Lorsque je sors mon paquet pour allumer une cigarette, une petite partie de moi me pousse à lui demander si ça ne la dérange pas pendant que la majeure partie de ma personnalité n'en a rien à foutre et veut juste s'en griller une. C'est vrai, après tout, je suis chez moi non ? Déjà qu'ici, on ne peut fumer nul part ou presque... Mais quand même, je demande, je dois être plus civilisé que je le pensais. D'ailleurs, en voyant sa réaction, je ne vois pas pourquoi j'ai demandé. Alors je sors mon feu et le lui tend, allumé, attendant qu'elle approche le bout de sa clope dans la flamme. Elle se penche pour tirer une bouffée de fumée. J'effectue la même manœuvre pour moi avant de tirer une longue taffe.

- Tu as un rêve ?
- Un rêve ? Non...

Je tire une nouvelle fois sur ma clope avant de boire une gorgée de café noir, assimilant sa réponse.

- Parfois, ça n'est pas plus mal, ça évite les désillusions. Alors vers quoi avances-tu ?
- Je vis ma vie comme je l'entends, au gré de mes envies.
- Alors de quoi as-tu envie ?
- Je devais te jouer une de mes compos non ?

Je hoche la tête. Effectivement. Je dois l'ennuyer avec mes questions pouvant paraitre inquisitrices voir chiantes mais. C'est étrange en fait, j'ai exaucé le rêve que j'avais en choisissant ma voie ado et pourtant je ne ressens aucune satisfaction. Je crois que j'aimerais savoir si je suis si anormal... comment les autres vivent, rêvent, espèrent... Elle se penche pour attraper son étui et en sortir sa guitare. Elle ne l'a pas quittée, l'a posée à côté d'elle en s'installant au tabouret. Je pousse le cendrier vers elle pour lui permettre de poser sa cigarette en toute tranquillité, l'observant, un coude sur le comptoir, mon menton dans la paume de ma main.

Elle cendre mais garde sa clope au bec tandis qu'elle commence à jouer tranquillement sans chanter, une ballade. Elle laisse s'égrainer les accords de sa chanson, caressant les cordes de ses doigts, les pinçant avec une dextérité dénotant une longue habitude. Je me laisse aller à la regarder fixement, écoutant de toute ma capacité auditive, comme au parc. Le seul mouvement que je fais est pour porter ma cigarette à ma bouche et souffler légèrement sur la mèche qui me retombe en travers du visage tandis qu'elle gratte. Lorsque sa cendre pourrait menacer sa guitare, je tends une main pour la lui prendre de la bouche et cendrer. Elle laisse légèrement résonner la dernière note avant de faire taire les cordes en posant la main à plat dessus et de relever la tête.

Pour ma part, mon regard et mon attention n'ont pas cillé. La note résonne encore à mon oreille. Peut-être ma bouche s'est-elle arquée en un sourire presque imperceptible mais je ne saurais en être sûr. Elle reprend sa clope et attend visiblement quelque chose de moi. Des commentaires peut-être ? Je soupire, me redressant, pour boire une gorgée de café et tourner le regard vers la vue qui s'offre à moi, le comptoir donnant sur une fenêtre. Ma voix me rappelle celle d'un autre moi, d'une autre époque.

- Tu retouches rarement tes morceaux après le premier jet n'est-ce pas ?
- Tout dépend si j'ajoute des paroles ou non.
- Ce morceau a quelque chose de semblable avec toi. Elle semble tirer son essence de ses envies, prendre ce qu'elle veut, sans s'embarrasser du superflu. Elle est simple, sans fioritures et parvient justement à briller de par son ... "dépouillement".

J'écrase ma clope dans le cendrier avant de conclure.

- L'entendre avec des paroles, avec des mots posés sur cette simplicité... il va falloir que je trouve une nouvelle monnaie d'échange !
- Qu'est-ce que tu m'offres ?
- Qu'est-ce que tu veux ? Dis et je te l'offre en échange... Je suis curieux en musique, c'est une vilaine qualité !

