- Non! J’ai fondu en larmes dans les toilettes de l’hôpital, j’ai eu ma dose de larmes pour les… vingt prochaines années.

- Kate, ce serait normal de pleurer, tu n’as pas un cotât de larmes à respecter, il va se m…

- Quand Dan t’as demandé le divorce pour partir à Cabo avec sa kiné avec qui il te trompait depuis des mois, tu as été folle de joie et on s’est enfilé trois bouteilles de champagne alors épargne moi tes discours sur le fait d’être anéantie quand l’homme de ta vie en aime une autre.

- Je ne l’aimais plus et ce divorce m’a rapporté cinq cents mille dollars! Alors que toi, tu as tout perdu…

- Maggie, j’te jure t’es incroyable pour remonter le moral.

- Désolée… C’est juste que je me fais du soucis pour toi, tu réagis bizarrement…

- J’ai du travail, je t’appelle plus tard.

- Tu ne le feras pas.

- Non je ne le ferai pas mais c’était juste une manière polie de te faire quitter mon bureau.

Kate n’avait jamais été aussi sèche avec sa tante qui était en fait la seule personne au courant de toute son histoire avec Mark, même si ce n'était que dans les grandes lignes. Elle lui avait même raconté qu’il était passé la voir, un mois et un jour plus tôt très exactement, sans pour autant lui fournir les détails, bien trop douloureux pour être dévoilés. Alors elle s’était contentée de lui dire qu’il était passé, qu’il allait mieux et qu’il lui avait fait comprendre qu’il aimait Elisabeth, ce qui confirmait la fin définitive de leur ancienne histoire qui n’avait que trop duré.

Maggie était la sœur de Gregory Evans, son aînée de deux ans. Lorsqu’elle était mariée à Daniel, elle était une femme discrète qui correspondait en tous points à la femme au foyer par excellence. Elle préparait un délicieux dîner tous les soirs pour son mari, confectionnait les costumes que ses deux enfants portaient lors des différents spectacles de leur école et faisait de délicieuses tartes pour ses voisins. Elle mettait également un point d’honneur à entretenir elle-même sa maison et son jardin.
Mais une fois divorcée, son ex-mari à Cabo, Charlie et Alice à l’université, elle s’était retrouvée seule. Là elle avait eu un déclic et était enfin devenue une femme pleinement épanouie, un modèle de joie de vivre. Peu importe si ses hortensias mourraient de soif et si des petits moutons de poussières s’immisçaient sous le canapé. Ce qui était vraiment important, c’était de s’amuser, chose qu’elle n’avait pas beaucoup faite ces trente dernières années. Cependant, elle consacrait encore beaucoup de temps à ses deux enfants et maintenant que sa nièce était aussi à New York, elle pouvait enfin la voir aussi souvent qu’elle le voulait. Kate avait vécu soit en Europe, soit à l’autre bout du pays, soit sur une île paumée dans le Pacifique. Ce n’était donc que depuis un an que les deux Evans avaient une vraie relation tante-nièce. A vrai dire, Maggie connaissait mieux la jeune femme que son propre père, ce qui, en un sens, n’était pas bien difficile.
Cependant, si Kate lui racontait les faits de sa vie, ce n’est pas pour autant qu’elle lui confiait ce qu’elle ressentait. Mais Maggie était assez intuitive et intelligente pour la cerner suffisamment et lui donner des conseils, conseils qui s’avéraient n’être pour la plupart que des suggestions car Kate ne les suivait pas. Par exemple la jeune architecte venait de lui dire qu’elle repartait à Seattle dans deux mois et ce pour une durée indéterminée. Si cela ne tenait qu’à son envie, elle serait déjà partie mais il fallait bien une soixantaine de jours pour qu’elle forme sa meilleure collaboratrice à être une remplaçante acceptable. Elle ne comptait pas vendre son affaire et comptait se charger de ce qu’elle pouvait à distance. Mais il fallait bien que quelqu’un représente le cabinet lors des rendez-vous clients.

