Cela faisiat une bonne demi-heure que le réveil avait sonné et Coleen n’avait toujours pas bougé. Bien confortablement installée dans son lit, elle fixait son réveil, voyant les minutes défilées et essayant de se convaincre de bouger mais c’était loin d’être une cause gagnée. Elle soupira et ferma les yeux doucement, pour une fois qu’elle dormait bien, d’un sommeil sans rêves, il fallait que son sommeil soit gâché ainsi. Parce que Coleen pouvait prétendre ce qu’elle voulait à tous ceux qui l’entouraient, il n’en restait pas moins que après son cambriolage et les attentats, elle avait de plus en plus de mal à dormir d’un sommeil paisible et il n’était plus rare pour elle de se réveiller en sursaut à cause d’un cauchemar.

Néanmoins, elle finit tout de même par se lever difficilement. Ca aurait été pour des cours, elle ne se serait pas donner tant de mal, elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait séché mais le fait était qu’aujourd’hui, elle avait une séance photo et elle ne pouvait pas ne pas y aller. Ne serait-ce que parce que l’argent que lui donnaient ses parents n’était largement pas suffisant pour subvenir à ses besoins. Elle se dirigea vers la salle de bain où elle resta très peu de temps, elle avait déjà assez traîné comme ça, et fila s’habiller.

Environ une quinzaine de minutes plus tard, elle marchait d’un pas rapide en direction de Soho. En ce début d’automne, le froid n’avait pas encore réellement fait son apparition mais une baisse légère des températures se faisait quand même sentir, surtout à cet instant présent pour Coleen qui n’avait même pas pris de veste – faute de temps pour la chercher. Elle jeta un coup d’œil à l’heure sur son portable et soupira. A ce rythme-là, elle ne serait jamais à l’heure, or, elle détestait être en retard. Elle passa à proximité d’une station de métro et regarda dans cette direction hésitante. Ca aurait été rapide et meilleur pour son porte-monnaie qu’un taxi, mais elle n’arriva pas à se résoudre à s’y rendre. C’était encore trop difficile pour elle. Tant pis, ce serait le taxi, elle n’achèterait pas les merveilleuses chaussures qu’elle avait vu la veille et puis c’est tout.

Arrivée à destination – et à l’heure, Coleen se fit rapidement expliquer le déroulement de la séance photos et on lui donna les sous-vêtements qu’elle allait porter. La jeune femme aimait bien faire des séances photos comme ça, elle était payée à ne pas faire grand-chose et n’avait que faire que des parfaits inconnus puissent la voir en petite tenue. C’était un job comme un autre et si elle avait à choisir entre ça et un job de serveuse ou de secrétaire, elle n’hésiterait pas une minute. Pourtant, si elle n’était pas mal à l’aise avec ça, elle savait que ce n’était pas le cas de tout le monde. Elle pensait à Peter notamment qui ne cessait de lui répéter qu’il n’aimait spécialement et qu’il le faisait juste pour le fric. Fruit du hasard ou pas, au moment où Coleen pensa au jeune homme, celui-ci apparut dans le champ de vision de la jeune fille.

S'il y avait bien une chose que Peter détestait, c'était le petit boulot qu'il avait dégoté pour arrondir ses fins de mois. En réalité, lorsqu'il était arrivé à New-York, il n'avait pas vraiment eut d'autre choix que de trouver un moyen de financer ses études. Et très vite, un opportunité soi-disant « en or » lui tomba dessus. Le jeune homme avait été démarché par un directeur d'agence de mannequinat, et il avait visiblement toutes les qualités pour être un modèle occasionnel. Le tempérament plutôt timide et réservé du jeune homme lui avait d'abord dicté de refuser l'offre. Mais à force de galère, et en voyant le montant que l'agence lui proposait, il dut bien se résoudre à accepter de travailler en tant que mannequin à temps partiel. Pete passa donc outre tous ces préjugés et surtout sa timidité pour se lancer dans ce milieu totalement inconnu et incompréhensible pour lui. Cela faisait désormais quelques années qu'il exerçait ce job de substitution, et il ne rêvait que d'une chose : terminer ses études pour se trouver un VRAI boulot, et pouvoir vivre décemment sans avoir à poser à moitié nu devant des photographes tous plus farfelus les uns que les autres. Mais, malheureusement pour lui, il lui restait encore quelques années d'études avant de pouvoir se lancer dans la vie active, et c'est donc en traînant les pieds qu'il se rendait ce matin à une énième séance photo.

Le directeur de l'agence l'avait contacté quelques jours plus tôt pour lui proposer ce shoot, en sous-vêtements, sans vraiment lui donner plus de détails. La fin du mois approchant, et le contenu du portefeuille de Peter diminuant à vue d’œil, il avait bien évidemment accepté la proposition. C'est de cette façon qu'il se retrouva dans les locaux de l'agence, plus ou moins réveillé, discutant avec une des secrétaires de l'endroit qu'il connaissait bien. Puis, le directeur en question passa à côté de lui avec un large sourire, et lui tapa presque amicalement sur l'épaule. « Hey Brown! Tu ne seras pas seul cette fois-ci, tu en as de la chance ! » A peine avait-il finit qu'il repartit de son pas lourd et paresseux, tout en riant sans aucune discrétion. Fronçant les sourcils, Peter lança un regard inquiet en direction de la secrétaire. Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à un haussement d'épaule dubitatif. Visiblement, elle n'en savait pas plus que lui. Timidement, l'irlandais avança vers la pièce dans laquelle se trouvait déjà le photographe du jour. Au passage, une assistante lui sauta littéralement dessus et posa sur ses bras quelques sous-vêtements qui devait coûter approximativement le double de ceux que portait habituellement le jeune homme. Voire plus. Levant les yeux au ciel, Pete fit volte-face et se dirigea vers les cabines où il avait l'habitude de se changer pendant chaque shooting.

Vêtu d'un peignoir blanc cachant pour quelques minutes encore son corps à moitié nu, le jeune étudiant refit son apparition dans la pièce. Il fit quelques pas en regardant autour de lui d'un air suspicieux. Que lui avaient-ils encore préparé ? Portant les mains vers la ceinture de son peignoir, il était sur le point de le défaire lorsque ses yeux se posèrent sur une silhouette loin d'être inconnue. Il se figea, et s'empressa de refaire le nœud de sa ceinture en reconnaissant Coleen. Figé, il resta bouche bée, sans même s'avancer vers elle pour la saluer. Pour lui, c'était un véritable cauchemar qui commençait. Faire des photos en petite tenue avec une inconnue, passe encore. Mais avec Coleen... c'était tout simplement impossible.

La jeune femme plissa légèrement les yeux pour s’assurer qu’elle ne s’était pas trompé, qu’il s’agissait bien de Peter. L’espace d’un instant, elle se prit à espérer qu’elle venait d’avoir une illusion d’optique et que l’homme devant elle était juste un mec parmi tant d’autres. Mais non, il n’y avait aucun doute à avoir là-dessus, c’était bien Peter et c’était avec lui qu’elle allait devoir poser. Il était à quelques mètres d’elle, dans son peignoir blanc et semblait figé sur place. La jeune femme secoua la tête, quelque peu agacée qu’il ne vienne pas au moins la salué et s’avança vers lui. Elle lui fit un grand sourire en arrivant à sa hauteur avant de prendre la parole comme si de rien n’était. « Peter ! Je suis contente de te voir. » A la voir, on aurait dit que la situation était des plus normale, comme si elle avait juste croisé son ami dans la rue en somme mais il ne faisait aucun doute que le jeune homme ne voyait pas du tout les choses de cette manière. Elle ne doutait en aucun cas du fait que lui n’était pas content de la voir, ou du moins pas de la voir ici.

La vérité, c’était que Coleen n’en menait pas large non plus. Mais ça, elle n’était pas du tout d’avis à le laisser voir. Parce qu’elle trouvait cela ridicule, cette gêne qu’elle ressentait. Après tout, elle pouvait poser devant de parfaits inconnus sans que ça la dérange, mais là, parce qu’il y avait Peter, cela changeait tout. C’était incompréhensible. Il avait déjà vu des photos après tout et puis c’était son ami… C’était son ami. C’était justement là tout le problème. Sans laisser transparaître ce qu’elle pouvait penser ou ressentir à cet instant précis, elle lança un regard moqueur à son ami qui était toujours aussi figé et choqué. « Détends-toi Peter, je te promets que je ne vais pas me moquer de toi, il n’y aucune raison que je le fasse de toute façon, vu que tu es parfait. » Se moquer de lui, c’était justement ce qu’elle était en train de faire. Parce qu’elle savait très bien que le problème de Peter n’était pas la peur qu’elle se moque de lui. Mais s’amuser de la gène de Peter l’empêchait de trop prêter attention à la sienne. Ce n’était sûrement pas très charitable et Peter aurait sûrement mérité un peu plus de sympathie de sa part après tout ce qu’il avait bien pu faire pour elle, mais c’était comme ça.

