J’étais assis dans un des fauteils que nous offrait notre suite, enfin, assis était un bien joli mot, j’étais vautré plutôt, les jambes croisées par-dessus l’accoudoir, le corps de travers enfoncé dans le fauteuil. Enfin bref, je lisais un roman, tentant de m’échapper dans mon monde pour ne pas entendre Tinsley discuter avec l’un de ses ouvriers qu’elle avait invité.
La première fois qu’elle l’avait fait, j’avais cru naïvement que c’était une façon pour être de se socialiser, de nouer le contact, de s’habituer à sa nouvelle vie de New Yorkaise, puis au fur et à mesure les invitations se répétèrent avec un homme différent à chaque fois, j’avais fini par comprendre que c’était sa façon à elle de me faire payer ce baiser que j’avais échangé avec Isla quelques mois auparavant lors de cette fête en Australie.
Je savais que ma réaction fasse à ce qu’elle faisait jouait beaucoup, c’est pour quoi je tentais de garder un visage impassible, dénué de toute expression, même si à intérieure la jalousie me rongeait, la seule envie était celle de me lever, de crier un bon coup, lui dire qu’elle avait gagné, qu’elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait et que je partirais me trouver un appartement dans New York le lendemain, mais je ne pouvais pas la laisser sortir vainqueur de cette bataille, mon amour pour elle m’en empêchais. Alors je restais là, vautré dans mon fauteuil à souffrir, laissant mes sentiments enfouies au plus profond de moi.
Ma torture se termina quand son invité parti enfin, mais je savais que je troquais cette souffrance contre une autre. J’entendis Tinsley fermer la porte et j’entendis le son de ses pas revenir dans le salon, et sans même lever les yeux de mon livre, je lui dis :

- Quand tous tes ouvriers seront passés ici, tu inviteras qui ?

Je ne voulais pas la regarder dans les yeux, non, je ne pouvais pas. Le regard de rage que j’avais eu avant en voyant cet homme ne fonctionnait plus quand il s’agissait de Tinsley, pour elle, je n’avais que ce regard plein d’espoir, plein d’amour qui me trahissait auprès d’elle, et je ne voulais pas me trahir. Alors je restais concentré sur ma lecture, feignant de ne pas être intéressé par la réponse qu’elle donnerait, si réponse il y avait. Connaissant Tinsley, avec ce genre de question, j’avais une chance sur deux d’avoir le droit au premier objet qui lui passait sous la main dans la tête.

Spoiler:

L’arrêt que Tinsley marqua au milieu du salon m’annonça que je venais de faire mouche avec ma question. Un sourire s’afficha sur mon visage, puis il disparut aussi vite qu’il était apparût. Garder un visage qui ne montrait aucun sentiment, c’était le plus important, même si au fond de moi, je savais que Tinsley devinait ce que je ressentais.
Par chance, je ne reçu aucun objet dans la tête, intérieurement je la félicitais du contrôle qu’elle faisait sur elle-même pour se retenir de faire une telle chose. Tinsley venait surement de calmer un peu de sa colère vu qu’elle répondit à ma question en citant mon meilleur ami, je savais qu’elle ne le ferait pas mais me le dire n’avait pas suffit à calmer le coup que je reçu en plein cœur. Quand Tinsley vous en voulait il fallait s’attendre à ce genre de phrase, elle avait toujours eu le don de trouver celle qui serait le plus blessante.
Les mots de mon roman n’avaient plus aucun sens, je ne cherchais même plus à les lire, tout ce que j’avais en tête était ce moment après la fête où j’avais tenté de rattraper Tinsley, puis tout ce qui avait suivit, je n’avais jamais imaginé qu’il était capable de détester quelqu’un à ce point là, et j’avais appris par la même occasion qu’une rupture faisait parfois aussi mal que de se faire renverser par un bus. Malgré tout, je prenais sur moi, et restais toujours impassible à la situé, les yeux rivés sur mon livre.

- Aucune chance, il n’aime pas les brunes.

