On a frôlé la vie !

Encore une mission à hauts risques était prévue, encore des blessures à venir sans doute, et puis des excuses à inventer pour expliquer aux médecins pourquoi encore une plaie, encore une cicatrice. C'était une question d'habitude pour Jefferson. Et depuis longtemps, il faisait avec. Ce n'était pas comme si les médecins étaient encore surpris quand ils le voyaient débarquer aux urgences. Simplement, pour éviter que les flics ne s'en mêlent, il devait parfois se soigner lui même, et avec l'aide de Neavia. Et la réciproque était également vraie. Pour ne donner qu'un exemple, il lui avait remit une épaule en place, quand ils étaient tomber d'un étage et que son épaule avait cogné le sol bien avant le reste du corps et avec beaucoup trop de violence. Quant à elle, elle lui avait fait quelques points de suture. A force, elle deviendrait bonne en couture. Pensée qui pourrait presque dérider Jefferson. Presque seulement. Parce qu'il n'était pas homme à se dérider facilement et qu'il lui en faudrait donc beaucoup plus là encore. C'était déjà bien que Neavia soit capable de le faire sourire de temps à autre. Il ne fallait pas trop lui en demander non plus. Il était déjà surprit de se découvrir la capacité de sourire à nouveau, avec quelqu'un d'autre que sa défunte épouse. Soit, certains lui diraient qu'il fallait aller de l'avant et que Neavia était peut-être son moyen d'agir en ce sens des plus positifs. Seulement, il n'était pas certain que ce soit tout à fait le cas.

Pas parce qu'il n'éprouvait rien pour elle, évidemment. Mais parce qu'ils exerçaient le même métier sombre tous les deux et qu'il n'était pas certain qu'ils puissent un jour s'en sortir. Tout du moins, pas en vie. Jeff n'était même pas sûr  de pouvoir poursuivre à ce rythme, encore bien longtemps. Il approchait tout de même des quarante ans. Et s'il ne se sentait pas particulièrement plus fatigué que quelques années auparavant, il pensait que ça finirait par arriver tôt ou tard. Que son âge et ses années de blessures à tout va et excès en tous genres, finiraient par le rattraper. En attendant, il continuait sur sa lancée. Et le faisait désormais en duo avec Neavia. Tout autant défoncée et torturée par la vie, que lui. C'était peut-être pour ça qu'ils se comprenaient sans trop de mal et n'avaient pas besoin de mots pour ça. A vrai dire, ils ne communiquaient jamais véritablement. Parler n'était pas leur fort. Leur relation était davantage physique en fait. Dans tous les sens du terme en plus, puisqu'ils passaient de nombreuses heures à s'entraîner en se cognant dessus. Chouette relation, pas vrai ? En tout cas, elle convenait à Jeff. Et il ressentait réellement de la joie -ou un truc qui s'en rapprochait grandement- alors qu'il était en train de la rejoindre chez elle. Elle eut à peine le temps d'ouvrir la porte quand il y frappa, qu'il entrait déjà. Avec rien qu'un hochement de tête en guise de salut. Ils n'étaient pas particulièrement tactiles. Les gestes triviaux, très peu pour eux. « On a un avion pour le Brésil, demain matin à sept heures. Un proxénète à descendre. Je t'ai apporté le dossier. »

(c) AMIANTE

❝ NEAVIA & JEFFERSON

  On a frôlé la vie.

L'eau chaude jusqu'au menton, assise, les genoux rapprochés du corps, ne faisant qu'un avec sa poitrine, Neavia était dans son bain, repensant à un fameux soir, des années en arrière ... Un soir où elle était en compagnie de son mari, échappant à la mort une nouvelle fois, le coeur battant, le regard plongé dans celui qu'il lui avait tout appris. Elle était heureuse et aujourd'hui il n'était plus, par sa faute. A l'heure actuelle, son coeur battait à nouveau, mais pour un autre homme. Jefferson était d'abord une mission, puis un ennemi et pour finir après une nuit dans le même lit, il est devenu son allié, coéquipier ... Neavia était songeuse et ça l'agaçait. Ses sentiments naissants pour cet homme, compliqués beaucoup de choses.

