L’ambiance à l’intérieur de la voiture était passée d’affreusement pesante à nettement plus légère en un rien de temps. Wayne en était le premier étonné, lui qui peinait à accorder à nouveau sa confiance une fois trahi mais sans doute y parvenait-il parce qu’il avait l’intelligence de se dire que Marley ne l’avait pas vraiment trahie. Elle ne lui avait jamais parlé à cœur ouvert du monde où elle avait ouvert les yeux pour la première fois, ni de son travail, mais ce n’était pas pour autant une raison de la conduire à la pendaison en place publique… l’américain avait plus d’ouverture d’esprit que cela, contrairement aux apparences. Il émit donc son premier sourire franc depuis de longues minutes en entendant sa sicilienne reprendre la parole, son sourire allant même jusqu’à se transformer en rire à la simple idée qu’elle puisse se languir de ce moment privilégié où il lui préparerait des pancakes. Il ne fallait pas croire… Wayne était plus doué en cuisine que bien des hommes de sa génération ! « Je suis d’accord. Ce n’est pas vraiment le lieu et le moment, je préfère que l’on programme de se parler calmement, toi et moi, une fois que le mariage sera fini et qu’on sera bien calés chez moi… devant une assiette de pancakes » insista-t-il afin de donner un côté plus léger à ses paroles, surtout en sachant que ladite discussion risquait d’être pesante et lourde à supporter. « Bien sûr que je veux toujours rencontrer ton père, pourquoi ? Il va me dézinguer la tronche ? La tronche techniquement il peut, tant que mes mains restent intactes et que je peux opérer le lendemain » fit-il à nouveau avec légèreté, lui offrant un clin d’œil pour lui faire comprendre qu’on ne l’impressionnait pas si facilement et que Wayne avait oublié d’être un couard dans sa vie. Il avait beaucoup de défauts, mais pas celui-ci. « Tu veux sincèrement me présenter ? »

Wayne conservait son regard rivé sur la route mais cela ne l’empêcha pas de jeter une œillade de quelques secondes à peine vers Marley, celle-ci ne manquant pas de se teinter d’une large part de surprise. Diantre, elle avait parlé de lui à son père ? Pas étonnant qu’il soit parti en claquant la porte, bien que cela dépende de beaucoup de quels détails au juste elle avait bien pu lui donner. S’il connaissait son âge, pour sûr, il avait dû sauter au plafond et pas de la façon la plus agréable au monde. S’il ne savait pas encore… alors le simple fait que sa fille soit avec quelqu’un le dérangeait et là, c’était nettement moins confortable pour l’américain. « A priori je ne suis pas suivi, du moins pas à ma connaissance mais pour ma défense, je ne regarde pas nécessairement ce genre de chose… je suis neurochirurgien pas membre de la CIA ! » ironisa-t-il afin de ne surtout pas laisser entrevoir son éventuel ressentiment vis-à-vis de la future entrevue avec le beau père. Voilà qui promettait d’être sportif, à n’en point douter… « Je suis vraiment curieux de savoir d’où te viens un tel pessimisme ! Je te jure Marley, c’est limite une religion… je n’ai pas l’intention de prendre la tangente, ce n’est pas mon genre et en prime si toutefois j’avais des raisons de partir, je privilégierai le dialogue avant de ne prendre une décision que je pourrais regretter. Je ne suis pas un petit jeune ni le premier couillon venu… je sais utiliser mon cerveau de temps à autre et j’ai été le premier à suggérer une rencontre avec ton père. Maintenant, je sais juste davantage à quoi je vais être confronté » avoua-t-il non sans ponctuer ses paroles d’un petit sourire cabotin. Cela ne voulait pas dire qu’il en menait large, mais qu’il avait conscience des choses et qu’il savait raison garder. « J’adore te faire envie chérie, que veux-tu, c’est trop tentant ! »