On fit signe à Coleen de se diriger vers la pièce où il y avait les cabines. La jeune femme réalisa seulement à ce moment-là qu’elle ne s’était pas encore changée. Elle prit donc cette direction et puis lentement, très lentement, troqua ses vêtements contre les sous-vêtements qu’on lui avait assignés. A ce moment-là, elle regretta vraiment d’avoir décider de quitter son lit ce matin-là. Pour une fois qu’y resté aurait été la meilleure chose à faire, on ne pouvait pas dire que la jeune femme était très douée pour toujours faire au mieux.

C’est donc une Coleen un peu moins fière qui revint dans la salle qu’elle avait quitté un peu plus tôt. Peter était toujours là, à la même place, au plus grand étonnement de la jeune femme. Elle se serait attendue qu’il parte en quatrième vitesse, ou plutôt, elle aurait vraiment aimé qu’il le fasse. Elle se plaça a nouveau à sa hauteur et puis, trois mots sortir de sa bouche. « C’est cool. » Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle avait dis ça, ni si c’était ironique, ni rien. C’était juste ridicule, comme la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement.

Peter était donc là, immobile, comme pétrifié par la vision qu'il venait d'avoir. Celle de Coleen, dans la même pièce que lui, visiblement prête à poser elle aussi pour une séance photo. Bien sûr, Pete savait qu'elle faisait elle aussi ce genre d'activités pour arrondir ses fins de mois, mais jamais il n'aurait imaginé se retrouver face à elle. Alors qu'il avait presque prit la décision de détaler, et de s'enfuir sans que personne ne le remarque, la jeune femme posa ses yeux sur lui. Avec un grand sourire, elle se dirigea vers lui pour le saluer. Tout dans son attitude semblait montrer qu'elle était réellement heureuse de trouver Peter ici. Contrairement à lui, elle avait l'air plutôt enthousiaste à l'idée de poser à ses côtés, et ce, même en petite tenue. La seule réaction du jeune irlandais fut un piètre sourire, extrêmement timide traduisant à la perfection à quel point il se trouvait mal à l'aise. Planté là dans son peignoir banc, il se sentait totalement ridicule.

Et pourtant, Peter n'était plus tellement timide. Ou plutôt, beaucoup moins qu'avant. Il n'y a encore pas si longtemps, le jeune homme était totalement renfermé sur lui-même, timide, incapable d'aborder qui que ce soit. Et son goût très peu prononcé pour les soirées étudiantes et les fêtes de ce genre n'était pas là pour l'aider. Mais un événement avait provoqué un véritable déclic chez lui. Paradoxalement, c'est un rejet assez douloureux de la part de Lily qui l'avait remis sur le « droit » chemin. Lily, c'était un peu comme une sœur pour Peter. Il la connaissait depuis qu'il était petit, et l'avait toujours beaucoup apprécié. Mais suite à une soirée passée en sa compagnie et pour le moins arrosée, ils avaient commis l'irréparable. En couchant ensemble, ils avaient bousillé à jamais leur relation de frère et sœur. De plus, le jeune irlandais s'était alors découvert des sentiments beaucoup plus intenses pour Lily. Mais la réalité les avait très vite rattrapés, et la jeune femme avait refusé les avances qu'il lui avait faites, préférant rebâtir peu à peu la relation amicale qu'ils avaient toujours entretenue. Et c'est depuis ce revers que Pete avait prit conscience du fait qu'il devait profiter de sa jeunesse, et de la vie tout simplement. Il avait aussi appris que son physique plutôt avantageux pouvait lui être bien utile pour arriver à ses fins. Ainsi, jusqu'au jour de son accident, le lit de Peter avait accueilli plusieurs demoiselles, toutes plus mignonnes les unes que les autres. Mais comme il fallait bien que quelque chose vienne noircir le tableau, l'accident de voiture dont il avait été victime était venu tout stopper. Depuis quelques temps, le jeune homme tentait de redevenir celui qu'il était avant son séjour à l'hôpital, mais il avait encore bien du mal à retrouver ses marques et parfois, sa timidité et sa réserve prenaient encore le dessus.

Alors qu'il grimaçait en écoutant Coleen lui dire qu'elle ne se moquerait pas, des assistantes l'appelèrent pour qu'elle aille se préparer. Encore un peu « choqué » d'être ici avec elle, Peter ne broncha pas, si bien que lorsqu'elle sortit de la cabine, elle le retrouva exactement au même endroit. Coleen paraissait maintenant un peu moins à l'aise qu'au début, et la seule chose qu'elle trouva à lui dire en revenant fut un simple « C'est cool. » Arquant un sourcil, Pete la regarda d'un air suspicieux, puis prit enfin la parole, pour la toute première fois depuis qu'il l'avait aperçue. « Cool ? Tu trouves ça cool ? Non... Non, non Coleen, désolé mais il est hors de question qu'on fasse ça ensemble ! » Et dire que le patron lui avait promis qu'il avait de la chance ! S'il savait ! Peter était tout bonnement incapable de poser aux côtés de Coleen, et pourtant, il avait vraiment besoin du peu d'argent que cette séance pourrait lui rapporter. Mais le simple fait de croiser les yeux clairs de son amie lui confirmait que cette épreuve était définitivement impossible. Presque honteux, Peter baissa les yeux, et s'efforça en vain de trouver une solution de secours.

Ce qu’elle venait de dire était pathétique. Elle le savait déjà et n’avait sûrement pas besoin que Peter le lui fasse remarquer. Pourtant, il le fit quand même et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Lorsqu’il lui lança un regard suspicieux, Coleen se mordit nerveusement la lèvre en attendant sa réaction. Parce qu’il allait bien réagir un jour non ? D’accord la trouver ici ne devait pas le mettre très à l’aise mais tout de même pas au point de le rendre muet comme une carpe. Mais le fait était qu’il n’avait pas dit un mot depuis qu’elle était venue le saluer et que ça, ça n’avait rien de normal.

La jeune fille n’eut cependant pas à attendre longtemps avant que Peter retrouve l’usage la parole. Plusieurs longues minutes après le choc, elle put enfin attendre le son de la voix du jeune homme. « Cool ? Tu trouves ça cool ? Non... Non, non Coleen, désolé mais il est hors de question qu'on fasse ça ensemble ! » Et la première pensée de Coleen, juste après qu’il ait dit ça, fut que finalement, elle aurait préféré qu’il garde le silence. Pas seulement parce qu’il venait de faire remarquer à quel point ce qu’elle avait dit était stupide. Non, ça elle le savait déjà, elle était suffisamment réaliste pour s’en rendre compte toute seule. Ce qui la dérangeait le plus, c’était la dernière phrase du jeune homme. Il était hors de question qu’il fasse ça ensemble… Elle n’était pas du tout d’accord avec ça. Elle s’était levé exprès pour cette séance photo, elle avait trouvé le courage de sortir de son lit et d’affronter les températures extérieures qui chutait à toutes vitesses et tout ça pour quoi ? Pour s’entendre dire que ils ne pouvaient pas faire ça ensemble. Sans compter qu’en plus, elle avait besoin de l’argent que la séance lui fera gagner. Elle lança un regard réprobateur à son ami avant de prendre la parole. « Ce ne sont que des photos. De ridicules photos. On ne nous demande pas de coucher ensemble ou je ne sais quoi d’autres dans ce genre là. Ne sois pas si coincé Peter. Je suis gênée aussi et alors ? Ce ne sont que des photos. » Elle se tut. C’était la raison pour laquelle elle réfléchissait toujours avant de parler, pour ne pas dire ce genre de choses, le genre de choses qu’elle regrettait d’avoir dit sitôt après. Elle avait dit ce qu’elle pensait certes, mais elle venait d’être injuste avec Peter. Parce que ces derniers temps, il avait tout ce qu’il pouvait pour elle, avait toujours été là alors si prendre des phots avec elle en sous-vêtements était au dessus de ses forces, elle devait juste le comprendre et surtout pas répondre ce genre de choses. Elle secoua la tête et s’éloigna un peu de lui. « Je suis désolé... tu as raison, on ne peut pas faire ça. »

