Combien de temps qu’ils ne s’étaient pas parlé, au juste ? A peine quelques jours à tout casser et pourtant, Wayne ressentait la chose comme une douce agonie entremêlée d’éternité. Il avait longuement hésité avant de ne faire le premier pas, persuadé qu’elle l’enverrait péter. « Je sais qu’elle te manque Loki mais c’est pas ma faute si elle a une putain de fierté de merde ! » s’était-il exclamé à l’attention de son chien, qui devait se sentir délaissé en l’absence de Marley ET de son maître, dont l’emploi du temps était toujours aussi chargé. Pour sûr, s’il avait demandé à l’une de ses voisines de le lui garder la journée, ou le temps de ses gardes, la sicilienne n’aurait fait qu’une bouchée de son sac à bonbons et mine de rien, il tenait à sa virilité. Il avait donc emmené son fidèle chien avec lui, le cachant dans son bureau quand il ne pouvait pas lui faire faire le tour du parc lors d’une pause entre deux opérations délicates. Et finalement, ce fut l’américain qui céda en premier, donnant rendez-vous à Marley dans son bureau de l’hôpital pour une surprise. La surprise, ce n’était pas forcément seulement le fait qu’il ne se mette sur son trente et un et ait relégué son habituel vêtement de neurochirurgien au placard, mais aussi surtout qu’il sache mettre lui-même sa fierté de côté… « Je suis invité à un mariage et j’ai pensé que tu voudrais m’accompagner. J’ai pensé à la robe qui est sur la chaise là, à côté » fit-il tandis qu’il achevait de mettre en place son nœud papillon de smoking devant une immense glace sur pied. La robe qui se trouvait sur la chaise en question était rouge et noire, faite sur mesure et de taille parfaite pour la jolie blonde, mais aussi destinée à l’embellir au-delà des mots, si toutefois une telle chose était possible. « Je sais que tu adores t’habiller comme un sac mais j’ai pensé qu’exceptionnellement… te faire un cadeau, pourquoi pas » tenta-t-il sans en penser un mot car à ses yeux, elle restait parfaite. Même lorsqu’elle lui tapait affreusement sur le système comme la fois passée. « Tu acceptes de m’accompagner ou tu restes simplement sur le pas de la porte ? »

Note à soi-même : ne jamais traiter Marley de sac même pour faire de l’humour parce qu’elle se montrait toujours capable de le prendre mal. Wayne leva donc les yeux au ciel alors que la sicilienne saluait en premier Loki, pas rancunier pour trois sous même si elle l’avait autant ignoré pendant ces quelques jours qu’elle n’avait ignoré l’américain. De quoi faire soupirer légèrement le neurochirurgien tout occupé à nouer son nœud papillon à la perfection. Il ne fallait pas qu’un seul fil dépasse et c’est la raison pour laquelle il avait fait faire son costume sur mesure également. Mais passé le frêle baiser de sa belle blonde, il ne put s’empêcher de lui lancer un sourire carnassier lui donnant une affreuse tête à connerie avant de ne lever les épaules. « Loki est quand même pas rancunier dans le genre, même si tu l’as complètement oublié pendant plusieurs jours » ne put-il s’empêcher de remarquer car bien qu’il ait fait ce pas en avant et l’ait par conséquent rappelée, cela ne voulait pas dire qu’il oubliait. Wayne était un être particulièrement rancunier, il n’y avait qu’à voir sa relation avec son frère jumeau pour comprendre qu’il ne passait jamais outre quand on l’avait froissé. C’était bien moins grave dans le cas de Marley, juste une mauvaise façon d’accorder leurs violons ainsi qu’une bien mauvaise communication… rien d’inhabituel en somme. « Mariage de mon ami d’enfance, qui est russe. J’ai été étonné d’être invité