stuck in the lonely road

ft. camden dylan-hopkins et katerina a. viscenti.

Si j'en avais la possibilité, matérielle et psychologique, il ne faisait aucun doute que je resterai éternellement chez moi, à ne rien faire d'autre que de m'affaler dans mon canapé, muni de pop-corn et de pots de glace. Malheureusement, la vie n'était pas ainsi faite. Elle était constituée d'obligations de toute sorte, de contraintes au quotidien. Oh, je faisais une confiance absolue à Rafaello qui, sans aucun doute, serait prêt à tout pour me rendre heureuse et il le ferait même si, pour cela, il fallait que j'habite chez lui et n'en sorte jamais. Mais c'était hors de question. Parce que je voulais faire preuve d'un minimum de force en m'en sortant seule du mieux que je le pouvais, et que je lui devais déjà tout, du coup la dernière chose que je voulais, c'était être un poids supplémentaire dans sa vie déjà compliquée. Quelle famille nous étions vraiment ... Deux êtres brisés, vivant dans le déni le plus total pour ne pas sombrer définitivement. Rafaello allait mal. J'allais mal. Et encore, nous trouvions le moyen de faire comme si de rien était ... comme si la vie n'avait pas fait de nous deux personnes anéanties, à peine capable de vivre une vie tout ce qu'il y a de plus normal. Fermer les yeux était le meilleur moyen de ne par me laisser emporter par toutes ces souffrances qui faisaient parti intégrantes de celle que j'était devenue avec le temps. Au premier abord, on ne pouvait pas deviner quel genre de femme j'étais, tant je faisais mon maximum pour ne pas passer pour une folle furieuse. Mais il suffisait que quelqu'un s'approche de moi pour que je sois à l'opposé de celle que l'on imaginait. Comme quoi, je n'étais vraiment pas faite pour me lier avec qui que ce soit, excepté mon frère. Ma solitude était ma plus fidèle amie, et la seule qui ne pouvait pas m'effrayer plus que de raison.

La vie ne me laissait donc pas le choix. Je devais fréquemment sortir de mon cocon, et de toute la protection que pouvait m'apporter mon appartement. Pour faire les courses, pour faire plaisir à Rafaello mais aussi, et surtout, pour aller travailler. Pas que cela m'était des plus agréable, puisque je n'étais tout simplement pas faite pour les boîtes de nuit, mais parce que je n'avais guère le choix si je voulais continuer à me débrouiller et à avancer seule ... dans la limite du possible. Parce que si je réussissais pour le mieux à payer et acheter tout ce dont j'avais besoin, l'aide de Rafaello n'était jamais de trop, et en particulier quand je me réveillais en plein milieu de la nuit, couverte de sueur et des souvenirs atroces plein la tête. Malheureusement pour moi, le temps n'avait pas guéri mes blessures psychologiques, et mes plaies ne se refermaient pas. C'était une partie de moi que je détestais mais que je ne pouvais pas contrôler. La preuve, cela arrivait toujours aussi souvent qu'aux premiers jours. Heureusement, mon frère était toujours prêt à répondre à mes appels désespérés, pour me calmer. Et il était bien le seul à pouvoir, et à savoir le faire. Si je ne pouvais absolument pas me passer de tout ce soutien qu'il me donnait, je me devais, en revanche de le laisser se reconstruire, sans que je sois constamment sur son dos. Parce que, de ce côté là, il s'en sortait bien mieux que moi, bien que son couple ne soit pas un exemple de calme. C'était pour cette raison que j'avais trouvé un boulot, aussi pénible soit-il pour moi de devoir sourire à longueur de temps, à toutes ces personnes à moitié, ou complètement, ivres.

Ce soir ne faisait pas exception à la règle. Armée de mon sourire le plus faussement vrai que j'ai en stock, j'avais servi des verres, et tout genre de cocktails dont je ne connaissais que la préparation, à défaut d'y avoir déjà goûté. Dans le fond, je savais que ce n'était pas le pire job que je puisse faire, même si ce n'était pas spécialement ce dont j'avais rêvé toute ma vie, mais c'était pesant de me faire passer pour quelqu'un que je n'étais pas. Sourire, rester poli face à certains emmerdeurs de première. Tout cela n'était pas toujours des plus plaisant, surtout quand je m'efforçai, de derrière mon comptoir, à éviter tout contact avec qui que ce soit. Mais je faisais avec. Parce que je n'avais pas le choix, je n'avais pas d'autre métier à portée de main. Et puis, ce n'était pas si mal, en réalité. D'autant plus que mon service se terminait généralement aux alentours de cinq heures du matin, alors, la plupart du temps, mon sommeil était trop lourd pour que je rêve de quoi que ce soit, y compris des membres abjects de ma famille. Cela ne m'empêchait pas d'être plutôt soulagée quand l'heure arrivait pour moi de rentrer dans mon modeste appartement. Un coup d'oeil à l'horloge murale qui surplombait le comptoir où je faisais mon service me confirma qu'il était temps pour moi de plier bagage. Je rangeai les quelques derniers verres que j'avais lavés, passai un coup de chiffon sur le meuble, et saluai ma collègue, qui terminerait son service un peu plus tard. Alors que j'attrapai mon manteau et mon sac à main dans le casier qui m'était réservée à l'arrière de la boîte, un bruit derrière moi me fit sursauter. Je me retournai brusquement, effrayée et soufflai de soulagement en voyant que ce n'était que mon patron. De toute façon, les clients n'avaient pas accès à cette partie du bâtiment. « Ooh ! Camden. Tu m'as fait peur. », soufflai-je en serrant inconsciemment ma veste contre ma poitrine, comme pour me protéger. Mais me protéger de quoi, hein ?!

code © diesel