Peu après, je voyais mon livre m’être arracher des mains, le regard fixé sur des mots flous je n’avais pas fait remarqué qu’elle s’était approchée de moi depuis que j’avais entamé la « conversation ». Je me décidais enfin à lever la tête, mais je fuyais toujours son regard, préférant me concentrer sur la couverture de mon livre, plutôt que de faire face à ses yeux dont je devinais sans peine l’expression qui s’en dégageaient. Je suivis la trajectoire de mon bouquin qu’elle venait d’envoyer valser à l’autre bout de la pièce, elle aura finalement lancé un objet, je plaignis quelques secondes le mur qui venait de prendre à ma place. Ma seule défense venait de tomber, je ne pouvais plus me cacher.

- T'es incapable de me regarder dans les yeux quand tu me parles?! Peut-être aurais-tu autre chose sur le cœur que tu voudrais me partager?

Comment pouvais-je répondre à ça ? Oui je suis incapable de te regarder, et j’ai des centaines de chose sur le cœur mais tu te fiches de chaque mot Tinsley. Je décidais de me lever, fixant mon regard dans le sien le temps de quelques secondes avant de lui tourner le dos, croisant les bras, regardant le mur qui se dressait face à moi. En faisant ça je montrais ouvertement ma faiblesse mais qu’importe.

- C'est une obligation de te regarder? Et partager des choses avec toi, c’est bien la dernière chose dont j’ai envie, surtout celles que j'ai sur le coeur.

Menteur.

Avec ma remarque, j'avais eu un petit sourire victorieux pensant que je venais de gagner cette manche, cacher derrière mon livre que j'avais désigné comme mon bouclier depuis le début de la conversation, aussi petit soit il, il me permettait de garder mon visage baissé, de ce fait, la brune ne pouvait pas lire dans mon regard. Mais le gout de ma victoire fût bien vite remplacé par celui de la défaite, emporté par mes émotions j'en avais oublié que Tinsley était la reine de la répartie, elle se battait avec des mots et était le plus souvent gagnante. Sa remarque me toucha en plein cœur, faisant le même effet qu'une balle de 38, petit mais dévastateur.
Je décidais de ne rien rajouter, pas la peine de l'énerver plus qu'elle ne l'était déjà, et puis, c'était un combat perdu d'avance. Privé de mon livre qui me permettait d'esquiver son regard, je me levais, me mettant dos à elle et croisant mes bras contre mon torse, après lui avoir offert mon regard dans le sien le temps de quelques secondes. Je lui annonçais alors que je ne voulais rien partager avec elle, et c'est là que tout devint étrange. Je mettais attendu à me prendre quelque chose sur la tête, une baffe, un coup dans les tibias, mais il n'y eut rien d'autre que sa main qu'elle posa sur mon épaule et l'autre, dans le bas de mon dos, un léger frisson parcouru mon corps entier, Tinsley n'avait plus été aussi proche de moi depuis notre séparation. L'incompréhension prit alors le dessus sur touts les autres sentiments que je pouvais ressentir en ce moment, et ce qu'elle me murmura à l'oreille n’arrangeait pas ce sentiment.
Qu'est-ce qui lui arrivait soudain? Où était passé la Tinsley en colère qui voulait m'arracher la tête à n'importe quel moment de la journée? J'étais perdu, d'ordinaire elle ne voulait pas m'écouter, et aujourd'hui je devais tout lui dire. Je réfléchissais, je tentais de comprendre, lui dire? Me taire? Partir? N'importe qui aurait profiter de cette occasion pour déballer tout ce qu'il a sur le coeur, mais je connaissais Tinsley, et qui sait quel coup tordu elle préparait.
Le silence s'installa dans la pièce, je ne savais pas quoi faire et ma jolie brune était toujours collé à moi, si proche et pourtant si inaccessible.
Elle déposa un baiser dans mon cou qui me fit légèrement sursauter, oui, là je ne la comprenais vraiment pas, mais je n'allais pas m'en plaindre. Je me décidais à parler, après tout, je lui devait bien, elle venait de faire beaucoup d'effort pour s'approcher autant de moi, je gardais tout de même un ton assez distant.

- Tu veux que je partage quoi avec toi? Le fait que tu me manques tellement que ça en devient insupportable de vivre? Le fait que je suis jaloux de te voir avec d'autres mecs à longueur de temps? Le fait que tu me déteste et que tu me fasse payer mon erreur en me pourrissant la vie alors qu'il n'y a eu qu'un baiser entre Isla et moi? le fait que...