vu que l’on s’était perdu de vue mais il faut croire que je suis quand même le bienvenu. Il est dans l’armée, rien de bien passionnant mais tu devrais s’entendre avec sa femme, qui est dans la mode. Elle est très sympa en plus d’être jolie. » Et toc, rien que pour l’emmerder ! Wayne haussa un sourcil avant de n’éclater purement et simplement de rire alors que Marley découvrait enfin la robe qu’il lui offrait et qui ne serait que pur délice une fois portée par elle. « Mais je t’en prie. N’y vois rien de sinistre, je suis simplement observateur, c’est tout. Ce n’est pas comme si tu ne t’étais pas déjà baladée en petite tenue chez moi ! » fit-il remarquer, non sans esquisser un sourire plus adoucit et sincère dans la foulée. « Mais pour embellir le tout, j’ai pensé également à un accessoire, pour lequel je n’avais pas besoin de proportions… » Tout en se glissant dans son dos, l’américain n’hésita pas à lui attacher au cou un magnifique pendentif provenant de la marque dont il était héritier sans que personne ne soit au courant – et ce bien que le nom « Swarovski » soit plutôt un indice en la matière – tout en petits diamants et en argent fin. Ce n’était peut-être pas l’un des bijoux de la reine d’Angleterre mais au moins cela venait du cœur… d’une certaine façon.

D’ordinaire, Wayne était plutôt du genre à surtout éviter de mettre Marley en rogne mais cette là, elle ne l’avait pas volée. Ce n’était qu’une petite provocation, n’est-ce pas ? Après tout, Micky, la femme du fameux Dimitri dont il n’avait eu que récemment des nouvelles après un très long silence radio, restait quelqu’un de très agréable. Ils n’avaient parlé qu’une ou deux fois mais son pote la côtoyait depuis si longtemps qu’il ne pouvait pas ne pas la connaître, c’était techniquement impossible. « Militaires ? Je ne savais pas que c’était ton trip mais soit » fit-il, faussement désintéressé même s’il prendrait affreusement mal le fait qu’elle ne fricote avec qui que ce soit d’autre que lui. Wayne n’était pas un homme patient à bien des égards et s’il était prêt à pardonner beaucoup de choses, le fait que l’on joue avec ses sentiments s’avérait rédhibitoire : la sicilienne se trouverait un autre homme à torturer ou avec qui jouer les tortionnaires car il aurait tôt fait de rendre illico presto son tablier dans ces conditions. « Bah, je suis un mec ! Je ne vais pas me flanquer un bandana autour des yeux sous le fallacieux prétexte que tu es plus jeune que moi ! Ou pour tout autre prétexte d’ailleurs… tu te rinces sûrement l’œil aussi quand tu t’y mets, c’est humain. Je suis voyant, je vois, il n’y a rien de sinistre… » Même s’il apprécia par-dessus tout la réaction suivante, il fallait bien admettre ce qui était. Ce regard qu’elle lui lança parvint à guérir tous ses maux, à faire s’envoler toutes ses craintes et à amoindrir toute sa colère. En une seule œillade, Marley s’était réapproprié complètement le cœur de l’américain, le forçant à sourire de façon taquine avant qu’il ne lui rende aussi amoureusement le baiser qu’elle lui offrait. C’était sûrement le meilleur des remerciements et la plus belles des signatures d’armistice. « J’avais simplement envie de te faire plaisir. Je ne connais pas encore tes goûts alors peut-être que je tâtonne mais apparemment ce n’était pas un si mauvais galop d’essai ! Tu m’accorderas une danse maintenant ? » Le pire, c’est qu’il ne l’achetait en aucune manière. Wayne ne la couvrirait pas sans arrêt de cadeaux mais lorsqu’il s’aventurerait à le faire… Marley pouvait être sûre que cela ne pouvait pas être plus sincère.

