu’il ne voulait pas lui donner ce qu’elle voulait, ça lui coutait quoi ? Nora allait très vite s’impatienter. C’était clairement un dialogue de sourds, aucun n’allait céder. « C’est franchement lassant comme petit jeu. » dit-elle en soupirant. « Faites-moi entrer, il ne vous en voudra pas de l’avoir dérangé, je lui dirais comme vous êtes un excellent employé, que vous avez fait votre travail, je lui dirais que c’est de ma faute si effectivement j’ai dérangé un rendez-vous de la plus haute importance, et non de la vôtre. Vous n’avez rien à perdre. » finit-elle par dire les yeux presque brillants, prête à lui sortir le grand jeu pour qu’il cède. Son regard faisait toujours craquer tout le monde, on ne lui résistait que très rarement.

Nora insistait beaucoup. Peut-être un peu trop même puisqu’elle sentait le jeune homme en face d’elle perdre patience. Elle aussi perdait patience en même temps, elle ne se voyait pas parlementer avec lui pendant des heures. Elle en avait déjà marre d’ailleurs, mais elle ne pouvait pas lâcher l’affaire si vite. Son esprit de contradiction s’était pas mal développé depuis quelques temps et elle avait là une bonne occasion pour le mettre en pratique. Si elle voulait avoir ce qu’elle veut, elle devait se montrer inflexible. Il semblait l’être également puisqu’il ne semblait pas vouloir céder. Et plus il refusait, plus elle se demandait pourquoi. Elle souhaitait simplement s’entretenir avec son père, elle pouvait comprendre s’il était en rendez-vous et qu’il avait autre chose de prévu, elle voulait juste lui parler un court instant. Qu’est-ce que ça lui coutait ? Elle alla jusqu’à menacer celui qu’elle prenait pour le garde du corps de son père mais visiblement ceci n’eut aucun effet. « Ne vous inquiétez pas pour moi. Votre père m'apprécie beaucoup. » Il avait l’air tellement sûr de lui en plus que s’en était agaçant. Elle avait presque envie de lui faire ravaler son petit sourire fier. « J'ai reçu les ordres de sa part. Il ne veut voir personne. Il ne vous a pas mentionné du tout. » La jeune femme fronça les sourcils. Ca l’étonnait beaucoup que son père ait fait ça alors que c’était lui qui était à l’initiative de ce déjeuner. Si cela s’avérait être vrai, elle n’était pas prête de lui pardonner et surtout elle n’était pas prête de se calmer et de lâcher l’affaire. « Il ne vous a vraiment rien dit ? J’y crois pas. » Elle avait d’autant plus envie d’entrer dans ce foutu bureau et de lui dire ce qu’elle pensait. Comment pouvait-il prendre un tel risque après tout ce qu’il avait déjà fait ? Nora avait visiblement pensé à tort qu’il était prêt à se racheter auprès d’elle. Qu’elle était naïve. « Vous n'êtes vraiment pas du genre à lâcher ? » Il ne le comprenait que maintenant ? Elle ne répondit rien, se contentant de soutenir son regard. Elle savait qu’il avait déjà la réponse. Elle le lui avait assez dit jusqu’ici. « Bon je vais être sincère avec vous. Votre père a des problèmes et si vous continuez à autant insister vous en aurez aussi. Je vous conseille de partir afin que votre joli petit minois reste intact. » La jeune femme eut un mouvement de recul. Son ton avait changé… Il était devenu plus inquiétant. Nora commença à douter. Etait-ce réellement le garde du corps de son père ? Elle y croyait de moins en moins. Son cœur se mit à battre plus vite dès qu’elle réalisa ce qu’il venait de lui dire. « Des problèmes ? Quel genre de problèmes ? » Elle aurait peut-être dû partir comme il venait de lui conseiller. Elle ne se l’expliquait pas mais elle sentait qu’il était capable d’aller jusqu’à lui faire du mal, réellement. Elle sentait qu’elle devait avoir peur, elle l’était quelque part, mais elle n’arrivait pas à partir pour le moment. Elle était partagée entre sa curiosité, son entêtement et son inquiétude. « Que lui avez-vous fait ? Qui êtes-vous ? » Comme s’il allait lui répondre. « Je ne jouerais pas avec le feu à votre place. » C’était exactement ce qu’elle voulait faire pourtant. Enfin pas intentionnellement, elle ne pouvait juste pas s’en empêcher. Elle s’avança, essaya d’atteindre la porte. « Papa ?! » cria-t-elle surement en vain.

