On se demande souvent comment ce genre de chose arrivent. On pense que c'est sûrement dés le matin, à peine réveillé on sent qu'elle sera mauvaise cette journée. Levé du pied gauche comme on dit. Mais non, le café n'a pas été renversé, la douche était bien réglée et les affaires bien repassées. Même les cours se sont tranquillement passés. Alors comment en arrive t-on, là ? Peut-être était-ce au déjeuner, une feuille de salade qui tombe sur le jean trop clair ? Le soda pas frais et le café qui était trop sucré. Pourtant, là non plus, rien de tout ça. Une salade, banale, et un après-midi de poussière bien agréable dans la bibliothèque de l'université. Quand je suis rentré pas de catastrophe annoncé, aucun message divin pour me conseiller d'aller au plus vite me couche. Au contraire j'ai simplement allumé la télé, pris une cigarette et counillé jusqu'à ce que j'entende les clefs se glissaient dans la porte d'entrée. En fait, même à partir de ce moment, je pourrais dire que j'ai eu un mauvais pressentiment. Une boule qui alourdie l'estomac ou entrave la gorge. Le genre d'angoisse bizarre qui vous oblige à rallumer une clope alors même que vous venez de finir la précédente. Mais non, rien de rien. J'ai salué Sasha et acceptait avec plaisir de partager quelques verres avec lui. On a éteint la télé et enchainé posément les verres en refaisant le monde. Et c'est arrivé. Sans préavis, pas le moindre petit signe annonciateur.

Je suis en équilibre sur le bord du canapé, la chaleur de l'alcool faisant étrangement résonné mon rire dans l'appartement. Je ne le remarque pas vraiment, trop occupé à exposer ma théorie sur le dernier Polanski. Sasha rigole lui aussi, affirmant qu'en plus d'avoir rien comprit au film je suis beaucoup trop lent à nous reservir de la vodka. Il essai de me prendre la bouteille des mains, mais je résiste comme un gamin vexé. “ C'est qui qui a réussi à en renverser partout sur le tapis tout à l'heure ?! Laisse moi faire et assis toi ! ” Faut dire que c'est la deuxième bouteille et que celle-ci a déjà vu la moitié de son contenu disparaitre dans nos estomacs. D'ailleurs, je pense sérieusement que je suis pompette, peut-être même bourré. Mon regard n'arrête pas de glisser longuement sur le visage ou le corps de Sasha. Heureusement qu'il n'est pas en meilleur état, ça évite qu'il remarque ces pupilles trop vagabondes. “ Regardes en plus, j'y arrive très bien ! ” Avec un sourire jusqu'au oreille et les joues un peu roses je lui tend son verre avant de descendre le mien, cul sec. J'ignore pour mais la chose semble lui déplaire car il se jète sur moi et commence à me chatouiller. Je suis très chatouilleux, j'étais assis je le rappel, au bord du canapé. Je ne tarde donc pas à m'effondrer à côté de la table basse, mort de rire. Sasha, qui ne s'attendait sûrement pas à ça, me suit dans ma chute. Il se retrouve sur moi, très très proche de moi. Comme un ralenti ou un mauvais film. Mes joues sont devenant rouges, très soutenu.

Nous en sommes donc à ce moment précis. Et après ?

“ C'était un accident, j'suis sur que tu m'as poussé quand je me servais. ” Je pouffe de rire en entendant son commentaire, un peu parce que je suis bourré, un peu parce que je suis effectivement coupable. C'est vrai, j'ai légèrement poussé son coude histoire de lui faire fermer son caquet de je-suis-un-barman-né-non ? Et bien non, hein. Je suis terrible, j'admet. Mais que voulez vous, l'alcool me rend plus hardi. Je sers donc nos verres, comme un pro pour le coup. Surtout avec les mains qui tremblent et le rire fière qui m'échappe lorsque je l'entend me traiter de dieu. Ensuite, les choses s'accélèrent, d'une façon parfaitement désarmante. On glisse et s'écroule en coeur sur le tapis. Je sens le dit tapis imbibé de vodka qui trempe mon tee-shirt. Mais mon dos humide perd très rapidement tout intérêt lorsque la présence, terriblement proche de Sasha se fait remarquer. Je suis gêné, oui, mais je ne peux m'empêcher de sourire, pris dans son éclat de rire heureux. Il me jète un regard et un sourire solaire. Avant de me clouer sur place. “ T'sais que je t'aime Charly ? ” Mais comme un fou, un loup ou une star de cinéma, ai-je envi de répondre. Cependant un nouveau geste de sa part bloque tous les sons au fond de ma gorge. Ses lèvres se posent un instant sur les miennes. Je frissonne, longuement. La chair de poule qui couvre mon corps et me laisse pantelant, incapable de faire le moindre geste. Ce n'est pas un baiser passionné, rien de langoureux. Pourtant le fait est là, j'ai senti sa chaleur, son gout et son souffle qui se sont mélangés aux mieux. J'ai presque envie de gémir, et cette constatation me fait peur. Elle m'indique combien Sasha me fait de l'effet, combien le désir noue mes entrailles et embrume mon esprit. “ Sasha... ” Je ne tarde donc pas réagir comme toute personne normale face à une telle opportunité. Je me redresse sur les coudes et vient capturer plus longue ses lèvres. J'appui ma bouche contre la sienne, tremblant comme une collégienne. Pourtant à ce moment là je ne suis pas inquiet. Ce geste m'apparait plutôt comme une évidence, un besoin sans aucune honte. La culpabilité m'ignore, à la place glisse sur moi, en moi, un brasier délicieux.