« Allez ouvre, ouvre… » murmurait l’avocate en boucle depuis bien dix secondes alors qu’elle attendait que sa jumelle ne parvienne enfin à la porte. Certes, Maggie avait quelque peu évité les appels de sa sœur et considérablement repoussé les moments où elles pourraient se voir mais il y avait une raison tout à fait objective à cela. Cette raison mystérieuse, la jeune femme était venue l’expliquer à sa Lizzie préférée, après moult tergiversations et encouragements en compagnie de Daryl, qui avait presque dû la pousser hors de la voiture pour la décider à n’aller effectivement voir sa sœur jumelle. Il n’y avait plus qu’à espérer que Lizzie ne lui en veuille pas mortellement, sans quoi la culpabilité de Maggie n’en serait que plus forte. « Je sais, ça fait des lustres que tu ne m’as pas vue… » avoua piteusement l’avocate alors que sa jumelle lui ouvrait enfin la porte, manifestement toute ouïe à ses arguments : depuis quand devait-elle argumenter pour qu’elle ne lui ouvre la porte de LEUR appartement ? Certes, Maggie s’était réinstallée avec Daryl mais ce n’était pas une raison valable. « Tu vas laisser une future maman se cailler les miches dans ce foutu couloir ou tu vas accepter de m’ouvrir la porte ? »

Okay, c’était la première fois que Lizzie accueillait sa jumelle avec une telle tête d’enterrement. D’accord, Maggie avait joué au silence radio ces derniers temps mais vu le caractère exceptionnel de la chose, elle avait pensé, naïvement sans doute, que sa sœur lui pardonnerait une fois ses excuses prononcées… et la raison évoquée clairement. « Ca fait plaisir de voir à quel point je t’ai manqué ! » répliqua légèrement plus froidement Maggie, tout en fronçant les sourcils de voir à quel point sa jumelle pouvait être pâle. Son réflexe fut bien évidemment de prendre sa température en passant sa main sur son front, comme lorsqu’elles étaient plus jeunes et que l’américaine ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter pour la santé de sa sœur. « Pourquoi tu ne m’as pas appelée ? Ou même appelé Papa et Maman ! Merde, tu souffres toujours en catimini et lorsque je m’en aperçois, t’es dans un état pas possible ! Tu vas venir avec moi et on va à l’hosto illico presto jeune fille ! » Certes, elle avait l’impression d’enguirlander Daryl ou même l’une de ses deux filles adoptives mais Maggie avait toujours agit ainsi avec sa jumelle. « Magne ou je te traîne jusqu’à ma voiture ! » Pour l’instant, la nouvelle de la grossesse de l’avocate était légèrement passée à la trappe… mais tant pis.

« Je rêve ou à trente piges tu vas me faire du boudin ?! Tu veux que je te chante la chanson, peut-être ?! » Maggie regardait Lizzie d’un air quasiment désespéré tout en croisant les bras contre son corps élancé et fin. Diantre, à ce rythme là, elles n’étaient pas couchées mais tant pis, l’avocate avait tout son temps ! Elle ne risquait pas de partir d’ici tant que sa jumelle n’irait pas mieux et têtues comme elles l’étaient l’une comme l’autre, cela allait durer des heures comme un rien. « J’ai rien zappé de te dire, c’est toi qui n’a pas écouté tellement tu es occupée à bouder dans ton coin !! Nuance !! » maugréa Maggie, non sans faire preuve d’autant de patience qu’elle le pouvait. Ne lui avait-elle pas déjà dit être enceinte sans obtenir la plus petite réaction de sa sœur jumelle aussi têtue qu’elle savait l’être ? Ben tiens ! « Bah si tu connais déjà le diagnostic tu peux me dire pourquoi tu ne m’as pas appelée pour me dire que t’étais pas bien ?! Ca m’énerve ça ! Il faut toujours te tirer les vers du nez alors que tu sais pertinemment que tu peux venir me trouver à n’importe quelle heure du jour comme de la nuit !! »