Rien que le fait qu’elle ne l’appelle « chéri » le faisait sourire de façon d’autant plus franche et amusée. Jusqu’ici, ils s’étaient relativement peu donné de surnoms, comme s’ils sentaient autant l’un que l’autre la fragilité des premiers balbutiements de leur relation. Maintenant qu’une part de la vérité avait été entendue par les oreilles de l’américain, cette fragilité était devenue une vraie force et il ne croyait que d’autant plus à leur histoire. Marley semblait avoir quelques réticences vis-à-vis de la future rencontre avec son père, mais si Wayne ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine appréhension – comme n’importe quel compagnon face à la rencontre avec sa belle famille et ce bien que ladite rencontre se résume à son père exclusivement pour cette fois – on ne pouvait pas dire qu’il soit dans la peau d’un jeune premier dont les genoux allaient jusqu’à s’entrechoquer de frayeur, l’un contre l’autre, sans qu’il ne puisse y exercer le plus petit contrôle. « J’espère bien que tu seras là, me laisse pas tout seul comme un con dans cette galère ! Mais attends une seconde… tu veux dire que ton paternel n’a que quarante-quatre ans ? » Bigre il avait dû avoir Marley ultra jeune, surtout s’il avait eu d’autres enfants avant elle… non pas que Wayne soit du genre à juger ce genre de chose mais cela l’étonnait, lui-même n’ayant pas eu le temps ou même l’envie de s’imaginer avec une famille avant très récemment. Il faut dire qu’auparavant, il finissait ses études de médecine et était davantage intéressé par le fait de se construire une carrière avec des fondations solides plutôt que de courir la donzelle qui pourrait être la future Madame Swarovski… « Il va me prendre pour un vieux chnoque et je dois m’attendre à subir les pires tortures de l’enfer ? Non je déconne mais j’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Tu me diras, je ne m’attendais pas à beaucoup de choses, mais je suppose que ça va bien plus lui « poser problème » à lui qu’à moi. J’me trompe ? »

« Oh putain seize ans ? Moi je crois qu’à seize ans j’avais tout simplement pas le temps de penser à ce genre de choses… » Oh Wayne avait déjà expérimenté les plaisirs de la chair, mais il avait toujours eu la présence d’esprit de se protéger, surtout qu’il ne tombait pas amoureux à l’époque. Il se le refusait, purement et simplement. Cette sale manie de n’avoir que de brèves relations – n’excédant pas plus d’une nuit la plupart du temps – lui avait duré un moment et Marley était la seule à avoir su mettre fin à une telle cavale. Mais lorsqu’il avait seize ans, sa mère venait de mourir, son père de partir à l’autre bout de la planète – suivi de près par son frère d’ailleurs – et l’américain jonglait entre le début de ses études de médecine et des petits boulots afin de subvenir aux besoins de sa sœur et aux siens. Autrement dit, il n’avait guère la tête à engrosser la première venue… « M’exploiter ? Je ne suis pas homme à me laisser exploiter, allons bon ! » ironisa-t-il, tout en sachant pertinemment que le père de Marley aurait très certainement de multiples arguments en vue de le faire plier. Tant qu’il ne s’en prenait pas à Anna… tout irait au mieux dans le meilleur des mondes possibles. « Techniquement parlant on n’a jamais couché ensemble chérie ! Mais tu vois, j’avais raison en pensant que tu n’étais plus vierge, tu pensais que j’étais né de la dernière pluie ou tu avais juste… peur ? Je ne t’aurais pas jugée et surtout pas sur ça tu sais. Mais pour en revenir à ton père, il peut toujours essayer de me débaucher, si un jour ça lui traverse l’esprit, je suis un chirurgien déjà extrêmement pris et puis… sans vouloir t’offenser je préfèrerais rester en dehors de la Mafia, même si ça ne m’empêchera pas de respecter ton père. » Wayne esquissa un petit sourire tendre, comme pour atténuer le feu de ses précédentes paroles mais il tenait à ce que Marley ait conscience de ses idéaux profonds et du fait qu’il ne pourrait jamais passer du côté obscur de la force. « De toute façon, lui et moi on sera potes tant qu’il ne s’en prend pas à toi, bien que cela m’étonnerait beaucoup, ou à ma jumelle. Pour le reste, il peut beugler tant qu’il veut je pense que je saurais gérer. »

