Cela faisait une éternité que Serena n’avait pas connu une journée aussi éreintante ! La jeune femme avait enchainé les rendez-vous professionnels toute la matinée avant de s’occuper de la promotion de l’ouvrage de l’un de ses auteurs les plus en vogue, de corriger un manuscrit,  puis de passer la soirée enfermée dans une salle de réunion en présence de son associé et de tous les investisseurs de la société.  Comme si l’analyse du bilan annuel n’était pas suffisamment fastidieuse, il avait fallu qu’ils passent en revue le budget et trouvent un accord concernant les évènements littéraires de la rentrée. Epuisée, Serena n’avait donc qu’une hâte : rentrer chez elle au plus vite et partager un bon verre de vin avec son époux. Avant de quitter son bureau, elle avait pris soin d’envoyer un message à Lindsay afin de lui souhaiter de passer une bonne soirée. La jeune fille avait décidé de passer la soirée chez une copine et leur avait donc fait savoir qu’elle ne rentrerait que le lendemain, en début d’après-midi. Soit !  Aux yeux de Serena, passer une soirée en tête à tête avec Vitaly était vraiment excitant, surtout depuis que les tensions semblaient s’être atténuées entre eux. Ainsi, en dépit de la fatigue, l’éditrice arborait une mine radieuse lorsqu’elle poussa la porte de leur maison. « Bonsoir mon cœur ! » lança-t-elle pour l’informer de sa présence. Comme à son habitude, Serena déposa ses clés et son sac dans l’entrée avant de s’avancer en direction du salon et d’apercevoir la silhouette de Vitaly, élégante et troublante. « Désolée d’être en retard mais j’ai eu un léger contretemps. La réunion avec nos associés n’en finissait plus et nous ne parvenions pas à trouver un accord susceptible de satisfaire tout le monde. Tu sais ce que c’est : des contrats, des contrats, toujours des contrats ! » Visiblement agacée par cette journée, elle haussa les yeux au ciel avant de parcourir les quelques mètres qui la séparaient encore du jeune homme. Tendrement, elle glissa une main derrière sa nuque et s’empara délicatement de ses lèvres. Comme par magie, les tensions accumulées au cours de la journée semblèrent s’estomper en une fraction de seconde. Si c’était ça le paradis, elle était prête à signer sur le champ. « Je suis contente d’être enfin rentrée et … humm…ça sent divinement bon, tu as préparé le dîner ?» Affamée, Serena tourna son visage en direction de la cuisine tout en ôtant l’élégant foulard en soie qu’elle portait autour de son cou. Elle ignorait ce que Vitaly avait bien pu cuisiner mais une chose était certaine : elle avait vraiment hâte de pouvoir y goûter. « Tu sais que je trouve ça super sexy quand tu passes derrière les fourneaux ?» Ses lèvres s’étirèrent en un sourire mutin et ce n’est qu’à ce moment-là que quelque chose dans le comportement de Vitaly attira son attention. Il semblait … étrange. A croire qu’un détail le chiffonnait. En tout cas, il adoptait toujours cette petite mine lorsqu’il était tourmenté. Serena osait espérer que ce ne soit pas en lien avec son retard ou une éventuelle mauvaise nouvelle qu’il aurait appris durant la journée. Du bout des doigts, elle vint chercher sa main, tout en plongeant son regard dans le sien. « Et toi, ça va ? »

Depuis que Lindsay vivait chez eux, il est évident qu’ils n’avaient que rarement eu l’occasion de se retrouver seuls. Il paraissait donc logique de vouloir profiter pleinement de cette soirée, la seule ombre au tableau étant naturellement leurs horaires de boulot respectifs. Serena s’était dit qu’elle quitterait sa maison d’édition un peu plus tôt que prévu mais malheureusement, cette fichue réunion s’était éternisée et elle n’avait eu d’autre choix que celui d’y assister jusqu’au bout. Elle pouvait parfaitement comprendre la frustration de Vitaly, d’autant plus qu’elle restait persuadée qu’il s’était donné beaucoup de mal pour eux. « Ca l'est surtout quand tu peux voir ça en direct. » L’ironie de ses propos ne lui échappa naturellement pas. Pouvait-elle seulement lui en vouloir ? A sa place, elle aurait probablement eu la même réaction. Leurs moments à deux se faisaient rares alors il était difficile de concevoir que l’un d’eux puisse les négliger. « Y’a pas une séance de rattrapage ? » L’humour était probablement sa meilleure alliée, d’autant qu’elle agrémenta sa demande d’une petite moue adorablement suppliante. Hélas, les réactions de Vitaly ne jouaient pas en sa faveur et la suite de la conversation lui fit bien vite comprendre qu’il lui en voulait véritablement. « Comme j'étais décidé à faire des efforts, je me suis dis que ça pourrait être une bonne idée. Qui sait ... Peut-être qu'un jour on arrivera à faire concorder nos emplois du temps. Mais oui sinon ça va. » Serena qui était plutôt du genre à toujours vouloir arrondir les angles, ne s’offensa nullement de sa remarque. Il avait entièrement raison. Mais il ne fallait cependant pas qu’il y ait la moindre méprise : elle n’avait pas oublié leur soirée, pas plus qu’elle n’avait souhaité voir cette réunion s’éterniser. Initialement, il était prévu qu’elle puisse rentrer tôt à la maison et qu’elle se consacre pleinement à ces quelques heures qu’ils pourraient passer en tête à tête. C’était important pour elle qu’il en ai conscience. C’est sans doute la raison pour laquelle, elle jugea bon de préciser : « Notre soirée à deux est très importante pour moi, je t’assure. J’y ai pensé toute la journée et c’est probablement pour cette raison que j’ai trouvé le temps si long. Crois-moi, j’apprécie vraiment tout ce que tu as fait. Et puis, la soirée est bien avancée mais il n’est pas si tard que ça et nous avons toute la nuit devant nous.» Elle esquissa un nouveau sourire, caressant doucement son bras avec cette éternelle douceur qui n’appartenait qu’à elle. Serena n’avait pas mauvais fond et elle n’avait pas l’intention de lui en vouloir d’être un peu grognon par sa faute. Ils avaient deux boulots vraiment prenant et malheureusement, bon nombre de responsabilités qui les empêchaient d’agir selon leurs envies.