« Le genre de problèmes dans lesquels il ne vaut mieux pas se mêler. » Cette réponse ne satisfaisait pas du tout la jeune femme. Ca ne faisait qu’attiser sa curiosité en fait et s’il comptait se débarrasser d’elle comme ça c’était raté. Elle sentait clairement le danger, vu le ton qu’il avait utilisé et son attitude qui s’expliquait soudainement. Alors c’était ça, il allait lui faire du mal ? Il avait le regard de quelqu’un qui avait l’habitude de faire du mal en tout cas… Son cœur se mit à battre la chamade. Cet avertissement c’était le signe qu’il fallait qu’elle parte, qu’elle fuie d’ici le plus vite possible. Cependant, il s’agissait de son père et s’il ne lui était pour le moment rien arrivé à elle, il était forcément en train de se passer quelque chose de mauvais pour lui. Pourquoi aurait-il refusé de la laisser entrer sinon ? Nora ne répondit rien et fit quelque chose de spontané mais très stupide : elle tenta d’approcher de la porte et tenta même d’appeler son père. L’inquiétude avait parlé et elle qui était si réfléchie habituellement n’avait même pas pris la peine d’évaluer la situation. Elle n’avait aucune chance contre le jeune homme et elle s’en rendit bien vite compte. Mais elle ne pouvait pas ne pas essayer, peu importe les problèmes qu’elle avait avec son père, elle ne pouvait pas le laisser aux mains d’hommes inquiétants. Elle voulut crier tandis que le blond s’approchait d’elle mais il fut plus rapide en l’attrapant et en lui couvrant la bouche. Un instant elle fut tentée de le mordre et de le frapper pour s’enfuir mais elle fut plus intelligente cette fois, là encore, elle n’aurait aucune chance. « Ça ne sert à rien de l'appeler, il ne vous entendra pas. » Puis leurs regards s’accrochèrent quelques instants. Elle essaya de sonder ses yeux, espérant y déceler un quelconque espoir d’être relâchée. Elle le sentit hésiter quelques secondes alors qu’on pouvait lire dans son propre regard de la peur et de l’incompréhension. Elle ne réussit pas à le faire céder et il l’entraina dans une chambre à côté, qu’il ferma à clé après l’avoir forcée à entrer. Génial, maintenant elle n’avait plus aucune chance de s’enfuir. Et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même parce qu’il l’avait prévenue plus d’une fois. « Je suis désolé, je ne peux pas vous laisser attirer l'attention sur nous. » Elle échappa un rire nerveux. « Désolé ? Bien sûr oui. » Elle planta son regard dans celui du jeune homme espérant y trouver une réponse à sa prochaine question. « Vous allez me tuer n’est-ce pas ? » Sa voix n’avait pas tremblé même si elle avait encore plus peur qu’avant et qu’elle sentait que tout ça ne pourrait pas bien finir. Comment en était-elle arrivée là ? Elle était juste venue pour déjeuner avec son père et voilà qu’elle se retrouvait séquestrée par un psychopathe ! « Votre père n'est pas celui que vous croyez, du moins pas aussi intègre et honnête que vous le pensez peut-être. Il a fait des affaires avec les mauvaises personnes. » La jeune femme eut du mal à assimiler ces propos. Il parlait bien de Jonathan Norwood là ? L’homme intègre et respectable qui se permettait de lui donner des leçons ? Elle n’en revenait pas et avait même du mal à le croire. Elle resta d’ailleurs interdite quelques instants. Que pouvait-elle répondre à ça ? Est-ce qu’elle pouvait croire à ces paroles ? En même temps, il n’y avait pas trente-six mille explications au comportement du jeune homme… « Vous mentez. » Elle avait choisi de ne pas suivre la voie de la raison alors que jusqu’ici elle prouvait qu’il disait la vérité. « Je vous demande juste de rester calme, la vie de votre père n'est pas en danger si ça peut vous rassurer. » Nouveau rire sarcastique. « Rester calme ? Comment voulez-vous que je reste calme alors qu’un malade est en train de me menacer ? Je pense que je vais crier plutôt. »