Ils ne disaient plus rien. Elle s’agitait machinalement, s’appuyant successivement sur un pied puis sur l’autre et regardant s’agiter les gens autour d’eux. Il fallait qu’elle fasse quelque chose maintenant. Ils n’allaient pas tardés à les appeler pour poser or, ce n’était pas possible. Elle devait partir avant. Parce qu’il était évident pour elle que c’était à elle de partir, ils n’arriveraient peut-être pas à la remplacer au pied levé maintenant mais Peter pourrait quand même poser avec une autre fille plus tard au moins. Et il empocherait le fric dont il avait besoin. Elle, elle attendrait un peu, elle n’était pas encore réellement dans le besoin et c’était le moins qu’elle pouvait faire pour lui. Au pire, elle emprunterait un peu de sous à sa sœur, celle-ci ne disait jamais non et ne posait aucune question. « Je vais aller dire que je ne peux pas faire la séance finalement. Comme ça, ça serait fait. On aura juste à faire comme si on ne s’était jamais croisé ici. »

Du plus loin qu'il pouvait se souvenir, Peter s'était rarement senti aussi mal à l'aise. Devoir poser à moitié nu avec une amie (qui n'était pas n'importe quelle amie, en plus !) était une expérience qu'il n'avait jamais pensé tenter. Et à vrai dire, il n'avait aucune intention de s'y coller aujourd'hui, ni même un autre jour de sa modeste petite carrière de mannequin. N'y avait-il pas assez d'inconnues à New-York pour qu'il faille tomber sur Coleen ? Décidément, Peter ne se débarrasserait jamais de la poisse qui le suivait partout et en toutes circonstances. Même lorsqu'il s'agissait simplement d'arrondir ses fins de mois, la malchance était là et faisait en sorte de lui mettre des bâtons dans les roues. Pour cette fois, c'était plutôt réussi. Et comme pour l'enfoncer encore plus dans sa honte, son amie décida de s'en prendre à lui, en lui affirmant que ce n'était que de « simples photos » et qu'il était beaucoup trop « coincé ». Sans blague ! Évidemment qu'il était coincé, mais franchement, qu'est-ce qu'il y pouvait lui ? Et puis apparemment, Coleen était elle aussi particulièrement gênée, ce qui rassura un peu l'irlandais. Ne sachant trop quoi répondre à ces assauts, il resta silencieux, seulement capable de hausser les épaules comme pour lui signaler qu'il ne pouvait rien faire de plus. C'est alors qu'elle s'éloigna en secouant la tête. Peter fronça immédiatement les sourcils en croyant qu'elle était vexée, qu'il était en train de lui faire perdre l'argent dont elle avait certainement besoin elle aussi pour tenir jusqu'à la fin du mois. Il était ridicule, et ses caprices de gamins allaient leur porter préjudice à tous les deux. Que dirait donc le patron en voyant que rien n'était fait, et qu'ils n'avaient même pas entamé un semblant de séance photo ?

A sa plus grande surprise, au lieu de lui crier dessus une nouvelle fois, Coleen s'excusa. Selon elle, il avait finalement raison, et les deux amis ne pouvaient pas faire ça, pas tous les deux. La seule réaction de Peter fut de soupirer longuement. En vérité, il ne savait pas très bien comment se positionner face à ça. Dan un sens il se sentait affreusement coupable de priver la jeune femme de ces quelques sous qu'ils espéraient tous les deux, mais l'épreuve lui semblait tellement insurmontable... Tout en cherchant une solution qui paraissait inexistante, il l'observait et visiblement, elle n'était pas plus à l'aise que lui. « Je vais aller dire que je ne peux pas faire la séance finalement. Comme ça, ça serait fait. On aura juste à faire comme si on ne s’était jamais croisé ici. » Alors qu'il était sur le point d'accepter le deal, Pete ne put s'empêcher de reconsidérer la proposition dans sa tête, et il se trouva horriblement égoïste envers elle. Coleen voulait faire ces photos, elle en avait besoin et même si le fait de poser avec lui ne lui plaisait pas vraiment, elle semblait prête à prendre sur elle. Dans un élan qu'il ne put pas vraiment contrôler, Peter attrapa le bras de son amie qui avait déjà tourné le dos. « Attends... » Il planta alors son regard perçant dans celui de la jeune femme, et déglutit en pensant à une façon de lui présenter les choses. « Écoute, je me doute que tu ne fais pas ça pour le plaisir toi non plus, et je ne veux pas te priver du salaire qui va avec cette séance... C'est moi qui me sens incapable de faire ça, pas toi... » Au milieu de son discours, le jeune étudiant se tut, et baissa les yeux comme pour mieux réfléchir, et ainsi prendre la décision adéquate. Cet argent, il en avait vraiment besoin. Pendant les mois qu'il avait passé à l’hôpital il n'avait rien gagné et ces derniers temps, les fins de mois étaient difficiles. De plus, il n'osait pas vraiment réclamer de l'argent à sa famille après la frayeur qu'il leur avait fait subir, malgré lui. « Si on le faisait, ça serait très... bizarre. Non ? »

Sa décision était prise, même si son geste lui coûtait. Elle ne c’est pas quelle raison la poussait le plus à faire ça. Est-ce qu’elle faisait ça surtout par générosité ou parce qu’elle se sentait redevable envers son ami ou encore par folie ? C’était sûrement un peu de tous ça mélangé, elle faisait juste ça pour Peter et quand elle regretterait son choix, ce soir-là, il lui suffirait de penser à lui pour être de nouveau persuadée qu’elle avait fait le choix qu’il fallait. Après tout, elle l’avait dit elle-même, ce n’était que des photos et un peu d’argent, rien de bien important à côté du reste. Elle n’attendait pas de réponse et avait tourné les talons pour aller dire qu’elle s’en allait. Elle voulait juste que ce moment se termine au plus vite et elle espérait que jamais ils n’en reparleraient. Il y avait peu de chance, il était tellement gêné que ce n’est pas lui qui remettrait le sujet sur le tapis et elle… Elle était gênée aussi et ne savait pas trop quoi en penser aussi, enfin surtout la dernière raison en fait. Mais elle n’avait pas à chercher quoi en penser donc c’était réglé.

Elle avait à peine fait un pas lorsqu’elle sentit qu’on lui attrapait le bras. On c’était Peter bien entendu et Coleen se demanda ce qu’il pouvait bien lui vouloir encore. Elle s’en allait, elle faisait ce qu’il fallait pour ne pas qu’il ait à faire quelque chose qui était au dessus de ses forces, elle ne voyait ce qu’il pouvait bien vouloir ajouter à ça. « Écoute, je me doute que tu ne fais pas ça pour le plaisir toi non plus, et je ne veux pas te priver du salaire qui va avec cette séance... C'est moi qui me sens incapable de faire ça, pas toi... » Un sourire légèrement résigné fit son apparition sur les lèvres de la jeune femme, elle aurait du s’en douter. C’était Peter après tout et il était tout sauf étonnant de l’entendre dire ce genre de choses. Elle n'aurait pas été étonnée qu'il ajoute à al suite de ça que c'était à lui de s'en aller et que elle, elle devait rester ici. Coleen était persuadée que si le jeune homme avait vécu à une autre époque comme le moyen âge, il aurait été le type même du chevalier qui passe son temps à risquer sa vie pour sauver celle des autres. Et même si cela la flattait quand il faisait quelque chose pour elle, elle se demandait parfois s’il avait le moindre instinct de survie. Certainement qu’au Moyen âge, il n’aurait pas tenu bien longtemps et aurait vite fait d’y laisser sa peau. C’était une chance qu’il vivait au vingt et unième siècle. « Tais-toi… Je n’ai pas besoin de cet argent. Donc ce n’est pas grave, je peux partir. Ce n’est pas un problème je t’assure. » Elle planta son regard dans le sien en essayant de le convaincre de ce qu’elle disait. Elle ne mentait qu’à moitié après tout, il pouvait bien croire ça. Elle voulait juste partir maintenant mais au moment où elle allait de nouveau tourner les talons, il reprit la parole. Elle retint un soupir et écouta ce qu’il disait. « Si on le faisait, ça serait très... bizarre. Non ? » C’était plus une constatation qu’une véritable question mais Coleen supposait qu’il attendait qu’elle appuie ses dires pour être véritablement sûr de ce qu’il avançait. Est-ce que ce serait vraiment si étrange que ça ? La question méritait d’être réfléchie. Elle ne voyait pas ce qui pouvait être si bizarre après tout, ni pourquoi ils étaient gênés. Le fait était qu’il n’y avait aucune raison véritable à cela ou, s’il y’en avait une elle ne la voyait – ou en voulait pas la voir. Malgré cela, il ne fallut pas plus d’une minute pour hocher la tête confirmant ainsi ce qu’il venait de dire. « Oui, ce serait même plus que bizarre. » Elle secoua la tête et s’éloigna un peu de lui. « C’est pour ça que je m’en vais. »