Comme quoi, ne jamais se fier aux apparences : Marley venait de lui prouver par a+b qu’elle n’était pas matérialiste. Oh ce n’était pas exactement ce que Wayne lui demandait d’être, bien au contraire, tant que son cadeau lui faisait plaisir, elle pouvait bien être vénale à souhait ou au contraire ne pas l’être du tout, ce n’est pas ce qui le ferait moins l’aimer, bien au contraire. L’américain n’était pas le seul à s’était emparé du cœur de l’autre, la sicilienne avait réussi là où toutes les autres femmes avaient lamentablement échoué… le neurochirurgien ne s’en plaignait pas, bien au contraire, même s’il s’était surpris à cogiter énormément ces quelques derniers jours. Il aurait voulu être en mesure de demander franchement à Marley où ils allaient, si elle prenait leur relation avec autant de sérieux que lui… voilà bien l’archétype du genre de moment où dix ans de différence se sentent affreusement. « Tu peux être matérialiste, papesse ou la reine d’Angleterre, rien à secouer puisque tu es à moi… » murmura-t-il avant de ne dévorer littéralement son cou de baisers, se retenant à grande peine de lui faire un suçon juste histoire de prouver par une marque on ne peut plus physique qu’il pensait ses paroles. « Prépare-toi à danser toute la soirée ma belle, et voilà qui me fait penser que dans un sac dans le fond de la salle, j’ai pensé à une paire de chaussures… d’une parce que ce serait dommage que tu n’y ailles pieds nus, et de deux ne me tue pas sur place je n’ai aucun mérite : j’avais vu ta pointure une fois par hasard sur l’une des paires que tu as laissée chez moi. » Wayne eut un petit sourire taquin avant de ne se laisser entraîner dans une photo improvisée d’eux deux, chose qui, sans qu’il ne s’y attende, le toucha plus que de raison. « Tu me l’envoies sur mon téléphone que je puisse la mettre en fond d’écran ? » reprit-il, sérieux dans ses paroles, souriant au niveau de ses traits néanmoins. « Bah quoi, plutôt que de te laisser t’égosiller quand une infirmière a le malheur d’avoir de mauvaises intentions, je peux aussi brandir mon téléphone tel un hibou… ce sera bien plus radical ! Tu ne crois pas ? » L’armistice semblait définitivement signé… ouf, pensa-t-il intérieurement dans la seconde qui suivit cette constatation.

« Ma reine, c’est déjà pas mal ! » lança Wayne avec un contentement certain et aisément détectable dans le fond de sa voix. En tout cas, l’américain se voyait parfaitement ravi d’avoir pu anéantir définitivement les dernières traces de leur précédente dispute et contenter Marley aussi facilement. Il faut dire qu’il avait du goût quand il s’y mettait et qu’il éprouvait réellement l’envie de faire des efforts. Il l’accueillit par conséquent dans ses bras non sans une délectation indescriptible, lui rendant son baiser avant de lui sourire pour la voir se maquiller avec une sorte d’habitude qui l’amusa au plus haut point. De son côté, il arrangea très légèrement ses cheveux, finit de mettre en place son nœud papillon et tira légèrement sur sa chemise pour avoir l’air parfait, tiré à quatre épingles pour ainsi dire. « Mais je vous en prie demoiselle, c’est un plaisir indescriptible d’avoir une Aphrodite à mon bras aujourd’hui » fit-il d’un air presque cérémonial avant de ne prendre délicatement sa main et d’y déposer un baiser, comme dans les dents d’autrefois lorsque l’homme devait séduire une damoiselle avant même que de l’inviter à danser. Il éclata cependant de rire la minute d’après, alors qu’il voyait la jalousie de Marley revenir au galop, et ce bien qu’il ait aussitôt mis leur photo en fond d’écran de son portable dès réception du MMS. Il lui avait même montré la chose ! « Celles qui tentent quelque chose auprès de moi sont déjà au courant, mais je ne maîtrise pas les ragots. Pas sûr que TOUTES soient au courant, mais c’est vraiment capital ? Je repousse toutes les avances que j’ai lorsque j’en ai, si c’est ta question. En fais-tu autant de ton côté ? » ne put-il s’empêcher de conclure avec un sourire malicieux, cherchant réellement à savoir si elle avait des avances, de qui, et surtout si elle les repoussait. Il était bien loin de deviner le monde d’où elle venait, son métier et les gens qu’elle fréquentait. S’il le savait… ah, nul ne sait comment il réagirait à vrai dire.