Le coeur serré, elle se leva, droite dans sa baignoire, pris un peignoir et alla s'en griller une dans la cuisine. A une époque, elle ne pouvait se passer de la cigarette, aujourd'hui ce n'était plus une nécessité, mais un plaisir. Les cheveux humides et le corps luisant, Neavia semait de l'eau partout sur son passage, mais peu importe, aimant la chaleur, le chauffage plus élevé que la normale fit évaporer les dégâts.

Neavia eut juste le temps d'enfiler ses sous-vêtements, short et tee-shirt, quand Jeff' arriva, comme à son habitude, impatiente, à peine était-il sur le pas de la porte, qu'elle lui ouvrit l'entrée. Aucun signe de tendresse, un simple signe de tête ... Neavia, n'avait rien contre ce comportement, bien au contraire, elle compliquait déjà assez les choses dans sa tête.

Alors, qu'elle était en train d'ouvrir une bière pour son invité, celui-ci était déjà parti pour une autre mission. Brésil ? Sept heures ? Proxénète? Neavia avait enregistré les informations, comme une chanson qui ne quittait plus son esprit. Elle hocha la tête, comme élève. Elle passa la boisson à son coéquipier et s'en servie une pour elle, pris une gorgée et ... « Encore Brésil. » Peu de gens ont la chance de parcourir le monde, Neavia devrait être comblée, mais en fait, elle n'avait jamais le temps de profiter du paysage, elle faisait ce qu'elle avait à faire et rentrait immédiatement par le premier vol.

Avant même de demander des informations complémentaires sur la " cible ", Neavia était pressée de connaître le montant. « Combien ? » L'argent, toujours l'argent ... Aux premiers abords on pourrait croire que c'est ce qu'il l'intéressait, mais Neavia pensait d'abord à sa liberté et la liberté a un prix ...

« Facile ? » C'était sa façon de parler, elle savait que jamais rien n'était facile, mais elle désirait savoir le niveau de dangerosité. Consciente qu'elle pouvait mourir à tout moment.

Après une hésitation, elle se mordit la lèvre inférieure et se lança dans une dernière question. « On pourrait peut-être rester un peu plus longtemps que prévu cette fois ? » En avait-elle marre de son métier ? Un peu, oui. A vrai dire, elle pensait plus à raccrocher, plutôt qu'à son futur contrat. Elle y pensait déjà avant sa rencontre avec Jeff', mais depuis qu'il était à ses côtés, ça virait davantage à l'obsession.

On a frôlé la vie !

Arrivé chez Neavia, Jeff se contenta d'un bref hochement de tête pour la saluer, avant d'entrer directement dans le vif du sujet. Parce qu'il était là pour ça. Pas pour autre chose. Ils n'étaient pas du genre à papoter joyeusement, entre deux baisers passionnés, comme les couples plus normaux. Et cela semblait leur convenir. En tout cas, ça ne surprenait pas Jefferson. Même s'il n'avait pas été à ce point avec sa défunte épouse. En même temps, de son côté, elle était beaucoup plus tactile. Le brun remercia la jeune femme, d'un bref hochement de tête, quand elle lui offrit une bière. Avant d'arquer un sourcil à sa remarque. Oui, encore le Brésil. Est-ce que c'était un problème ? Jeff arqua un sourcil et posa un regard dubitatif sur elle. Elle lui demanda ensuite si la cible serait facile et combien ils seraient payés ce coup ci. Avant de répondre, Jeff posa sa bière sur le bureau, l'un des rares meubles ici présent, avant de s'asseoir à demi dessus. Il croisa les bras sur son torse, pour observer la jeune femme avec intérêt. Elle semblait différente de d'habitude. Un peu ... Blasée sans doute. Quelque chose dans ce genre là. En tout cas, ce n'était pas une chose qu'elle montrait d'ordinaire. « 20 000 dollars. Et non, pas facile. Ce type a son armadas personnelle, de gardes du corps. » Lui répondit-il avec sincérité. Parce que lui mentir à ce sujet, ne rimerait absolument à rien. Autant la mettre dans le bain dès à présent.