Elle déposa un baiser au coin de ses lèvres et s’éloigna légèrement quand soudain, la conversation prit une tournure à laquelle l’éditrice ne s’attendait pas. « Au fait; J'ignorais que tu avais rencontré ton Sulli ... Suila ... Suiltruc. » Sa rencontre avec le jeune homme remontait à une quinzaine de jours environ et depuis, ils avaient eu le temps de s’écrire à plusieurs reprises. « Suileabhan ? » Serena avait bien remarqué la lettre qui trainait mais à aucun moment elle ne songea que Vitaly aurait pu avoir l’indécence de lire son courrier volontairement. Sa théorie était qu’il avait vu la lettre pliée, s’était certainement demandé ce que c’était, l’avait ouverte et voilà. D’où le fait qu’elle ne fut pas vraiment étonnée à l’idée qu’il ait pu la lire. Quand bien même, elle n'avait strictement rien à cacher. « Oui, je l’ai invité à une convention littéraire il y a quinze jours. Il est venu y parler d’un auteur irlandais dont nous discutons souvent lui et moi. Il est vraiment sympa. C’était étrange de le rencontrer après toutes ces années de correspondance. C’est vraiment quelqu’un de bien. Et de passionnant en plus.» Vraiment passionnant même. Tout en parlant, Serena s’était dirigée vers la cuisine afin de s’emparer de deux verres de vin qu’elle se chargea de remplir avant de retourner dans le salon. Tout en tendant un verre à Vit’, elle fronça légèrement les sourcils en réfléchissant. « C’est curieux, je pensais pourtant te l’avoir dit… Ou c’était peut-être à Lindsay … »

Serena se rendait bien compte que son retard avait véritablement jeté un froid sur cette soirée qui aurait dû être parfaite. En un sens, c’était rassurant de voir que Vitaly était déçu. Cela prouvait qu’il y avait accordé au moins autant d’importance qu’elle. Mais à quoi bon s’éterniser sur le sujet alors qu’ils avaient encore une bonne partie de la soirée et toute la nuit devant eux ? « Toute la nuit ? Tu oublies que demain, nous travaillons tous les deux. » Sauf que pour l’instant, Serena n’avait pas la moindre intention de songer au lendemain, ni même aux nombreux manuscrits qui l’attendaient sur son bureau. Sans compter qu’ils avaient la chance de pouvoir s’octroyer une journée de repos s’ils en avaient envie. « Cela ne nous a jamais posé le moindre problème par le passé …» Un sourire aguicheur apparut sur son visage tandis qu’elle faisait clairement allusion à toutes ces nuits durant lesquelles ils avaient préféré n’en faire qu’à leur tête plutôt que de songer au boulot qui les attendait le lendemain. Non vraiment, il n’y a rien qui aurait pu mettre Serena en rogne, pas même le fait de découvrir que Vitaly avait lu son courrier. Elle n’avait jamais eu l’intention de lui cacher sa rencontre avec Suileabhan. Disons juste qu’ils n’avaient pas encore eu l’occasion d’en parler. Voilà donc pourquoi elle ne manqua pas de lui faire un bref résumé de leur rencontre, tout en lui donnant ses impressions sur le jeune homme. Elle était en train de lui dépeindre un portrait relativement flatteur de sa personne et manifestement, elle était ravie d’avoir enfin pu le rencontrer.