Je me stoppais, je ne pouvais pas, j'en avais déjà trop dis et parler de cette soirée là avec Isla était une erreur, mais en y repensant, c'est elle avait demandé à savoir. Je me retournais pour lui faire face, gardant pourtant mon regard vers le sol, je mis mes mains dans mes poches pour ne pas succomber à la tentation d'attraper les siennes. Soudain, je relevais ma tête, plongeant mon regardant dans le sien.

-... le fait que je t'aime Tinsley.

Qu'importe ce qu'elle pouvait dire ensuite, je venais de partager ce que j'avais de plus gros sur le cœur à sa demande. Je voulais être lâche et partir, mais mes jambes refusaient de bouger et affronter son regard était une chose terrible, voir les émotions passer sur le visage de quelqu'un n'a rien de réconfortant.

J’eus un mouvement de recul quand elle avança la main vers mon visage, Tinsley m’avait rendu un peu paranoïaque et chacun de ses gestes étaient interprétés comme une menace, mais ce fût une surprise de sentir une tendre caresse sur ma joue, je sentis mon cœur battre un peu plus fort dans ma poitrine et j’eus beaucoup de mal à cacher ce petit sourire de joie. Le silence fût long après mon petit monologue, ce qui me parut une éternité s’arrêta enfin quand elle repris la parole. Je connaissais le sens qu’un baiser avait pour Tinsley, la fidélité était un principe sur lequel ma jolie brune était intransigeante, la moindre faute était une trahison. Mais il y avait un détail qu’elle oublait dans l’histoire.

- Je sais tout ça. Mais j’avais trop bu ce soir là, Isla aussi et une chose en entrainant une autre… on s’est embrassé. Il n’y a rien eu entre nous et il n’y aura jamais rien d’autre.

Mais je savais que ça ne suffirait pas à la convaincre même si c’était la vérité. Qu’importe dans quel état j’étais ce soir là, j’avais embrassé sa meilleure amie.
Elle entama le chapitre sur la confiance, qui allait de paire avec celui sur fidélité. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle me dise je t’aime en retour, je savais de toute façon qu’elle n'aurait pas dit ces trois mots. Je pouvais enfin lui parler de mes sentiments s’en qu’elle m’envoit chier, je n’allais pas pas trop lui en demander quand même.
Je voulais qu’elle me croit, je voulais qu’elle est confiance en moi, je voulais de nouveau être celui vers qui elle se tournait dès qu’elle avait un problème, mais dans la façon de prononcer ses mots, Tinsley ne donnait en aucun cas un signe d’un quelconque futur pardon, pourtant je continuais d’espérer qu’un jour, elle et moi serions de nouveau ensemble.
Je réfléchissais à toute vitesse, je savais qu'une simple promesse que je ne recommencerais pas ce que j'avais fais ne lui suffirait pas. C'est alors que les mots sortirent tous seuls de ma bouche.

- Tinsley, je ferais n'importe quoi pourvu que tu me pardonnes un jour.

Je pris la main dans la sienne et baissais la tête. Je venais de me mettre à genou, je capitulais. Je n'avais plus la force de me battre contre elle, ma seule envie était de l'avoir de nouveau à mes côtés, de redevenir le petit ami que j'avais toujours été.
Je la regarda de nouveau dans les yeux, serrant un peu plus ses doigts, je voulais tellement qu'elle comprenne que j'étais là et que je n'irais nul part. Je déposais à mon tour mon autre main sur sa joue, mon visage qui était sans expression depuis le début de notre conversation se changea alors, la tristesse passa dans mon regard, je fixais Tinsley, elle me manquait tellement et c'est en la regardant que je compris alors tout le mal que j'avais pu lui infliger en embrassant Isla, je venais de ressentir sa peine et je ne savais pas comment arranger les choses.

- Je suis désolé.

Je n'avais jamais été aussi sincère envers elle et sans savoir vraiment savoir pourquoi, je déposais un léger baiser sur ses lèvres, puis je me reculais d'elle, lui tournant de nouveau le dos, je savais que je n'avais pas le droit de faire, j'étais celui qui l'avais blessé, l'embrasser n'était pas une chose que j'étais autorisé à faire. J'avançais devant moi, mettant de la distance entre Tinsley et moi, attendant qu'elle dise quelque chose.