Au moins, les deux jeunes semblaient être d'accord sur un point : le fait de poser pour ces photos aurait quelque chose de bizarre. Bizarre dans quel sens ? Ça, Peter n'aurait su le dire. Mais dans tous les cas, la situation était extrêmement gênante pour l'un comme pour l'autre. Ce qui turlupinait néanmoins le jeune irlandais, c'était la volonté de partir de son amie Coleen. Il se sentait coupable et honteux. Par sa faute, elle ne toucherait pas l'argent qu'elle espérait. Par sa faute elle se serait levée tôt pour rien... Même si c'était dur, et en apparence impossible, Pete se devait de faire un effort. Plus il la regardait, et plus il s'en voulait d'être aussi coincé. Après tout, ils étaient sur un même pied d'égalité puisqu'ils portaient tous les deux des sous-vêtements. On ne leur demandait pas non plus de poser nu... ! Le jeune étudiant baissa les yeux, et contempla pendant un moment le peignoir immaculé qui dissimulait encore son intimité. Puis il porta son regard sur Coleen qui s'éloignait peu à peu de lui. Franchement, de quoi se plaignait-il ? Son patron avait entièrement raison en le considérant comme un garçon chanceux. Coleen était juste parfaite. N'importe qu'elle homme normalement constitué aurait payé pour pouvoir poser à ses côtés. Rien qu'en pensant aux regards envieux des autres gars quand il se baladait dans la rue avec elle, Pete se sentit encore plus ridicule. Il ne devait y avoir qu'un seul garçon sur terre capable de refuser une telle opportunité, et c'était lui.

Rassemblant tout le courage qu'il avait pu trouver, Peter avança de nouveau en direction de son amie pour lui prendre la main. Contre toute attente, le jeune homme avait décidé de ne plus se poser de question. Même s'il ne le faisait pas pour lui, il devait faire ces photos pour Coleen. Il tenterait de penser à autre chose, de faire comme s'il ne la connaissait pas et tout irait bien. La séance ne serait pas si longue que ça de toute façon... Le jeune irlandais prit une longue inspiration, puis tira Coleen vers lui afin de l'emmener devant les objectifs des photographes. Lorsqu'ils leur fit face, il leva les yeux au ciel puis secoua la tête. Intérieurement, il se maudissait réellement de faire ça. Mais il devait être fort, et montrer à la jeune femme qu'il pouvait aussi être un garçon comme les autres.

Peter se donnait donc un faux air détendu en attendant les instructions des photographes qui se mettaient en place en face de lui. Comme il aurait pu le prédire, ces derniers demandèrent en premier lieu aux deux amis de retirer leur peignoir. Nous y voilà... C'était le moment, les choses sérieuses étaient sur le point de commencer. Lentement, l'étudiant défit le nœud de la ceinture qui tenait son peignoir fermé. Il ferma aussi les yeux pendant quelques secondes, comme pour se donner du courage. Puis il reconsidéra la situation, et une nouvelle fois, se trouva ridicule. Ce n'était qu'un peignoir, que quelques photos... Pas la peine de s'en faire une montagne ! En un clin d’œil, le peignoir du jeune homme glissa sur ses épaules, et vint s'étaler à ses pieds. Il se tenait donc immobile, droit comme un piquet planté en face des photographes, son peignoir gisant derrière lui. Soit. Ne pas oublier qu'il le faisait pour Coleen, pas pour lui. Alors qu'il parvenait peu à peu à dédramatiser la situation, Pete tourna la tête en direction de son amie qui contrairement à lui, n'avait pas encore sauté le pas, et portait toujours son peignoir sur elle. Il lui adressa alors un petit sourire qu'il voulait rassurant, mais ne put déterminer si le résultat avait vraiment été concluant.

Pour la deuxième fois en l’espace de seulement quelques minutes, Peter rattrapa Coleen alors qu’elle s’apprêtait de nouveau à partir. Il lui prit la main et, après s’être arrêtée, elle leva les yeux vers lui pour tenter de comprendre ce qui lui passait par la tête. Il était vraiment trop difficile à suivre ou absolument dénué de logique, au choix. Dénué de logique car, bien qu’il n’ait cessé de répéter depuis le départ que faire ces photos avec elle était au dessus de ses forces et que c’était trop étrange, il la tirait à présent en direction des photographes. Et la seule signification que Coleen trouva à ce geste était qu’il avait changé d’avis. Elle se décida finalement à se laisser guider par lui. Il ne servait à rien de trop réfléchir à ses agissements ni à trop se poser de question, c’était du temps de perdu. Ils arrivèrent bien vite devant les photographes, beaucoup trop vite aux yeux de Coleen. Ils allaient enfin pouvoir recevoir leurs instructions et commencer la séance. Elle allait enfin pouvoir en finir avec ça et retourner chez elle, là où elle pourrait penser en paix. Parce que le fait était qu’elle avait cruellement besoin de réfléchir dans un endroit calme.

Evidemment, la première instruction des photographes fut de leur demander de retirer leur peigneur. Logique, c’était mieux pour les photos. Coleen regarda Peter pendant plusieurs minutes. Allait-il encore changer d’avis ? Honnêtement, ça ne l’aurait pas vraiment étonné même si elle avait acquis la certitude depuis quelques temps que c’était un homme de parole, quand il disait quelque que chose, il le faisait. Mais il y avait toujours une exception, l’exception qui confirmait la règle comme avait l’habitude de lui répéter sa sœur. Personnellement, elle avait toujours trouvé cette expression ridicule mais bon. Et puis de toute manière, Coleen eut bien vite le loisir de voir que, si exception il y avait, ce n’était pas aujourd’hui que celle-ci aurait eu lieu. En effet, Peter avait dénoué son peigneur et bien vite, l’avait ôté. Il ne s’était pas dégonflé, il avait fait ce qu’il avait dit et Coleen détestait ça. Parce que la vérité était que c’était elle qui était incapable d’enlever son peignoir, elle pour qui, au final, poser pour ces photos était trop difficile. Elle le savait, elle le savait depuis qu’elle avait décidé de s’en aller mais jusque là, elle pouvait toujours se cacher devant une fausse excuse. Elle ne le faisait pas pour Peter, ça sonnait très bien tout à l’heure. Malheureusement maintenant, cette excuse n’était plus valable. Elle garda ses yeux fixés machinalement sur ses pieds et quand elle les leva, son regard croisa celui de Peter, elle vit ce qui devait être un sourire d’encouragement se dessiner sur ses lèvres mais elle ne parvint pas à y répondre. Elle venait de trouver la raison qu’elle avait cherché en vain tout à l’heure, la raison pour laquelle poser ensemble était trop étrange pour elle, pourquoi ne serait-ce que retirer ce maudit peignoir était au dessus de ses forces. Elle avait eu tord de penser tout à l’heure que la gêne qu’elle ressentait vis-à-vis de ça était du au fait que Peter était son ami, cela faisait bien longtemps qu’elle ne considérait plus Peter comme un simple ami.

Ne trouvant rien de mieux à faire, elle fini par secouer la tête. Les photographes devaient se demander ce qui lui passer la tête mais ça lui était pas mal égal. Elle essaya de sourire mais en vain. « Je suis désolée. » Elle ne savait pas à qui elle s’adressait exactement en disant ça, sûrement un peu à tout le monde ou juste à Peter. Ca ne faisait pas grande différence de toute manière. Elle se détourna et s’éloigna. Si, elle s’était écouté, elle aurait couru le plus loin qu’elle pouvait mais elle n’en fit rien. Elle avait sa dignité et elle voyait mal ce qu’elle aurait été faire dehors en peignoir blanc et en sous-vêtements. A la place de ça, elle se dirigea d’un pas rapide jusqu’aux toilettes et ferma la porte derrière elle. Après ça, elle se laissa glisser le long du mur et une fois adossées contre la porte, prit sa tête dans ses mains. Qu’est-ce qui lui arrivait au juste ?