Quand elle revint dans le salon, Serena ne remarqua pas immédiatement que son cher époux avait décidé de se montrer distant avec elle. Elle lui tendit son verre de vin et le regarda prendre place sur le canapé. « Je pense que Lindsay n'avait pas autant besoin que moi d'être au courant de cette ... Rencontre. » Ah bon, pourquoi ? Serena n’était pas totalement certaine de comprendre où il souhaitait en venir. Elle haussa les épaules avec désinvolture, peut-être qu’elle était trop naïve pour comprendre qu’une telle rencontre pouvait semblait suspecte. « Tu l’as dit toi-même, il ne s’agissait que d’une simple rencontre.» A son tour, Serena s’installa sur le canapé. Elle appuya son bras sur le dossier, de manière à ce que sa main puisse venir caresser les cheveux sur la nuque de Vitaly. « Bien. Je suis donc ravi d'apprendre que tu as enfin rencontré cet homme à qui tu parles plus qu'à moi. » Imperceptiblement, elle se mit à sourire face à cette remarque pour le moins absurde. Il était jaloux !! C’était donc ça !! Jamais elle n’aurait pu imaginer une chose pareille mais le fait est qu’il se posait des questions sur la nature de sa relation avec Suileabhan. Taquine, elle tendit la jambe pour que son pied vienne frôler celle de Vitaly avec délicatesse. « Probablement parce que ta présence m’inspire bien autre chose que de longues et interminables discussions…» Hélas, elle se rendait bien compte que ses railleries n’arrangeaient en rien la situation et c’est la raison pour laquelle Serena se montra soudainement plus sérieuse. Elle ne voulait pas qu’il y ait le moindre malentendu entre eux. « Suileabhan est mon ami. Toi tu es mon meilleur ami, mon mari, mon amant et l’homme que j’aime. Tu es aussi un incorrigible râleur mais j’adore quand tu fais cette petite moue digne d’un garçon de dix ans à qui l’on aurait refusé une sucrerie.» Elle laissa un court silence pour qu’il ait le temps de réaliser à quel point la situation était absurde et elle enchaina : « Toi, je t’aime.»

Ok. La réaction de Vitaly lui fit clairement comprendre qu’il fallait qu’elle cesse de plaisanter et qu’elle écoute ce qu’il avait à dire une bonne fois pour toutes. Elle ne saisissait pas vraiment ce qu’il avait à lui reprocher mais soit ! « Tu as un meilleur ami en la personne de Vin. Tu as un confident en la personne de ce ... Suileabhan. Que tu viens de rencontrer en plus, ô joie. » La façon dont l’expression de la jeune femme changea avait au moins le mérite de prouver qu’il venait de toucher un point sensible. Serena ne savait pas ce qui lui faisait le plus de peine : qu’il soit en train de gâcher leur seule et unique soirée à deux, ou bien qu’il ait perdu de vue tout ce qu’il représentait pour elle. Car clairement, il faisait fausse route. Vin et Suileabhan tenaient une place importante dans sa vie mais jamais aucun d’eux ne pourrait lui apporter la même chose que Vit’. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, elle pensait sincèrement tout ce qu’elle venait de dire. Tout ce qu’il ne semblait plus croire. « J'ai l'impression que tu n'as que trop pris l'habitude de mon absence et qu'à cause de tout ça, je suis la dernière personne vers laquelle tu te tournes. » Nouveau coup de poignard. Pourquoi cela faisait-il aussi mal de l’entendre dire tout ça ? Demeurant interdite et incontestablement troublée par ses propos, Serena le fixa durant de longues secondes. Elle cherchait des réponses dans son regard mais n’y trouvait rien de plus qu’un certain mépris qu’elle ne lui connaissait pourtant pas. Ses prunelles étaient devenues brillantes, elle n'était pas sur le point de pleurer mais elle n'en était pas loin. « Pourquoi tu fais ça ? » Elle avait voulu prononcer ces mots normalement, mais c’est seulement un murmure qui s’était échappé de ses lèvres. Elle avait beau essayer de comprendre où il souhaitait en venir, Serena restait plongée dans un brouillard le plus total. Elle n’avait pas envie que cette soirée vire au cauchemar et qu’au final, ils finissent par y renoncer. Avant que la panique ne s’empare d’elle, la jeune femme se réinstalla convenablement, déposa son verre à côté de celui de Vitaly et prit une grande inspiration. « C’est faux. Je ne sais pas ce que tu es en train d’imaginer, ni même ce que tu essaies de me faire comprendre mais je t’assure que tu pars dans la mauvaise direction. Chaque fois que quelque chose ne va pas ou chaque fois que je cherche à partager mon bonheur avec quelqu’un, tu es la première personne vers laquelle je me tourne. Peut-être que c’est toi qui ne me voit plus …» C’était ça la réalité des faits. Non l’inverse. Serena était toujours la même depuis le jour de leur rencontre. Elle n’avait jamais cessé de l’aimer, de le considérer comme son âme sœur et l’homme avec qui elle souhaitait tout partager. A quoi bon mêler Vin et Suileabhan à cette