« Ce n’était pas une critique, tu sais. Je trouve ça jeune mais ça dépend des circonstances… ma sœur est déjà tombée très amoureuse alors qu’elle était ultra jeune et ça aurait pu devenir comme l’histoire de tes parents ! » Wayne était loin de jeter la pierre aux parents de Marley, il n’avait pas suffisamment d’informations en main pour se faire et quand bien même, cela ne le regardait en aucune manière. Il avait croisé plusieurs fois de jeunes mères parfaitement matures et dévouées à leurs enfants, même s’il ne les avait toujours croisées que dans des moments tragiques puisque dans le cadre de son métier de neurochirurgien. L’âge ne fait pas tout, comme quoi : le frère de l’américain avait beau être âgé de trente-quatre ans lui aussi, cela ne lui ôtait ni sa connerie ni sa gaminerie pour autant. Chacun voit midi à sa porte de toute évidence… « Je fais de la chasse de temps à autre avec un pote, et je ne suis pas mauvais tireur. Bon ce n’est pas la même chose de chasser et d’avoir quelqu’un en face de toi dont tu dois te protéger j’imagine, mais j’ai déjà tué un homme si je dois être totalement honnête avec toi. C’était un cambrioleur, il avait cherché à s’en prendre à Anna – qui n’était pas à l’hôpital à cette époque… et je n’ai achevé d’un coup de bistouri sur la carotide. L’intérêt lorsque l’on est médecin, et à plus forte raison lorsque l’on est chirurgien, c’est que l’on sait ce qui peut sauver un patient de la mort… ou le contraire. Je n’ai jamais regretté ce que j’ai fais, et d’ailleurs mon casier est vierge car il s’agissait de la légitime défense, mais cela m’a marqué à vie. » Wayne espérait bien ne jamais avoir à recommencer et dire que toute cette histoire de Mafia ne le mettait pas affreusement mal à l’aise serait mentir. Il lui fallait décidément du temps pour tout digérer, au même titre qu’il lui faudrait sûrement du temps pour se remettre de l’entrevue avec papa Don Vito. « Tu vas devenir mon ange gardien alors ? J’aime l’image… »

Autant que Wayne ne put décemment s’empêcher d’éclater singulièrement de rire alors que Marley lui parlait d’auréole. Même pour lui, il n’aurait jamais osé mentionner ce principe divin, et pour cause, il ne se trouvait en aucune façon angélique, c’était même tout l’inverse. « Faut que j’te file un pchitt d’eau de javel parce que tu l’as pas assez lustrée ton auréole ! » s’amusa-t-il avant que la conversation ne redevienne évidemment sérieuse, la sicilienne lui avouant à son tour avoir tué quelqu’un sous le coup de la légitime défense. Oh bien sûr, l’américain aurait pu plaider le choc émotionnel et ne pas du tout accepter l’idée, mais il ne voulait ni être injuste, ni même lui jeter la pierre alors que lui-même avait fait cette erreur il y a quelques années… pour protéger Anna. « Je ne te jette pas la pierre… autant je me fous éperdument de ma propre sécurité, autant je sais qu’il n’est rien que je ne sois pas capable pour protéger Anna, ou même toi même si c’est plus récent. Ca ne fait pas de moi un serial killer bien sûr ! Je reste un grand respectueux de la vie humaine surtout que j’essaye d’en sauver autant que possible dans mon bloc… mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas comprendre pourquoi tu as tiré. Même si je ne cautionne pas forcément les clichés que l’on prête à la Mafia. » Wayne avait pour ainsi dire clos la conversation à ce niveau là, pour la simple et bonne raison qu’il ne connaissait pas suffisamment l’environnement dans lequel elle avait grandit pour émettre des jugements, d’où le fait qu’il parle de clichés. De toute manière, ils venaient juste d’arriver à la petite paroisse où ils se trouvaient fortement attendu, Wayne étant aussitôt accueillit par le futur marié qui vint le saluer longuement à peine un pied sorti de sa Porsche. L’américain mit cependant son ami « en attente » afin de venir ouvrir à Marley, s’emparant délicatement de sa main pour mieux la présenter au futur marié. « Chacun sa femme je crois… voici ma mienne, Marley. J’te laisse faire les présentations de ton côté, t’es un grand garçon ! »