Ah elle voulait jouer à ça ?! « Mais je viens te le dire aujourd’hui, tu ne l’as pas appris par un tiers ou pas hasard je te signale, c’est donc différent !! J’ai parfaitement le droit d’être en rogne en conséquence ! » s’étrangla à moitié Maggie qui sentait la colère lui monter au nez comme si elle avait fait joujou avec de la moutarde. Là, c’était le monde à l’envers… si l’avocate avait été prête à présenter toutes les excuses du monde à sa jumelle pour ne pas avoir été aussi présente qu’elle l’avait voulu ces temps derniers, l’envie était en train de s’amoindrir, fondant comme neige au soleil en un temps record. « Tu aurais dû m’en parler pour la simple et bonne raison qu’on se s’est jamais rien caché, toi et moi. Que je mette du temps ou pas à venir te voir alors que tu sais à quel point j’ai un emploi du temps de dingue n’empêche pas que tu es ma sœur, que je t’aime et que je m’inquiète pour toi ! Mais tu as l’air d’être en joie de me voir c’est un bonheur… tu sais que même à ton âge je peux encore te mettre une fessée, hein ?! Je ne veux pas de café, merci… je crois que ce ne serait pas raisonnable dans l’état de nerfs où je suis. »

« Occupée ou pas si tu m’appelles je prends toujours le temps de t’écouter, ne fait pas ta langue de vipère parce que tu le sais aussi bien que moi ! » Maggie avait l’impression d’être détestablement revenue au temps où elles se trouvaient l’une comme l’autre en pleine crise d’adolescence, à ceci près que la pétillante américaine n’avait d’yeux que pour son Daryl, malheureusement plus âgé qu’elle et qui lui résistait à cause du fait qu’il était majeur et elle mineure. « Me tente pas tu sais très bien que je serais capable de t’en mettre une pour te remettre les idées en place » lâcha-t-elle bien plus froidement, preuve que Lizzie ferait bien mieux de baisser d’un ton si elle ne voulait pas que les hormones de sa jumelle ne s’en mêlent en prime et ne lui fasse mettre sa menace à exécution. « J’ai vidé mon sac mais as-tu vidé le tien ? Je te signale que tu as piqué une crise en preums, je suis venue en paix moi… » Maggie s’était aussitôt calmée, fidèle à son tempérament soupe au lait pour tenter un sourire en guise de hache de guerre plantée. « Oui, tu vas être tatie, si tu ne m’as pas égorgée avant je pense qu’on peut dire ça ! On ne connait pas encore le sexe et Daryl est le papa. Tu es la première au courant, je n’ai pas encore eu l’opportunité de me rendre chez Papa et Maman… je veux leur annoncer en face à face. »

« Je t’ai ignorée et je te signale que je suis venue m’excuser ! » reprit Maggie, refusant d’être conduite à la pendaison alors qu’elle était venue implorer le pardon de sa jumelle à genoux s’il le fallait. Elle détestait être en colère ou fâchée contre ou avec Lizzie. C’était une situation qu’elle détestait au-delà des mots, elle n’y pouvait rien. Elles étaient bien trop proches toutes les deux pour tout foutre en l’air pour des broutilles… c’était dommage ! « Ca c’est sûr… comme à chaque fois qu’on se dispute ou qu’on se fait la gueule, d’ailleurs ! » Maggie n’attendit pas que Lizzie ne pose sa tête contre son épaule et la serra longuement dans ses bras, tentant d’être forte suite à une telle nouvelle mais autant dire que ce n’était qu’un coup de massue supplémentaire sur son crâne. Elle trouvait proprement injuste que quelqu’un d’aussi gentil soit frappé d’une telle saloperie… « Qu’ont dit les médecins, exactement ? C’est soignable ? Tu peux me faire confiance, tant que tu ne diras rien de ton plein gré, rien ne sortira de ma bouche. Je suis une tombe, tu le sais ! »

Sans doute valait-il mieux que Bennett père et mère ne soient pas au courant tout de suite de la pathologie de leur fille, sans quoi Lizzie risquait de les avoir sans arrêt sur le poil. Maggie était prête à en mettre sa main au feu ! Mais qu’importe, l’avocate était prête à respecter le souhait de sa jumelle tant que celle-ci lui accordait le privilège de venir très régulièrement la voir et prendre soin d’elle. « Ce n’est pas opérable, il n’y a qu’un traitement médicamenteux ? » Parlez de droit avec Margaret Bennett et elle sera capable de vous répondre des heures durant, mais la médecine n’étant absolument pas son domaine, elle n’y connaissait rien et ne s’avançait surtout pas à se croire savante en la matière. « Écoute… je comprends que tu ne veuilles pas que les parents t’envahissent mais tu ne peux pas rester toute seule ! Et si tu venais à la maison quelques temps ? Ca nous permettrait de rattraper le temps perdu et je pense qu’un regain de moral n’est jamais mauvais, non ? Daryl t’adore, il n’a aucune raison de refuser ! Et ne va surtout pas me dire que tu ne veux pas déranger je ne prendrais pas un non comme une réponse !! »