conversation ? Ce qu’elle partageait avec eux n’était qu’un grain de sable dans le désert comparé à sa relation avec Vit’. Comment pouvait-il penser le contraire ? « Vin et Suileabhan n’occupent qu’une place secondaire dans ma vie. Et contrairement à ce que tu sembles croire, ce que je vis avec toi est bien plus fort, bien plus intense et bien plus important pour moi que ce que je partage avec eux.» Toujours aussi calme et conciliante, Serena osa même lui adressa un sourire tendre. Parce qu’elle ne voulait pas qu’il imagine des choses totalement infondées. A vrai dire, elle ne savait même pas pourquoi ils en étaient arrivés à une telle conversation mais puisque cela semblait important pour lui, elle allait faire l’effort de lui donner des réponses. « Chéri, regarde-moi… s’il le fallait, je serai prête à renoncer à la terre entière pour toi. Lorsque je parle de toi, je ne dis pas que tu es mon meilleur ami, je ne dis pas non plus que tu es mon confident. En revanche, je dis que tu es mon mari et c’est là ma plus grande fierté.» Au risque de se voir envoyer promener une nouvelle fois, elle prit le risque de se rapprocher et de revenir chercher sa main. Elle avait toujours eu besoin de ce contact physique entre eux. Mais cette conversation … cette situation … Serena n’était pas dupe. Elle avait l’impression que cela cachait autre chose et en un sens, elle n’avait pas tort. Après tout, n’était-il pas en train de lui reprocher ce qu’il avait probablement inconsciemment peur qu’elle lui reproche ? « Qu’est-ce qui ne va pas Vit’ ? Tu sais que tu peux tout me dire …»

Serena avait beau être dotée d’une intelligence remarquable, elle ne parvenait vraiment pas à comprendre quelle était la finalité d’une telle conversation. Comment en étaient-ils arrivés là au juste ? Initialement, il était pourtant prévu qu’ils passent une soirée à deux, juste pour le plaisir d’être ensemble. Chose qui n’arrivait que rarement ces derniers temps. Mais il y avait forcément quelque chose qui ne tournait pas rond chez Vitaly et la jeune femme ne demandait qu’à comprendre. « Tu ne peux pas continuer à m'idéaliser et à me faire me sentir si important après tout ce que j'ai fais ou n'ais pas fais. Tu ne peux pas non plus rester aussi calme et conciliante quand j'agis comme un con. Tu devrais ... Je sais pas moi ... T'énerver, me gueuler dessus une bonne fois pour toutes, me reprocher de toujours tout foutre en l'air. » L’idéalisait-elle à ce point ? Elle n’en avait pourtant pas l’impression. Serena avait toujours eu conscience des défauts de Vitaly mais elle avait appris à s’en accommoder, tout comme il parvenait à jongler avec ses propres défauts. Tout en fixant son verre de vin posé sur la table basse, elle acquiesça doucement. « Et le problème serait résolu selon toi ? » Elle détourna son regard vers lui et souria presque imperceptiblement. Comment pourrait-elle se mettre en colère contre lui et surtout, pour quelle raison ? « Tu ne t’en aperçois que maintenant mais ça a toujours été comme ça entre nous. Tu es celui qui s’énerve, je suis celle qui tempère. L’équilibre parfait. Maintenant, si tu veux que nous nous disputions, il va falloir que tu trouves un motif valable car personnellement, je ne vois pas trop ce que j’aurais à te reprocher. » Il y avait pourtant des dizaines de choses qu’elle aurait pu lui balancer en pleine figure si seulement elle était au courant … Hélas, son mensonge passait comme une lettre à la poste et Serena demeurait parfaitement dupe de ce petit manège.

La situation dans laquelle ils se trouvaient paraissait effroyablement compliquée. Mais il y avait forcément une solution pour se sortir de cette impasse, n’est-ce pas ? « Pourquoi tu n’acceptes pas juste le fait que je t’aime ? » Préférait-il partager son quotidien avec une femme qui n’aurait de cesse de lui adresser des reproches et avec laquelle il passerait son temps à se disputer ? Serena était peut-être beaucoup trop conciliante mais c’était dans son tempérament d’agir ainsi. Sans compter qu’elle n’aimait pas les disputes, elles avaient plutôt tendance à la pétrifier plus qu’autre chose, ce qui au final, ne s’avérait pas vraiment productif. Mais là, elle avait l’impression d’être la seule à s’accommoder d’une telle situation. Elle repensa alors à sa conversation avec Vin, à tout ce qu’elle lui avait confié concernant ses problèmes de couple. Y compris cette terrifiante évidence : « Parfois, j’en viens à me demander si tu ne serais pas plus heureux sans moi.» Question qu’elle se posait à une fréquence régulière tant elle avait l’impression qu’il ne souhaitait plus vraiment qu’elle fasse partie de sa vie. Il avait beau prétendre le contraire, ses agissements allaient totalement à l’encontre de ses propos. « Car incontestablement, ce qui est évident pour moi ne l’est pas nécessairement pour toi.»