Son sourire certainement plus inquiétant que rassurant cloué au visage, Peter regardait Coleen. Mais il ne la sentait pas vraiment sereine. Dans ses yeux, il distinguait une lueur un peu différente de ce qu'il avait l'habitude de voir. D'accord, elle lui avait avoué un peu plus tôt ne pas être plus à l'aise que lui, mais elle lui paraissait désormais pire que lui, comme pétrifiée et incapable d'ôter son peignoir. La roue tournait, et la situation s'était totalement inversée en quelques minutes seulement. Peter avait du faire des efforts qui lui avaient parus surhumains pour enfin se décider à faire ces photos, et maintenant il sentait que Coleen n'était plus aussi partante qu'avant. Peut-être s'était-elle cachée derrière la timidité de Pete pour s'en sortir ? Quoi qu'il en soit, le jeune étudiant pouvait lire dans les yeux de son amie une certaine forme de détresse. Et ce qui suivit ne le rassura pas vraiment sur son état d'esprit Elle s'excuse, sans qu'il ne sache réellement à qui elle s'adressait. Peut-être à lui, peut-être aux photographes... Et pourquoi, pourquoi venait-elle de s'excuser de la sorte ? Elle prenait son temps, mais après tout rien ne pressait et les photographes pourraient bien attendre qu'elle soit prête ! En la voyant baisser les yeux, Peter se sentit paradoxalement plus à l'aise. Le rôle du coincé de service n'était plus de son côté pour l'instant puisqu'il se trouvait déjà être en sous-vêtements, prêt à poser devant les objectifs braqués sur eux.

Alors que le jeune homme ne l'avait pas lâché du regard depuis plusieurs minutes, Coleen se retourna et s'éloigna, sortant ainsi du champ d'observation des appareils photos. Dans un premier temps, Peter eut la naïveté de croire qu'elle allait simplement poser son peignoir un peu plus loin, et revenir comme si de rien n'était pour poser à ses côtés. Elle avait eut besoin d'un petit temps pour se préparer, mais Coleen était loin d'être timide, elle allait faire ces photos. Il la regarda donc s'éloigner en souriant, mais fronça peu à peu les sourcils en la voyant accélérer le pas. Elle s'éloignait à toute vitesse, et ce départ avait tout d'une réelle fuite. Aussitôt, le jeune irlandais rattrapa son peignoir et adressa un léger sourire un peu gêné aux photographes qui ne comprenaient décidément pas grand chose à cette séance. Il s'élança alors à la poursuite de Coleen tout en enfilant son peignoir, et en évitant ça et là quelques assistantes aux bras chargés de vêtements. Au loin, il aperçut la jeune femme s'engouffrer dans les toilettes et ce geste lui arracha une petite grimace. Par expérience, il savait qu'une fille qui s'enfermait dans les toilettes n'était pas au mieux, quelle qu'en soit la raison ou la conséquence.

Pete s'avança donc vers la porte des toilettes de femmes, et ralentit en arrivant à sa hauteur. « Coleen ? » Rien. Il savait pertinemment qu'elle était là puisqu'il l'avait vue entrer, mais elle refusait visiblement de lui répondre. Il soupira longuement, et appuya son épaule contre le mur, juste à côté de la porte. « Coleen... Je sais que tu es là, est-ce que ça va ? » Il avait l'air tellement ridicule à parler dans le vide de la sorte... Un petit groupe d'assistante passa une nouvelle fois devant lui, le reluqua, et s'éloigna en piaillant. Le jeune homme leva les yeux au ciel avant de laisser échapper un petit rire. « Hé, réponds-moi.. Je suis en peignoir devant les toilettes des filles et... les gens se moquent de moi ! » Il avait prononcé ces derniers mots en souriant, et en espérant que l'image d'un Peter en peignoir perdu au milieu du couloir puisse faire sortir Coleen des toilettes, ou au moins lui arracher quelques mots.

L’espace de quelques secondes, elle se sentit un peu mieux. Il n’y avait plus tous ces gens autour d’elle à attendre qu’elle se décide, plus de pression, juste elle et cela lui faisait un bien fou. Elle aurait voulu que cela dure des heures, qu’elle puisse réfléchir en paix, comprendre parce que c’était précisément ce dont elle avait besoin maintenant. Malheureusement, le répit ne fut que de courte durée et cela ne devait pas l’étonner. L’avantage, si elle avait choisit de prendre la direction de dehors tout à l’heure, c’était qu’elle aurait pu rentrer chez elle, ou au moins trouver un endroit tranquille ou s’isoler. Mais sur le coup elle n’avait pensé qu’à la tenue qu’elle avait, ou plutôt qu’elle n’avait pas et c’est précisément ceci qu’il l’avait poussé à se diriger dans les toilettes. Là où elle était tout sauf tranquille, là où les photographes étaient toujours aussi près et surtout, là où il y avait Peter juste à côté. Alors qu’elle se tenait toujours la tête entre les mains, Coleen entendit qu’on l’appelait. Enfin qu’on, elle avait parfaitement reconnu la personne qui s’était déplacé jusqu’ici même si c’était la dernière qu’elle voulait voir. Elle ne daigna répondre, il croirait peut-être qu’elle n’était pas là et irait voir ailleurs si il la trouvait, c’était tout ce qu’elle voulait. « Coleen... Je sais que tu es là, est-ce que ça va ? » La jeune femme soupira, c’était raté, il savait qu’elle était là et elle n’était pas prête d’avoir la paix. Elle ne répondit cependant pas cette fois là encore, espérant qu’il se lasse et qu’il s’en aille. Ca aurait été le mal le connaître d’envisager ça mais bon, elle pouvait toujours espérer après tout, il n’y avait aucun mal.

Elle finit par relever la tête et fixa le mur en face d’elle, c’était un mur de toilettes banales, blanc avec des tas de mots griffonnés dessus. A la vue de ça, elle secoua la tête un sourire sur les lèvres, pas qu’il y ait matière à sourire ou à rire non, mais elle trouvait tous ça tellement ridicule. On se serait cru dans un très mauvais film d’amour où les situations étaient plus ridicules les une que les autres. Et la dernière phrase de Peter confirma sa pensée. « Hé, réponds-moi.. Je suis en peignoir devant les toilettes des filles et... les gens se moquent de moi ! » Voilà, elle était la jeune femme éplorée qui ne savait pas faire face à ce qu’elle avait l’impression de ressentir et lui… lui il était l’homme en peignoir qui se couvre de ridicule aux yeux de tous. Tous ça était d’un pathétique ! Et si en d’autres circonstances elle aurait pu rire de ce que venait de dire Peter, ce n’était sûrement pas le cas là. « Personne ne te force à rester. Là-bas tu seras tranquille, personne ne se moquera de toi et moi j’aurais la paix. » Elle se tut, au moins, là, elle espérait que le message était bien passé. Et il fallait avouer que là, il aurait fallu être totalement stupide pour ne pas comprendre le message et faire demi-tour afin de s’en aller. Etre totalement stupide ou… être Peter et avec lui, c’était plutôt la deuxième partie qui pêchait, il n’avait aucun soucis de compréhension, juste la fâcheuse tendance de toujours insister et, elle en était persuadée, il n’avait pas du bouger le moins du monde après qu’elle lui ait dit ça. « Va t’en Peter, je n’ai pas envie de te parler. Du tout. »

Pete était toujours appuyé contre le mur qui soutenait la porte des toilettes, et il essayait de ne pas faire cas de tous les regards amusés qui se posaient sur lui. La seule chose qu'il espérait était d'entendre le son de la voix de Coleen, quoi qu'elle dise. Et son désir se réalisa après seulement quelques secondes d'attente, mais pas de la manière dont il l'avait espéré. Visiblement le jeune homme n'était pas le bienvenu, et lui qui croyait bien faire se retrouva face à une Coleen qui ne souhaitai qu'une chose : qu'il s'en aille ! Comme d'habitude, son instinct de chevalier servant lui soufflait d'insister un peu, ce qu'il fit d'ailleurs sans tarder. « Coleen, s'il-te-plaît... » Toujours rien. Son amie ne semblait pas être décidée à lui expliquer, ni même à lui parler de ce qu'il venait de se passer. Et alors que Pete allait retenter sa chance, il entendit la voix de son amie à travers la porte. « Va t’en Peter, je n’ai pas envie de te parler. Du tout. » Cette fois elle avait été on ne peut plus clair, mais le jeune irlandais ne s'était pas attendu à ça. Tant de détermination et d'autorité dans son intonation... il n'eut d'autre choix que d'abdiquer. En baissant la tête sans trop comprendre ce qui lui arrivait, le jeune homme lâcha timidement un : « Mais... bon, d'accord... » Si c'est effectivement ce qu'elle voulait, il la laisserait seule. Le fait de ne rien comprendre à son comportement ne lui plaisait pas, pas du tout même. Mais visiblement il n'y avait rien à faire. Déçu et pour le moins tracassé, l'irlandais s'éloigna donc de la porte, laissant ainsi Coleen tranquille comme elle le souhaitait.