« Tu es au courant qu’il a déjà vu le loup ? Je plaisante ! Il y a tout un étage dans la maison que l’on n’utilise pas et que l’on n’utilisera pas avant que le bébé n’arrive, cela te fera donc, en théorie, suffisamment d’intimité puisqu’il y a une salle de bain et des toilettes liées à la chambre que je prévois de te préparer. » Justement, Maggie lui offrait la meilleure opportunité de sa vie pour ne surtout pas avoir leurs parents aux basques, si jamais elle décidait un jour de les renseigner sur sa maladie. « Mais tu auras toujours beaucoup moins les parents s’ils savent que je veille déjà sur toi ! Écoute, on a déjà vécu ensemble toutes les deux, tu sais très bien que ce n’est pas mon genre de te dicter ton rythme ou de jouer les mères poules… je veux aussi que l’on puisse passer du temps ensemble et prendre soin de toi. Et puis… je serai rapidement en congé maternité mais avant cela, la journée, tu seras seule à la maison tu sais. » Maggie esquissa un petit sourire encourageant tout en priant pour que sa jumelle ne consente effectivement à la suivre. « Je ne t’oblige à rien, on a plus cinq ans ! Ca me rassurerait juste que tu acceptes. C’est ça ou tu peux être sûre que je vais être tous les quatre matins ici. »

« Je ne peux pas te promettre absolument les petites fleurs sur le mur mais s’il n’y a que ça pour te faire plaisir, au pire, je suis la reine du papier peint ! » déclara Maggie avec amusement tandis qu’elle se voyait d’ici préparer l’intégralité de l’étage pour la venue de Lizzie, afin qu’elle se sente comme chez elle et n’ait pas l’impression que ses petites habitudes aient changé d’un millimètre. Après tout, qui la connaissait mieux que la pétillante avocate ? Personne. Ce n’était pas tant qu’elles soient jumelles, mais aussi qu’elles aient longtemps vécu ensemble, à s’adapter constamment au rythme de l’autre sans jamais se perturber. « Tu auras ta chambre rien que pour toi, largement la place pour bosser si tu veux le souhaites et puis… tu seras comme chez toi tu sais ! Rien ne t’empêche de vivre à ton rythme et si je me souviens bien, la maison où je vis avec Daryl est beaucoup plus proche de ton boulot qu’ici, c’est en soi un avantage. » Mais elle acceptait. Lizzie acceptait et vit donc sa jumelle la serrer dans ses bras avec tout l’amour de sœur qu’elle ressentait pour elle. Oh Maggie allait devoir se faire violence pour ne pas agir comme une mère poule mais elle y parviendrait très certainement ! « Mais tu n’es pas insupportable, ou à tout le moins je serai toujours pire que toi ! Quand veux-tu venir ? »

« Si tu le souhaites, un coup de papier peint et hop ! Tu m’aideras à le choisir comme ça je suis sûre qu’il va te plaire. » De toute façon, il n’était rien que Maggie ne puisse accorder à Lizzie et surtout pas un simplement changement de papier peint qui l’aiderait à se sentir plus chez elle. « Pour ma part mon prochain examen est la semaine prochaine. Tu m’accompagneras ? Comme ça tu verras ton filleul en avance ! » énonça la pétillante avocate avec une sorte d’émotion dans la voix. Le fait de fonder une vraie famille avec Daryl était l’aboutissement d’un rêve, qu’elle souhaitait de tout cœur pour sa jumelle également… jumelle qui risquait de lui donner du fil à retordre tant elle ne pouvait pas rester en place plus de dix secondes d’à filée. « Une semaine ? Que nenni ! Tu vas rester davantage pour que l’on voie le résultat de ton traitement ! Écoute Lizzie, je sais à quel point tu aimes ta liberté et je sais que tu as l’impression de déranger mais ce n’est pas le cas du tout… j’ai envie qu’on se retrouve un peu toutes les deux et les changements dans la maison peuvent attendre ! Disons au moins le temps que j’accouche afin que je te donne un coup de main car cette maison est aussi la mienne et je peux donc mettre la main à la pâte ! » Maggie ne cèderait pas, de toute façon. C’était pour le bien de sa sœur et elle ne transigerait pas avec ça.