Si elle remettait cela sur le tapis, c’est parce-que cela sonnait comme une évidence à ses yeux. Serena avait l’impression qu’ils étaient en train de s’enliser dans une vie de couple qui ne correspondait en rien à leurs attentes. En tout cas, pas à celles de Vitaly. Il osait appeler ça de simples turbulences ? Cette constatation la fit sourire, consternée. « Les autres couples parviennent à les traverser. Nous, nous sommes prisonniers de la tempête depuis des lustres.» Sur ces mots, Serena se leva et fit quelques pas dans le salon. Et bien nous y voilà ! Il allait enfin l’obtenir sa dispute puisqu’elle semblait tant lui tenir à cœur. A aucun moment la jeune femme n’avait souhaité s’aventurer sur ce terrain glissant mais Vitaly avait l’art et la manière de la pousser dans ses derniers retranchements. A croire qu’il aimait lui infliger ce genre de torture morale. Même si en apparence Serena paraissait toujours aussi calme, il va de soi que Vitaly avait réussi à semer le doute dans son esprit. « N’essaie pas de me faire prononcer des phrases qui semblent t’arranger. Le problème c’est que lorsque tu agis de la sorte, j’ai l’impression que tu cherches à me faire craquer. Comme si tu souhaitais que je sois celle qui prend la décision de tout arrêter. Pourquoi fais-tu cela ? Cela te ferait tellement culpabiliser de me quitter ? Je ne suis pas une pauvre petite chose fragile, tu sais. Alors si c’est tellement répugnant d’envisager l’idée que je puisse t’aimer à en crever et vouloir passer le restant de mes jours avec toi … » Elle n’alla pas jusqu’au bout de sa phrase. Elle ne le fit pas, car elle ne voulait pas qu’il la quitte. Elle l’aimait beaucoup trop pour ça et elle s’en voulait déjà d’avoir été si loin. Mais ne l’avait-il pas cherché ? Non parce que bon, Serena avait beau être naïve et totalement dupe concernant les agissements de son mari, elle était loin, très très loin d’être stupide. « J’aurais dû savoir que c’était trop beau pour être vrai.» Quoi donc ? Et bien cette soirée. Ce tête à tête qu’elle attendait avec tellement d’impatience. Que croyait-elle exactement ? Qu’ils allaient passer la soirée à se lancer dans un interminable jeu de séduction, se rappelant à quel point ils pouvaient être importants l’un pour l’autre ? Foutaises. Au travers de sa façon d’agir, Vitaly était clairement en train de lui faire comprendre qu’il désirait autre chose. Quoi ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Mais quelles que soient ses intentions, il s’y prenait d’une manière pour le moins exaspérante. Finalement, elle baissa la tête et soupira doucement. Ce n’était pas le moment de céder sous l’effet de la colère d’autant qu’il lui avait suggéré une idée pour le moins importante : et si elle était plus heureuse sans lui ?  « Comment pourrais-je être plus heureuse sans toi alors que tu représentes tout à mes yeux ? Franchement Vit’, tu penses sincèrement que je serais toujours là, à tes côtés si je n’étais pas persuadée de t’aimer ?» Sauf que ce n’était pas seulement de l’amour. Ce qu’elle ressentait allait bien au-delà d’un sentiment amoureux. D’où le fait qu’elle ne tarda pas à revenir près de lui, lui tendant une main pour l’inciter à se lever afin qu’il puisse lui faire face. « C’est notre première soirée en tête à tête depuis une éternité. Je n’ai pas envie qu’on la gâche… Et encore moins car tu t'imagines des choses infondées sur Vin ou Suileabhan.»

