La France. Pays de Molière, de la grande cuisine et de magnifiques paysages… Maggie avait été impossible à canaliser durant tout le voyage, qui lui avait semblé diablement long alors qu’elle était une grande habituée de l’avion et avait donc pu leur garantir deux places en classe business. Elle avait déjà fait un voyage de plus de vingt-quatre heures pour se rendre en Australie, ce n’était donc pas un petit vol pour Paris qui allait l’effrayer ! Elle ne put malheureusement pas fermer l’œil, chose qui lui aurait pourtant fait du bien et saoula sa jumelle autant qu’elle regarda des films proposés par la compagnie aérienne. Quand enfin elles furent à l’aéroport parisien, louer une voiture fut particulièrement simple à l’aide du français irréprochable de Lizzie. Une chance ! Sans son aide, Maggie aurait considérablement galéré, et ce bien qu’elle soit parfaitement en mesure de se rattraper avec la conduite : chose qu’elle maîtrisait ! « Franchement, il avait l’air lourdingue de loueur de voitures, non ? Je n’ai pas tout compris ce que vous avez dit, mais en même temps maintenant on s’en fout : direction Saint Malo !! On ne devrait pas en avoir pour plus de trois heures en prenant l’autoroute d’après ce que j’ai calculé, et dieu merci pour l’invention du GPS… » Lizzie connaissait sûrement la France mais peut-être pas la route menant jusqu’en Bretagne, à moins que Maggie ait clairement zappé un épisode… « Tu voudras commencer par quoi ? Installation et shopping ou direct début des hostilités avec massages et passage au spa ?! »

« Relax Max, je ne vais pas nous mettre dans le fossé ! » râla faussement Maggie tout en démarrant. Elle avait légèrement perdu la notion de limitations de vitesse depuis qu’elle s’était mise au circuit. C’était grisant, confortable, cela lui permettait de repousser toujours ses limites… mais d’un autre côté, à force de perdre toute réalité de cette manière, elle n’était plus réellement consciente de la bonne conduite à adopter sur une route publique. Une chance que la raison soit le deuxième prénom de Lizzie et qu’elle soit à côté d’elle pour la surveiller ! « Vrai, faut qu’on mange, j’oublie toujours ce détail ! » ironisa Maggie aussitôt alors qu’elle faisait extrêmement attention à respecter les cent trente kilomètres heures au compteur… après tout, elles se trouvaient sur une autoroute, le temps était au beau, il n’y avait donc aucune raison d’appuyer sur la pédale de frein pour l’instant ! « Ne me regarde pas comme ça je plaisante ! D’après la doc que j’ai pu lire sur l’hôtel où on va être, il y a un très bon restaurant qui propose des spécialités bretonnes… je me ferais bien une crêpe personnellement, on en mange jamais ! » Finalement, Maggie était légèrement perturbée par le décalage horaire et ne se rendait pas totalement compte qu’ici, c’était presque le soir. Elles allaient arriver dans quatre heures à leur hôtel et par conséquent, il serait temps pour elles de faire une collation bien méritée… « Moi ton programme me convient ! Mais ça me fait penser à une chose : que dirais-tu, après notre petit passage au spa et dans le cadre de nos vacances bien méritées, que l’on se fasse une petite virée à Vegas ? »

« Bennett un jour, Bennett toujours ! Ca devrait devenir une religion m’est avis ! » Maggie laissa échapper un large rire qui ne s’amoindrit même pas alors que le téléphone de Lizzie se mit à sonner. Diantre, pour une fois, ce n’était pas la carriériste de service qui était demandée, chose étonnante ! Mais en optant pour le fait de partir à l’autre bout du globe, l’américaine avait aussi pris la décision d’éteindre son appareil de malheur. Pas de PDA, d’organizer, pas d’ordinateur et encore moins de smartphone. Aucun appareil électronique, chose qui n’était pas évidente à envisager pour une businesswoman toujours sur le front comme Maggie, mais qu’elle était prête à faire pour profiter d’un moment privilégié en compagnie de sa jumelle. « Tu te rends compte que pour une fois j’ai foutu mon portable sur off et que c’est toi qu’on harcèle ? C’est le monde à l’envers… si tu veux je peux répondre et lui dire d’aller se faire fiche ? Je serai douce, tu as ma parole… » Mais douce pour Maggie n’était pas à prendre au sens littéral du terme. Elle avait beaucoup de mal à être quelqu’un d’autre qu’une femme à poigne que tous craignaient. Mais c’était grâce à son tempérament impossible et intransigeant qu’elle avait su se faire une place dans ce monde si masculin et être hautement respectée ! « Un faux mariage ? Rhaaa dis pas ça tu vas nous porter la chkoumoune ! Si ça se trouve on va tellement être alcoolisée que l’on ne tiendra pas debout et donc que l’on va épouser le premier venu… je ne te raconte pas la tête que feraient papa et maman ! »