Nora avait vraiment peur. Elle réussissait à garder son calme pour le moment mais elle ne savait pas combien de temps cela durerait. Le jeune homme avait déjà grimpé d’un cran sur l’échelle du « comportement menaçant », qui savait jusqu’où il pouvait aller ? « Non je ne vais pas vous tuer. Je vous en donne ma parole même si vous voulez. » C’était censé la rassurer ou pas ? Parce que ça ne fonctionnait pas vraiment. Son petit sourire juste avant de répondre ne lui avait limite fait froid dans le dos alors elle ne savait pas si elle pouvait le croire. Néanmoins, un léger espoir venait de naitre en elle, elle pouvait bien lui accorder le bénéfice du doute. Puis ça l’empêcherait de virer folle. « Bien. Je ne sais pas si c’est une bonne idée mais je vais vous faire confiance.» Elle espérait juste ne pas le regretter par la suite – remarquez si elle mourrait, elle ne pourrait plus rien regretter. Cette promesse passée, il lui avoua ensuite que son père n’était pas celui qu’elle croyait, allant jusqu’à dépeindre le portrait d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Enfin… c’était vrai plusieurs mois auparavant en fait. Depuis qu’il l’avait fiancée de force sans même se soucier d’elle ou de ce qu’elle voulait, elle se disait qu’après tout, son père était bien capable de tout et surtout du pire. Seulement, par esprit de contradiction surement, elle ne voulait pas y croire et ne s’embêta pas pour contredire son geôlier. « Croyez ce que vous voulez. Mais vous n'oublierez pas que je vous ai prévenu lorsque vous apprendrez la vérité. » La jeune femme haussa les épaules, faisant mine de n’en avoir rien à faire. Bien sûr cela resterait dans un coin de son esprit mais elle ne voulait pas lui donner la satisfaction de reconnaitre qu’il avait raison. Son petit air de monsieur je-sais-tout l’agaçait réellement. « Je connais mon père et peu importe ce que vous me direz, je ne vous croirai pas. » Elle menaça ensuite de crier s’il ne la laissait pas sortir. Il prit alors un air franchement menaçant et Nora se recula immédiatement, instinctivement. Il devait bien s’amuser tiens, à se montrer tout gentil un instant et à lui faire peur comme ça l’instant d’après. « Vous voulez peut-être que je vous attache alors ? Plus vous rendrez les choses désagréables pour moi, plus je serais désagréable avec vous. » Ok, peut-être qu’elle devait se tenir à carreau alors. Elle ne répondit rien et le fixa, guettant la moindre réaction pour se préparer à agir en fonction. Elle resta immobile, elle ne voulait pas bouger de peur d’attiser sa colère à nouveau. « Dès qu'ils auront fini de s'occuper de votre père, je vous laisserais sortir et on ne se croisera plus jamais. » Leurs regards s’accrochèrent et elle put lire dans celui du jeune homme qu’il disait la vérité. Cela la rassura plus que ses mots, les expressions du visage étaient en général bien plus parlantes. « Parfait. » Une pointe de déception l’envahit cependant. La violence qui émanait de lui et ses airs inquiétant mis à part, elle n’aurait pas été contre revoir ces yeux bleus et ce sourire agaçant. Enfin, non, elle serait beaucoup mieux loin de lui, elle n’avait pas envie de revivre ce qu’elle était en train de vivre à l’instant. « Imaginez plutôt que vous avez gagnez une après-midi repos, vous pouvez même dormir si vous voulez, ça ne me dérange pas. » La jeune femme ne put s’empêcher de lui rire gentiment au nez. « Vous êtes conscient que je n’ai absolument pas confiance en vous ? » Non, elle ne venait pas du tout de se contredire là. « Qui sait ce que vous pourriez me faire… Je sais que les reins se vendent très bien sur le marché noir or je tiens pas mal aux miens. Mais allez-y vous, si vous voulez dormir, je ne vous retiens pas. » Comme s’il allait le faire tiens. Si elle n’avait pas confiance en lui, il n’avait surement pas confiance en elle non plus pour croire qu’elle allait rester sagement avec lui dans la chambre. « Je m'appelle Koschei et je serais votre hôte pour la journée. Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas. Je suis à votre service. » Voilà qu’il s’essayait à la plaisanterie maintenant. Il était définitivement étrange. Nora ne se dérida pas pour autant et le toisa, toujours les bras croisés. « A mon service, hein ? Allez me chercher un café alors. Un sucre, avec un nuage de lait. » Bon il n’allait certainement pas se faire avoir aussi facilement mais ça valait le coup d’essayer. « Merci. » ajouta-t-elle avec un sourire préfabriqué et le même signe de tête.

Finalement, Nora avait décidé de ne pas faire confiance à Koschei. Elle venait pourtant de lui affirmer le contraire mais il ne devait sans doute pas s’en formaliser. Il devait même avoir l’habitude de ce genre de choses s’il lui arrivait souvent d’enfermer des gens comme ça. Quoiqu’il en soit, il ne se vexa pas mais ne se gêna pas non plus pour le faire remarquer à la jeune femme. « Vous changez d'avis rapidement. » Elle ne changerait plus d’avis à présent. « J’ai du mal à me décider mais quand ma décision est prise elle ne change plus. » Elle haussa les épaules, il n’en avait certainement rien à faire en fait. Mais si elle venait à le croiser dans le futur – ce qu’une toute petite part d’elle-même espérait au fond et dans d’autres circonstances bien entendu – elle ne lui ferait automatiquement pas confiance. C’était tellement paradoxal d’avoir envie de le revoir alors que la seule chose qu’elle voulait à présent c’était de s’éloigner le plus possible. Sortir d’ici, s’enfuir, s’enfermer à double tour chez elle en sécurité. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de le vouloir, et elle se trouvait sacrément bizarre pour le coup. D’autres idées lui vinrent en tête et la perturbèrent encore plus. Ils étaient tous les deux coincés dans cette chambre et le jeune homme avait tout le loisir de lui faire du mal. Elle était sans défense et s’il venait à tenter quelque chose elle ne pourrait pas faire grand-chose pour se défendre. Sa première hypothèse fut qu’il était prêt à l’opérer sans anesthésie et lui voler un de ses reins. Quoi… Elle ne savait pas exactement de quoi il était capable, elle sentait juste qu’il était capable de beaucoup de choses. « Nooon. Moi je suis plutôt dans le trafic de cheveux. C'est dommage j'ai oublié mon rasoir mais les votre auraient été parfaits dans ma collection de perruques. » Ah oui, tout de suite, c’était plus rassurant. Au moins elle n’aurait pas mal – sauf peut-être à son amour propre. La jeune femme fit une moue pensive, considérant la chose. « Je n’en doute pas, j’en prends grand soin. Mais pourquoi pas après tout, si jamais un jour je veux devenir chauve je vous appellerai. » Il semblait vouloir jouer avec elle, pourquoi ne pas rentrer dans son jeu du coup ? Ça ne pouvait pas lui faire de mal et elle préférait entendre des taquineries plutôt que des menaces, c’était bien plus agréable. Il se présenta ensuite et lui proposa d’être à son service pour la suite des festivités. Nora sauta immédiatement sur l’occasion mais comme elle l’avait prévu il n’était pas si naïf que ça. « Arf, je suis désolé on est à court de café. Je peux vous donner un verre d'eau. » Il avait l’air franchement embêté tiens. La jeune femme prit donc un air déçu et soupira même. « Tant pis