C’était presque étrange mais Wayne sentit Marley comme intimidée face à cette présentation en bonne et due forme, bien que son pote Dimitri soit sans doute le plus gai luron qu’il lui ait été donné de rencontrer. La sicilienne ne les avait pas connus tous les deux lors de leur grande passade de séduction, pendant laquelle ils allaient jusqu’à s’échanger leurs conquêtes histoire de faire comparer aux demoiselles leur « façon de faire »… c’était complètement ridicule à bien y réfléchir mais l’américain ne pouvait pas s’empêcher de trouver cela follement amusant, surtout qu’il imaginait bien que la future femme de Dimitri ne devait pas en avoir eu vent une seconde. « Bah quoi, tu voulais que je te présente comme un coup d’un soir ? Ca aurait été dégradant pour toi et puis, ce n’est pas comme si ce n’était pas proche de la vérité chérie… mais tu as mis le doigt dessus, l’énorme avantage que de sortir avec un doc, c’est que je peux m’occuper de ton petit cœur même médicalement parlant » poursuivit-il en finissant par lui murmurer à l’oreille afin de ne mieux déposer un baiser léger comme une brise contre son cou. Wayne appréciait au-delà des mots cette façon qu’elle avait de se coller à lui, signifiant par là « c’est mon homme, la première qui approche pour papillonner du cil, je lui fais bouffer ses yeux aux petits oignons ». Voilà sûrement la raison pour laquelle il avança fièrement, Marley à son bras, jusqu’aux autres convives que le neurochirurgien ne manqua pas de saluer avec respect, allant jusqu’à faire preuve de modestie lorsque certains d’entre eux venaient le féliciter pour ses recherches et autres exploits en chirurgie. Mais à chaque nouvelle rencontre, nouveau salut, il présentait toujours la jolie blonde comme sa femme, avec une espèce de fierté dans le regard qui le lui faisait briller, même lorsqu’ils croisèrent la route de la mariée en personne. « J’imagine que vous devez être Wayne ! J’ai tellement entendu parler de vous qu’il me tardait de vous rencontrer… enchantée en tout cas ! » « Mais de même, Marny, et voici Marley, ma femme. Je sais que je n’avais pas prévenu que je viendrais accompagné, Dim’ ne m’ayant même pas posé la question, mais au pire on se fera tous petits, on sait bien faire, pas d’inquiétudes. » « Enchantée de même alors, Marley ! Et n’ayez craintes, on a largement prévu assez pour tout le monde. De plus, Dim’ m’a dit que vous n’étiez pas mauvais danseur, j’ai hâte de vous voir à l’œuvre ! »

Le simple fait que Marley ne confirme que Wayne était un excellent danseur choqua presque l’américain, non pas parce que ce n’était pas vrai, mais plutôt parce qu’il s’attendait à ce que la sicilienne soit dominée illico presto par sa jalousie. Ce n’était absolument pas un trait qui le dérangeait, bien au contraire puisqu’il le partageait – même s’il le faisait à un degré nettement moins élevé que celui de la jolie blonde. Un petit sourire canaille étira donc aussitôt ses lèvres, particulièrement touché qu’il était par ce compliment même pas détourné et qui allait le pousser à plus d’un titre sur la piste de danse… même si Marley ne manqua pas de rétablir aussitôt son territoire une fois la mariée repartie à ses derniers préparatifs. « T’es au courant que tu menaces tout le temps mon service trois pièces ? C’est petit ! Pourtant il pourrait servir alors menace ce que tu veux mais pas junior ! » se plaignit-il faussement tout en soupirant car il aurait beau souligner qu’une virilité masculine pouvait servir, pas sûr que Marley souhaite en avoir l’utilité pour l’instant. « J’avoue, je note l’extraordinaire exception que tu me fais ! Pas sûr que Marny ait envie de la faire vu qu’à mon avis, même s’il lui marche sur les pieds, elle préfèrera Dimitri mais ce n’est pas grave, ça va me donner dix mille occasions de te faire tourner dans mes bras car après tout, ça nous fera de l’entraînement… » Malicieusement, tout en laissant soigneusement sa phrase en suspend comme s’il sous entendait quelque chose de précis, Wayne émit un léger clin d’œil avant de n’amener aussitôt Marley dans la salle des convives, où la cérémonie allait prochainement avoir lieu. Bigre, Dimitri avait même dégoté un prêtre histoire de faire les choses dans les règles ! L’américain n’étant pas fana de la religion outre mesure il s’en moquait, mais cela ne l’empêchait pas de comprendre. Combien de patients avait-il accompagné à la chapelle de l’hôpital afin qu’ils puissent prier avant d’être opérés ? Il ne comptait plus. « Il a mis les moyens le salaud n’empêche ! »