Par moment, Serena aurait adoré pouvoir lire dans ses pensées car même après toutes ces années passées ensemble, Vitaly demeurait une véritable énigme. Il passait d’une émotion à une autre avec une rapidité déconcertante tant et si bien qu’elle ne savait plus sur quel pied danser. La jeune femme n’était pas certaine que son discours ait parfaitement été entendu mais elle refusait catégoriquement de prendre le risque de remettre le sujet à l’ordre du jour. Sans compter qu’il ne s’était nullement empressé de la contredire lorsqu’elle avait affirmé qu’il attendait qu’elle soit la première à partir. Etait-ce là ce qu’il désirait ? A cette simple idée, elle sentit son cœur se serrer et son estomac se nouer. Seul le baiser qu’il déposa sur son front parvint à apaiser ses craintes et la jeune femme ne se fit pas prier pour le suivre jusque dans la cuisine.  Parler de la réunion ? Mouais… c’était toujours mieux que de se disputer inutilement. « Epuisante. Les investisseurs ont des exigences pour le moins faramineuses et cela risque de se répercuter grandement sur notre budget annuel. Nous sommes parvenus à trouver un accord après plus de trois heures de discussion intensive. Je pense que la perspective de me voir un jour à la tête de la maison d’édition leur fait un peu peur. Je ne suis pas comme Clifford, je ne cède pas à leurs moindres désirs. » Par simple curiosité, Serena s’approcha des plats que Vitaly avait pris soin de cuisiner et constata avec surprise qu’il n’avait pas choisi son menu aléatoirement : il avait préparé très précisément ce qu’elle adorait. Elle se sentit bien bête d’avoir osé douter de ses sentiments quelques minutes plus tôt. Quel homme prendrait la peine de cuisiner pour son épouse s’il considérait qu'elle n'avait plus la moindre importance à ses yeux ? « Humm ça sent drôlement bon !! T’es un amour. » Pour ponctuer ses propos, elle déposa un baiser sur sa joue et s’éloigna des fourneaux tout en se remettant à songer à cette fameuse réunion et à ce qu’elle était en train d’en dire. Après tout, elle venait de lâcher une information de la plus haute importance : elle deviendrait un jour PDG de la maison d’édition alors qu’elle n’était jusque là que le bras-droit du grand patron. « Oui car c’est la grande nouvelle du jour !! Dans trois ans, il a l’intention de partir à la retraite et il estime que je suis celle qui pourrait reprendre le flambeau. L’idée est vraiment très excitante mais je ne suis pas certaine que cela tombe au bon moment. » Elle porta sur lui un regard lourd de sens. Voyait-il où elle souhaitait en venir ou bien allait-il encore une fois ignorer le message qu’elle était en train de lui adresser ? Ce n’était pas le bon moment car Serena avait la ferme intention de consacrer les prochaines années de son existence à sa vie de famille et à … ses enfants. Elle savait qu’elle était en train de soulever un épineux sujet de discorde mais tant pis. « Vit’… faudrait vraiment qu’on en parle de manière … sérieuse. » C’était important pour elle. Et puis, ils avaient suffisamment plaisanté sur le sujet, il était grand temps de savoir où ils en étaient vraiment. Naturellement, le motif d’avoir des enfants n’était pas le seul qui la poussait à se montrer hésitante quant à la proposition de Clifford. Il y avait autre chose et ça aussi, il fallait qu’il l’entende. « Même sans parler de bébé, je ne suis pas certaine d’avoir envie de me retrouver à la tête de la maison d’édition. Cela demande beaucoup de travail et d’implication. Alors oui, mon métier me passionne mais je refuse de faire passer mon travail en priorité, au détriment de notre couple. Nous travaillons déjà bien assez comme ça. Tu … t’en penses quoi ?»

Pensive, Serena s’installa à table et laissa le bout de son index redessiner les contours de son verre de vin. Elle savait pertinemment qu’il s’agissait d’une occasion en or qui ne se présenterait pas deux fois et que par conséquent, elle ne devait pas la laisser filer. N’importe qui se damnerait pour être à sa place. Cependant, la jeune femme gardait à l’esprit que son boulot était loin d’être sa priorité et elle n’avait pas envie de devoir sacrifier sa vie de famille au profit d’un acharnement professionnel intense. Certes elle était la mieux placée pour s’occuper de reprendre l’affaire et probablement qu’elle aurait accepté la proposition sans ciller si seulement elle était tombée quelques années plus tard. Pour l’instant, Serena ne se sentait pas prête à franchir cette étape. « Tu penses vraiment que nous pourrions parvenir à conjuguer notre vie de famille et nos emplois du temps respectifs ? Car je n’ai absolument pas envie de reproduire le même schéma que mes parents. Je ne les voyais pratiquement jamais lorsque j’étais enfant.» Elle croisa le regard de Vitaly sans véritablement se soucier de la réaction qu’il pourrait potentiellement avoir face à ses propos. Car même si Serena savait qu’il ne souhaitait pas avoir d’enfant pour le moment, elle n’en restait pas moins persuadée que ce n’était qu’une question de temps. Elle s’empara de son verre pour en boire une gorgée et plongea de nouveau dans ses pensées. Diable ! Que cette situation était compliquée ! « Ou alors, il faudrait que j’en partage la direction avec une personne de confiance. Quelqu’un sur qui je pourrais m’appuyer en cas de besoin et qui partagerait mon goût en matière de littérature.» Car contrairement aux autres éditeurs, Serena ne perdait pas de vue la raison pour laquelle elle exerçait ce métier : c’était avant tout par passion et non pas par pure ambition financière. Ainsi, elle signait exclusivement avec des auteurs intéressants et qu’importe que leurs ouvrages deviennent ou non d’incontournables best-sellers ! La qualité avant tout. Hélas, qui pourrait l’aider dans sa tâche ? Les passionnés se faisaient rares, elle s’en rendait compte avec les quelques stagiaires qu’elle acceptait de recevoir. La plupart était tombé là-dedans sans véritablement savoir comment ni même pourquoi. C’était désespérant ! Il lui fallait donc quelqu’un de confiance, de passionné et d’érudit … Suileabhan ? Ma foi, l’idée n’était pas mauvaise… Elle évita soigneusement de faire cette suggestion à Vitaly, par peur de relancer leur précédente conversation.