pour moi alors. Ce sera un non pour l’eau du coup, et désolée de vous dire ça mais vous ne faites pas un très bon hôte. Vous auriez pas mal de trucs à apprendre même. » Sur comment se comporter avec les demoiselles aussi. Par exemple, on ne les enfermait pas dans une chambre dès la première rencontre et on ne faisait pas non plus de mal à leur père. Tout était à reprendre chez lui sur ce point. « Ou vous faire un massage gratuit. » Ah, tout de suite, cette proposition était plus tentante. Cela lui faisait même gagner pas mal de points. Et vu comme elle était sur les nerfs ces derniers temps, Nora aurait bien eu besoin d’un massage… « C’est franchement tentant comme proposition. »Elle marqua une pause et son visage se ferma quelque peu. « Malheureusement je vais devoir refuser aussi, je préfère que vous restiez là où vous êtes. » Et elle veillerait bien à rester là où elle était, la distance aussi conséquente que le permettait la taille de la chambre lui convenait parfaitement. S’il voulait s’occuper, il n’avait qu’à le faire. Cela lui allait très bien à elle de se contenter de le fixer de là où elle était. Il pouvait faire ce qu’elle voulait tant qu’elle pouvait le garder à l’œil. « Je suis déçu en plus, je vous ai dit mon prénom et je ne connais même pas le vôtre. Vous n'êtes pas une prisonnière très gentille. » Elle n’avait même pas réalisé qu’elle ne s’était pas présentée en retour. Elle ne l’avait pas fait intentionnellement en tout cas. Comme elle remarquait qu’il faisait des efforts avec elle et qu’il était moins menaçant qu’auparavant, elle décida d’exaucer son souhait. « Nora. Et franchement vous ne pouvez pas dire que je ne suis pas gentille, je ne vous ai pas tant compliqué la vie que ça depuis que vous m’avez enfermé je trouve. Je suis même une prisonnière exemplaire. »

« Je suis sûre que ça vous irait très bien. » Un peu que ça lui irait, très bien elle était parfaite et le resterait en toutes circonstances. Bien sûr elle regretterait ses beaux et longs cheveux blonds dont elle prenait grand soin depuis toujours mais elle préférait autant les perdre que de perdre un rein quoi. Ca n’avait pas franchement la même utilité. Elle ne répondit pas mais accepta le compliment. Koschei lui proposa ensuite d’être à son service et elle tenta de le faire partir d’ici pour pouvoir s’enfuir par la suite mais il ne tomba pas dans le panneau – même un bleu ne serait pas tombé dedans en même temps – et lui proposa autre chose en échange. Contrariée, elle ne se priva pas pour le montrer et refusa. Nora lui reprocha ensuite ses « mauvaises manières ». Elle s’y connaissait, et pas qu’un peu, dans ce domaine et elle était bien placée pour le sermonner un peu sur ce point. Il voulait jouer un peu avec elle, il n’y avait aucune raison pour qu’elle ne fasse pas la même chose avec lui. « Oh ça se voit tant que ça que je débute... » Bah tiens, il avait l’air vraiment~ contrarié. En même temps, il n’était pas là pour être gentil et bien se comporter avec elle. Son père était en train de se faire torturer à côté, il semblait avoir le contrôle sur tout, elle était censée être sa prisonnière… On ne pouvait pas vraiment s’attendre à plus bonté de sa part. L’anglaise était même plutôt chanceuse si on tenait compte de la situation, il aurait pu la tuer il y a bien longtemps. Mais non, il n’en était rien. Il lui proposa même un massage… Elle n’avait jamais été otage de sa vie mais elle n’avait jamais imaginé que ça pouvait se dérouler de cette façon. Bien qu’elle en aurait eu grand besoin, Nora refusa une nouvelle fois sa proposition, à contrecœur. Elle préférait qu’il reste loin d’elle tant qu’elle n’avait pas confiance en lui. « Tant pis, vous ne savez pas