Cet air est mon style, celui que j'ai en tant que guitariste, en tant que musicien, mais pas celui qu'avait Y Joon. Ce style, je n'ai pu le laisser transparaitre que dans la seule chanson que j'ai jamais pu jouer ou chanter de mes compos dans ma carrière. Cette chanson ? Mr Y... Mais celle-ci, composée le lendemain de mon arrivée après avoir passé la matinée à errer dans la rue autour de mon nouveau chez moi, est plus légère, plus gaie, plus enjouée. J'avais la musique en tête, rythmée par mes pas, à chaque coin de rue que je traversais, je n'ai eu qu'à la transposer sur la guitare et la tablature après. Les paroles ? Je ne les ai pas écrites ce jour là, comme je le lui ai dit. Je les ai gribouillées, ébauchées, sur la couverture de mon guide en l'écoutant à Central Park.

Je finis le morceau par un accord pincé énergiquement sur les cordes qui résonnent en pointe pour laisser le silence régner, remplacer la musique. La main sur les cordes, déjà immobiles, je trouve la force de rouvrir lentement les yeux, sortant de mon séjour dans ce monde de notes, loin, très loin de tout souci, de toute accommodation, de tout mal du pays. J'hésite, n'osant pas la regarder, craignant la critique. Les producteurs de ma boite m'ont déjà assez souvent balancé le manque de maturité de mes compos, enfin, selon eux... alors, je dois avouer, je suis lâche, je garde les yeux rivés vers ailleurs... partout qui me permette de ne pas capter son expression.

- Le marché est honnête, ça mérite bien que j'écrive des paroles pour le morceau que je t'ai joué en échange.

Lorsque je la regarde enfin, je la vois sourire. J'esquisse une grimace, indécis, avant d'oser lui demander.

- Alors ? Qu'en as-tu pensé ?
- J'aime beaucoup. C'est joyeux, rythmé. On ne peut qu'être heureux en écoutant ce morceau. Ça pourrait presque me donner envie de me lever le matin !

Comment ne pas rire de plaisir devant une réponse pareille ?

- Tu crois que je devrais la proposer aux créateurs de réveil ?
- Ça pourrait être une idée.

Son sourire est taquin. Je pose ma précieuse sur son trépied et me relève à demi pour me pencher en la direction de ma compagne, l'air faussement courroucé.

- Je sens comme un soupçon de moquerie chez vous jeune femme...

Elle pose une main à plat sur sa poitrine et prend un air des plus innocent... enfin, sensé l'être !

- Moi ? Je n'oserais pas...
- Pourquoi ai-je comme des doutes sur ton minois angélique ?

Je m’assois sur mes talons en levant les yeux au ciel pour me redresser un peu face à elle. Son minois est tout de même charmant ... il serait dommage de l'offusquer par un geste malheureux...

- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
- Tu as bien fait de te passionner pour la musique plutôt que pour la comédie ! Tu n'es pas crédible un seul instant alors que je ne te connais pas depuis deux heures !

Je lui emboite le pas vers la sortie de l’appartement avant de la précéder devant la porte. Avant de l’ouvrir, je désigne son étui du doigt.

- Elle ne serait pas mieux là le temps qu’on aille manger ? On rentre directement après de toute façon non ?

Elle jette un coup d’œil à sa guitare, puis à moi, avant de me répondre. J’ai l’impression à la façon dont elle agit d’avoir dit une bêtise énorme alors que ce n’était que pour préserver sa gratte d’être trimballée partout.

- Elle est bien avec moi aussi.
- Comme tu veux !

Je hausse les épaules avant de déverrouiller la porte. En fait, le côté pratique, c’est que je peux tout à fait me passer de clé ici, toutes les portes fonctionnant avec des codes. Aussi, je ne me soucie pas de mon trousseau abandonné là et descends avec Eun Byeol jusqu’à la rue.

- Une préférence pour le diner ?
- Tant que c'est dans mes moyens.
- Ok…

Dans mes recherches de nourriture ne nécessitant pas de cuisine, j’ai repéré certains coins, bien pratique, quand on est un empoisonneur culinaire comme moi. Aussi, je ne réfléchis pas et lui attrape la main pour l’entrainer à ma suite alors que je file dans une petite rue de downtown sans hésitation.