La tante se montrait très réticente à cette idée. Kate venait tout juste de lui annoncer son départ imminent pour Seattle et sur le coup, elle trouvait cette décision complètement folle.
Trois jours plus tôt, Maggie était arrivée à l’improviste chez sa nièce et en voyant son sourire lorsqu’elle lui avait ouvert la porte, elle avait tout de suite compris qu’elle n’était pas encore passée devant un kiosque à journaux. Elle était entrée, avait tendu à Kate un magazine féminin ouvert et lui avait dit qu’elle était désolée. La jeune femme avait pâli en voyant en double page un article surmonté d’une photo de Mark et de sa fiancée. Il allait se marier avec Elisabeth. "Oh…" fut la seule réponse de Kate. Elle était au trente-sixième dessous mais était incapable d’avoir la moindre réaction. C’était comme si elle était totalement vidée, creuse. Si sa tante ne l’avait pas prise pas les épaules et ne l’avait pas supplié de dire ou de faire quelque chose, elle aurait pu rester immobile pendant de longues minutes, et aurait même pu s'affaler dans son fauteuil pendant des heures. Tout ce qu’elle avait fait, c’était proposer une café à sa tante, "noir avec deux sucres c’est bien ça?". Elles s’étaient installées à la table de la cuisine, Maggie devant le café qu’elle avait acceptée, déboussolée par la réaction de sa nièce qui elle, avait prit un verre d’eau qu’elle n’avait pas touché. La tante avait alors débuté un monologue d’une heure, auquel Kate n’avait répondu que par de rares et vagues hochements de tête. Elle n’avait pas retenu un seul mot et quand elle avait ressenti le besoin d’être seule, elle avait dit devoir aller travailler. En fait, c’était vrai mais une fois à son bureau, elle avait beau être physiquement présente, elle était mentalement absente, à des années lumières de son quotidien. Par on ne sait quel miracle, le travail qu’elle avait produit était comme toujours très bon mais son état l’empêchait de prendre toutes les initiatives qu’elle prenait d’habitude.

Et cela durait maintenant depuis trois jours. Maggie avait appelé Kate des dizaines de fois mais ses messages étant laissés sans réponses, elle avait décidé de s’incruster au cabinet d’architecture. Bien que n’ayant pas de rendez-vous avant treize heures, elle avait fait patienter sa tante près de deux heures dans la salle d’attente en espérant qu’une fois lassée, elle partirait mais c’était sans compter sur la détermination d’une Evans. A onze heures trente l’architecte avait enfin cédé et l’avait faite entrer dans son bureau pour lui annoncer son départ.
C’est ainsi qu’au bout d’une heure de discussion stérile à essayer de raisonner son unique nièce, Maggie avait quitté le cabinet. Elle avait tenté de lui faire comprendre que retourner dans la maison de son enfance, retrouver sa chambre d’adolescente et vivre au jour le jour était une régression évidente. D’ailleurs Gregory était comme toujours en voyage d’affaires et elle allait être livrée à elle-même. Effectivement, elle serait entourée de domestiques mais Maggie la connaissait, elle allait errer comme une âme en peine dans la demeure et ne sortirait même pas pour retrouver ses amis d’enfance qu’elle n’avait pas vu depuis sa transition entre l’île et New York.

Kate était toujours déterminée à partir. Plus rien ne la retenait ici. Elle réalisait même que rien ne l’avait jamais retenue. L’arrivée de Mark n’aurait rien du signifier pour elle et elle aurait mieux fait de partir dès qu’elle avait vu son nom sur la porte de son nouveau bureau.
Chaque jour la rapprochait de son départ. Elle n’envisageait pas de quitter définitivement la grosse pomme mais il était très clair dans sa tête qu’il lui faudrait plusieurs mois avant d’y remettre les pieds. Et peut-être qu’au fil du temps, elle déciderait d’ouvrir un deuxième cabinet d’architecture à Seattle. Elle l’avait déjà fait deux fois, une troisième fois n’était pas exclue. Mais pour l’instant, elle n’avait aucun projet professionnel. Tout ce qu’elle voulait, c’était se retrouver loin de Manhattan le jour du mariage de Mark et d’Elisabeth. Les savoir amoureux, à seulement quelques kilomètres d’elle, lui donnait la nausée.
Pour le moment, il fallait qu’elle fasse un effort et cela impliquait de ne pas pleurer et de rester présentable en toutes circonstances. Il était hors de question de se présenter devant quelqu’un, et surtout pas devant un client, les yeux rouges et gonflés avec une tenue négligée. Depuis trois jours, lorsqu’elle était chez elle, elle portait un bas de jogging, un simple débardeur et un gilet beaucoup trop grand pour elle. Son alimentation était presque exclusivement constituée de crème glacée et ses soirées se limitaient à sa télé mais à l’extérieur, la vie devait continuer. La Terre ne s’était pas arrêtée de tourner. Alors elle faisait en sorte de tenir la cadence.
Aujourd’hui, elle portait un haut à manches trois quarts couleur chocolat, joliment coupé qui aurait pu être accordé avec un pantalon de tailleur mais Kate avait eu la négligence de mettre un jean. Elle n’avait pas eu assez de volonté pour arborer le style distingué qui était d’habitude le sien lorsqu’elle était au travail mais au moins, ce jean était noir et étroit. Elle avait un déjeuner avec une toute nouvelle cliente et ce n’est qu’à une centaine de mètres du café-restaurant où le rendez-vous était prévu, près de Columbus Circle, qu’elle réalisa que la première impression qu’elle allait donner aurait été meilleure si elle avait plus soigné son apparence. Cette idée la fit soupirer. Elle n’avait pas du tout envie de voir un client aujourd’hui. En plus, elle n’avait pas du tout faim et l’option "déjeuner pour établir un bon feeling avec le client" semblait soudainement très chiante.
Arrivée devant le restaurant, Kate eut une désagréable surprise. Meredith était là. L’architecte comprit presque instantanément qu’elle venait de se faire piéger. Vu la façon dont son ex belle-sœur la regardait, assise seule à sa table, elle l’attendait. C’était elle la cliente. Kate s’avança vers elle, les deux mains cramponnées sur les anses de son sac et s’arrêta devant la chaise vide. Elle avait déjà une idée toute faite sur la raison de ce rendez-vous et cela la partageait entre colère et déception:

