(Baudelaire) ▽ Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés, qui font se fondre en pleurs les cœurs ensorcelés. Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord, les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.

« Huit milles cinq cent quatre vingt dix neuf dollars. C'est le prix de la voiture. Trente huit dollars, le prix de mon sac. Bouquins et objets personnels divers et variés, un total de cent vingt quatre dollars. Et pour terminer, mon pc portable à six cents dollars. » Énumérais-je d'une voix lasse. Je n'étais pas un bagarreur. Pas comme mon jumeau. Et ce coup ci, j'aurais nettement préféré l'être. Sans doute que je ne me serais pas fais prier pour me mettre sur la gueule avec eux et défendre mon bien. Enfin il aurait également fallut qu'Orfhlaith ne soit pas avec moi. Parce que je n'aurais jamais pris le risque qu'ils s'en prennent à elle pour me calmer moi. C'était d'ailleurs un simple regard dans sa direction, qui m'avait convaincu de ne même pas me plaindre. Ils voulaient ma voiture, ils l'avaient désormais. Tant pis. Enfin pas vraiment tant pis. Il y avait des trucs importants dans ma voiture, merde ! Mon pc contenait mes cours de toute l'année et quelques articles pas encore envoyés. Et puis c'était sans compter sur la pile de bouquins hors de prix, qui attendait sagement que je les range, installés jusque là sur la banquette arrière. Je venais de perdre beaucoup d'un coup. Et à côté de ça, ma fierté ne représentait pas grand chose. Pas qu'elle était infrangible elle, mais presque quand même. Elle était quand même un peu abîmée pour le coup. Ne serait-ce que parce que je devais avoir l'air d'un parfait crétin maintenant.

Ce n'était pas Orfhlaith, ma meilleure amie à tendance naïve, qui rêvait du prince charmant sur son cheval blanc et épée au poing ? Non parce que là, y'avait plus rien de tout ça. Je n'étais qu'un prof, critique littéraire et journaliste, qui n'avait plus de voiture pour faire figure de cheval blanc. Et qui n'était pas capable de se battre. Pas que je ne savais pas du tout. Mais j'étais plus intellectuel que physique, preuve en était mon choix de métier d'ailleurs. C'était mon frère le bagarreur, fouteur de merde et accro à l'adrénaline. Pas moi. Jamais. S'il n'avait pas été gay, j'aurais conseillé à Orf de tester avec lui, plutôt qu'avec moi. Euh ... Oui enfin non. Quand même. Je n'allais tout de même pas me plaindre du fait qu'elle était tombée amoureuse de moi. Plus maintenant tout du moins. Quelques temps plus tôt, j'aurais pu en arriver là. Pour la simple et bonne raison que je craignais alors terriblement de voir notre amitié totalement gâchée, pour ne pas dire brisée, par une tentative de relation amoureuse. Je savais désormais qu'il n'en était rien du tout. Et que conserver notre amitié, alors même que nous étions plus un couple qu'autre chose maintenant, n'était pas aussi complique qu'on aurait pu l'imaginer. C'était presque normal. Nous n'avions pas perdu grand chose de notre grande amitié. Pas grand chose, pour ne pas dire rien. Juste que ce coup ci, j'aurais aimé agir en mec qui n'a pas froid aux yeux et qui peut la défendre physiquement. Enfin s'ils s'en étaient prit à elle, sans doute que je serais allé jusque là.

(Baudelaire) ▽ Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés, qui font se fondre en pleurs les cœurs ensorcelés. Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord, les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.

Trop occupé que j'étais à me plaindre et à marmonner tout bas, je ne pris pas de suite conscience des paroles d'Orfhlaith. Quand je posai enfin les yeux sur elle en réalisant qu'elle me parlait, ce fut pour constater qu'elle ne semblait pas aller si bien que ça. Elle semblait réellement pas rassurée. Ce qui était somme toute assez logique, compte tenu du lieu où nous nous trouvions tous les deux. J'aurais pu dire qu'elle avait de la chance que je sois là avec elle ... Mais dans le fond, je savais bien que ce n'était pas le cas. En fait, ma présence ne changeait pas grand chose. Je n'avais vraiment rien à voir avec mon frère. En tout cas, l'optimisme dont faisait preuve Orf, me fit doucement soupirer.  Je la suivis du regard quand elle s'éloigna pour étudier les lieux du regard, avant de me rejoindre pour enrouler un bras autour du mien. Je la laissai faire, sans lâcher le moindre mot, et la suivis toujours dans le même silence. « Dix jours sans se voir ? En vingt ans, on n'a jamais été capables de tenir plus de quelques jours ... » Lui rappelai-je sur un ton narquois. Parce que ouais, le simple fait de croire que nous étions capables de ça, ça semblait être une grosse blague. C'était juste impossible. Surtout depuis que nous étions plus que de simples meilleurs amis d'ailleurs. Nous passions le plus clair de notre temps ensemble. Plus qu'avant ! C'était limite si je ne vivais pas chez elle quand Gof était chez nous. Ou qu'elle ne vivait pas avec moi, quand lui n'était pas là.

Toujours très absorbé par mes pensées, je ne vis pas le groupe de types qui s'approchait de nous. Je ne m'en rendis compte qu'aux mots d'Orf, et tournai enfin la tête vers eux. Quelle idée avions-nous eut de venir nous promener par ici ... Je le regrettais doublement maintenant. « Peu importe la tenue que tu portes, tu ne passes pas facilement inaperçue Orfhlaith ... » Lui fis-je remarquer. En relâchant son bras pour enrouler le mien autour de ses épaules. Autant pour la réchauffer, que pour montrer que j'étais là. Même si ce n'était pas ce qui allait arrêter ces crétins dégueulasses. Je crispai les mâchoires, et ma main sur son bras, alors qu'ils s'approchaient toujours plus. Ils avaient beau, pour la plupart, faire une bonne tête de moins que nous, Orf et moi, ils ne semblaient pas le moins du monde impressionnés. Tant et si bien, qu'ils finirent par nous barrer la route et se placer devant nous. « Hey, elle est bien jolie ta poupée. Tu nous la prêtes pour la soirée, qu'on s'amuse un peu ? » Puisqu'ils formaient un mur, en travers du trottoir, nous empêchant de passer, je finis par m'arrêter, crispant les mâchoires de plus bel. D'accord. Ce coup ci, je regrettais doublement de ne pas être comme mon frère. Lui n'aurait pas hésité à les remettre à leur place et même, à être le premier à les cogner. Moi, j'espérais juste qu'ils allaient faire demi tour sans demander leur reste. Mais ... Je me doutais que ça ne serait pas aussi simple. « Ou non. Et vous nous laissez simplement passer. » Lâchai-je froidement.