Que lui disait ce foutu agent depuis pratiquement une heure ? Bah, sûrement des conneries proprement inintéressantes, à n’en point douter. Quoi qu’il en soit, Aaron avait décroché depuis des lustres et le regardait avec un air d’autoroute tout en jouant avec ses doigts, sans que l’ombre d’une nervosité ne puisse se lire dans son regard. Il était passé par la case interrogatoire suffisamment dans sa vie pour savoir que s’ils le cuisinaient de cette façon, c’est qu’ils avaient besoin de quelque chose et non l’inverse. Aaron était bien décidé à tout nier en bloc et à n’aider personne parce que merde, il y avait manière et manière de demander ! « Oh vous pouvez continuer à vous époumoner, danser la macarena devant mes petits yeux ou même vous foutre à poil et gesticuler avec une plume dans le cul, ce n’est pas pour ça que je vais vous aider ! Mieux, et si vous alliez vous faire foutre ? » Aaron plaça ses pieds contre la table, nonchalamment, n’ayant cure de ce que ce sale type pouvait bien lui vouloir et pour cause, il n’avait rien écouté. Aaron était peut-être interrogé par un agent du NCIS depuis des plombes, cela ne rendait pas la chose intéressante pour autant.

Aaron n’avait pas vu son sourire baisser une seule seconde, bien trop habitué qu’il était à être menacé par les fédéraux, cuisiné quelques heures pour mieux être relâché par la suite. Après tout, c’est ainsi que cela fonctionnait, pas vrai ? L’américain connaissait le système sur le bout des doigts depuis le temps qu’il le pratiquait, mais il n’avait jamais été inquiété réellement pour autant. Escroc de renommée internationale peut-être, mais casier vierge quoi qu’il en soit… et désormais, en prime, il avait Margaret Bennett comme avocate, autant dire le pire requin de tous les USA. Impossible que de résister à cette damoiselle au verbe haut et aux arguments si frappants qu’elle mettait KO tous les juges, avocats et autres procureurs lui tombant sous la dent. « Menacez, menacez, il n’empêche que vous êtes hors la loi puisque vous m’interrogez depuis très exactement trois heures et cinquante trois minutes mais sans la présence de mon avocat. Alors, qui fait le malin maintenant les marioles en culotte courte ? » Le jeune homme éclata vulgairement de rire, se sachant tellement dans son bon droit que c’en était indécent. « Vous n’avez rien contre moi, comme d’hab’ alors je finirai par ressortir de toute façon. Essayez donc de m’incarcérer sans chef d’accusation que je mette un terme définitif à vos carrières minables… ça va être tellement jouissif que j’espère presque que vous allez oser pour égayer un peu cette journée que vous rendez merdique par vos simples présences insignifiantes. Mais continuez, je m’en fais un festin, sans déconner ! De toute façon, pas la peine de vous fatiguer, appelez donc mon avocat et on en recause, mais en attendant je ne dirai plus rien et vous pouvez officiellement aller vous faire foutre, les uns avec les autres si c’est votre dada, mais en tout cas sans moi. »

Aaron avait une patience d’ange quand il s’y mettait, il n’y avait pas à dire, mais là, le menacer lui alors qu’il n’avait aucunement été pris en flagrant délit de quoi que ce soit, c’était tout de même fort de café. Sans compter qu’on ne pouvait même pas lui flanquer une quelconque complicité sur le dos étant donné que cela faisait des lustres qu’il ne l’avait ni croisé, ni vu, et qu’il lui avait encore moins parlé. Appelez ça le flair ou l’intuition mais il n’empêche que l’américain avait considérablement couvert ses arrières et que pour le coup, il n’en n’était pas peu fier, même si en l’occurrence ces deux agents lui courraient déjà sur le haricot. « Primo, baissez d’un ton avec moi. Vos petites menaces à la fliquaille qui n’a pas bouffé son poids de criminel la veille, ça va bien cinq minutes mais à la longue, ça me bave sur les rouleaux quelque chose de bien. Secondo, je ne vous doit rien. Rien, nada, que dalle. Vous n’avez pas de preuve contre moi pour m’inculper alors je ne vois même pas ce que je fous ici. Vous voulez incarcérer mon pote ? Allez y, be my guest j’en ai strictement rien à cirer. Vous voyez, ça fait des lustres que je ne l’ai pas vu et réflexion faite, je crois que j’ai bien fait même si vous m’emmerdez quelque chose de bien. Alors soit vous baissez d’un ton et vous vous foutez vos menaces au cul et on discute comme des gens civilisés, soit je me tire purement et simplement et vous vous démerdez… sauf que dans ce milieu mes chéris, vous êtes de petits agnelets sans expérience et sans protection. » Et toc ! Non mais oh, pour qui ils se prenaient ces agents à la gomme ?