- C’est toi Erica Lambston je suppose? T’avais vraiment besoin de me voir pour savourer ma peine?... Après ce que je t’ai dit devant l’hôpital, je pensais pas que tu me comprendrais mais j’ai été assez naïve pour croire que tu arrêterais de jubiler à chaque fois que je vais un peu plus mal… J’ai eu tort.

La jeune femme ne voulait pas rester là une seconde de plus et laisser Meredith profiter du spectacle. Elle la trouvait profondément infecte de venir la narguer après ce qu’elle lui avait confié. Elle n’aurait pas du lui parler de ce qu’elle ressentait car de toute évidence, Meredith le retournait contre elle. La seule chose à faire à présent était de partir et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle fit volte face, prête à s’en aller.

Les premières paroles de Meredith, bien que dites sans la moindre agressivité, firent tiquer la jeune architecte. Elle s’arrêta, eut un petit rire jaune et, mieux que lever les yeux au ciel, elle leva la tête. Rêvait-elle ou son ex belle-sœur venait de lui dire d’arrêter son cirque? Comme si sa réaction n’était pas justifiée. Bien sûr, elle n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter la relation entre Mark et Elisabeth et oui, elle avait eu plusieurs semaines pour s’y faire mais non, elle n’y arrivait pas. Et avec ce qu’elle avait pu confier à Meredith, cette dernière était censée comprendre à quel point les choses étaient compliquées pour elle. Kate ne comprenait pas l’attitude de son ex belle-sœur qui l’avait d’abord détesté, puis s’était un jour montrée, dans un moment d’égarement, un tant soit peu humaine et maintenant, elle s’amusait pour une raison encore obscure à enfoncer le couteau dans la plaie.
Malgré cela, quelque chose retenait Kate de s’en aller sans plus d’explications. C’était sans doute le fait que Meredith dise qu’elle venait en paix et qu’elles avaient besoin de discuter mais c’était bien plus complexe que cela. Lorsqu’elle était en couple avec Mark, la jeune architecte avait toujours espéré que les choses entre elle et Meredith s’arrangeraient. Alors elle avait fait de son mieux pour être aussi peu agressive que sa patiente le lui permettait et elle avait espéré que le temps ferait le travail. Aujourd’hui, la harpie baissait les armes et à dire vrai, il était difficile de résister à la trêve, même si elle ne durerait que quelques minutes. Néanmoins, la jeune Evans persistait à rester sur la défensive. Elle se retourna et la regarda d’un air plus affligé que dédaigneux.

- T’es vraiment gonflée tu sais? M’éliminer de vos vies a été la seule chose que tu ais faite pour moi et maintenant il faudrait que je te remercie de ne pas m’avoir invité à l’annonce de leurs fiançailles? Tu délires…

Kate fit un pas en avant, encore hésitante sur ce qu’elle devait faire. S’en aller semblait l’option la plus sûre mais au point où elle était, elle n’avait plus rien à perdre. Et puis cela lui permettrait de mettre également les choses au clair de son coté en annonçant son départ. Quoi que, tout dépendrait de la tournure qu’allait prendre la discussion. Si elle tournait au vinaigre, ce qui d’après de multiples précédentes expériences risquait fort d’arriver, elle garderait cette information pour elle.

- Je n’ai rien à te dire mais puisque toi tu as besoin de parler, je t’écoute. J’ai hâte d’entendre ce que ça donne une Meredith Ruthenford qui vient en paix…

Autant dire que Kate n’avait jamais connu autre chose que la Meredith en guerre, la Meredith en croisade partie à la reconquête d’un territoire qu’elle considérait comme lui étant du. D’ailleurs, la jeune femme avait une métaphore qui convenait assez bien à la situation. Mark était une terre, Meredith sa suzeraine et Elisabeth une vassale qu’elle aurait laissée sur cette terre. L’histoire ne disait pas si c’était Meredith qui avait présenté les deux fiancés mais cette hypothèse avait l’air plutôt bonne.

Kate tira la chaise qu’on lui présentait et s’y installa. Elle posa son sac à coté d’elle et croisa les bras, attendant que sa "cliente" prenne la parole.

Le serveur ne tarda pas à arriver pour prendre la commande de Kate mais cette dernière ne voulait rien boire. Elle estimait qu’elle ne resterait pas plus de cinq minutes et qu’elle n’était pas là pour sirotait gaiement une boisson avec une amie. Mais Meredith se chargea de lui commander un thé glacé avant qu’elle n’ait eu le temps de parler. Cette initiative la surprit quelque peu mais elle ne laissa rien paraître. Elle n’avait pas de temps à perdre non plus en n’y allant de son petit commentaire sur le fait que celle qui l’avait longtemps considérée comme son ennemie venait de la qualifier comme son amie auprès du serveur.