« Un nouveau dessinateur ? Raconte ! » Lizzie était relativement discrète sur son emploi, au même titre que Maggie d’ailleurs et elle ne l’en blâmait pas mais puisque celui-ci la joignait au beau milieu de leur début de vacances, la pétillante businesswoman estimait avoir le droit de connaître au moins deux ou trois détails sur les collègues de sa jumelle. C’était de bonne guerre après tout, non ? « Si tu le souhaites mais d’un autre côté, je ne sais pas exactement quand il va y avoir une sortie et si cela se trouve, quand on sera sorties du restaurant, les bouchons seront pires… tu as faim ? » Maggie avait une capacité extraordinaire à tenir des heures sans manger. Sans boire, c’était une autre paire de manche, mais elle se voyait tout à fait capable de patienter encore un moment, tout en priant pour que le bouchon ne s’éternise pas encore pendant des miles. « Oui bon d’accord pas le premier venu mais en attendant ils ne sont pas là ! Et puis tu te vois te marier avec un type que tu connais à peine, toi ? Je veux dire, tu as rencontré Gaspar et c’était apparemment une rencontre diablement agréable mais c’est peut-être un brin prématuré pour avoir voix au chapitre « ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits ogres » je crois. Quant à mon cas personnel… d’un côté ce moment que l’on a vécu avec Daryl était super, de l’autre, j’ai toujours l’impression de trahir Bill. C’est stupide, je sais… »

« Imbu de sa personne ? Tu veux dire qu’il se la pète ? » Oh dear. Il était arrivé plus d’une fois à Maggie d’avoir à faire à des petits jeunes se pensant arrivés, et comment dire… ils avaient quitté le bureau de la pétillante américaine la queue entre les jambes. Elle n’avait aucune patience ni même l’envie de prétendre le contraire dans ce genre de cas. Après tout, elle s’était faite à la force du poignet, luttant contre toutes les difficultés dès que celles-ci se présentaient et surtout sans se plaindre… exactement comme sa jumelle, et ce bien que leurs parcours professionnels soient sensiblement différents. Autant dire qu’elle admirait la patience de sa Lizzie adorée ! « Tu le casses en deux quand il en fait trop j’espère ? Ah que je n’aime pas ce genre de sale type ! Doué mais sans forcément casser trois pattes à un canard et insupportable derrière… il postule pour être édité par tes soins c’est ça ? » Connaissant sa jumelle comme elle la connaissait, Lizzie ne devait rien laisser passer et elle avait bien raison… « Si tu veux que l’on s’arrête pour manger tu hurles ! Et pour l’essence tout va bien, ne t’inquiètes pas je check et au pire, on s’arrêtera bien avant de tomber en rade. Tu me connais, je suis plutôt du genre prévoyante ! » Sauf pour ce qui concernait ses histoires amoureuses. Maggie relevait de la catastrophe ambulante et ni les années qui passent ni son expérience personnelle ne savaient lutter contre cet état de fait plus qu’avéré. « Je ne suis même pas sûre de vouloir me remarier à vrai dire. Ca fait trop mal quand tu perds quelqu’un. Mais pourquoi pas s’éclater au Casino, tiens… faire péter une suite dans un palace et en profiter à fond ! Tu voulais faire autre chose toi ? »

« Décidément à ton boulot, on te colle tous les plus chiants ! » s’insurgea rapidement Maggie face à ce constat proprement désappointant. Lizzie avait certes une patience d’ange mais au final, elle se faisait avoir plus qu’autre chose : à force d’aimer son boulot, ses patrons usaient et abusaient de sa gentillesse, chose qui faisait littéralement bondir sa jumelle. A vrai dire, la pétillante businesswoman aurait bien du mal désormais à être sous le joug d’un patron… elle aimait bien trop sa liberté, le fait de disposer de son agenda comme bon lui semblait pour s’arrêter aux désidératas de quelques petits chefaillons insupportables ! « Et tu ne peux pas dire que tu ne veux pas t’en occuper ? Après tout, ce n’est pas exactement comme si tu n’avais aucun boulot, tu dois recevoir plein de dessinateurs et autres coloristes très doués, tu peux tout aussi bien dire à ce monsieur je sais tout que l’on se bouscule à ta porte et que sans un peu de modestie, il ne fera pas long feu chez Marvel ! Il ne faut pas hésiter à rentrer dans le lard des gens, tiens… sinon le respect se perd ! » Maggie était plus brute de décoffrage que ne le serait jamais sa jumelle, c’était une certitude. Mais d’un autre côté, face à Lizzie, elle redevenait aussi douce qu’un agneau et la conseillait sur tout ce dont elle pouvait bien avoir besoin… y compris un nouveau trip pour rallonger leurs vacances, sauf que celui-ci se déroulerait à Vegas ! « Concerts, casinos… suite présidentielle ! Je te préviens on ne va rien se refuser, on trame bien trop toute l’année sans vacances pour se laisser avoir. Et tant pis si les mecs râlent parce qu’on a disparut pendant plusieurs semaines tiens ! Remarque, Gaspar n’a peut-être pas ton numéro… »