« Bah quoi, Junior, c’est mignon ! » se défendit Wayne, complètement hilare. Il faut dire ce qui est, il aimait bien dédramatiser ce genre de choses, surtout en sachant que Marley ne l’avait jamais fait. Selon lui, c’était le meilleur moyen d’éviter de diaboliser un acte supposé être d’amour. « M’est avis que si tu lui fais ton air aimable numéro trente-trois bis, je pense qu’elle va éviter » reprit-il de façon imperturbable. Enfin, presque. De son côté, s’il pouvait éviter d’avoir cinquante propositions et donc profiter d’un moment agréable en compagnie de la sicilienne, il n’allait pas s’en plaindre : sa piquante blonde risquait fortement d’être imbuvable si les suicidaires s’accumulaient en voulant danser en sa compagnie… l’américain préférait vraiment conserver le côté bon enfant de la situation et ne pas retomber tout de suite dans le drame, surtout pas alors qu’une discussion des plus sérieuses les attendaient une fois qu’ils seraient de retour au loft du neurochirurgien. « Tu voudrais un mariage à l’église et tout le tintouin ? Bon tu me diras effectivement on est censés se marier qu’une seule fois alors le point de vue se défend… ce qui m’éclate plus encore, ce sont toutes les célibataires désespérées qui reluquent les éventuels célibataires masculins. On dirait que c’est une chasse à l’homme ! » Lui s’en foutait, Marley était tellement agrippée à son bras que cela ne pouvait pas être plus évident qu’il n’était pas libre. « Si tu veux, pour te faciliter la vie chérie, j’ai des jumelles dans la voiture, je peux aller les chercher… rhaa détends-toi et fais-moi confiance, au bout du troisième refus peut-être que ces gazelles vont comprendre que l’on n’égale pas la blondeur de tes cheveux, ton air taquin, tes petites moues… je continue de faire la liste de tes qualités ou tu en as eu assez ? »

Autant être honnête, Wayne fut particulièrement surpris de la voir se mettre devant lui, attraper ses joues et lui faire un bisou à la fois franc et faible contre ses lèvres. Et dire qu’avant il n’était pas fanatique des démonstrations publiques… il avait grandement changé son fusil d’épaule depuis qu’il fréquentait Marley, il n’y avait pas l’ombre d’un doute. Mieux, il aimait la façon dont elle le transformait littéralement, dont elle changeait ses habitudes pour mieux révolutionner sa vie. Oui, le terme n’était pas trop fort, elle avait révolutionner sa vie et ce fut sans doute ce qui motiva son geste, puisqu’il l’attrapa amoureusement par la taille pour mieux la faire tournoyer et la fit pencher tout en la gardant dans ses bras, comme s’ils venaient de conclure leur première danse, mais pour mieux s’emparer fougueusement de ses lèvres. Un baiser sans doute plus adulte, plus aventureux, plus chargé de désir également mais Wayne s’en moquait, il ne sentait même pas les regards s’attarder longuement sur leur couple, il ne voyait que Marley et ne voulait voir même que Marley en cet instant précis. « Il ne faut pas chercher la petite bête ma chère, je suis plus provocateur que j’en ai l’air quand je m’y mets… et puis j’aime te rendre toute chose. » Mais surtout, il prouvait par a+b qu’il pouvait d’un seul geste, en quelques secondes à peine, aviser de façon on ne peut plus claire les célibataires aux doigts crochus qu’il n’était aucunement célibataire et que ce n’était donc pas la peine de s’aventurer à lui proposer une danse. A moins de ne vouloir avoir les yeux crevés par la sicilienne… si ces demoiselles voulaient prendre le risque, alors libre à elles ! « C’est drôle, je n’aurais pas cru que tu étais croyante et encore moins pratiquante, mais plus parce que je suis athée donc je considère un peu trop que tout le monde est comme moi. C’est sans doute parce que je suis médecin… j’ai vu trop d’horreurs dans ma vie pour ne pas me questionner sur l’existence d’un tel dieu. J’étais croyant quand j’étais gosse… mais plus maintenant je dois admettre, même si je respecte tout à fait le fait que tu le sois. Et ça ne m’empêcherait pas de me marier à l’église non plus, surtout que je suis baptisé… ma mère y tenait si ma mémoire est bonne, je crois qu’elle m’en avait parlé un jour. »

