Techniquement parlant, c’était précisément au chauffeur que C’ian s’était adressée et non à l’espèce d’homme d’affaires en imposant. Loin d’elle l’envie de manquer de respect à qui que ce soit, surtout qu’elle supposait que ses réparations allaient lui coûter les yeux de la tête et qu’elle n’avait donc aucunement la tête à rentrer dans le lard de qui que ce soit. « Un concours ? Non, bien sûr que non… mais je préfère voir la chose d’un côté plus positif ! » s’exclama-t-elle avec son habituel enthousiasme, n’hésitant pas à sourire à son interlocuteur ne l’impressionnant en aucune manière. En même temps, pour réussir à lui boucler le clapet, encore fallait-il se lever tôt ! « Je serais ravie d’accéder à votre requête mais… je n’ai aucun constat sur moi, cette voiture n’est pas à moi je l’ai simplement empruntée avec une certaine urgence. » Et d’ailleurs, sans vraiment que ce soit étonnant, une bonne femme était en train d’accourir vers elle, beuglant « Mademoiselle Maeda ! » sans discontinuer jusqu’à ce qu’elle ne soit face à elle et ne l’ait examinée sous toutes les coutures pour être certaine qu’elle était bien en un seul morceau. « Mon dieu Mademoiselle mais ces sauvages auraient pu vous tuer !! Vous voulez que j’appelle l’ambassade pour que votre père soit au courant ? Quelle idée de ne pas avoir prévenu Monsieur O’Neil, vous devriez pas sortir sans votre garde du corps ! » Diable, appeler son père et se payer la soufflante de sa vie ? Plutôt crever ! C’ian s’arma donc de son plus beau sourire avant de tourner son regard d’un vert émeraude vers cette femme aux traits parfaitement maternels bien qu’elles n’aient aucune relation de famille… « Laissez mon père là où il est et j’ai pensé que Monsieur O’Neil pourrait vouloir profiter de son après-midi pendant que je me rendais à mon rendez-vous. D’ailleurs je risque d’être en retard, par conséquent si vous vouliez bien me trouver un constat… vous sauveriez ma journée ! » A peine la jolie blonde eut-elle prononcé ces paroles que déjà, la femme partait dans l’autre sens pour s’exécuter. « Vous voyez ? Ce n’est qu’une question de minutes ! »»

« Pas de Mademoiselle vous pouvez m’appeler C’ian sans problème ! » énonça la belle blonde avec un enthousiasme hors du commun. Il ne fallait y voir aucune tentative de séduction, simplement une large amabilité faisant d’elle quelqu’un de peu commun. Ses employés n’avaient de cesse de le lui répéter, son garde du corps plus encore, C’ian était bien trop gentille et enjouée, donnant aux gens malhonnêtes de nombreuses opportunités de lui faire du mal. Elle monta donc dans la voiture du jeune Monsieur Wolf sans même éprouver la plus petite hésitation, n’ayant pas davantage envie de faire la une le lendemain : la presse en avait également bien assez après elle… « En tout cas vous me sauvez la vie ! D’une parce que je déteste quand la presse se méprend sur mon art, et de deux parce que je ne peux me permettre de rater le rendez-vous de ma vie… » Pour la jolie japonaise, c’était une opportunité magnifique, un tremplin comme il en existait peu et, en plus de tout le reste, la possibilité de faire enfin reconnaître ses différentes créations en matière de sous vêtements. « Vous souhaitiez parler des termes du constat, donc ? J’espère juste que la miss va enguirlander l’autre type qui m’a foncé dessus… » Le pire, c’est que l’innocence de C’ian était à moitié feinte. Elle n’était pas la première couillonne venue et, quoi qu’en pense sa sœur, elle avait l’habitude de se fondre dans la masse… c’était une façon de faire comme une autre !

C’ian s’empara aussitôt du constat pour dessiner le schéma explicatif de l’accident tandis que Dillon poursuivait son petit laïus. Dans un premier temps, elle n’y répondit que de façon évasive, se contentant de sourire comme à son habitude pour éviter de se focaliser sur une chose ne lui paraissant pas absolument essentielle. « Je suis designeuse de lingerie féminine » déclara-t-elle avec une sorte de fierté dans la voix, démontrant actuellement son talent ne serait-ce qu’en matière de dessin en faisant un croquis extrêmement précis de l’incident. « Je suis arrivée du Japon il y a un mois et si mon assurance personnelle n’est pas encore mise en place, mon père est ambassadeur de notre pays ici, à New York. Je ne crois pas que vous ayez à vous en faire ! » Tout semblait être susceptible de la faire sourire, comme si la vie n’était rien d’autre qu’un immense chemin fleuri alors qu’au beau milieu de son esquisse, la demoiselle ne manqua pas d’avoir la quinte de toux de sa vie. Celles-ci devenaient hélas de plus en plus fréquentes, lui faisant vivre quelques unes des pires nuits de son existence tant celles-ci étaient douloureuses… « Dans quoi êtes-vous spécialisé de votre côté ? » Puisqu’il faisait preuve d’aplomb et de curiosité… il n’y avait aucune raison qu’elle n’en fasse pas autant !