« Attends, attends une seconde : tu as envie de quitter la maison Marvel ? » Autant dire que si tel était le cas, Maggie en serait la première étonnée. Lizzie n’avait donné aucune signe avant coureur, n’en parlait jamais en ces termes et si son assistante passait le plus clair de son temps à lui faire n’importe quoi tout comme à lui courir sur le haricot, la pétillante businesswoman était loin d’imaginer que sa brillante éditrice de sœur irait jusqu’à imaginer claquer la porte de cette grande entreprise. N’y avait-elle pas un poste particulièrement envié ? Peut-être trop, malheureusement… voilà là où le bas blessait et malheureusement, même Maggie ne pouvait pas la blâmer à ce niveau là. « Toi, pas capable ? Arrête tes choseries Lizzie, tu es la personne la plus capable que je connaisse ! D’accord, tu es peut-être un poil trop gentille pour ce monde de requins mais tu oublies que tu as une sœur qui a l’habitude de sortir la cravache pour les mater… si tu décides de changer d’horizon professionnel pour te lancer dans TA boîte, alors j’applaudis et je suis même prête à mettre des capitaux dans l’affaire pour que tu te lances sans problème. Si en plus tu as une clientèle qui va suivre… qu’est-ce qui t’empêcherait de mener à bien l’idée, au juste ? » Maggie l’avait bien fait alors qu’elle sortait tout juste de l’université. Un pari risqué, certes, mais elle ne l’avait jamais regretté. Ce qu’elle risquait de regretter, par contre… c’était d’avoir elle aussi donné son numéro à Daryl. « Ca me rassure presque ! Je suis pas la seule nouille à avoir filé mon portable personnel à un type que je connais à peine… oh sœurette dans quoi on s’est embarqué sérieux ?! »

Depuis quelques minutes, Maggie n’avait de cesse de jeter des regards particulièrement fiers à sa jumelle. Enfin elle prenait les choses en main, et enfin elle était prête à cracher contre le patronat ! « Ma Lizzie est devenue une femme ! » déclara-t-elle avec une fausse émotion, juste pour tirer la situation en dérision et ainsi dédramatiser au mieux ce que Lizzie lui confiait. « Plus sérieusement, tu sais que tu pourras toujours compter sur mon soutien et mes conseils ? Je suis loin d’être une experte dans le monde de l’édition, c’est vrai… et je suis pratiquement sûre que Marvel risque de te poursuivre en justice si certains clients sont loyaux avec toi, mais j’ai d’excellents avocats à ma botte et puis tu n’es pas mariée avec eux ! Sens-toi libre de faire ton propre chemin, surtout s’ils n’arrêtent pas de t’imposer des personnes que tu ne peux pas sentir… après tout, tu sais ce que Papa dit toujours ? Si ce n’est pas ça, c’est forcément autre chose… ça colle à ton désir manifeste de changer légèrement d’orientation ! » Même si son poste restait une place enviée, il ne fallait pas qu’elle se détruise la santé, ce serait fort dommage. En tout cas Maggie ne laisserait pas faire une chose pareille, businesswoman toujours sur le front ou pas ! « Je n’ai pas dit inconnu, j’ai dit que c’était quelqu’un que je connaissais à peine ! A moins que j’ai carrément loupé un épisode, toi aussi tu connais à peine Gaspar… non ? Tu l’as vu combien de fois au juste ? »