Après avoir reposé son verre, l’éditrice pencha légèrement la tête sur le côté, visiblement songeuse. « Quant à notre conversation sérieuse sur LE sujet qui fâche …» Son regard se fit soudainement plus malicieux. Car oui, elle faisait clairement allusion à d’éventuels enfants. Elle savait qu’il ne souhaitait pas qu’elle remette ce sujet à l’ordre du jour, d’où son sourire amusé. « Il faudrait vraiment qu’on prenne le temps d’en parler. J’aimerais comprendre pourquoi ça te fait tellement peur qu’on franchisse cette étape. Tu dis que tu n’es pas prêt mais l’est-on seulement un jour ? Je veux dire, personne n’est jamais totalement prêt pour ce genre de choses, tu ne penses pas ?» Elle-même n’était pas certaine de l’être même si devenir mère était son désir le plus intense. Ces derniers temps, elle y pensait en permanence et si l’idée de tomber enceinte volontairement lui avait traversé l’esprit, elle se savait suffisamment respectueuse des envies de Vitaly pour ne pas lui faire un coup pareil. Alors qu’elle venait de marquer une courte pause, elle afficha un sourire diablement sexy. « Essaie de voir le bon côté des choses et touuuut le temps qu’il va nous falloir pour le concevoir ce bébé … »

Certaines évidences, aussi douloureuses soient-elles, méritent d’être prises en considération. Serena avait besoin de comprendre, d’obtenir une réponse honnête de sérieuse de la part de Vitaly. Avec tout ce qui s’était passé récemment, ils avaient l’un comme l’autre matière à réfléchir. Ces dernières semaines, la jeune femme avait osé espérer qu’ils empruntaient enfin la voie de la raison et que progressivement, les choses allaient finir par s’arranger. C’est en tout cas ce qu’elle souhaitait le plus au monde. Elle y avait cru de toute son âme et il n’y a rien qu’elle n’eut été capable de faire pour donner un second souffle à leur mariage. Contrairement à Vitaly, elle était loin de se douter que leur avenir à deux risquait fort d’être compromis… « Je pars du principe qu'un enfant, ça représente beaucoup de temps, d'énergie et de sacrifices. Et qu'il faut être tout à fait certain de pouvoir gérer tout ça, avant d'en avoir un. Je pense également qu'il faut être certain que ... Notre couple soit réellement solide et prêt à vivre ça. J'ai peur que, pour l'instant ... Nous ne soyons encore trop fragiles. » L’éditrice battit des paupières comme si son esprit était en train de vagabonder et qu’elle revenait brusquement à la réalité. Donc, il doutait d’eux. Pourquoi était-ce si difficile à entendre ? Et tellement douloureux aussi ? Elle resta silencieuse durant quelques secondes avant qu’un petit rire nerveux et ironique ne franchisse la barrière de ses lèvres. Pour le coup, elle se sentait profondément blessée. Serena refusait de laisser transparaitre quoi que ce soit de ses émotions mais il va de soi que Vitaly la connaissait suffisamment bien pour la percer à jour. « Oh et bien … au moins, ça a le mérite d’être clair. » « Encore trop fagiles » … voilà la seule chose qu’elle avait retenu de son discours. Sentant sa gorge se serrer, elle s’empara de son verre de vin et le termina en l’espace de quelques secondes.

Elle faisait des efforts, pensait être une épouse exemplaire et bon sang, elle l’aimait par-dessus tout ! Alors quoi ?! Que pouvait-elle faire de plus pour que la situation s’améliore ? Quand elle reposa son verre, elle n’osa pas croiser le regard de Vitaly. Une question lui brûlait les lèvres et avant même qu’elle ne puisse réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir, elle décida de la lui poser. « Tu vois quelqu’un ? » Question légitime. Mais déplacée. Même si Serena avait réussi à tirer un trait sur le passé, il arrivait fréquemment que ses vieux démons reviennent la hanter. A juste titre, cela va sans dire. Comme quoi, elle avait beau se montrer naïve et totalement dupe du mensonge qu’il partageait avec Lindsay, la jeune femme n’en demeurait pas moins très réceptive envers les différents éléments à sa portée. L’idée qu’il puisse de nouveau la tromper sonna soudainement comme une évidence puis … semblant revenir à la réalité, Serena regretta aussitôt sa demande. Merde, à quoi jouait-elle ?? Comment pourraient-ils repartir sur des bases saines et solides si elle se mettait à douter de lui ? « Désolée, je… je ne voulais pas te demander ça. » Serena aurait donné n’importe quoi pour pouvoir s’enterrer dans un trou de souris si minuscule, qu’elle ne parviendrait plus à en sortir. Tel un miracle, son téléphone portable se mit à sonner et quand bien même n’avait-elle pas la moindre envie de décrocher, elle y vit une occasion en or pour fuir cette conversation atroce. « Excuse-moi une minute… » Elle était vraiment troublée, pour ne pas dire totalement déstabilisée par ce qui venait de se passer. Serena se leva et sortit par la porte de la cuisine, celle qui donnait directement dans le jardin. Sauf qu’au lieu de répondre comme elle l’avait prétendu, elle transféra l’appel vers son répondeur. Serena poussa un profond soupir et ferma les yeux un court instant. Suite à cela, la jeune femme marcha jusqu’au fond du jardin, partagée entre tristesse et profond désespoir. Elle avait promis à Vin de ne rien faire de stupide et pourtant, l’envie de tout plaquer se fit plus pressante encore que les fois précédentes. Serena avait l’impression d’étouffer, prisonnière d’une vie sur laquelle elle n’avait plus aucun contrôle.