« Aphrodite est ton troisième prénom ? Ca devrait m’étonner mais en fait non, ça te va bien » la complimenta-t-il non sans lui faire un clin d’œil accompagné d’un sourire, avant que la conversation ne diverge sur un sujet nettement plus sérieux et… dangereux à la fois. Oh pas pour Wayne, qui n’avait strictement rien à cacher et se trouvait aussi blanc que la neige pour une fois, mais plutôt pour Marley. Il trouvait celle-ci rigoureusement mystérieuse les trois quart du temps, mais sur son métier tout particulièrement. Ce dont elle ne se rendait même pas compte, c’est qu’elle n’avait de cesse de lui tendre des perches pour qu’il ne mette le sujet de son travail sur le tapis, entre autres. Il évitait soigneusement de parler de son père, ayant bien compris que ce n’était ni le moment pour le rencontrer, ni foncièrement une bonne idée, mais le problème restait entier quoi qu’il en soit. Wayne détestait vivre caché, à presque mentir histoire de finir heureux, alors que la sicilienne semblait y être diablement habituée. Cela finirait par poser problème, nul ne le savait mieux que lui et fondamentalement, cela l’effrayait. Il craignait de s’impliquer bien trop dans une histoire malheureusement vouée à l’échec, surtout lorsque l’on voyait à quel point Marley détestait les critiques, même constructives, et fuyait la plupart du temps les discussions sérieuses pouvant leur permettre d’avancer. Une fois encore, il avait furieusement l’impression que leurs dix ans d’écart finissaient par les rattraper, immanquablement, quoi qu’ils fassent. « Je ne sais pas comment je dois le prendre » nota-t-il non sans humour tout en la défiant légèrement du regard, sans méchanceté aucune. « Tu dis que tu as beaucoup de propositions et que tu repousses beaucoup, ou autre chose ? » continua-t-il, imperturbable, et surtout bien décidé à obtenir même un semblant de réponse. Quitte à se prendre un nouveau vent en pleine face, autant ne pas le faire en ayant des regrets… et y aller franco. « Je crois que rien que le fait que tu ne sortes à mon bras en tenue de soirée va alimenter les ragots pour des semaines et des semaines… radio moquette est très bien captée ici, tu ne savais pas ? Mais ça ramène ma pensée à ton métier en fait : je ne sais rien de ce que tu fais, de qui tu côtoies… je ne peux même pas te faire la surprise de venir t’y chercher ! »

« Si je ne m’abuse ton deuxième prénom est Rose, n’est-ce pas ? » Wayne n’allait pas fanfaronner en se disait « ça y est, j’ai fais bingo » mais il ne pensait pas être à côté pour autant. D’ailleurs, vu la forme que prenait actuellement la conversation actuellement, il aurait presque préféré qu’ils ne se lancent tous deux dans un sujet tournant autour de leurs prénoms respectifs, de leurs origines et de ce qui pouvait bien s’y rattacher. A la place, il perçut un regard attristé chez Marley et dire que cela lui déplût était un euphémisme. Elle n’était pas censée être triste dans un moment pareil, mais limite hausser les épaules, lui dire la vérité et ensuite partir à son bras dans ce qui promettait d’être une bonne journée. Wayne avait même prévu de laisser Loki à un collègue chirurgien, en qui il avait toute confiance et avec qui son chien ne s’ennuierait pas une seconde, surtout sportif comme celui-ci était. Mais pour revenir à nos moutons, plus les secondes passaient et plus la conversation, en plus de lui déplaire, lui flanquait la chair de poule… jusqu’à ce que le couperet de la guillotine