« Ouais, fermez-là pour voir ? Ah ouais c’est bien aussi ! » maugréa Aaron avant de n’écarquiller les yeux face aux propos de son interlocutrice, comme si elle se transformait subitement en martienne ou qu’elle venait de débiter un flot de conneries plus grosses qu’elle à la minute plutôt impressionnant. Si elle pensait pouvoir faire sa petite cheftaine tout en conservant un Aaron repentit avec la queue entre les jambes, elle se flanquait le doigt dans l’œil jusqu'au gros orteil. Voilà pourquoi il se leva ni plus ni moins – après tout il n’était pas menotté – avant de ne les toiser l’un comme l’autre avec un air à la fois mauvais et particulièrement méprisant. « Mais ouais fliquette, vas-y fais-toi jouir en tentant d’user de ton pouvoir sur moi mais en attendant, t’as que dalle comme preuve et je suis innocent. Tu vas donc te foutre ton joyeux petit discours menaçant au cul et moi, je vais sortir d’ici comme je suis venu. Si tu crois que je vais gentiment me faire emprisonner sans preuve d’un potentiel crime contre l’humanité, tu te fous le doigt dans l’œil jusqu’au trou du cul. A bonne entendeur ciao ! » Sans autre forme de procès, Aaron quitta la pièce avant de passer rechercher ses effets personnels. « Comptez sur moi pour attaquer cette bitch qui pète plus haut que son cul et son abruti d'assistant, ça va vous faire une bonne pub, surtout avec le requin que j’ai ! »

Enfer et damnation. Aaron ne pouvait même pas prendre l’ascenseur tranquille, il fallait que cette harpie le prenne en même temps que lui ! Les escaliers, ça existe bordel de dieu ! D’autant qu’à peine l’avait-elle rejoint que déjà, elle reprenait sa diatribe insupportable lui donnant ni plus ni moins envie de lui claquer le baigneur jusqu’à ce que mort s’en suive. « Donc en gros, c’est urgent mais c’est pas urgent puisque vous pouvez vous démerder ? Et bien démerdez-vous, pourquoi vous parlez pour rien dire sérieux ?! Et non je n’ai pas du tout apprécié non pas d’être chamboulé mais menacé alors que je n’avais rien fait… ne minimisez pas ce que vous avez fait ma jolie parce que vous êtes foutrement mal placée alors vous baissez d’un ton et si vos hormones vous titillent, et bien vous pouvez vous les flanquer au cul ou danser la rumba au clair de lune avec, pour ce que je m’en tape ! » soupira Aaron en tâchant de rester aussi poli que possible pour ne pas être en prime mis au trou pour une insulte mal digérée. « Oh putain elle me fait le coup de l’accouchement en pleine panne d’ascenseur, mais c’est pas vrai de chez bordel de merde ! Lâchez votre téléphone nom de dieu !! Je vous préviens, y’a pas marqué sage femme alors vous vous allongez et surtout vous vous la fermez, j’ai pas envie de jeter un œil là-dessous ! »