Le jeune homme laissa échapper plusieurs soupirs d'incompréhension et de déception en retournant vers la cabine dans laquelle il s'était changé un peu plus tôt dans la matinée. Sans tenir compte des photographes qui attendaient encore le retour de leurs deux modèles, Peter se changea, et retira cet horrible peignoir pour se rhabiller normalement. En sortant de la-dite cabine, il tendit l caleçon qu'on lui avait prêté ainsi que le peignoir à une assistante qui passait par là, et se dirigea vers le bureau de son patron. Au passage, il adressa un signe de la tête à un des photographes qui le regardait de travers, lui signifiant que la séance n'était visiblement pas pour tout de suite. Pete entra donc dans le bureau avec un air grave sur le visage.

« Il y a un problème, on ne peut pas poser pour cette séance, il faut annuler. »
« Pardon ? Tu te fous de moi Brown ? Vous n'avez pas le choix, vous allez poser pour cette séance, ET VITE ! »
« Écoutez, elle ne pourra pas le faire, et... moi non plus. Trouvez quelqu'un d'autre. »
« Brown ! BROWN !! »

Peter referma la porte, et s'éloigna du bureau qui résonnait encore de la voix de son patron. Ses pauvres menaces lui passaient bien au-dessus de la tête, et il le laissait parler dans le vide sans aucun scrupule. En allant récupérer ses dernières affaires, le jeune irlandais repassa devant la porte des toilettes où, il l'imaginait, Coleen était toujours terrée. Ses yeux se posèrent sur la porte, et il soupira une nouvelle fois avant de reprendre son chemin en secouant la tête. Il avait réussi à passer outre sa timidité, et avait accepté de poser pour ces photos au prix d'énormes efforts. Mais tout cela n'avait servi à rien, et il allait rentrer chez lui comme si rien ne s'était passé. Arrivant à hauteur de ses affaires, Pete attrapa son blouson qu'il enfila, et récupéra son sac en jetant un dernier regard en direction du couloir, dans l'espoir d'y entrevoir Coleen, simplement pour s'assurer qu'elle allait bien.

A son grand soulagement, les dernières paroles de la jeune femme avaient eu exactement l'effet escomptées. Peter semblait s'être résolu à la laisser en paix et à ne pas chercher plus d'explications que ça comme le témoignait les trois mots qu'il dit par la suite. « Mais... bon, d'accord... » Et il partit. Du moins, c'est ce qu'il aurait été logique qu'il fasse mais Coleen restait sceptique sur ce point, elle espérait que Peter n'était pas en train de se livrer à une ruse quelconque qui aurait consisté à lui faire croire qu'il était parti pour lui tomber dessus lorsqu'elle sortirait. Néanmoins, elle chassa cette idée bien vite, ce n'était définitivement pas son genre de faire ça et qu'elle pouvait sortir dès qu'elle le voudrait en toute tranquillité.

Elle ne sut pas exactement combien de temps elle resta encore assise là. Elle savait juste qu'elle s'escrimait à déchiffrer une inscription sur le mur d'en face quand il lui apparut très clairement qu'il fallait qu'elle quitte l'endroit. Elle était dans des toilettes après tout, c'était sale, ça puait et puis surtout, elle ne cessait de se demander ce que Peter avait fait. Or, ce n'était bien évidemment, pas ici qu'elle obtiendrait la réponse à sa dernière question. Lentement, elle se redressa, jeta un coup d’œil dans le miroir afin d’apercevoir son reflet et ouvrit la porte en pensant qu’elle n’avait décidément pas aimé ce qu’elle voyait. Comme elle avait fini par le comprendre et l’admettre, Peter était vraiment parti et elle déboucha sur un couloir désert. Elle sentit un pincement au cœur, c’était totalement stupide, c’était elle qui lui avait demandé de partir mais peut-être que quelque part, elle aurait quand même aimé qu’il ne se range pas à ce qu’elle lui demandait aussi facilement. Soit, c’était comme ça. Elle n’avait plus qu’à rentrer chez elle. Mentalement elle envisagea le chemin qu’elle allait devoir faire, sortir du couloir, traversait le studio grouillant de photographe et d’assistant où elle risquait fortement d’être interrompu et de devoir fournir des explications, tout ça avant de pouvoir enfin regagner le vestiaire où se changer. Elle était en train de planifier ce qu’elle ferait une fois partie d’ici quand son regard tomba sur Peter qui, visiblement, s’apprêtait à partir. Elle baissa les yeux et se passionna soudainement par la contemplation de ces pieds tandis qu’elle luttait contre la tentation de retourner s’enfermer dans les toilettes. C’était stupide, ça aurait été stupide, après tout, même si elle ne lui expliquait rien aujourd’hui, il faudrait bien qu’elle le fasse un jour et pas sûre qu’elle serait plus prête et plus d’humeur à le faire à ce moment-là. Ou alors, il faudrait qu’elle repousse indéfiniment le moment où elle se retrouverait de nouveau face à lui et ça, elle ne le voulait pas non plus. Elle releva la tête et vit qu’il était toujours au même endroit. Elle n’était toujours pas décidée mais avait décidé d’arrêter de réfléchir.

C’est ainsi qu’elle se retrouva quelques secondes plus tard face à son ami. Elle baissa de nouveau les yeux et puis, se souvenant de sa résolution redressa la tête et planta son regard dans le sien. « Je suis désolée. » Décidément, c’était devenu une habitude pour elle de dire ça mais soit. « Je crois, mais je ne suis pas certaine de faire bien, bref je te dois des explications. » Dans le genre clair on faisait mieux, mais bon, il n’était vraiment pas facile pour elle de se lancer. « C’était une erreur de croire qu’on pourrait faire ces photos je veux dire parce que… je me cachais derrière ta timidité pour ne pas avouer que je ne le voulais pas plus que toi ou peut-être encore moins. C’est nul je sais mais… C’est comme ça. » Elle se tut quelques minutes, elle n’avait pas tout dis, il lui restait le plus important mais elle n’était pas sûre de parvenir à en dire plus. « Et… je crois… je crois que quelque part je ne te vois plus comme un simple ami… c’est pour ça, que je ne pouvais pas. »

Peter posa son sac sur son épaule d'un air las, et baissa les yeux. Coleen n'était visiblement toujours pas sortie de sa « tanière », et de toute façon, c'était peine perdue de l'attendre ici. Elle lui avait fait comprendre assez clairement qu'elle ne voulait pas le voir, et sans qu'il ne sache pourquoi, il respectait sa décision. Etait-il coupable de quelques chose ? S'était-il mal comporté à un moment ou à un autre ? Toutes ses questions resteraient certainement en suspend pendant un bon moment. Jetant un regard ses pieds, Pete remarqua qu'un de ses lacets était défait. Aussitôt, il reposa son sac sur le banc qui lui faisait face, posa son pieds juste à côté et se pencha pour refaire un nœud convenable. En se relevant, quelques secondes plus tard, le jeune homme eut une dernière fois le réflexe de tourner la tête en direction du couloir. Et là, surprise, il y aperçut Coleen immobile, qui baissa immédiatement les yeux fixa ses pieds sans broncher. A la fois soulagé qu'elle soit sortie, et anxieux de lui faire face et d'entendre ce qu'elle avait probablement à dire, Peter ne bougea pas non plus. Il préférait attendre que le geste vienne d'elle, et n'avait aucunement l'intention de la forcer à lui parler. Si elle voulait partir en lui passant devant sans un regard, qu'elle le fasse. Après tout, l'irlandais n'avait jamais comprit grand chose aux filles et à leurs réactions...

Immobile, le jeune homme ne lâchait pas son amie du regard, guettant le moindre petit mouvement qu'elle pourrait esquisser. Quoi qu'il en dise, il avait très envie qu'elle vienne le voir. Qu'elle s'excuse ou pas, il voulait l'entendre, comprendre pourquoi elle s'était mise dans un état pareil. Et après quelques minutes d'attente, Coleen sembla se décider. Arrivant devant lui, elle commença par s'excuser. Ne sachant pas trop comment se placer face à ça, Pete prit la sage décision de ne rien dire, et de la laisser parler avant de commettre une erreur qui la ferait fuir encore une fois. Il lui fallut mettre en œuvre des efforts surhumains pour parvenir à se taire, mais la crainte de la voir s'éloigner à nouveau le fit tenir. Il l'écoutait attentivement, comprenant peu à peu qu'il avait été l'excuse dont elle avait besoin pour éviter les photos. Il la croyait à l'aise et enthousiaste à l'idée de poser devant les photographes, et finalement il découvrait une Coleen timide, et même pire que lui. Jusque là, Pete pensait qu'il n'y avait pas de quoi se mettre dans un tel état, et qu'une simple explication aurait suffit. Après tout, il avait lui-même failli refuser ces photos et rentrer chez lui en catastrophe. Il ne pouvait donc pas lui en vouloir sur ce point-là. Mais ce qui attira particulièrement l'attention du jeune homme fut la dernière phrase de Coleen.