ne tombe et qu’il ne fronce largement les sourcils. « Alors deux solutions : soit tu fais effectivement partie du gratin et si j’en crois ton discours tu as honte de moi… bien que je te fasse tout de même remarquer que je ne suis pas le premier couillon venu vu ma propre position ; soit… » Et là, Wayne marqua une pause avec intention formelle de démêler le vrai du faux. « Soit tu fais partie d’une autre catégorie et oserais-je suggérer le mot « Mafia » pour le coup. » Il ne fallait pas prendre l’américain pour le dernier des abrutis, pas avec les études prestigieuses qu’il avait fait, son travail ne l’étant pas moins et ses recherches lui ayant valu et de très nombreux prix, et une notoriété internationale que beaucoup lui enviaient, surtout qu’il était encore jeune. « C’est ça, n’est-ce pas ? Ton père est un parrain de la Mafia, je ne me trompe pas ? Mais ça ne répond pas foncièrement à ma question première qui se trouve être autour de ton métier. Je te suggère de me répondre et de ne pas me laisser deviner car il se trouve que j’ai une imagination particulièrement fertile quand je m’y mets. Je pense que de toute façon je ne vais pas aimer la réponse alors autant que tu me la dises toi-même… que je n’ai pas complètement l’impression que tu m’aies pris pour un con depuis le début ! »

Marley n’était pas la seule à qui on arrachait actuellement le cœur, à n’en point douter. Mais Wayne trouvait son propre self control glacial, comme s’il s’attendait à ce que cette maudite conversation ne tourne au vinaigre au point d’aller à se mariage, de se bourrer la gueule pour mieux coucher avec la première venue. Il fut un temps où, une fois bien en colère, il aurait pu s’adonner à ce genre de bassesse. Mais ce qui le retenait aujourd’hui, c’était l’affection qu’il avait pour la sicilienne, l’amour même. Ce fut sans doute pourquoi il prit les clefs de sa Porsche, passa jusqu’au bureau de son collègue chirurgien à qui il confia Loki avant de ne se diriger vers sa voiture dans un silence si pesant qu’il avait la détestable impression qu’on avait criblé son corps de plomb. Il peinait à avancer et encore plus à avoir les idées claires. Devait-il hurler, ne pas accepter cette confession ? Bah, il ne la blâmait pas, ayant encore la présence d’esprit de penser qu’elle n’avait peut-être pas le choix. « Pour info, je ne te considère pas comme une pute et j’emmerde prodigieusement tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi » fit-il d’un ton tranchant avoisinant les moins cent degrés Celsius alors qu’il montait dans sa belle voiture sportive dont la rapidité risquait d’être un morceau de sucre à placer contre sa peine. Oui, il avait mal. Mal d’avoir la détestable impression de n’être qu’un jouet entre les mains de Marley, tout en sachant qu’en poursuivant cette conversation, il y aurait forcément un point culminant où la jolie blonde allait péter un câble et le faire passer pour le bourreau. Tout ce qu’il souhaitait pourtant, c’était la vérité… vérité qu’elle lui offrait, mais seulement à demi mot. « Je ne suis pas sûr que ce soit l’effet de mon imagination et même si ça ne te plaît pas, même si je sais que tu viendras forcément à me faire une scène à un moment donné, je veux la vérité, tout de suite maintenant. Nous sommes à l’intérieur de ma voiture, à l’abri des yeux et des oreilles indiscrètes, alors finis les faux semblants, finis les dérobades et les mensonges. Je veux la vérité, maintenant Marley. Prends ton courage à deux mains toi qui a toujours un mot pour tout ! »