« Il n’y avait pas de journalistes sur le lieu de l’accident » lâcha C’ian non sans sourire tandis qu’elle poursuivait sans croquis sans perdre une miette de ce qu’il était en train de lui apprendre. Mais à vrai dire, la belle blonde avait vu défiler tellement de gens puissants, de « fils de » et autres personnages du genre qu’elle n’était plus ni impressionnée ni étonnée d’en rencontrer de nouveaux. Contrairement à sa sœur, dont les dents rayaient bien souvent le parquet à force d’être aussi peu sincère que possible, la pimpante japonaise n’estimait pas devoir davantage de respect à ces gens là. Après tout, n’allaient-ils pas sur le trône tous les jours comme tout le monde ? Alors forcément, ils possédaient de nombreux avoirs financiers, un pouvoir sur autrui plutôt impressionnant et donnaient l’impression d’avoir pouvoir de vie et de mort sur leurs employés mais C’ian n’avait rien à voir avec ces gens là… par conséquent, elle ne vouait pas à Dillon plus de respect que face à n’importe qui d’autre et n’était pas impressionnée une seconde par son pedigree. « Votre marché doit être difficile à manier en ce moment avec les différents cracks boursiers, non ? » Sans se vanter ou même avoir d’idée précise en tête, la belle blonde prouvait aisément sa culture à vrai dire. Elle avait beau n’être qu’une simple designeuse sans diplômes précis, elle en avait plus dans la caboche que bien d’autres. Surtout qu’elle venait de lui tendre un croquis de l’incident particulièrement précis et détaillé… ce qui n’était pas donné à tout le monde. « Je n’ai pas de boutique pour l’instant, je suis arrivée du Japon il y a un mois. Je fais sur commande, pour hommes et femmes. Pourquoi, vous seriez intéressé par être mon modèle Monsieur Wolf ? » Aplomb quand tu nous tiens…

C’ian afficha un sourire des plus francs tandis que Dillon dévoilait les raisons de son intérêt pour le travail de la pimpante japonaise. Qu’il s’agisse d’un intérêt le visant lui ou des femmes qu’il connaissait, peu importait. Dans un cas comme dans l’autre, la belle blonde répondait présente plutôt deux fois qu’une ! Et d’ailleurs, elle était prête à mettre à profit son extraordinaire imagination sur le champ s’il avait ne serait-ce que cinq minutes à lui accorder à ce sujet. « Voici ma carte de visite dans un premier temps ! Je réponds toujours, même très tard dans la nuit ou même quand je suis en pleine confection. » C’ian lui tendit le petit morceau de carton décoré de façon à la fois originale et colorée, comme si cette carte avait été faite pour elle… uniquement pour elle. « Vous offririez de la lingerie à des femmes mariées ? » se permit-elle de demander, aussi étonnée que souriante à cet instant précis. La donne avait tendance à la rendre perplexe mais après tout… « Oubliez ma question, le client est roi ! Je peux vous griffonnez deux ou trois modèles rapidement sur mon calepin si vous le souhaitez. Il me suffit d’avoir une brève description de ces jeunes femmes et, si possible, leurs couleurs préférées. Êtes-vous en possession de cette information pour chacune d’entre elles ? » La pimpante japonaise allait se faire une joie de faire oublier l’accident de voiture au profit d’une collaboration professionnelle des plus étonnantes. C’ian se voyait mal cesser de faire ce passionnant métier, même une seconde : elle avait beau être en passe de se rendre à l’entretien d’embauche de sa vie, il n’empêche qu’elle parvenait à obtenir de nouveaux clients par ses propres moyens ! « Je suis toute ouïe, j’ai de quoi noter ! »

La pimpante japonaise accueillit la photographie montrée par Dillon avec un grand sourire, n’ayant pas songé un seul instant qu’il puisse être légèrement sentimental sur les bords. Après tout, lorsque l’on croise sa route et qu’on l’observe un tant soit peu, difficile de trouver en lui des attraits immédiatement sympathiques… il avait l’air un brin revêche lorsqu’il ne cherchait pas à obtenir quelque chose et que cela le rendait de fait charmant. Mais après tout, C’ian n’estimait pas réellement avoir à le côtoyer à l’avenir, par conséquent, elle se gardait bien de toute réflexion à ce sujet. « Je dirais que cette demoiselle aime bien le blanc vu sa tenue. Cela rehausse son teint qui plus est, alors que les couleurs sombres marqueraient un peu trop la pâleur de sa peau. C’est une très belle femme ! » C’ian restait quelqu’un de fondamentalement observateur et difficile de ne pas partir du constat qu’Elvia soit une très belle femme. D’autant plus qu’elle savait se mettre en valeur… « Tout dépendra des modèles commandés, comptez sur moi pour donner à votre assistante, dès obtention des informations, plusieurs croquis de modèles possibles afin que vous puissiez faire le choix d’avant commande. En fonction je vous fournirais bien évidemment une facture en bonne et due forme et vous ferait livrer la marchandise à l’adresse de votre choix. Sommes-nous d’accord ? » La jolie blonde n’était pas du genre à extorquer des fonds à ses clients, bien au contraire, et préférait qu’on lui confirme par deux fois une commandes afin d’éviter les erreurs éventuelles. Mais ce premier contact se scella par une poignée de main, et quelque chose lui disait que Dillon Wolf ne rechignerait pas à payer une facture derrière…