« De quoi ? Un lâche ? Non mais vous êtes gonflée à l’hélium dans votre genre !! C’est vous qui m’avez convoqué, menacé et même accusé tout ça pour pouvoir atteindre vos objectifs alors venez pas me parler de défauts parce que vous êtes foutrement mal placée je vous signale ! Bordel la nénette c’est une harpie et elle veut me faire la leçon, j’hallucine total… » Aaron bougonnait dans son coin et en perdit littéralement son latin, juste avant de ne se faire insulter à nouveau. Là, ce fut carrément un grognement qu’il ne manqua pas de pousser, car il ne fallait pas déconner dans la choucroute non plus. « Elle se calme sauvez Willy parce que sinon elle se démerde toute seule comme une grande ! » lança-t-il sans délicatesse aucune, se moquant bien qu’elle soit à deux doigts de donner la vie ou qu’elle fasse du tricot. Après tout, elle l’avait voulu son gamin, non ? « Vous voulez pousser toute seule ? A votre aise princesse mais si ça commence à douiller et que ça vous rend timbrée, comptez pas sur moi pour mettre la tronche entre vos jambes, vous vous démerderez ! »

« C’est ça, et un procès pour quoi ?! Parce que j’aurais évité d’être emmerdé par une chieuse dans votre genre ? Je veux bien tous les procès du monde si vous voulez bien m’oublier ne serait-ce que deux secondes !! » maugréa-t-il car ce n’était pas en continuant de le prendre à rebrousse poil que cette femme enceinte jusqu’aux yeux allait obtenir quoi que ce soit de sa part, à commencer par de l’aide d’ailleurs. « Bah moi je vous merde plus fort ! Arrêtez de m’insulter ou je vous laisse vous accoucher en mode alone et croyez-moi, vous allez le sentir passer ! » hurla-t-il à un moment donné pour qu’elle se calme car avant même que de penser à cette inconnue chiante comme la pluie en face de lui, il pensait au gamin – le plaignant au passage d’avoir eu une mère aussi emmerdante d’entrée de jeu. « Allongez-vous !! » lui ordonna-t-il car à première vue, il y avait péril en la demeure et s’il n’agissait pas, il risquait d’être inculpé pour non assistance à personne en danger. Voilà qui n’arrangerait pas ses petites affaires et qui l’incita à prendre la main de Blaithin pour l’aider à s’allonger, lui offrant sa veste en guise de coussin, non pas par galanterie mais parce qu’il fallait bien qu’elle puisse redresser la tête pour pousser comme il fallait. « N’allez surtout pas vous imaginer des trucs parce que j’enlève votre pantalon ! » poursuivit-il car malheureusement, il devait avoir accès entre ses cuisses et que le pantalon bah… il fallait oublier. Il plaça ensuite sa main à l’extrémité nord de son ventre vallonnant, sentant les contractions arriver au fil des minutes. « Dès que je vous fais signe vous poussez de toutes vos forces, okay ? »

« Ah bon, vous êtes moins casse-couilles ? Première nouvelle mais je vais vous en apprendre une bonne : je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ! » Même si en l’occurrence, ça ne voulait certainement pas dire qu’il avait la plus petite intention de revoir cette greluche impudente. Il faudrait vraiment être masochiste ou marcher sur sa propre tête pour vouloir réitérer ce genre de rencontre : après tout, cette inconnue l’avait insulté, menacé, quasiment incarcéré pour obtenir ce qu’elle souhaitait vis-à-vis d’une affaire fumeuse dont il ne voulait surtout connaître aucun détail. Pas folle, la guêpe ! « J’ai jamais dit que ça devrait être une partie de plaisir et j’ai quelques connaissances je suis pas qu’un con faut pas croire ! » ironisa-t-il avant de ne lui dire exactement comment et quand pousser, sentant ses contractions du bout de ses doigts, tentant d’appuyer très légèrement sans pour autant lui faire mal. Ceci étant, vu que cette inconnue était en train d’accoucher sans péridurale ni autre anesthésiant du même genre, elle devait tellement déguster que quand bien même il appuierait plus fort, pas sûr qu’elle sente vu que le cerveau humain enregistrait toujours la douleur la plus forte uniquement. Voilà comment cela les conduisit à devoir couper le cordon ombilical avec le grand d’arrêt qu’il avait sur lui – et heureusement d’ailleurs ! – avant qu’il ne tende le nouveau né à sa mère, n’ayant même pas de quoi le couvrir puisqu’il avait déjà offert sa veste en pâture à cette inconnue pour qu’elle cale sa tête dessous. « Félicitations » crut-il bon de préciser avant de ne se laisser choir contre la paroi de l’ascenseur, de la sueur sur le front, passant et repassant une main contre son visage.