Partir ou rester… Serena avait véritablement besoin de prendre un peu de recul afin de réfléchir à leur situation, à leur avenir également. Vitaly avait beau prétendre que ce n’était qu’une question de temps, la jeune femme avait beaucoup de mal à le croire. Elle se disait que cela cachait autre chose. Quoi ? C’est ce qu’elle aurait aimé comprendre. Si elle lui avait parlé d’infidélité, ce n’est nullement à cause de sa remarque. C’était plutôt un ensemble de choses qui, combinées les unes aux autres, lui avaient mis la puce à l’oreille. Naturellement, cette idée lui avait simplement traversé l’esprit d’où le fait qu’elle se soit excusée aussitôt. La vérité dans tout ça, c’est qu’elle ne savait plus du tout où ils en étaient et que Vitaly avait l’art de brouiller les pistes. Son discours allait à l’encontre de ses actes et en un sens, il avait certainement raison de dire qu’ils étaient trop fragiles. Immobile, Serena se tenait toujours dans le fond du jardin, fixant l’horizon d’un air las. Elle entendit alors le bruit des pas de son époux dans son dos et soupira doucement, à la fois triste et fatiguée. « Laisse-moi tranquille, s’il te plait…. » Adieu la merveilleuse soirée qu’elle avait osé imaginer toute la journée. Une fois encore Serena s’était bercée d’illusions. « Je ne voulais pas dire que notre mariage était mort et enterré et qu'on ne pouvait plus rien y faire. » C’était pourtant la réalité des faits. Ils ne pouvaient plus rien y faire. Elle ne répondit pas, espérant qu’il s’arrêterait là, mais non. Vitaly continua de plus belle. « Je dis seulement qu'on est tout juste en train de se retrouver et que, pour ça, il est trop tôt pour passer une nouvelle étape dans notre mariage. Pourquoi ne pas juste profiter encore quelques temps, du fait qu'on soit en train de se retrouver l'un et l'autre ? » Il était sérieux là ? Il avait vraiment l’impression qu’ils étaient en train de se retrouver, de réapprendre à se connaitre comme ils avaient pu le faire par le passé ? Si tel était le cas, elle ne partageait pas son avis. « Tu sais aussi bien que moi que le temps n’a strictement rien à voir là-dedans. » Nouveau silence. Serena en avait marre des faux semblants. Dans un mois, un an ou dans cinq ans, le discours de Vitaly serait toujours le même. Pourquoi s’évertuait-il à prétendre le contraire ? Toujours de dos, la jolie blonde reprit la parole à son tour, manifestement troublée mais toujours extrêmement calme et douce. « Trop tôt … trop tard … pas maintenant … une autre fois … voilà ce que tu me répètes sans cesse. Seulement, nous n’avons peut-être pas autant de temps que tu l’imagines. Et je n’ai pas non plus envie de passer ma vie à courir espérer obtenir de toi quelque chose que tu n’accepteras jamais de me donner. » Elle ne parlait pas seulement du fait d’avoir un enfant, c’est évident. Finalement, elle se décida enfin à lui faire face à nouveau. Son regard brillant croisa celui de Vitaly et elle se rapprocha de lui, légèrement hésitante. D’un revers de main, elle caressa tendrement sa joue et enchaina : « Je suis capable de faire bien des sacrifices pour toi, mais je ne veux plus mettre ma vie entre parenthèses inutilement.» Elle ôta délicatement ses doigts et baissa le regard un court instant. Ce qu’elle s’apprêtait à dire n’était pas facile et peut-être même que cela pouvait paraitre excessif au regard de la situation mais qu’importe. Cela faisait trop longtemps que ça la travaillait et si elle ne prenait pas le large immédiatement, elle allait finir par y laisser sa santé mentale. « Je partirai en même temps que Lindsay. J’ai besoin de prendre un peu le large. Seule. Ca nous laissera également le temps de réfléchir à notre situation.»