- Alors les meilleurs hot-dogs que tu mangeras ici et les moins cher, suis le guide !

Elle se laisse faire, se laisse guider, le petit bout de femme à la guitare. Si son sac était sa maison, sa gratte est certainement son cœur et son âme. Elle a abandonné le premier mais ne semble même pas vouloir se séparer du second un seul instant. En un sens, elle me rappelle… moi. Au bout de plusieurs minutes de marche d’un bon pas, j’arrive devant le stand qui fait mon bonheur presque tous les midis, soulagé de le voir présent aussi le soir. L’homme qui le tient parait étrangement âgé avec son visage tanné, marqué mais, lorsqu’il lève les yeux vers nous et nous sourit pour nous accueillir, ses yeux font perdre une vingtaine d’années à la première estimation que l’on pourrait faire. Je crois qu’il commence à me connaitre puisque je le vois lever la cloche gardant au chaud les saucisses. Alors je lève nos mains jointes pour le lui montrer, ralentissant enfin.

- Je ne suis pas seul !

Je continue en anglais afin qu’il puisse me comprendre. Après tout, elle doit apprendre. Et la nourriture, c’est la base !

- A toi de choisir ! Jim fait toute commande dans ses possibilités ! Et je garantis que c’est un festin que tu nous offres Eun Star !

A son haussement de sourcils interrogateur, je ne peux retenir mon rire.

- Quel rapport avec mon apprentissage de l’anglais ?

Je me contiens assez pour lui répondre, conscient de mon propre ridicule et de mon hors sujet avec la conversation mais je m'en foutiste totalement à ce sujet.

- Aucun. Je faisais seulement une remarque parfaitement inutile et totalement hors sujet !
- D'accord.

Lorsque je me retourne à l'appel du vendeur pour nous signaler que notre commande est prête, je prends soudain conscience de sa main que j'ai gardé dans la mienne, sans y penser. Une chose est totalement différente entre ici et le pays, les rapports hommes femmes et les rapports aux contacts physiques. Et j'ai beau vouloir suivre le précepte qui dit qu'"à Rome, faisons comme les romains" , je retire rapidement ma main, baissant le nez.

- Désolé.

Avant de me retourner pour de bon cette fois, pour de bon, vers le vendeur et attraper les deux hot dogs généreusement garnis, lui tendant le sien en évitant soigneusement son regard, stupidement gêné. A vrai dire, lorsque l'on entre comme potentiel idol dans un label musicale, on est habitué à ne pas regarder les représentantes du sexe opposé, toute relation étant formellement interdite. En dépit des scandales dans lesquels je me suis volontairement impliqué, cette règle est inscrite en moi depuis une douzaine d'années, aussi est-elle omniprésente, comme l'interdit que je viens de franchir selon celles-ci, qui me bats les temps.

Elle prends son hot-dog et me demande.

- C'est combien ?

J'adresse une phrase en anglais au vendeur qui commence à me connaitre et à me traiter comme un habitué, lui promettant de venir payer la différence le lendemain avant de répondre à Eun Byeol, celui-ci ayant accepté en quelques mots avec un compliment pour ma compagne.

- Un dollar puisque tu es jolie et que je suis un rustre de laisser payer une jolie fille.
- Et le vrai prix c'est quoi ? C'est pas un dollar qui paiera ma nuit.

Je hausse les épaules en désignant le stand ambulant.

- Demande-le lui toi-même, tu verras bien !

Elle expire bruyamment en affichant une moue boudeuse et tend finalement le billet de un dollar au vendeur. Celui-ci le lui prend avec une expression amusée et un regard passant d'elle à moi d'un air conspirateur. Je lui adresse un sourire reconnaissant, tournant le dos à ma compagne avant de me tourner vers elle pour lui indiquer de la main la direction du retour.

- Après toi...