« C’est un neveu en l’occurrence » avoua Maggie dans un petit sourire, avant de ne donner la date exacte de l’examen afin que Lizzie ne le note sur son calendrier. A vrai dire, elle avait grande hâte de commencer la décoration de la chambre du bébé et qui mieux que sa jumelle pour l’aider dans cette entreprise ? Celle-ci avait du goût, le sens des couleurs et au moins autant de talent en matière de décoration que Maggie si ce n’est plus. Autant dire que ce projet était entre de bonnes mains puisque lesdites mains s’avéraient être quatre mains Bennett. « Je ne pousse pas je m’inquiète pour toi, nuance. Tu es toujours si solitaire, si bien confortablement installée dans ta bulle… je pense que voir du monde pendant quelques semaines ne pourra pas te faire de mal, au contraire, ça ne pourra que renforcer ton moral. Et si vraiment tu ne te sens pas bien à la maison, il sera toujours temps pour toi de rentrer. Rien n’est immuable, tu es au courant ? » Maggie esquissa à nouveau un petit sourire encourageant avant que ses yeux ne s’écarquillent sous l’effet de la surprise. « Un speed-dating ?? Allons bon quelle idée ! Tu vas y aller ? Tu veux que je t’accompagne ? »

« Oui un petit gars ! Tu veux savoir le prénom ? » reprit Maggie sans rien perdre de son enthousiasme tandis qu’elle souriait de façon douce et tendre à sa jumelle. « C’est parti mon kiki pour ta valise ! » lança-t-elle alors qu’elles se rendaient de concert dans la chambre de Lizzie afin de prendre suffisamment de rechange et de choses pour qu’elle puisse rester confortablement chez sa jumelle sans problème. Certes, Maggie pouvait lui prêter des affaires mais connaissant sa sœur comme elle la connaissait, celle-ci voudrait probablement pouvoir reconstituer sa petite bulle une fois dans la maison de sa jumelle et personne ne pouvait l’en blâmer… cela passait donc par le fait de prendre des affaires à soi. « Tu voudrais prendre quoi de beau, dis-moi ? Quelque chose de décontract’ ou de plus coloré peut-être ? Quant au speed dating, je te l’accorde la majeure partie sont des crétins finis, mais on peut aussi y aller pour se foutre de leur gueule… ça, c’est marrant » proposa-t-elle en guise d’alternative.

« Il s’appellera Hugo » dit-elle fièrement car s’il s’agissait au départ de son idée, elle était contente que Daryl y ait adhéré immédiatement. Il faut dire que Maggie avait toujours eu un faible pour les prénoms français, de tout temps. Lizzie en était la première au courant d’ailleurs, bien qu’à l’heure actuelle elle ne se trouve sous sa pile de vêtements, à râler sans savoir quoi prendre avant que sa jumelle n’ait la présence d’esprit de s’en mêler et de choisir – pas forcément au hasard d’ailleurs – quelques spécimens intéressants. « Alors tailleurs, je pense que le noir et le rouge sont tes deux plus jolis. Deux, c’est suffisant, non ? Au pire tu pourras agrémenter d’un ensemble chemise/pantalon si tu souhaites changer. Ensuite, deux ou trois robes. Je crois que tu en as une rose en soie qui te vas à merveille, une orangée que je t’ai offerte l’an dernier et… une blanche, pour un peu de pureté dans ce monde de brute ! » commença-t-elle, extrêmement sûre d’elle, comme si elle travaillait dans la mode et que c’était devenu un réflexe que de conseiller autrui à ce sujet. « J’ai dis que l’on pouvait y aller pour se moquer, pas pour te trouver un Jules ! Tu n’écoutes pas ce que je dis en vrai… »