Alors qu'il s'apprêtait à lui répondre et à la rassurer, sa dernière tirade coupa court à toute tentative de réponse. Peter resta bouche bée, sans réellement comprendre si ce qu'elle venait de dire était quelque chose de positif, ou non. Était-ce possible qu'il ne soit pas le seul à la trouver plus attachante qu'une simple amie ? L'expérience de Peter en terme de sentiments lui soufflait de se méfier, et de ne pas se laisser avoir encore une fois, mais l'information était trop capitale. L'irlandais avait tellement souffert de ses sentiments qu'il commençait même à en avoir peur. Par leur faute, il avait été détruit deux fois. La première avec Luca, la seconde avec Lily. Prudent, il décida alors de ne pas se dévoiler de suite, et tenta d'adopter une attitude détachée, en vain. « Qu... quoi ? C'est-à-dire ? Comment est-ce que tu me vois si je ne suis pas ton ami ? » Ok, ce n'était pas le moyen le plus futile d'aborder la situation, mais Pete était tellement handicapé avec ce genre de choses qu'il préférait jouer la sécurité en premier lieu.

Elle ne pouvait pas croire qu’elle lui avait réellement dit ça, c’était tellement insensé. Qu’elle le pense passait encore mais qu’elle aille lui dire… Coleen baissa de nouveau les yeux, le moment était peut-être venu pour elle de retourner s’enfermer dans les toilettes, d’ailleurs, elle n’aurait jamais dû en sortir si c’était pour ça. Mais elle avait voulu être honnête avec lui, parce que c’était Peter et qu’elle lui devait bien ça. Elle avait aussi espéré se sentir soulagé après, un peu moins gêné mais c’était pire que tout à présent. Elle avait été tellement stupide.

Elle attendait que Peter réagisse, dise quelque chose mais apparemment il avait perdu l’usage de la parole. Elle n’osait même pas lever les yeux pour voir l’expression qui s’était dessiné sur son visage, ayant trop peur de voir quelque chose qui lui déplairait. Au bout de plusieurs longues minutes – ou quelques secondes, Coleen n’en savait rien après tout, le silence fut enfin rompu. « Qu... quoi ? C'est-à-dire ? Comment est-ce que tu me vois si je ne suis pas ton ami ? » Ce n’était pas ce qu’elle attendait, pas du tout. Enfin, elle ne savait pas ce qu’elle attendait comme phrase exactement mais elle savait que dans tous les cas ce n’était pas ça. Surprise, elle leva la tête vers le visage du jeune homme et le regarda quelques secondes, perplexe. Elle fut aussi tentée de lui demander s’il était vraiment stupide ou s’il se forçait pour rendre les choses encore plus difficiles qu’elles ne l’étaient déjà pour elle. Mais elle ne le fit pas ça, pas certaine qu’il apprécie vraiment. Le problème, c’était qu’à part ça, elle ne voyait pas quoi dire d’autres. Elle avait été très claire, enfin pas tant que ça si on y réfléchissait assez bien mais n’importe un tant soit peu doté d’intelligence aurait compris et Peter n’était pas plus bête qu’un autre. Alors, il voulait juste lui compliqué les choses. Résignée, elle prit une grande inspiration avant de reprendre la parole. « Je te vois comme… plus qu’un ami. » C’était sensiblement la même chose que ce qu’elle avait dit plus un peu plus tôt mais elle ne pouvait définitivement pas être plus claire. C’était juste trop dur. Cette fois, elle ne baissa pas les yeux de nouveau et reprit la parole. « Ne me force pas à le redire s’il te plaît, je sais… que tu as compris ce que je voulais dire. »

De nouveau, le silence se fit entre eux. Coleen regrettait tellement. Elle espérait qu’elle n’avait pas mis leur amitié en péril mais elle savait très bien que c’était le cas. Quoiqu’il dise, les choses ne pourraient plus être pareilles entre eux et c’était de sa faute. Elle aurait mieux fait de partir quand il en était encore temps, ne pas se laisser convaincre stupidement de faire ses photos, être plus réaliste dès le début sur ce qu’elle pouvait ressentir mais elle n’avait rien fait de tout ça et voilà où ils en étaient maintenant. « Enfin… je voulais juste que tu saches que tu n’avais rien fait quoi, que ce n’était pas ta faute et que c’est moi le problème. C’est tout… »

Peter n'en croyait pas ses oreilles. Jamais il n'aurait imaginé que Coleen le voit autrement qu'un simple ami, qu'un camarade de fac sur lequel elle pouvait néanmoins compter en cas de besoin. Le jeune homme savait pertinemment qu'il la mettait encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà avec ses questions stupides, mais il était tout simplement incapable de prononcer une phrase normale. Pete ne s'attendait pas vraiment à une telle révélation, et il se retrouvait désarmé face aux grands yeux clairs de la jeune femme. « Non... non, pardon. Je... comprends. » Mensonge. Il ne comprenait pas du tout, ou plutôt : il ne voulait pas le faire. Lentement, le jeune homme reprit place sur le banc qui se trouvait derrière lui, puis baissa la tête. Que lui arrivait-il ? Pourquoi donc lui avait-elle avoué tout ça aujourd'hui ? Tout à coup et sans qu'il ne s'explique pourquoi, tout sa relation avec Coleen se voyait remise en question. Celle qui avait été la première à lui reparler normalement après l'accident, et à cesser de le regarder comme s'il était un fantôme ressentait finalement plus que de l'amitié pour lui. De son côté, Peter ne savait pas exactement ce qu'il ressentait pour elle. A vrai dire, il la considérait bien comme une personne à part, et il appréciait énormément sa compagnie. Mais est-ce que ça faisait d'elle une amie aussi particulière ?

Silencieux, comme assommé par les dires de Coleen, Pete admirait ses doigts qui n'avaient de cesse de bouger, nerveusement. Partagé entre l'envie de la mettre plus à l'aise, et son propre mal-être, le jeune homme ne savait définitivement plus comment réagir. Son passé lui avait démontré à plusieurs reprises qu'il n'était pas fait pour les histoires d'amour. A chaque fois il s'attachait, et finissait par se retrouver seul et désespéré chez lui. Dans ces cas-là, sa meilleure consolation était de cuisiner, et son frigo s'emplissait alors de dizaines de plats qu'il était même incapable d'engloutir tout seul. Alors qu'il était plongé dans ses pensées, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit à l'intention de Coleen, Peter entendit un claquement de porte. Aussitôt il se redressa et guetta l'autre bout du couloir tel un prisonnier en cavale. Comme il avait pu le craindre, le jeune homme entendit la voix de son patron qui approchait, et qui paraissait ne pas s'être remis du coup que venaient de lui faire les deux jeunes mannequins. « Oh non, pas lui ! » Sans réfléchir, Peter attrapa la main de Coleen et l’entraîna sans attendre son avis vers l'issue la plus proche. Ils devaient absolument échapper aux foudres de leur patron, qui les obligeraient forcément à se remettre en place et à faire ces maudites photos. Pete ouvrit la première porte qu'il trouva à sa droite, et attira Coleen avec lui à l’intérieur de cette pièce dont il ignorait jusqu'à l'existence. Puis, aussi vite qu'il le put, il referma la porte en prenant grand soin de ne faire aucun bruit. Les deux jeunes gens se retrouvèrent alors dans une obscurité presque totale, au milieu de ce qui semblait être des présentoirs remplis de vêtements probablement destinés à d'autres séances photo. Retenant son souffle, Pete écoutait avec attention ce qu'il se passait à l'extérieur histoire de s'assurer que le patron en furie passerait tout près d'eux sans même les remarquer. Ce faisant, le jeune homme n'avait néanmoins pas prit la peine de lâcher la main de Coleen, plus par oubli et préoccupation qu'autre chose.