Cette fois, je compte bien rester au moins un pas derrière, afin d'éviter de commettre le même genre d'impaire qu'à l'aller. Pas la meilleure manière de vouloir que la confiance s'instaure entre nous pour commencer que de dépasser les limites comme je l'ai fait... je lui adresse tout de même un mot, reconnaissant, en levant mon hot-dog légèrement, sans toujours oser croiser son regard.

- Merci pour le repas... et moi, ça ne me coute rien de t'héberger donc, un hot-dog de gagné !

Je suis assez fêtard. Mais ce soir, j'ai pas vraiment envie d'aller m'éclater. Je crois que le coup du métro m'a crevé plus que je ne le pensais. J'ai juste envie de rentrer à l'appart, de prendre une gratte et de m'affaler par terre pour gratter. C'est tout. Ok, je serai pas seul, mais je doute que ça la dérange beaucoup la gratte vu le numéro. Enfin, finalement, je renonce à résister. Si elle continue à s'accrocher comme ça à mon bras, je crois que je pourrais faire le tour de Manhattan si elle le demandait, mon entêtement et mon caractère en prenant un coup par la gêne que ça occasionne chez moi. Et, lorsque je lui annonce que je cède...

- Youhouh !

La voilà qui me saute au coup et me plante un baiser sur la joue, son regard pétillant rivé sur moi.

- Merci !
- Hic !

Putain mais pourquoi j'ai le hoquet moi ? Aussitôt m'a-t-elle embrasser qu'il me soulève, comme un geste réflexe, une façon d'exprimer mon surplus de gêne. Elle reprend sa place à côté de moi, toujours accrochée à mon bras et demande, de manière ingénue.

- On y va ?
- Oui... Hic !

Oui, je crois que c'est nerveux, c'est pas possible ! J'ai passé tellement de temps, depuis le début de mon adolescence, à me fourrer dans le crâne que les contacts avec les filles, c'est mal, surtout en public que je crois que c'est devenu presque inconscient chez moi et que ça ressort maintenant... D'autant plus que je n'ai aucune intention séductrice envers elle, sinon je ne serai pas aussi gêné. Elle ne semble pas remarquer mon malaise, m'entrainant en reprenant sa marche d'un pas guilleret. Je m'immobilise immédiatement.

- Est-ce que tu sais au moins par où est notre destination ?
- Non. Mais toi oui.

Je pousse un soupir. En même temps, comment lui en vouloir ? Parce que ingénue, elle le semble réellement avec sa frimousse d'innocente.

- Taxi ? On en a pour un moment à pied sinon...
- Comme tu veux.

Elle toujours pendue à mon bras, je me dirige vers le trottoir pour lever le bras et héler un taxi passant au même moment. Celui-ci, en bon taxi new yorkais, s'arrête devant nous au prix de manoeuvres qui auraient pu causer au moins trois accidents dans toute autre partie du monde. J'ouvre la portière pour la laisser passer la première et sort mon carnet dont j'arrache une page et griffonne quelque chose que je lui tends.

- Ce sont l'adresse de l'immeuble et les codes d'entrée du bas et de l'appartement... Je crois que je vais rentrer directement pour ma part...

Visiblement, elle a décidé que si elle voulait sortir, ce n'était pas sans moi. J'ai été désolé pendant une seconde et demi pour elle mais à son air malicieux, je suppose que c'est déjà de l'histoire ancienne. Les distances ont été reprises entre nous, voilà qui me convient tout à fait, même si elle s'est visiblement fait la promesse de m'embêter si jamais elle s’ennuie.

Enfin... c'est ce que je croyais jusqu'à ce qu'elle me reprenne la main pour m'entrainer sur le chemin de mon appartement.

- Allez viens Grand-Père Y. On rentre.