« Pourquoi tu me ferais une scène ? Pour la simple raison que les rares fois où j’ai tenté d’avoir une conversation franche et sérieuse sur un sujet qui t’a déplu, c’est exactement ce que tu as fait ! » Mais ce n’était pas en soi un reproche, plutôt une constatation et Wayne l’avait dit plus pour qu’elle n’en fasse pas une justement. Il voulait que cette fois, il n’y ait pas l’ombre d’une fuite de sa part. Il voulait qu’elle reste et qu’elle se batte pour leur relation, qu’elle ait foi en ce qu’il pouvait ressentir à son égard mais aussi en son intelligence… l’américain avait été si souventes fois trahi qu’il n’osait plus compter et usait d’une méfiance si bien taillée qu’elle s’en trouvait aussi tranchante que la lame d’un sabre de samouraï. Il ne voulait plus prendre la tangente, il voulait lui aussi croire que cette fois, personne n’allait le trahir, faire joujou avec son palpitant jusqu’à ce qu’il ne s’en retrouve à terre, épuisé et quasiment sans vie, à réclamer la mort alors qu’il ne faisait que la repousser sans discontinuer dans le cadre de son travail. « Parce que tu penses que justement, j’en ai rien à foutre ?! Que je te pense insensible au point que tes sentiments m’indiffèrent ? MERDE MARLEY ! Si j’en avais rien à secouer, je serais déjà loin, très loin de toi plutôt que d’essayer de te tirer une bonne fois pour toute les vers du nez afin que notre histoire ne soit pas fondée sur un MENSONGE ! » Wayne s’était emporté à son tour, secoué par ses aveux et tout ce qu’elle véhiculait par le biais de ses mots. Il avait l’impression de suffoquer mais se refusait à ouvrir la fenêtre de la voiture, bien trop craintif que quelqu’un ne les entende et ne brise cette bulle dans laquelle ils s’étaient tous deux réfugiés. « J’en ai marre qu’on me trahisse tu comprends ! Je ne veux pas me dire en te regardant que tu me caches encore des tonnes d’autres trucs, je veux pouvoir venir te voir et me dire que même si toute l’humanité est pourrie, que je peux avoir entièrement confiance en toi, que je peux toujours me tourner vers toi et emmerder l’humanité profond ! Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant, Marley ?! Pourquoi tu n’as pas eu confiance en moi, HEIN ?! C’EST SI DIFFICILE DE TE RENDRE COMPTE QUE JE T’AIME COMME UN FOU ?! »

Wayne avait l’impression d’être douché sous de l’eau glaciale ayant fait respectivement les mers bordant la Russie, l’arctique et l’antarctique pour mieux être ensuite plongé dans une mare de lave. L’effet en était aussi destructeur que désagréable mais il n’empêche qu’il avait envie de hurler sa rage et sa douleur. Sa déclaration n’était pas suffisante dans le sens où il aurait pu aller encore plus loin mais dans l’état actuel des choses, ce n’était pas utile. Inutile que d’enfoncer encore plus la tête de Marley sous l’eau, il n’était pas suffisamment cruel pour ça. « Si tu avais suffisamment prêté attention à tout ce que j’ai dis et fait, alors tu aurais su immédiatement que je ne t’aurais jamais repoussé pour ça. On ne choisit par sa famille, j’en suis la première preuve que mon père n’est rien d’autre qu’un escroc nous ayant abandonné ma sœur et moi, tandis que mon frère n’est guère mieux. Je sais très bien ce que ça fait même si effectivement, je t’accorde qu’on ne joue pas dans la même cour. J’aurais voulu que tu me fasses plus confiance Marley. Que tu aies le courage de t’ouvrir à moi plutôt