Dès lors que Wayne sentit un climat de confession se profiler à l’horizon, il poussa Marley vers un coin plus tranquille, plus désert également, afin qu’il n’y ait ni oreille indiscrète ni abruti pour venir les déranger quand il ne fallait pas. De cette façon, il fut en mesure de l’écouter avec toute l’attention que son élan de confession méritait mais aussi d’embrasser son front et de lui offrir ses bras la seconde qui suivit, comme pour lui prodiguer toute la chaleur dont il était capable mais aussi lui dire que d’une certaine façon, il comprenait. C’était un peu facile de penser de cette façon mais en l’occurrence, pour avoir perdu un être cher extrêmement proche, il savait l’effet dévastateur que cela pouvait avoir. « Oh moins tu t’es tournée vers la religion, certains se déglinguent complètement en faisant des choses qui ne leur ressemble pas… comme des sports extrêmes par exemple. Je sais, c’est un peu facile pour moi de dire que je te comprends alors que je n’ai pas subis de greffe mais j’ai perdu ma mère également et tu sais, chaque jour, quand je passe voir Anna afin de lui égayer un peu sa journée, ça me fait toujours le même effet de la voir rattachée à autant de machines… comme un poignard dans le cœur. C’est l’une des raisons pour laquelle je refuse en quelque sorte de croire en dieu… comment peut-on frapper une personne aussi adorable et altruiste que ma jumelle d’une maladie aussi dévastatrice ? Alors qu’elle pourrait vivre sa vie comme elle l’entend, rencontrer l’âme sœur, se marier et avoir des enfants ? Ou ne serait-ce que trouver un job la bottant d’ailleurs ! Mais d’une certaine façon, ce que ton frère a fait… c’est admirable, et d’une certaine façon, il continue à vivre en toi. C’est ce que je dis à tous ceux qui ont déjà vécu une greffe à l’hôpital et qui le vivent très mal, augmentant de fait les risques de rejets… c’est un beau cadeau et cela permet à la personne de vivre plus longtemps, donc de mettre à profit ce temps d’une belle manière. Désolé peut-être que je m’enflamme… mais je suis content que tu me confies ça. C’est important pour moi » conclut-il en se raclant légèrement la gorge, un sourire gêné sur les lèvres.Swarovski…

Ah, la guérison d’Anna. Autant dire que Wayne l’attendait depuis un lustre et demi et qu’il n’avait pas cessé de chercher lui-même un donneur dans le long listing de potentiels dons mais personne n’était jamais compatible. En théorie, un médecin ne doit jamais aller jusqu’à espérer la mort de l’un de ses patients mais dans le cas présent, plus les jours filaient sur le calendrier de la vie et plus il sentait sa jumelle s’affaiblir sans discontinuer. La donne le tuait, littéralement. Combien de fois s’était-il réfugié dans une cage d’escalier à l’abri des regards pour éclater en sanglots ? A prier pour ne surtout pas être bipé à ce moment précis, afin d’avoir suffisamment de temps pour voir ses yeux cesser de rougir et d’être gonflés par les larmes… Wayne ne comptait plus, il se refusait. De même, il n’en parlait jamais avec Marley, non pas par fierté mais par pudeur, parce qu’il s’agissait de la plus grande angoisse de son existence et que ses insomnies étaient toutes dues au fait qu’il craignait d’être appelé en pleine nuit pour qu’on ne lui apprenne que sa sœur n’avait malheureusement pas survécu à une nouvelle journée. « Tu me désarmes avec ta foi… sincèrement, j’aimerais avoir la même mais tu sais, quand on fait médecine, on se tourne vers ce que l’on peut soigner. Tu sais que j’en suis venue à espérer que quelqu’un de compatible meurt pour qu’elle soit enfin sauvée ? Merde, elle mérite de vivre une belle vie, hors de ces quatre murs blancs qui empestent l’eau de javel… mais non, à croire que vraiment, Dieu est en vacances pour les gens comme Anna. » Autant dire qu’à la confession de Marley, l’américain n’hésita pas à resserrer d’autant l’étreinte de ses bras contre son corps frêle, n’osant pas imaginer qu’une telle chose puisse être possible. « Là pour le coup… ton père a tout mon respect » furent ses seules paroles à ce sujet avant qu’il ne se redresse et ne lui envoie un regard légèrement… douteux. « Je ne vais pas y couper, pas vrai ? Bah, si jamais tu te sens capable d’encaisser, je t’échange un dîner avec ton père avec un dîner en compagnie de ma sœur. Ce sera forcément à l’hosto mais y’a moyen que je puisse faire les choses bien quand même. »