Ok... Maintenant, ma gêne m'indispose. J'ai plusieurs choix qui s'offre à moi. La laisser m'engouffrer de nouveau ou alors... ou alors faire en sorte qu'elle ne soit pas le genre de femmes avec lesquelles je suis gêné. Ce qui veut dire que je dois changer d'état d'esprit à son encontre. Je n'avais, à la base, aucune intention envers elle dépassant le statut d'artiste. Néanmoins, je pile sur place lorsque ses doigts entre de nouveau en contact avec ma peau, serrant ma main autour de la sienne pour l'attirer vers moi, presque contre moi. Mon hoquet est loin lorsque je la regarde du haut de notre différence de taille, la voix légèrement plus basse. Pas tout à fait un avertissement, plutôt une mise en garde.

- Si tu continues à t'accrocher à mon bras ou à ma main ainsi ou à me dispenser tes lèvres sur la joue à répétition comme tu le fais, je vais finir par me demander quelles sont tes intentions à mon égard Eun Star...

Elle hausse les épaules, visiblement indifférente.

- Et toi alors ? C'est toi qui a proposé de m'héberger pour la nuit.
- Et ?
- Moi aussi je pourrais me poser des questions si je voulais.
- Je n'ai, de base, aucune autre intention que celle de reconnaitre par là le talent que j'ai vu en toi au parc. Je n'ai, à ma connaissance, eu aucun geste envers toi pouvant te faire penser le contraire.
- Moi non plus.

Elle marque une légère pause avant de reprendre.

- Bon on y va ?

Je me recule d'un pas et desserre ma main jusqu'à laisser une totale liberté à la sienne pour partir.

- Allons-y. Je te suis.

Elle lâche finalement ma main pour tenir la bretelle de son étui à guitare. Son sourire s'est éteint, de même que son entrain me semble-t-il alors que je lui emboite le pas. Je n'y prête pas attention les premiers instants, mais le silence finit par me peser. Je lance alors, de manière à être juste audible de sa part, à un mètre au devant de moi.

- Je t'ai vexée ?

Je crois, non, je sais que le fait qu'elle garde la tête basse cache une expression de déception, peinée. Peut-être est-ce mieux qu'elle garde la tête basse et qu'elle parte maintenant. Mais je lui ai promis asile pour cette nuit et je pars du principe que je respecte toujours ma parole. D'autant qu'elle n'y est pour rien si j'ai été éduqué, ou plutôt "dressé" ainsi. Je pousse un soupir sonore en laissant tomber ma main de son épaule, sans bouger d'entre elle et la porte.

- Ecoute. Tu ne me déranges pas. C'est juste que...à continuer ainsi, c'est moi qui risquerais de ... te déranger...

Elle relève légèrement les yeux, brillants, comme je le craignais.

- Pourquoi tu me dérangerais. C'est moi qui débarque dans ta vie...
- Je ne suis pas familier des gestes et des contacts envers l'autre sexe, à part à des fins de séduction. J'ai été éduqué ainsi. Et... tu es loin d'être une fille déplaisante. Je risque de te déranger, moi, en continuant comme c'était. Garder un regard purement "artistique" est une illusion difficile à maintenir sans maintenir des distances...

Elle reste un instant silencieuse, comme méditant mes paroles, dont je ne suis pas vraiment fier, me gênant en elles-même comme un aveu honteux. Finalement, elle pose son sac à terre pour venir prendre mon visage entre ses mains et m'embrasser. Je reste con, immobile, alors que j'entends comme de loin ses mots.

- Maintenant que les limites sont franchies, tu n'as plus besoin d'être gêné.

Je déglutis, sans changer de position, toujours penché vers elle, comme elle m'a laissée, ses mains encadrant mon visage. Je m'entends souffler.

- Joon... Je m'appelle Joon...

Quelques centimètres séparent nos visages alors que je souffle ses mots avant de lui rendre son baiser, l'embrassant lentement, le temps de quelques secondes pour reprendre mon immobilité, me redressant afin de retrouver ma position initiale. Elle retire ses mains, l'une allant tenir la bretelle de son étui à guitare, l'autre s'enfonçant dans la poche de son pantalon. Un sourire léger se dessine sur ses lèvres.

- Et maintenant ?

Je me racle la gorge légèrement, atterrissant, pour me redresser complètement et faire un pas en arrière, remettant une distance de "sécurité" entre nous. Finalement, je me dirige vers une de mes grattes tout en lançant, par dessus ton épaule.