que de me fuir et de t’énerver ! » Wayne semblait complètement vidé de toute énergie alors qu’il s’écrasait contre le dossier de son siège, les yeux perdus dans le vague, cherchant à se rassembler en un seul morceau tant il s’était éparpillé. « Je ne t’aurais jamais abandonné Marley, tout comme je ne t’aurais pas poussé à faire l’amour avec moi. Je me demande si tu me prends pour un tortionnaire ou juste pour un abruti de basse extraction ? Je me plais à penser que je ne suis pas comme tous les salopards que tu dois voir dans ton boulot, du moins j’essaye même si ce n’est pas tous les jours dimanche de ce côté-là. » Bientôt, l’américain prit une grande inspiration avant de ne pousser un pénible soupir, tournant son regard sans pour autant que son corps ne bouge cette fois. « Inutile de t’obliger à le dire. Ca n’engageait que moi de prendre ce risque. »

Wayne avait parlé davantage en l’espace de quelques longues minutes qu’en toute une vie. Il était vidé de toute énergie, de toute volonté, et il était prêt à parier des dollars contre des biscuits qu’Anna applaudirait probablement sa manœuvre mais il n’est pas dit que celle-ci soit utile d’une quelconque manière. Du moins avait-il la mauvaise présence d’esprit de le penser avant que Marley ne reprenne finalement la parole, le forçant à la regarder à nouveau après que son regard se soit à nouveau perdu dans le vague, devant lui, à errer sans but comme l’intégralité de ses pensées actuelles. Elle s’excusait ? C’était une grande première et sans faire preuve d’une ironie quelconque, l’américain s’en trouvait particulièrement surpris. Il connaissait la fierté de Marley sur le bout des doigts pour la pratiquer depuis un moment maintenant, et il s’étonna de déglutir avec difficulté en voyant à quel point son discours sonnait d’une façon désespérée. Merde, une intense culpabilité entoura aussitôt son cœur tant il avait envie de faire un pas vers elle, de lui dire que maintenant que les choses se mettaient doucement à plat, il pourrait certainement trouver la force de poursuivre leur relation… mais sa fierté lui ôta toute volonté de lui dire ses paroles. Il la remercia presque implicitement, d’un simple regard, de lui offrir cette porte de sortie en lui reparlant du mariage, qu’il avait complètement oublié à force d’être secoué par ses propres sentiments en général et sa colère de façon plus précise. « Ou qu’on a enterré notre poisson rouge, au choix » osa-t-il plaisanter tout en conservant un visage aussi impassible et froid que du marbre, tandis qu’il hochait négativement la tête. Merde, depuis quand faisait-il payer à ce point les erreurs de son prochain ? Il était médecin, il pouvait donc tout réparer, à plus forte raison en étant chirurgien et en tripatouillant le cerveau de ses patients. « Je ne vais pas aller jusqu’à dire que je suis désolé car je suis fier que l’on ait enfin eu une conversation à cœur ouvert sans masque. Je suis navré si tu as été blessée par mes propos, mais c’est la seule chose pour laquelle je m’excuserais Marley. » Ceci étant, il se tourna davantage vers elle afin de l’attraper et de la serrer dans ses bras, mettant à exécution ses sentiments les plus profonds tout en offrant une sorte d’échappatoire à leur conversation insupportable. « On va aller au mariage… mais j’ai besoin de cinq minutes de paix. S’il te plaît » avoua-t-il d’une voix non pas fragile mais suppliante toute de même, alors qu’il caressant délicatement ses cheveux.