Lizzie respirait le stress à plein nez, il ne fallait pas être devin pour le comprendre. Maggie pouvait tout à fait entendre son hésitation, mais d’un autre côté, à ne jamais vouloir prendre de risques quels qu’ils soient, sa jumelle risquait fort d’être malheureuse pour le restant de sa vie. C’était ça qui dérangeait le plus la pétillante businesswoman, particulièrement habituée à prendre des risques, bien que ceux-ci ne soient pas toujours intelligents. Mais au moins, une fois le risque pris, elle n’avait pas de regrets… « Est-ce que tu vas sûrement être en pleine bataille judiciaire ? Sûrement. Est-ce que tu vas détester les avocats ? Fort probable ! Mais Lizzie prend la chose autrement : est-ce que tu veux t’emmerder toute ta vie et avoir des regrets quand il sera trop tard pour agir ? De toute évidence, même si ta place chez Marvel est enviée, il n’en demeure pas moins que les responsabilités qu’on te donne sont à chier et que tu fais davantage office de bouche-trou qu’autre chose ! Et puis merde, c’est même pas sûr qu’ils t’attaqueraient. Tout dépend à vrai dire… ils ne voudront pas se faire une mauvaise publicité pouvant faire baisser considérablement le cours de leur action, crois-moi ! » Maggie ne s’y connaissait pas réellement en bourse, elle avait des spécialistes à son service pour veiller au grain, mais elle avait l’essentiel en tête. Marvel était une grosse boîte, mais elle avait également beaucoup à perdre. « Arrête de stresser, tu veux ? On ne fait qu’en parler, ne te prends pas le citron… quant à Gaspar, il t’a appelée depuis la dernière fois ? »

Maggie était la première à être consciente des potentielles conséquences pouvant être engendrées par le départ de Lizzie de la compagnie Marvel, mais cela ne voulait pas dire que sa jumelle ne devait pas tenter le tout pour le tout en vue d’avoir une vie la plus heureuse possible. La pétillante businesswoman serait la première à l’encourager, la protéger, quitte à devoir mettre jusqu’à son dernier dollar dans ce but. Il y avait toujours eu cette extraordinaire complicité entre elles et Maggie ne voulait jamais perdre cela. Aussi, si cela revenait à dire qu’elle devait pousser Lizzie à se battre pour son rêve… qu’à cela ne tienne. « Tu as raison, prends le temps d’y réfléchir, ne fonce pas tête baissée mais cela ne veut pas dire que tu n’as pas le droit de m’en parler. Tu sais, il n’y a pas grand-chose qui puisse me choquer ! Tu sais que cela fait des mois que la NASA cherche à me faire opter pour un poste chez eux ? Alors que je suis mille fois mieux payée en étant mon propre patron et QU’EN PLUS je n’ai pas le souci de devoir obéir à un patron… ils perdent leur temps et leur argent mais ils continuent, comme s’ils étaient certains de pouvoir un jour me faire plier. Ma foi, quand leur offre sera plus intéressante je reconsidèrerai la chose ! Mais tu sais que tu pourras toujours compter sur moi, n’est-ce pas ? » Même ne serait-ce que pour parler de Gaspar… « Tu as sûrement raison, comme toujours. Personnellement, je me surprends à vouloir qu’il m’appelle. Mais il faut dire que l’on a partagé un moment disons… intime lui et moi. »

« Éditions Bennett, j’aime ! » Maggie était même prête à mettre un bon pécule dans l’histoire si jamais sa jumelle se décidait à se jeter à l’eau, c’était une certitude certaine. De toute évidence, Lizzie aurait probablement besoin de fonds au moins au départ, n’est-ce pas ? Mais hélas, la pétillante businesswoman n’eut pas le temps de lui proposer la chose que déjà, la discussion partait sur un sujet la touchant davantage… à savoir la proposition d’embauche de la NASA. Effectivement, Maggie ne criait pas la chose sur tous les toits, ladite proposition la gênant plus sûrement qu’autre chose à vrai dire. « Ouais enfin, pas de quoi en faire tout un plat ! Je n’ai pas l’intention d’accepter, c’est un job trop exigeant et mal payé pour la tâche. Je préfère avoir la NASA comme client que comme patron… c’est presque devenu un jeu, ils me proposent, je refuse, ils signent de nouveaux contrats. Pourquoi chercher plus loin ? Je n’ai jamais dit que je voulais être astronaute après tout ! » Maggie haussa les épaules, bien consciente que leur père aurait tôt fait de lui arracher les yeux si seulement il savait quel genre d’offre elle avait refusé. C’était presque d’ordre militaire, mais même à sa jumelle, elle n’était pas habilitée à en parler. Dommage d’ailleurs… « Pourquoi tu as toujours peur que je m’énerve ? Je ne t’ai jamais battue pendant notre enfance ou alors j’ai claaaairement manqué un épisode ! Bien sûr que tu peux le faire, sœurette… il n’y a vraiment que toi pour en douter ! Tu veux faire un test en me prenant comme cobaye ? Je veux dire genre… imagine-moi dans la peau d’un client à qui tu voudrais faire signer un contrat… et oui, nu, Monopoly, faire sauter la banque, tout ça tout ça… »