- Et si tu reposais ton barda là où tu l'avais mis initialement ? Je comptais gratter un peu mais ...

Je m'arrête finalement, sans me tourner tout à fait vers elle.

- Je crois que lorsqu'on parlait de faire monter les enchères tout à l'heure, tu envisageais autre chose qu'une chanson non ? Alors choisis la première... Si tes mains te démangent de se poser sur l'une d'elle, fais ton choix sur la beauté que tu caresseras ce soir, je ferais le mien après ... J'ai besoin de ... de m'occuper les mains.

Je les enfonce d'ailleurs dans mes poches en attendant. Elles me démangent d'aller ailleurs que sur le bois d'une guitare depuis qu'elle m'a embrassée mais je ne compte pas leur obéir. Alors le meilleur moyen d'y remédier est encore de nous occuper les mains à tous les deux. Et si je ne me trompe pas sur le regard que j'ai perçu lorsqu'elle a vu ma collection de joyaux, je pense que la distraction sera suffisante pour lui faire oublier, ne serait-ce que momentanément, ce moment d'égarement...

Je ne suis pas certain de réfléchir encore, de contrôler mes doigts sur la gratte qui suivent la mélodie de sa jubilation. Tout mon être est perdu dans cette béatitude qui est sienne, dans son observation. Elle semble tant la révérer en la posant sur son trépied que je me retrouve debout sans même me souvenir de m'être levé. Ma propre gratte est débranchée et rangée mais je ne m'en rends compte qu'un fois debout, derrière elle, presque haletant, entendant son murmure.

- Merci...

Je serre les poings, faisant appel au peu de self control que j'ai pour souffler, m'inclinant vers sa nuque pour faire jouer mon souffle sur sa peau, irrégulier, noué par cette boule brulante qui me noue la gorge.

- Tu devrais... aller te coucher... maintenant... si tu ne veux pas que... je te dérange...

Elle ne bouge pourtant pas d'un poil, les yeux toujours rivés sur la guitare qu'elle vient de reposer, me tournant obstinément le dos. Ma main se meut de sa propre initiative pour l'attraper par le bras et la tourner de force, ma bouche écrasant la sienne au passage, la possédant avec la force de ce désir qui me prend à la gorge. Elle se laisse d'abord faire avant de me rendre mon baiser, ses mains sur mon torse. Je me force à me reculer en dépit de mon corps qui hurle pour un rapprochement plutôt que pour un éloignement, parvenant à murmurer contre ses lèvres.

- Tu ne me dois rien... Et si tu ne m'arrêtes pas maintenant, je ne pense pas en être capable plus tard...

Ses mains auparavant posées sur ma chemise s'y serrent pour s'y accrocher fermement et m'attirer à elle pour m'embrasser, me faire taire, ce que je ne rechigne pas à faire. Déjà, mes mains courent vers l'urgence de la déshabiller, de sentir sa peau contre la mienne. Du contrôle ? De la gêne ? Qu'est-ce que c'est déjà ? Connais pas là... Je ne pense plus, ne suis réduit qu'à une chose, cette envie qui me brule au tisonnier de l'intérieur, que j'ai d'elle. J'en jouirai presque rien qu'à sentir les boutons de son pantalon céder sous la pression de mes doigts pour le faire glisser avant de s'attaquer à son haut.

J'entends deux bruits mats que j'identifie du coin de l’œil comme l'atterrissage de ses chaussures qu'elle a envoyées valser en même temps que son pantalon. Ses poings se sont desserrés de ma chemise pour s'attaquer à ses bouton avec la même urgence que moi, sans lâcher mes lèvres, tout comme je possède sa bouche, pleins d'une urgence qui nous animes. Nous sommes aussi empressés l'un que l'autre à nous débarrasser de ces morceaux de tissus qui nous encombre à présent et finissent au sol. Je sens un grognement de frustration sortir de ma gorge pour se perdre dans sa bouche lorsque mon torse rencontre encore son soutien-gorge et que nos sous-vêtements font encore rempart entre nous. Quand je m'y attaque sans ménagement, je suis certain d'une chose. Si elle n'est pas mienne dans les minutes qui suivent, je vais devenir dingue !