La première réplique de Meredith eut le don d’éveiller sa curiosité. Il semblait de plus en plus vrai qu’elle avait envie de dialoguer et non pas de lui planter son pic à cocktail entre les deux yeux. Apparemment, les toutes dernières paroles de la jeune architecte avaient eu un effet sur elle. Cet effet était encore assez flou mais ils avaient suscité chez elle le besoin de se confier à son tour. Bien que curieuse de savoir de quoi il s’agissait, Kate avait une certaine réserve sur la conversation qui allait suivre. Elle avait l’impression qu’elle devait regretter de s’être allée à parler de ses sentiments et n’était pas vraiment sûre de vouloir connaître ceux de Meredith. A priori, en avoir connaissance ne lui apporterait rien, du moins rien de bon. Elles étaient supposées être à présent de parfaites inconnues l’une pour l’autre et n’étaient absolument pas censées se revoir.

Alors que le serveur revenait déjà avec la consommation, Kate se demanda si Mark était au courant de ce rendez-vous. En fait, la vraie question était de savoir avec quelle puissance il s’énerverait sur sa sœur s’il savait ce qu’elle était en train de faire. La jeune Evans n’avait pas besoin de le savoir et ne poserait pas la question. Après avoir rendu son sourire au serveur, elle reporta son attention sur Meredith qui continua de parler. Dès ses premières paroles, elle put en savoir un peu plus sur elle. Les deux jeunes femmes n’avaient jamais discuté et elles ne savaient presque rien du passé de l’autre. Kate savait juste que Meredith était partie à la recherche de son père après la mort de sa mère mais elle n’avait jamais eu conscience du fait qu’elle avait pu se retrouver totalement seule et paumée à cette époque. Sa relation avec son frère était indéniablement fusionnelle mais elle ne pouvait pas réaliser à quel point le rôle qu’il avait eu dans sa vie avait été essentiel sans qu’il y ait un minimum de dialogue entre elle et sa belle-sœur. Et comme il n’y avait pas de dialogue, autant dire qu’elles ne se connaissaient pas.

Le reste fut un peu moins facile à attendre. Jusque là, Kate pensait que Mark avait souffert de son refus de débuter une histoire avec lui mais voyant qu’il avait quitté l’île, elle s’était dit qu’il serait rentré chez lui, qu’il poursuivrait ses voyages et qu’il n’aurait pas de mal à se changer les idées. Lorsqu’il était revenu et qu’ils s’étaient remis en couple, elle en avait déduit que pendant quatre ans, il l’avait tout simplement rangé dans un petit coin de sa tête sans vraiment l’oublier mais elle n’avait jamais réalisé qu’il avait pu souffrir autant et si longtemps. De son coté, il lui avait beaucoup manqué mais elle avait du s’occuper de Brooke et d’Alyssa, ce qui l’avait obligée à se concentrer d’abord sur le manque qu’elles ressentaient plutôt que sur le sien.

L’architecte saisit son verre et but une gorgée, plus pour s’occuper les mains que par soif. Lorsqu’elle reposait son verre et qu’elle recroisait ses bras sur elle, Meredith en était à lui dire qu’elle la considérait comme une garce manipulatrice et menteuse. Cette phrase arracha un sourire à Kate. Ce n’était pas drôle du tout mais elle trouvait cela amusant que son ex belle-sœur utilise ces termes car c’était exactement ceux qu’elle aurait utilisé pour se désigner elle-même si on lui avait demandé de se décrire comme Meredith la voyait.

Le plus étonnant restait à venir. Kate haussa les sourcils en entendant la jeune femme admettre qu’elle n’avait jamais douté que Mark l’avait aimé. Elle le savait mais l’entendre de la bouche de celle qui avait tout fait pour que ce ne soit plus le cas, c’était surprenant. Quant à la suite, Kate n’avait ni l’envie ni le besoin de se justifier. Elle avait déjà fait comprendre à la sœur comme au frère que ses sentiments étaient sincères. Et Meredith ne lui apprenait rien en avouant avoir tout fait pour les séparer, ses actes l’avaient montré suffisamment clairement. Par contre, le fait qu’elle ait commencé à regretter ses actes après leur dernière conversation était complètement insoupçonné.
Kate resta silencieuse pendant quelques secondes, ne sachant pas quoi répondre à tout cela. Il fallait bien qu’elle dise quelque chose, au moins pour faire à comprendre à Meredith que son initiative, bien qu’honorable, était inutile. Elle se redressa et dans une attitude plus appropriée au dialogue, elle relâcha ses bras et les appuya sur la table.