Finalement, ce fut sa dernière question qui le surprit le plus. Rester un peu plus longtemps ? Pour quoi faire au juste ? Jeff n'était pas certain de comprendre cette requête. Et il le montra bien, puisqu'il fronça les sourcils en l'observant de plus bel. Cette fois c'était certain, elle n'était pas comme d'habitude. « Rester ? Pour quoi faire ? » Demanda-t-il avec prudence. Comme s'il craignait sa réponse. Rester au Brésil. Chouette pays paraît-il. Mais y rester ? Pour des vacances ? Est-ce que c'était sérieusement ce qu'elle envisageait ? Parce que Jeff n'était pas certain de savoir ce que signifiait ce mot, lui qui n'avait jamais réellement prit des vacances digne de ce nom. Ils partaient parfois, avec sa femme et ses enfants. Mais jamais au delà des Etats-Unis. Pour la simple et bonne raison qu'il lui fallait être toujours disponible, en cas d'appel de ses employeurs qui avaient toujours besoin qu'il soit là pour les débarrasser de diverses vermines. « Tu le sais, pourtant, qu'on ne pourra pas rester alors que l'on viendra tout juste de tuer un type important. Ce serait trop dangereux. » La raisonna-t-il. Du moins, tenta-t-il de faire. Maintenant, il n'était pas dit qu'elle l'écoute, avec le sale caractère qu'elle avait. Elle était au moins aussi têtue que lui, c'était dire ! « A moins que ça ne soit le retour des pensées suicidaires ? » Sait-on jamais. Ca aussi, ça avait été son genre, apparemment, avant qu'ils ne se rencontrent. Tout du moins, à une époque, elle se foutait royalement de l'idée de perdre la vie en mission.

(c) AMIANTE

❝ NEAVIA & JEFFERSON

  On a frôlé la vie.

Encore Brésil ... Vous devez penser « Elle se fout de la gueule de qui celle-là ?! » Aller au Brésil est une chance certaine pour six milliards d'entre vous, pas pour Neavia. Elle n'avait pas de temps pour visiter ou connaître les origines de ce pays, pas de temps pour sentir l'empreinte du soleil sur son visage de poupée. Non, peu importe la situation, elle se devait de tuer et de partir s'en même attendre que la balle est atteinte sa cible.

Le prix de la mission n'était pas si important pour Neavia, elle voulait le connaître juste pour savoir la dangerosité du parcourt qu'elle allait devoir accomplir. Plus l'homme valait cher, plus il était important et donc plus Neavia risquait sa vie. L'argent lui était nécessaire il y a dix ans, plus aujourd'hui, elle avait d'autres envies, d'autres plaisirs assouvir, dont celui de la liberté, mais même la liberté à un prix. Voler de ses propres ailes, ne pas attendre cette enveloppe indiquant un mort de plus dans ce monde. Elle avait l'impression de passer à côté de son existence. Peut-être méritait-elle mieux ? Ou pas ... Changer, évoluer, Neavia avait l'impression que ses mots n'avaient plus le moindre sens. C'était donc trop tard pour elle ? Jeff' provoquait un chamboulement dans sa tête, avant ce n'était qu'un murmure dans son esprit, maintenant c'était devenu une obsession.

Le regard de Jefferson sur sa personne, avait le don de la rendre nerveuse, c'était étrange, mais elle n'abandonnerait pas si facilement. Pourquoi faire avait-il dit ? La jeune femme, un peu confuse, se mordit la lèvre inférieure, avant de reprendre avec enthousiasme. « Profiter tout simplement. » Quand Neavia voulait quelque chose, elle l'obtenait, toujours. Aujourd'hui ce qu'elle désirait, c'était rester quelques jours supplémentaires, dans ce pays qu'elle n'avait que survolé, quelques jours en compagnie de Jeff'.

Bien évidemment, Jefferson répliqua avec un argument de choc « le danger ». Elle s'attendait à recevoir une réponse de ce genre ... et ... « Je n'ai jamais eu peur du danger, bien au contraire. » Elle prit une gorgée importante de sa boisson avant de la reposer sur la table d'un geste franc.

