Je ne savais plus quoi penser. Si pendant un temps j’avais cru que la vision d’Eleanor n’avait été qu’une hallucination due à la culpabilité que j’avais ressenti en passant la nuit avec Soshka, maintenant, je n’étais plus sûr de rien. Après cette première « vision » de ma défunte femme, j’avais fait appel à un détective privé, pour qu’il me dise si elle était réellement en vie ou pas. Mais il n’avait même pas eu le temps de prouver quoique ce soit, que j’avais recroisé le chemin d’Eleanor. Heureusement, Elisabeth, notre fille, n’était pas avec moi, mais en classe, elle n’avait donc pas eu à assister à la scène. Mais je me demandais toujours si elle avait été une hallucination ou non. Peut-être devrais-je consulter un neurologue ? Après tout, si elle avait bien été une hallucination, il s’agissait alors d’une hallucination visuelle, tactile et sonore. Autant dire que si elle n’était que le fruit de mon cerveau, celui-ci allait très mal et que j’étais probablement atteint d’une tumeur, ou de quelque chose du style. Et il vaudrait mieux que je consulte rapidement. Parce qu’il était hors de question qu’Elisabeth se retrouve orpheline de ses deux parents. Mais, et si elle n’avait pas été une hallucination ? Et si elle était réellement en vie ? J’avais l’espoir que ce soit le cas, mais comment y croire, alors que je me souvenais parfaitement, dans les moindres détails, du jour de sa mort ? Et que j’avais organisé chaque instant de son enterrement. Et puis comment un médecin pouvait-il me mentir ? Je n’avais jamais réellement aimé mon rôle de futur roi, étant héritier au deuxième rang, mais quand même, cela inspirait du respect normalement, non ? Je secouais la tête, arrivant dans un café. J’avais besoin de réfléchir, réellement. Et je réfléchissais toujours mieux devant une tasse de thé – un truc de britannique probablement. C’est alors que je vis un jeune homme me faire un signe. Etait-ce à moi qu’il s’adressait ? Je me retournais, et personne n’était derrière moi. C’est alors que je le reconnus. Chris, le mari d’une de mes cousines. J’allais à son encontre, dans un sourire, avant de m’installer à sa table. Je lui tendais la main pour lui serrer la sienne, avant de m’adresser à lui. « Chris ! Comment ça va ? Ça fait longtemps. »

Alors que je me dirigeais vers la table du mari d’une de mes cousines, je me demandais si je serais en droit de lui parler d’Eleanor. Après tout, elle devait avoir une raison de se faire passer pour morte non ? Et si je n’avais pas encore découvert celle-ci – mais mon détective privé était sur le coup – alors peut-être qu’en parler ne serait pas très prudent. Et même si je lui en voulais de m’avoir menti, je ne voulais pas mettre sa vie en péril, simplement parce que j’avais besoin de réfléchir à la situation dans laquelle elle me mettait. Et puis, avouons-le, même si j’avais soutenu le mariage de Chris et de Kat, je ne connaissais pas vraiment le jeune homme. Ni même très bien ma cousine d’ailleurs. Après tout, j’avais une très grande famille, et mes parents et grands-parents préféraient se concentrer sur la famille proche et donc les héritiers au rang élevé. Je n’avais donc dû croiser la jeune femme qu’à quelques galas, même si elle m’avait de suite paru très sympathique.

Et c’était donc plus pour le principe que j’avais soutenu le couple. Je m’étais dit que le deuxième à l’ordre de succession, soutenant un couple, ferait que la famille de la jeune femme ne la dénierait pas. J’avais apparemment eu tort. Mais sérieusement, comment pouvait-on renier ses propres enfants, sous prétexte qu’elle était amoureuse ? Qu’est-ce que l’on pouvait bien en avoir à faire du rang et du statut social de la personne aimée ? C’était vraiment quelque chose que j’avais du mal à comprendre. « Ca va… ça va. Et toi ? Si on m’avait dit que je te trouverai ici… ! » répondit le jeune homme après m’avoir serré la main. Je m’installais en face de lui, avec de commander un thé à la serveuse. « Et bien écoute, tout se passe bien pour moi. » commençais-je, sans m’épancher sur mes retrouvailles d’avec ma femme supposée morte. « Et oui, le monde est petit apparemment ! » reprenais-je dans un petit rire. Bon, la réflexion ne serait apparemment pas pour aujourd’hui. Mais ce n’était pas si mal apparemment, cela me permettrait de digérer la chose et de mieux y réfléchir une fois les choses à plat. « Tu es un habitué des lieux ? Je ne t’avais jamais croisé avant, et pourtant… je passe beaucoup de temps ici ! » me demanda alors le jeune homme. Je secouais doucement la tête en signe de négation, avant de lui répondre.« Non, je me baladais dans le coin, et j’ai eu envie d’un thé donc je me suis arrêté au premier café que j’ai vu. Je réfléchis toujours mieux devant un thé. J’imagine que c’est quelque chose de typiquement britanique. »