- Je sais que tu as fait tout ça pour protéger ton frère mais franchement Meredith, tu as été…

Pour finir sa phrase, Kate aurait eu besoin d’un adjectif qui aurait réunis imbuvable, infecte, mesquine, détestable, froide, décourageante et humiliante.

- Laisse tomber. J’aurais vraiment aimé que tu me dises tout ça avant, maintenant ça n’a plus aucune importance. Tu as gagné, tu as eu ce que tu voulais. Il ne m’aime plus et mieux que ça, il va se marier avec une femme… parfaite. Qu'est ce que tu veux de plus?

Elisabeth n’était peut-être pas parfaite mais elle ne semblait pas loin de l’excellence et elle conviendrait tout à fait à Mark. En l’épousant, il pariait sur le bon cheval. Elle était fiable, ce qui était une qualité que Kate n’avait jamais su lui montrer.

L’attitude de Meredith était vraiment étrange et ses motivations restaient totalement étrangères à Kate. Cette dernière pensait tout de même que cela avait quelque chose à voir avec des regrets. Mais la nature de ces regrets était floue. En avait-elle vis à vis de son ex belle-sœur ou vis-à-vis de son frère? Puisque Meredith ne s’était jamais préoccupée de près ou de loin à ce que ressentait Kate, il n’y avait pas de raison que cela change aujourd’hui alors c’était forcément pour Mark qu’elle avait ressenti le besoin de discuter. Il était fort probable qu’elle est constaté un comportement bizarre de la part de l’homme de loi qui aurait pu lui faire penser qu’il n’avait pas encore tourné la page mais l’architecte était bien placée pour savoir qu’avec toutes les péripéties qui étaient survenues depuis le tout début de leur relation, il était difficile d’aller de l’avant et que c’était un travail qui demandait beaucoup de temps et donc de patiente. Alors d’après elle, si Mark pouvait donner l’impression de ne pas être pleinement heureux, ce n’était pas parce qu’il avait encore des sentiments mais simplement parce qu’il ne pouvait pas, en la voyant si fréquemment contre son gré, la bannir définitivement de ses pensées. Son mariage avec Elisabeth aiderait sûrement.

Meredith, quant à elle, était incompréhensible. A présent, elle voulait savoir si Kate aimait encore Mark. Cette question eut le don de lui nouer l’estomac. Elle avait assez vécu avec la jeune Ruthenford pour savoir que sous ses airs doux, elle pouvait se montrer redoutable, c’est pourquoi elle était autant sur la défensive. Elle la laissa finir de parler, gardant toujours une réserve sur la vraie nature de se intentions. Il était difficile de croire que cette peste était sincère en lui demandant si elle saisirait l’occasion de se remettre avec Mark si l’occasion se présentait et encore moins lorsqu’elle affirmait ne pas vouloir retourner ses paroles contre elle.

A vrai dire, elle ne comprenait pas pourquoi ses sentiments avaient à présent une quelconque valeur pour Meredith puisque celle-ci n’en avait jamais pris considération. Et elle ne voyait pas non plus en quoi ils avaient de l’importance dans l’union imminente de Mark et d’Elisabeth. Les sentiments de Kate n’avaient d’importance que pour elle-même, c’est elle qui souffrait, Mark, Elisabeth, Alyssa, Meredith et même Rosa et Raphaël étaient supposés être tous très heureux de ce mariage. Mark avait son foyer stable, Elisabeth avait sa parfaite petite famille, Alyssa avait une belle-mère qui lui donnerait beaucoup d’amour, Meredith avait enfin une belle-sœur digne de ce nom tandis que Rosa et Raphaël voyait leur enfant fonder une famille et ils allaient probablement le voir à nouveau père dans les années qui allaient suivre. Alors quoi que Meredith cherche à faire, ce rendez-vous semblait de mauvaise augure pour ce charmant tableau.

D’un coté, la jeune Evans voulait mentir et dire qu’elle ne ressentait plus rien pour Mark. Après tout, ce qu’elle ressentait ne regardait personne d’autre et cela n’avait plus aucune espèce d’importance puisque Mark ne l’aimait plus. Mais d’un autre coté, même si elle avouait ce qu’elle ressentait et que Meredith lui lançait les pires vacheries pour s’assurer qu’elle ne vienne pas tenter de ruiner ce mariage, cela ne l’atteindrait pas puisqu’elle n’avait jamais envisagé une seule seconde d’arrêter la machine. Au contraire, elle partait à Seattle. D’ailleurs, quand Meredith avait parlé de fuite, elle s’était demandée une seconde si c’était parce qu’elle était au courant mais étant donné que c’était impossible, cette idée partit aussi vite qu’elle était arrivée. Elle s’apprêtait donc à prendre un nouveau départ et le fait de dire ses sentiments, même si ce n’était pas à la personne appropriée, permettrait peut-être de la soulager d’un poids. Après quelques secondes de silence, elle prit enfin la parole:

- Oui je l’aime. Et oui, si je pouvais, je serais à ses cotés. Meredith… c’est l’homme de ma vie et il le restera toujours mais moi, je suis juste l’erreur de sa vie. Alors ce que je ressens n’a aucune importance pour lui, et pour toi non plus ça ne devrait pas en avoir.