un sourire félin, de ceux qu'on imagine un chat devant un bol de lait arborer, nait sur mes lèvres et s'épanouit jusqu'à mon regard qui l'observe dans sa lutte pour échapper aux limbes du sommeil. Je ne suis pas mieux au réveil, mais j'ai un avantage sur elle. Je suis resté immobile pendant un long moment, avant de l'observer, de comment à faire courir légèrement mes doigts sur elle, sur ses bras. Aussi, je suis déjà au stade d'apparence humaine du réveil, même si sans un bon café bien serré, je doute de dépasser l'apparence. D'ailleurs, en entendant sa remarque...

- De toute façon il est toujours trop tôt…

Mon bras se tend devant moi pour l'attraper alors qu'elle s'est redressée et l'attirer de nouveau contre moi, l’emprisonnant entre mes bras, contre mon torse, avec un sourire victorieux, teinté de taquinerie.

- Alors pourquoi se lever maintenant ? S'il est trop tôt, autant dormir encore...

Elle ne se fait pas prier pour se blottir contre moi, fermant aussitôt les yeux.

- T'as raison.

Je tends ma nuque au maximum pour effleurer ses lèvres d'un baiser, frottant la pointe de mon nez contre le sien en murmurant.

- Désolé...

Ses yeux se rouvrent.

- Désolé de quoi ?

Sérieux, je laisse ma tête repartir en arrière et ma main caresser sa tempe, ramenant ses cheveux en arrière.

- Je me suis comporté comme un salaud hier soir...

Alors que je laisse volontairement ma phrase en suspend, elle se redresse sur un coude pour me regarder avec une expression d'incompréhension, ne voyant visiblement pas à quoi je fais référence. Mes lèvres s'arquent en un léger sourire, mi taquin, mi satisfait.

- Je t'ai sauté dessus comme un animal et ...

Je me redresse à mon tour pour lui faire face, me collant contre elle pour chercher sa bouche.

- Et je crois que si je t'avais proposé le logement pour cette nuit... je ne compte pas te laisser le choix pour la suivante... quitte à te séquestrer ici...

Je n'ai pas le temps de répondre que déjà ses lèvres trouvent les miennes et dispensent sa passion dans son baiser. Son bras autour de mon cou l'a rapprochée de moi, celui que je passe derrière sa taille complète le rapprochement alors que j'éloigne nos bouches l'une de l'autre avec un sourire, mon front contre le sien, pour souffler contre ses lèvres.

- Je croyais que tu voulais dormir...
- Ton idée est meilleure.

Ma main dans son dos entame de léger va et vient sur sa colonne vertébrale, la frôlant du bout des doigts, savourant le contact de sa chaleur douce sur ma peau rendue calleuse par les cordes de guitare.

- J'ai eu une idée moi ?

A son tour, elle me sourit.

- Hum, hum. On ne dirait pas comme ça mais tu peux en avoir de bonnes.
- On ne dirait pas comme ça ? Qu'est-ce que ça veut dire ça ?

J'arbore une moue faussement vexée, suspendant mon geste au dessus de son dos. Elle éclate de rire avant de m'embrasser.

- J'étais sure que tu prendrais la mouche !
- Ça t'amuse tant que ça de te foutre de moi ?

Mes lèvres viennent effleurer les siennes alors que ma jambe se glisse entre les siennes doucement, par caresses lentes de mon genou sur ses cuisses alors que mon torse pousse le sien contre l'oreiller.

- Chercherais-tu à te moquer de moi Eun Star ?
- Moi ? Je n'oserais pas !
- Si tu savais...

Ma bouche quitte la sienne pour se glisser vers son oreille, l'embrassant, la mordillant légèrement, avant d'y murmurer.

- Je ne savais pas à quel point c'est bon que quelqu'un ose se moquer de moi comme tu le fais avant de pouvoir apprécier ce plaisir....