Elle était bien décidée à le faire plier. Il est vrai que ce qu'elle venait de dire aurait pu porter à confusion, mais quand son coéquipier reparla de ses tendances suicidaires, Neavia fronça immédiatement son front, défigurant ainsi son visage d'ange, le fixant avec méchanceté. C'était tout à fait le contraire, elle ne s'enfichait plus, elle voulait vivre et profiter d'autre chose que l'adrénaline. « Abruti. » Elle se retourna vers la fenêtre, comme une enfant vexée. « Tu ne comprends pas. T'en as jamais marre toi ... » En regardant le reflet dans le carreau de la pièce, Neavia eut l'impression de voir sa sœur et posa délicatement sa main sur la vitre, comme pour la toucher. « Elle m'échappe. Jamais je n'y arriverai si ce n'est pas maintenant. » Neavia était plus que flou pour celui qu'il l'écoutait. C'était à croire si elle lui parlait ou bien si elle parlait à sa sœur. Neavia était compliquée ... Elle se retourna, le regardant avec des petits airs de chien battu.« Juste quelques jours, rien de plus, s'il te plait, ça ne va pas te tuer. » Ca pouvait passer pour de la comédie, mais le fond tout ça, c'est qu'elle en avait vraiment envie.

On a frôlé la vie !

Le moins que l'on puisse dire, c'était que Jeff était vraiment paumé par la requête de Neavia. Depuis quand cette hystérique de tueuse à gage, acharnée de boulot et accro à tout ça, souhaitait-elle prendre des vacances ? Le brun en arrivait presque à se demander si c'était vraiment elle qui se trouvait là à ses côtés. Quelqu'un s'était-il amusé à cloner la jeune femme pour le piéger ? Non, bien sûr que non. Quelle idée saugrenue ! Mais bref, ça n'empêchait pas le tueur à gage d'être totalement perturbé par le comportement et les envies subites et inattendues de la jeune femme. Il ne savait trop que faire ni que lui répondre. Il ne souhaitait pas briser tous ses espoirs -parce qu'elle semblait vraiment espérer des vacances au Brésil-. Mais il ne se voyait pas accepter non plus. Pour quoi faire au juste ? S'allonger sur la place au soleil et lézarder toute la journée ? Très peu pour lui, merci bien. Il ne savait pas faire, n'avait pas la patience et n'en ressentait pas le besoin non plus. Lui, il ne jurait que par le sang, la violence et la mort. Depuis toujours et pour toujours. Depuis de nombreuses années, il affirmait qu'il crèverait en mission. Et pour sûr, ça lui convenait parfaitement. Il n'en demandait pas tant même. Et du coup, ça ne lui faisait pas peur le moins du monde. Ce n'était que depuis qu'il connaissait Neavia, qu'il voyait les choses sous un angle un tant soit peu différent. Et si elle se faisait tuer ? Que ce soit sous ses yeux ou non. Il n'avait déjà que trop perdu par le passé. Perdu toute sa fille, à l'excepté de son aînée qui ne souhaitait plus avoir le moindre lien avec lui. Mais il était évident qu'il ne supporterait pas de perdre Neavia.

« Marre ? Jamais, en effet. Parce que j'ai besoin de ça Neavia. On est faits pour faire ça. Encore et encore. Je ne me vois pas faire autre chose. Je ne saurais même pas m'arrêter plus de quelques semaines. » Affirma-t-il avec sérieux. Il ne pouvait pas lui avouer les raisons pour lesquelles il était ainsi. Il n'avait jamais parlé de son passager noir, à qui que ce soit. Et ce n'était pas prêt d'arriver dans le fond. Le fait était que c'était lui et lui seul, qui le poussait à tuer. Et s'il ne le faisais pas, il devenait hors de contrôle et terriblement dangereux. Sans doute même au point où il pourrait s'en prendre à Neavia, sans en être tout à fait conscient. C'était dire à quel point il pouvait dériver totalement ... Or, il ne le souhaitait vraiment pas et ne le supporterait même pas. « De quoi tu parles ? » Demanda-t-il quand elle sembla parler pour elle même. Ou si c'était pour lui, il ne comprenait vraiment pas. Il arqua un sourcil quand Neavia insista. Certes, il connaissait sa manie à toujours faire en sorte d'avoir ce qu'elle désirait vraiment. Mais pourquoi un tel besoin de vacances ? « Explique moi un peu pourquoi t'y tiens tant ? T'en as assez de tout ça ? Tu veux tout arrêter ? » Demanda-t-il sur un ton plus froid que prévu, à cette idée qui avait le don de le déranger. Parce qu'ils n'étaient pas faits pour avoir une vie simple, normale, pépère. Certes, il approchait des quarante ans pour sa part. Mais ce n'était pas une raison pour virer vieux grand père qui avait besoin de sa sieste après le repas de midi, qui se levait et se couchait avec le soleil et tout ce qui s'ensuit.

(c) AMIANTE