Le monde était tout de même petit. Alors que j’allais dans le premier café que je trouvais sur ma route, après avoir marché plusieurs heures à travers New York pour m’aérer l’esprit, je tombais sur Chris, le mari d’une de mes cousines. Kat s’était même faite renier simplement pour vouloir être avec lui. C’était quelque chose que je n’arrivais pas à comprendre. Mais c’était probablement aussi une des raisons qui me faisait m’éloigner de cette vie-là. J’avais beau être deuxième au rang de succession, je ne me voyais pas roi du tout. Pas que les obligations me fassent peur – après tout j’étais directeur d’une école pour enfants sourds, muets ou malentendants, donc les responsabilités, je connaissais – mais je ne me sentais jamais à l’aise avec toutes ces choses. Et le fait de devoir obligatoirement épouser une personne dont le rang social était à peu près le même que le notre me semblait complètement … stupide. Peut-être que c’était pour ça que ma famille avait chassé Eleanor, enfin Angie, en la faisant passer pour morte. Pas pour me protéger, mais parce que pour eux, je n’avais rien à faire avec une pauvre.

Mais le fait était qu’Angie m’avait menti sur toute la ligne. Elle n’avait été avec moi que pour une escroquerie, et rien d’autre. Toute notre relation était un mensonge. Mais je n’avais pas le droit d’en parler. Elle était supposément morte aux yeux de tous, et ce n’était pas parce que, de son côté, tout était faux, que c’était le cas pour moi. Je l’aimais toujours, du moins, je le croyais, et je ne voulais pas que quelque chose ne lui arrive. « Je comprends, je viens prendre un café ici à chaque fois que je dois travailler sur des croquis… » [/b]m’annonça mon cousin par alliance, après que je lui ai dis que j’avais eu envie de réfléchir en face d’une tasse de thé. « Et donc tu travailles sur un croquis en ce moment ? » lui demandais-je alors, intéressé. Et puis cela me changerait les idées en plus. « Je… peux te poser une question ? Tu vas forcément la trouver bizarre mais… est-ce que… » me demanda-t-il, apparemment gêné. Je fronçais les sourcils, me demandant ce qu’il pouvait bien vouloir me demander. Je ne le saurais que si j’accepte de toute façon. Ce que je fis. « Oui bien sûr. » l’invitais-je d’un signe de la main à continuer. « Est-ce que tu as eu des nouvelles de Kat récemment ? » me demanda-t-il alors. Je me pinçais doucement l’arrête du nez, pour réfléchir. « Heu non … Désolé. Des problèmes au paradis ? »

Même si j’étais principalement venu ici pour réfléchir en solitaire, je devais bien avouer que voir un visage amical était finalement une très bonne alternative. Bon, je ne savais pas si cela me permettrait de réfléchir, pour la simple et bonne raison que je ne savais pas si je pouvais parler d’Eleanor ou non. Après tout, il y avait probablement une bonne raison pour laquelle elle s’était faite passer pour morte, non ? Enfin, elle ne l’avait pas fait comme ça, juste pour le plaisir. Donc si j’en parlais à quelqu’un, peut-être que cela mettrait sa vie en danger. Et même si j’aurais bien besoin d’un avis extérieur à toute cette histoire, je ne pouvais pas me permettre de risquer sa vie juste pour pouvoir réfléchir. « Oui, on m’a commandé plusieurs vitrines pur l’été… Il est vraiment temps que je m’y mette ! » me dit-il après que je lui ai demandé s’il avait des vitrines à croquer en ce moment. J’étais heureux pour lui, cela semblait bien marcher pour lui. Il avait des commandes, et vu que nous étions en temps de crise, cela ne pouvait qu’être bon. « Ah oui, la dead line commence à se rapprocher ! » lui répondais-je dans un petit sourire.

La conversation dériva alors vers sa femme. A croire que c’était la saison des problèmes sentimentaux. « Elle est partie… » m’informa-t-il, après m’avoir demandé si j’avais eu de ses nouvelles. Je lâchais un soupir, sans savoir quoi répondre à ça. « On s’est disputés il y a un peu plus d’une semaine et… elle est partie. Je ne l’ai pas revue depuis. J’espérai qu’elle était venue te trouver… » reprit-il par la suite. Je soupirais de nouveau, avant de prendre la parole. « Elle va revenir. Enfin, elle ne peut pas simplement partir comme ça. Sans te prévenir d’où elle se trouve, si elle va bien ou non. Je pense qu’elle a juste besoin d’un peu de temps pour réfléchir, et qu’elle reviendra ensuite. » tentais-je de le rassurer, même si je n’étais pas sûr moi-même de ce que j’avançais. Après tout, ma femme avait mis en scène sa mort, peut-être pour s’éloigner de moi, qu’en savais-je, donc j’étais probablement la personne la moins bien placé pour donner des conseils de couple.