Kate n’était pas à l’aise mais son regard fuyant n’enlevait rien à sa sincérité. Elle s'occupait les mains en faisant tourner les glaçons dans son verre et ce n'est qu'après une courte pause qu'elle leva les yeux vers Meredith et qu'elle enchaîna:

- Si je comprends bien, si tu m'as fait venir jusqu'ici, c'était parce que tu avais peur que j'essaye d'empêcher ce mariage... Ne t'en fais pas, je ne ferai absolument rien. En fait... je retourne à Seattle. Je ne sais pas quand je serai de retour ni même si je reviendrai.

Kate était à deux doigts de se demander si elle n'était pas profondément endormie et que ce qu'elle voyait n'était que le rêve le plus réel qu'elle n'ait jamais fait. La Meredith qu'elle avait en face d'elle ne pouvait pas être la même Meredith qu'elle avait connue et qui n'avait jamais toléré la relation entre son frère et celle qu'elle considérait comme le pire des choix qu'il aurait pu faire. Il fallut quelques secondes à la jeune Evans pour analyser ses paroles. Si Meredith attendait d'elle le contraire du fait de rester à sa place, c'était qu'elle voulait qu'elle fasse annuler ce mariage. Et si elle lui disait que Mark l'aimait toujours, cela voulait dire qu'elle était supposée reprendre la place qu'elle avait abandonné un peu plus d'un an plus tôt. Il fallut encore un long moment pour que la jeune femme fasse le bilan de tout ce que son ex belle-sœur lui demandait de faire, ce qu'elle voulait faire et ce qu'elle devait faire. Or, il y avait un énorme fossé entre ce qu'elle brûlait d'envie de faire et ce qu'elle pouvait se permettre de faire. Une chose était sûre, elle ne se voyait pas du tout débouler dans l'église au moment où le prêtre dirait "Maintenant si quelqu'un s'oppose à cette union, qu'il se lève ou se taise à jamais.", le tout en hurlant "Je m'y oppose!". Répondre à Meredith en lui faisant la synthèse de toutes ses pensées était une tâche assez difficile. Sentant qu'elle s'aventurait sur un terrain où elle se promettait depuis un an de ne plus remettre les pieds, elle soupira et se redressa. Calmement, elle prit la parole:

- Admettons que tu ais raison et qu’il m’aime. Qu’est ce que je suis censée faire? Aller le voir, lui dire que mes sentiments sont inchangés et qu'il ne m'a jamais vraiment perdue? Ce serait de la folie et ça n'apporterait rien de bon. La première fois que je lui ai dit que je l'aimais est aussi la dernière. Ca ne faisait que quelques semaines qu'il avait découvert l'existence d'Alyssa et il essayait de m'oublier. Il a été en colère et il m'a trouvée égoïste de lui dire ça à un moment pareil. Et il avait raison. Aujourd'hui, s'il veut refaire sa vie, même si c'est en se mariant pour une mauvaise raison, ce serait égoïste de ma part d'essayer de l'en empêcher.

En fait, l'architecte pensait tout autant que Meredith que le fait de se marier seulement par besoin de se rassurer et de se garantir au mieux une stabilité dans sa vie future était une énorme erreur. Mais elle préférait ne pas lui faire part de son opinion. En effet, Elisabeth semblait être une femme tout à fait charmante, aimante, stable bref, le genre de femme avec laquelle on ne risque pas de souffrir d'un drame sentimental. Alors elle doutait très fortement que Mark puisse avoir fait un choix "par défaut".

- Puisqu'on en est à se faire des confidences, il y a un mois il est venu chez moi et il m'a embrassé, enfin... on s'est embrassés. Alors oui, je suis d'accord avec toi, il est un peu... paumé ces derniers temps. Mais il m'a aussi dit qu'il aimait Elisabeth et il avait l'air parfaitement lucide de ce coté là. Mark est un homme et un père responsable, il fait ce qu'il y a de mieux pour lui et Alyssa. Si je me battais pour être avec eux, ce serait en vain. Et puis tu penses qu'il m'aime, tu n'en es même pas sûre.

Kate avait assez bien résumé les raisons pour lesquelles elle ne comptait pas intervenir dans ce mariage et le fait que Meredith ne soit même pas absolument certaine que Mark l'aime encore était une raison qui suffisait à la garder sagement à sa place. Cependant, cette conversation faisait remonter à la surface des tas de souvenirs et de sentiments à la surface qui embuèrent ses yeux de larmes. Malgré son émotion, elle arriva à les empêcher de couler.

