Allongé sur un brancard, je regardais le plafond. J'étais encore habillé et éveillé. Tendant le bras gauche, j'attrapai le dossier rose pâle et souffla. Je relisais le jargon médical et soupirais une fois encore. Je ne savais pas comment prendre la nouvelle. Je ne savais même pas comment j'allais l'annoncer à Aloysia. Depuis décembre, nous nous étions pas mal rapprochés. Nous avions passé pas mal de temps ensemble à discuter, profiter, rire et se remémorer nos bons moments. Nous n'avions jamais dérapé, toujours sauvé par le gong ou je ne sais quoi. Je l'avais épaulé tant bien que mal dans l'expérience qu'elle était entrain de traverser. La fille qu'elle avait mis au monde était malade, une leucémie, et elle avait du faire un don de moelle osseuse pour l'aider. Seulement, ses anticorps n'étaient pas assez nombreux pour faire les tests. L'hôpital avait donc sorti tous les papiers sur la petite pour voir si son père biologique était compatible, un peu plus compatible qu'elle en tout cas. Après quelques lectures, les médecins s'étaient rendus compte que, biologiquement parlant, la petite fille ne pouvait pas être la fille de ce donneur, de cet homme qui avait payé Aloysia pour tomber enceinte. Passant pas mal de temps à l'hôpital pour mes recherches et consultations, les médecins m'avaient expliqué le topo. Après quelques examens, il s'avérait que j'étais le père de cet enfant, de cette petite fille qui mourrait petit à petit. La nouvelle avait mis du temps à arriver jusqu'à mon cerveau. Comment cela avait-il été possible ? Nous ne prenions jamais aucun risque et voilà que j'avais une petite fille de six ans. Sur le lit, je déglutis difficilement. Ce n'était pas possible. Et pourtant, papier en main, je blanchissais de la découverte, de la nouvelle. Je le savais depuis une petite semaine mais j'avais voulu vérifier par moi même. Entendant quelqu'un frapper à la porte, je ferma le dossier et me redressa légèrement. « Tu vas prendre ta douche Eden ? On va bientôt t'emmener au bloc pour trois à quatre heures » Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Le don de cellules souches périphériques était mieux qu'un don de moelle osseuse à proprement parlé pour la petite. Du moins, c'était ce que les médecins m'avaient dit et j'avais tout bêtement suivi ce qu'ils m'avaient dit. Je n'avais pas été chercher ce qui était le mieux, trop perturbé par la nouvelle. Il fallait mes plaquettes pour qu'elle aille mieux et puis c'est tout. Me levant, je déboutonna ma chemise, avala mes cachets et partis sous la douche. Alors que l'eau coulait sur ma peau, je fermais les yeux. Si on m'avait dis que j'allais faire un tel don aussi jeune, je n'y aurais pas cru. Autant donner mon sang ne me faisait pas peur mais là, c'était autre chose. Je connaissais bien la procédure pour l'avoir étudié pendant mes années de médecine mais tout de même... Soufflant légèrement, j'imaginais l'état dans lequel sera Madison – et Aloysia – quand elle apprendrait la nouvelle. Elle ne savait pas qu'elle avait une grande sœur et encore moins que son super papa allait devoir rester à l'hôpital quelques jours. Je m'étais arrangé avec Jane et les parents pour s'occuper de la petite. Elle pensait que j'étais en déplacement pour une conférence. Lui mentir était si facile que j'en avais la chair de poule. Me badigeonnant de bétadine, je ressemblais à une carotte géante. Un sourire se dessina sur mes lèvres. J'étais tout beau comme ça ! Ou pas... j'allais être éveillé pendant quatre heures, quelques aiguilles plantées dans chaque bras, à ne rien faire. Il allait falloir que je me repose, que je m'occupe mentalement mais surtout que je ne m'endorme pas, chose qui allait être plutôt difficile quand on savait que je n'avais pas énormément dormi ces six derniers jours. Enfilant la robe de chambre hospitalière, je grimaça. Franchement, c'était dégradant pour un homme et pas agréable du tout. Heureusement pour moi, j'avais le droit d'enfiler un boxeur pour ne pas montrer mes fesses à toute la France alors que j'allais traverser les couloirs et direction de la salle de prélèvement. Pressant le bouton d'aide, je souris en voyant une jolie infirmière entrer dans la pièce. « Je suis prêt à ce que vous m'ennuyez me faire vider de mon sang » Je lui fis un clin d'oeil. Ils n'allaient pas me vider de mon sang mais seulement prendre ce qui leur servirait. Voyant entrer une chaise roulante, je pris place dans cette dernière et me laissa conduire jusqu'au lieu dit. « Excusez moi... Vous pouvez appeler ce numéro dans trois heures trente et demander à la jeune femme de venir en urgence à l'hôpital ? Une fois qu'elle sera là, ce serait sympa de l'informer que son don n'était pas concluant et que, du coup, j'ai du procéder à des examens, étant son petit ami à l'époque et que mon ADN correspondait à celui de la petite ? » La jeune femme me regarda étrangement et acquiesça, attrapant le bout de papier sur lequel j'avais noté le numéro de mon ex petite amie. Je ne lui avais rien dit sur l'état de la petite. J'avais juste dis qu'il fallait du temps avant de voir si la greffe avait marché, ce qu'Aloysia avait tout simplement gobé. Lui souriant, je me laissa faire et commença à regarder droit devant moi, évitant de penser à quoi que ce soit. Il fallait que je me détende. Plus facile à dire qu'à faire.