ce que vous ratez. » Il avait toujours la même attitude, s’en était presque agaçant. « Vous pouvez m'apprendre à être un meilleur hôte si vous voulez. » Elle fit une moue pensive. C’était une façon comme une autre de passer le temps. Et puis si cela pouvait servir à ce que ses prochains otages passent un moment moins désagréable que prévu, pourquoi pas après tout. « Vous me promettez d’être un bon élève ? » L’idée qu’il puisse être son élève était assez surprenante, inimaginable même. « Je ne suis pas contre un massage moi. » Il n’allait pas la lâcher son idée de massage, décidemment. Nora leva même les yeux au ciel. « J’imagine oui, donner des ordres et attendre devant une porte que quelqu’un fasse le sale boulot à notre place ça doit être… éreintant. » ironisa-t-elle. « Vous devez bien avoir quelqu’un pour faire ça pour vous, je me trompe ? J’imagine qu’on ne refuse rien aux gens comme vous. » Enfin, sauf elle quoi. Mais elle se doutait qu’il n’espérait pas vraiment qu’elle s’exécute alors il n’était surement pas déçu. Elle n’avait pas franchement envie de le contrarier, même s’il semblait plutôt conciliant avec elle. Il ne semblait pas vouloir lui faire de mal, il avait eu mille fois l’occasion de le faire depuis qu’ils étaient enfermés ici. Koschei lui demanda ensuite son prénom et tout en se présentant, Nora ne put s’empêcher de vanter ses propres mérites. Elle pouvait être très insupportable quand elle le voulait – surtout quand elle ne craignait pas pour sa vie. « C'est vrai, puis il faut dire que j'en ai rarement des aussi plaisantes à regarder. » Il n’était pas avare en compliments. Ce n’était pas la première fois qu’il lui signifiait qu’elle lui plaisait physiquement parlant et elle commençait vraiment à croire qu’elle ne devait son salut qu’à ce fait. C’était toujours ça, au moins elle était en vie. Elle fit celle qui ne releva pas et haussa instinctivement les épaules. « Vous avez conscience que ça va être très dur pour moi de ne plus vous revoir et c'est entièrement de votre faute. » Ca, par contre, elle ne s’y était pas vraiment attendue. Ca la déstabilisa même un peu à vrai dire. Elle prit un petit moment de répondre, se raclant la gorge. « Pourquoi ce serait de ma faute ? Ce n’est pas moi qui ait choisie d’être ici, vous ne pouvez-vous en prendre qu’à vous-même. » Elle ne comprenait pas vraiment à quoi il jouait mais elle allait rester prudente, peut-être qu’il ne faisait ça que pour l’amadouer et mieux l’avoir après. La jeune femme lui fit un sourire désolé. « Quoiqu’il en soit, c’est dommage pour vous parce que je ne tiens pas vraiment à vous revoir, moi. » En fait, si. Enfin, dans d’autres circonstances bien sûr, mais s’il se montrait toujours aussi charmant et pas menaçant comme il l’était au début, pourquoi pas. Il faudrait aussi qu’il arrête de menacer sa famille, elle n’appréciait pas trop. « Enfin…si vraiment c’est trop insupportable pour vous de ne pas me revoir – je comprends parfaitement, je fais cet effet à beaucoup de monde – je pourrais peut-être faire un effort. Je n’aime pas que les gens soient malheureux alors bon… » C’était très ironique mais elle avait une idée assez claire derrière la tête. « Donc oui, il se peut que j’accepte de vous revoir si jamais vous promettez de laisser mon père tranquille. » Elle avait des doutes quant au fait que ça fonctionne et elle se surprenait elle-même à lui faire une telle proposition. Mais bon, elle aimait son père et l’idée qu’on lui fasse du mal lui était insupportable, peu importe à quel point elle lui en voulait. Elle regarda le jeune homme dans les yeux, lui montrant ainsi qu’elle était sérieuse et déterminée. Elle s’attendait à ce qu’il lui rit au nez maintenant.