- Il faut que je parte, j'en ai besoin. Ils me manquent trop... Je pensais passer le reste de ma vie avec Mark. Et Alyssa... je l'aime comme ma propre fille. C'était pour venir vers moi qu'elle a fait ses premiers pas, je l'ai emmenée chez le médecin et j'ai fait des nuits blanches quand elle faisait ses dents et qu'elle a eu de la fièvre, il ne se passait pas une seule semaine sans qu'on se voie, elle venait dormir chez moi presque tous les week-ends et on passait des matinées à cuisiner en écoutant de la musique. Le soir, quand on regardait la télé, elle aimait se blottir contre moi pour s'endormir et plus tard, j'ai passé des heures entières à l'observer faire la même chose avec son père. C'est trop dur de rester si près d'eux avec autant de souvenir sans pouvoir être avec eux. Et ce mariage... c'est le coup de grâce.

Cette dernière réplique était une longue digression mais elle était utile pour faire comprendre à Meredith son besoin de partir. Pourtant, Kate savait qu'elle aurait beau lui écrire tout un roman sur ses nombreux moments passer avec Alyssa, sur ce qu'elle ressentait et sur l'importance que sa filleule avait eu dans sa vie avant que le père et la tante ne lui interdisent de la voir, elle n'arriverait pas à lui faire passer un centième de la douleur qu'elle subissait à ne pas pouvoir voir la petite fille.

A bien y réfléchir, Kate avait trop souvent perdu ce qui lui tenait vraiment à cœur, ce qu’elle aimait et elle constatait malheureusement que c’était toujours plus ou moins de sa faute. D’abord, il y avait eu la mort de sa mère. Elle s’était souvent demandé pourquoi la jeune mère n’avait pas pu éviter le camion qui avait percuté leur voiture et elle s’était parfois imaginé la scène, elle dans son siège auto réclamant l’attention de sa mère qui n’avait donc pas été suffisamment concentrée sur la route pour éviter le drame. Kate ne pouvait donc pas totalement exclure le fait qu’elle pouvait être en partie responsable de la mort de sa mère.
Puis, en grandissant, elle avait eu l’impression de ne pas être assez bien pour susciter un réel intérêt chez son père et là encore, si au fil des années elle l’avait en quelque sorte perdu, c’était sûrement e partie de sa faute à elle. Aujourd’hui, en tant qu’adulte avec du recul, elle se rendait compte que même si son père n’était pas démonstratif, elle non plus ne l’était pas et comparé à Alyssa au même âge, elle était plutôt coriace et il fallait souvent beaucoup de patience pour la soumettre à l’autorité à laquelle elle était supposée se plier sans broncher. Peut-être que si elle avait été moins sauvage et plus comme toutes les autres petites filles de son âge, elle aurait pu être plus proche de son père.
Plus tard, avec les menaces de mort qui l’avaient contrainte à fuir du jour au lendemain sans en parler à personne, elle avait du abandonner sa ville natale, ses amis, sa famille, son université et sans la possibilité d’avoir le moindre contact avec toute cette vie pendant plusieurs années, elle avait vraiment eu l’impression d’être arrachée à tout ce qu’elle aimait. Et c’était exactement le cas. Plus rien ne la reliait à ce qu’elle avait connu, elle avait du devenir une autre personne. Heureusement, son nom et son prénom étaient passe-partout et elle n’avait pas eu à en changer. Si elle n’avait pas été la fille d’un riche et puissant homme d’affaires qui s’était mêlé de trop près à des magouilles, elle n’aurait pas eu à partir comme elle l’avait fait et bien que cela semble absurde, elle ne pouvait pas se défaire d’un certain sentiment de responsabilité.
En revenant à la vraie vie et en reprenant contact avec ses amis de Seattle et les quelques uns qu’elle avait à New York, elle s’était rendue compte que la plupart d’entre eux avaient évolué différemment et qu’au final, ils n’étaient plus ceux qu’elle avait connu. Elle aussi avait beaucoup changé et au final, dans les deux villes confondues, il n’y avait qu’une petite dizaine de personnes avec qui elle avait gardé un réel contact et qu’elle pouvait considérer comme des amis, des vrais. D’ailleurs, comme à tout le reste des personnes qu’elle connaissait de près ou de loin, elle avait dit qu’elle était partie faire un long tour du monde. D’un coté, elle avait été heureuse de voir qui étaient les personnes assez attachées à elle pour reprendre si facilement leur amitié après une si longue absence mais d’un autre coté, elle regrettait d’avoir manqué de nombreux moments.
Et même si elle avait été très heureuse de retrouver le continent, c’est avec une grande peine qu’elle avait quitté l’île, sa population, son ambiance, ses lieux, le cabinet d’architecture qu’elle y avait fondé et par-dessus tout Mark et Alyssa. Les deux Ruthenford étaient les deux derniers exemples de sa capacité à faire imploser chaque moment de bonheur qui s’offrait à elle. A croire qu’elle avait un penchant pour l’autodestruction. C’était bien beau d’être une riche et belle héritière, une architecte talentueuse et une pâtissière hors -paire mais cela ne garantissait en rien une existence paisible et heureuse lorsqu’on était incapable de faire comme tout le monde et de ne pas foutre en l’air chaque occasion qu’on avait d’être heureuse.