Autant dire que Wayne se sentait plus vidé qu’il ne l’avait jamais été après une opération de huit heures d’à filée par exemple. L’engagement sentimental n’était pas le même, bien au contraire, tant et si bien que l’américain ne savait pas s’il rêvait ou s’il venait de vivre l’un de ses plus insupportables cauchemars éveillés. En tout les cas, il se surprit à se sentir comme un naufragé venant d’essuyer une importante tempête, hagard, épuisé mais bien vivant, serrant entre ses bras sa belle, caressant ses cheveux, lui assurant somme toute tacitement que malgré tous les aléas de sa vie, malgré son métier, sa famille et tous ces détails qui auraient pu somme toute lui donner au moins dix raisons de prendre le large, lui comptait rester. Wayne avait l’extraordinaire intelligence de se dire que tout ceci n’était que bien peu de choses en comparaison de ce qu’il ressentait pour elle, ou même de ce qu’ils avaient déjà vécu. « Je peux t’apprendre à ne plus être une princesse à qui on dit tout le temps oui en te disant tout le temps non si tu veux ? » plaisanta-t-il, et bien que son visage ait du mal à se détendre véritablement, son ton parlait pour deux en laissant parfaitement entrevoir à quel point il ne fallait pas prendre ses paroles au premier degré. « Vrai que la dernière fois j’ai dormi sur mon canapé… je me félicite de l’avoir choisi confortable parce que c’est la première fois que je l’utilise après une dispute de couple. Je n’avais jamais expérimenté la punition canapé, tu te rends compte ? Sinon oui bien sûr, pour te répondre, tu peux venir chez moi ce soir – c’est même préférable limite vu que je ne sais absolument pas à quelle heure va se finir ce maudit mariage – et tu pourras dormir avec moi mais cette fois, Loki va rester bien sagement dans son panier, faut pas déconner ! » Wayne n’avait pas bougé d’un millimètre, retrouvant peu à peu une respiration plus humaine, chose qui lui provoqua plus machinalement qu’autre chose la sempiternelle question : « ça va ? »

Ce n’était pas tant qu’il était inquiet – bon d’accord il l’était un brin mais par pur souci de préserver son orgueil masculin, il valait mieux ne pas le dire à voix haute – mais plutôt qu’il voulait à la fois tout découvrir de Marley et laisser cet épisode douloureux derrière eux. Viendrait forcément un moment où il leur faudrait reparler de tout cela, nul ne le savait mieux que l’américain mais cette fois-ci, leur conversation ne serait ni colérique, ni teintée de douleur. Wayne se fit la promesse de dominer son tempérament afin de ne pas laisser ses travers se glisser entre deux paroles, sans compter qu’il aurait bien des choses à confier à Marley. Il ne lui « cachait » rien en soi, puisqu’elle connaissait son métier, l’endroit où il vivait, elle avait même fait la connaissance – bien que brève mais non moins intense – de sa sœur jumelle… mais il restait toutefois un large pan de sa vie, concernant avant toute chose son père et son frère jumeau, qu’il n’avait jamais confié à personne pour la simple et bonne raison qu’il était persuadé que cela ne servirait à rien. Avant de faire la connaissance de Marley, il se voyait parfaitement poursuivre son existence telle qu’elle, vivre pour son boulot, continuer à être de plus en plus connu et avancer ses recherches comme si de rien n’était… disons que la sicilienne n’était pas seulement parvenu à se frayer un chemin sinueux à l’intérieur de son esprit et de son cœur : elle avait également révolutionné sa vie, et ce sans même s’en rendre vraiment compte. « Parole de scout, je ne m’inquièterai pas ! Même si j’aurais pléthore de raisons techniquement parlant mais je suppose qu’il n’y a pas grand-chose que je puisse faire, pas vrai ? » demanda-t-il en faisant habilement référence à son métier, car en tant qu’escort girl, il l’imaginait tout à fait être sous les ordres et le bon vouloir de son paternel… « Je suis un rock, un homme un vrai, un tatoué ! » plaisanta-t-il avant de ne butiner un simple baiser contre ses lèvres tout en attachant sa ceinture et en incitant Marley à faire de même d’un regard. « Parole de scout again, personne d’autre que toi et moi ainsi qu’une immense assiette de pancakes de mon cru dans ma chambre, rien d’autre ! Ca te va comme ça ? » fit-il en démarrant sa belle voiture, se délectant au ronronnement du moteur qu’il aimait toujours autant entendre.