Il était arrivé plus d’une fois à Kate de se demander pourquoi Mark avait cru en elle et en un avenir à ses cotés quand elle-même avait toujours douté de ses capacités à occuper convenablement le rôle qu’il voulait qu’elle occupe.
Il fallait croire que lui n’avait eu aucun doute et qu’il l’avait suffisamment aimée pour s’enchaîner à cet amour en ayant l’attention de ne plus jamais s’en détacher puisqu’au jour d’aujourd’hui, il avait beau chercher à s’en défaire, il ne trouvait pas la clé du cadenas.
Bien que cela semble insensé, la jeune Evans croyait Meredith quand elle se disait certaine que Mark l’aimait encore. Pourtant, elle ne préférait pas s’emballer. Une petite voix l’avertissait que si elle faisait autant confiance à Meredith sur ce coup là, c’était peut-être parce que l’idée que Mark l’aime encore était trop belle pour être soumise au moindre doute. Il lui fallait un peu de temps pour bien y penser. Quoi qu’il en soit, la requête de Meredith était très tentante et si cela ne tenait qu’à elle, Kate serait déjà partie rejoindre Mark. Cependant, elle n’était pas toute seule et il fallait qu’elle pense aux conséquences de ses actes pour Mark. Même s’il l’aimait, cela ne voulait pas forcément dire que tout recommencerait pour eux. Il serait normal qu’il la rejette par peur de souffrir une nouvelle fois si la jeune femme venait à refaire une crise existentielle. Et Kate n’était pas du tout certaine de trouver les mots juste pour lui faire comprendre que plus rien ne pourrait la séparer de lui.

- Attends… Qu’est ce que tu cherches au juste? A ce qu’on se remette ensemble ou juste à annuler ce mariage? Quoi que tu cherches à faire, tu ferais mieux de laisser tomber. Même si je lui dis que je l’aime, ça ne changera rien au fait qu’il va épouser Elisabeth parce que même s’il a encore des sentiments pour moi, il serait complètement taré de prendre le risque de retourner avec moi. Et à mon avis, il souffrira moins si je pars sans prévenir que si je me pointe chez lui sans y être invitée pour lui dire ce que je ressens. Et puis Carpe Diem, c’est pas mon credo. Les plans du genre "vis le moment présent, fonce et advienne que pourra" ça foire tout le temps.

Kate se fit immédiatement la réflexion qu’elle était mal placée pour juger puisqu’elle était le genre de personne à vouloir garder le contrôle sur tout ce qui lui arrivait et elle ne s’était jamais laissée aller à voir ce que la vie pourrait lui réserver.
Elle vida son verre de presque la moitié de son contenu et ferma les yeux. Elle espérait qu’en les rouvrant, ils ne trahiraient plus l’émotion que ses souvenirs avec Alyssa avaient provoqué. Avec toute cette conversation, elle était incapable de prendre une décision immédiatement.

- Ecoute… Je vais y réfléchir. Je ne pars qu'en juillet alors j’ai encore le temps de peser le pour et le contre.

La jeune femme eut un petit moment d'étonnement quand Meredith avoua soudainement que ce serait de la folie que Mark plaque tout pour elle. Sur le coup, elle se dit que ce serait donc peine perdue d'aller le voir, l'avocat étant l'homme le plus sensé qu'elle connaisse. Mais la suite la rassura quelque peu, autant que c'était possible dans ces circonstances. D'après Meredith, son frère pouvait se montrer fou. En même temps, ce n'était pas un scoop. S'il n'avait pas un petit grain de folie, il n'aurait jamais laissé Kate entrer dans sa vie. Il fallait qu'il ait un petit coté masochiste pour lui avoir autant fait confiance alors qu'elle ne s'était jamais vraiment montrée à la hauteur vis-à-vis de ce qu'il lui offrait.

Sans rien répondre, Kate suivit Meredith du regard pour la voir disparaître dans la foule. A ce moment précis, elle réalisa que jusqu'à son départ, elle allait passer chaque jour, chaque minute, chaque seconde à se demander ce qu'elle allait faire. Là, laissée seule à décider de risquer une énième tentative de suicide affectif, elle était également partagée entre les deux solutions qui s'offraient à elle. Elle n'avait aucune préférence pour l'une ou pour l'autre. La fuite serait plus facile, plus raisonnable, plus lâche aussi. La confrontation avec Mark serait plus libératrice, plus honnête mais plus égoïste. Allait-elle le tirer vers le fond, au plus profond du trou qu'elle s'était elle-même creusé? Ou au contraire allait-elle lui permettre de mettre des mots sur ses sentiments pour enfin aller de l'avant?

Aussi perdue sentimentalement que l'on pouvait l'être, Kate reprit la direction de son cabinet, songeant que si elle n'était pas capable de prendre une décision, et la bonne tant qu'à faire, elle allait devoir choisir en tirant à pile ou face.