Il comprenait… Voilà qui était merveilleux, mais seulement pour deux raisons : la première s’était bien évidemment parce que la jeune femme pouvait être rassurée au sujet de l’intelligence de Peter, la deuxième était qu’elle n’avait pas à répéter encore une fois le terrible aveu qu’elle venait de faire. Mais ça s’arrêtait là. Sitôt qu’il se fut tut, le silence s’installa entre eux, Coleen vit le jeune homme prendre place sur le banc derrière lui et finalement son regard se fixa sur le plafond. Il était splendide aussi le plafond. Elle aurait pu commencer à compter le nombre de dalles qui y était tellement le silence devenait pesant. Parce qu’à ce moment-là, il ne lui vint pas à l’idée de partir, il aurait pourtant été largement le temps qu’elle s’éclipse et qu’ils arrêtent d’être comme deux imbéciles dans le silence, à ne même pas se regarder. C’était bien la preuve ça que par sa faute, leur amitié venait d’être remise en question.

Elle aurait pu se faire encore des millions de reproches qu’elle s’était déjà fait, elle aurait pu regretter encore une fois de ne pas être partie ou encore de s’être levée ce matin-là, si seulement Peter n’avait pas eu une réaction étrange à la suite d’un claquement de porte. Coleen avait à peine entendu la voix de leur patron que Peter, après avoir retrouvé l’usage de la parole, l’entraîna par la main ailleurs. Elle le suivit un peu hébétée, sans vraiment comprendre ce qui se passait ni même savoir ce qui se passait dans sa tête. Pourtant cela pouvait apparaître évident, il était normal que leur patron ne devait pas apprécier qu’elle et Peter lui fassent faux bon, au dernier moment qui plus est. Pour les gens comme lui, le temps, c’était de l’argent. Or, Coleen venait de lui faire perdre beaucoup de temps. Ce n’était pas son intention bien sûr, mais ça ne devait pas faire beaucoup de différence pour l’autre. De toute manière, ceci était à des années lumières des préoccupations de la jeune fille et elle se moquait pas mal que l’autre soit en colère. Son plus gros souci à présent – en dehors du fait qu’elle n’aurait jamais dû être honnête avec Peter, c’était qu’elle venait de laisser passer une occasion de rentrer chez elle.

Peter l’avait emmenée jusque dans une salle où elle n’avait jamais mis les pieds à présent. Lorsqu’il referma la porte derrière eux, l’obscurité se fit complète, laissant peu d’indice à Coleen pour deviner ce que contenait la pièce. Mais ça aussi elle s’en moquait de toute façon. Bien qu’ils se soient arrêtés, Peter n’avait pas lâché la main de la jeune femme et celle-ci s’empressa de le faire à sa place. Moins elle aurait de contact avec lui, mieux ce serait. Elle entendit une voix pestant non loin et l’espace d’un instant, elle se demanda si elle ne préférait pas avoir à supporter la colère de son patron plutôt que de rester ici seule avec Peter. Elle envisagea très sérieusement de quitter la pièce mais se ravisa avant de tendre le bras vers la poignée de la porte. A la place de ça, elle s’éloigna de Peter, vers le fond de la pièce. Elle ne l’atteignit pas, ce qui devait être un présentoir à vêtement la gêna dans sa course et elle s’arrêta là, s’asseyant par terre. Elle ne percevait plus aucun bruit de l’extérieur, ni de l’intérieur d’ailleurs, il y avait juste le silence. Le silence et l’obscurité. Elle appuya vaguement sa tête contre un bout du présentoir derrière, faisant attention à ne pas le faire tomber quand même, et soupira. « Je veux rentrer chez moi… »

Les deux jeunes gens se retrouvaient donc enfermés dans ce qui ressemblait fort à un immense placard à vêtements où le silence régnait. Mais cette fois, ils y étaient contraints : s'ils ne voulaient pas attirer l'attention de leur patron enragé, ils devaient se taire, et ça les arrangeait bien. Peter avait beau tourner et retourner ce que Coleen venait de lui dire dans sa tête, il ne trouvait résolument aucune réponse adéquate à lui apporter. Y-en avait-il seulement une ? Rien n'était moins sûr. Toute leur amitié se voyait subitement remise en question par quelques mots seulement, et pour une fois le jeune homme n'avait aucune idée lumineuse pour arranger les choses. Pendant qu'il se torturait l'esprit, Coleen lui lâcha la main et sembla s'éloigner vers le fond de la salle. Elle paraissait tout simplement vouloir le fuir, se tenir loin de lui et ne jamais recroiser son regard. Mais Peter n'avait aucunement 'intention de la perdre, et il devait absolument trouver une solution, trouver quoi faire et quoi dire devant ces révélations inattendues. Tout à coup, les pas de leur patron semblèrent se rapprocher de l'endroit où ils se cachaient, et la poignée de la porte s'abaissa. Sans perdre de temps, Pete se précipita vers un coin de la pièce, et se plaqua contre le mur espérant ainsi passer inaperçu. Lorsque la porte s'entrouvrit, il put apercevoir Coleen grâce au peu de luminosité qui entra dans la pièce. Elle était belle, mais elle avait l'air tellement mal à l'aise, et tellement désespérée ainsi adossé à son présentoir... La seule vue de son expression serrait le cœur de Peter qui esquissa une petite grimace. Sans prévenir, la porte se referma et leur patron repartit vers son bureau en grommelant.

Coleen voulait rentrer chez elle, évidemment... Et à vrai dire, c'était aussi un peu le cas de Peter. Il voulait tenter d'y voir plus clair, et pour cela il avait besoin de calme. Il devait reconsidérer la situation tout seul, même s'il n'était pas certain de pouvoir élucider le « problème ». Aussi, le jeune homme s'approcha à nouveau de la porte, et l'ouvrit tout doucement, passant sa tête à l'extérieur afin de regarder à droite et à gauche si la voie était libre. Puis il retourna vers Coleen en se poussant pour la laisser passer. « C'est bon, on peut y aller. » Peter attendit que la jeune femme passe devant, puis s'extirpa à son tour de la pièce et referma la porte derrière eux. En silence, il la suivit vers la sortie, vérifiant de temps en temps que les gens qu'ils croisaient ne risquaient pas de les rappeler à l'ordre et de les obliger à faire ces maudites photos. En arrivant dans la rue, Pete fut à la fois soulagé de quitter cet endroit, et mal à l'aise à l'idée de devoir quitter Coleen. En d'autres termes, ils allaient certainement se saluer de façon banale, partir chacun de leur côté, et passer le reste de leur existence à s'éviter ou à faire semblant d'être des amis « normaux ». Il devait faire quelque chose, il FALLAIT qu'il réagisse ! Mais Coleen semblait déjà vouloir s'éloigner, et rentrer s'enfermer chez elle sans plus d'explications. En derniers recours, sans réellement réfléchir à ce qu'il faisait, ni même comprendre ce qui le poussait à faire ça, Peter attrapa fermement le bras de la jeune femme, l'obligeant ainsi à se tourner face à lui. D'un seul geste, il l'attira vers lui et posa délicatement ses lèvres sur les siennes. Ce pseudo-baiser ne dura que quelques secondes puis, réalisant peut-être ce qu'il était en train de faire, Pete desserra son étreinte et recula d'un pas. Machinalement, il plongea ses yeux dans ceux de Coleen, et lui adressa un sourire. Puis sans un mot de plus, il tourna les talons et disparut au milieu d'un groupe de passants laissant ainsi la jeune femme seule au beau milieu du trottoir.

Si elle acceptait de rester ici, c’était juste pour avoir évité les foudres du patron. Pourtant, elle faillit bien y avoir le droit quand même, la porte s’entrouvrit en effet, laissant entrer un peu de lumière et une personne. Celle-ci regarda à l’intérieur de la pièce avant de refermer la porte, sans remarquer aucun d’eux. Encore heureux, parce qu’avoir à supporter le silence pesant comme ça et l’obscurité était déjà assez pénible comme ça, alors si en plus cela ne servait à rien, elle aurait tout gagné.

L’homme s’était éloigné et toute menace semblait écartée. La jeune femme allait enfin pouvoir quitter les lieux en espérant ne plus jamais y remettre les pieds. Elle attendit néanmoins que Peter ait vérifié et qu’il lui ait confirmé qu’ils pouvaient partir sans risque pour se lever. « C'est bon, on peut y aller. » Elle retint un soupir de soulagement qui aurait pu paraître mal venu et se hâte vers la porte. Elle allait enfin pouvoir rentrer chez elle, elle ne savait pas encore ce qu’elle ferait une fois tranquille là-bas mais elle savait juste une chose, elle s’efforcerait du mieux qu’elle pouvait de chasser tout ce qui pouvait avoir un quelconque rapport avec Peter de son esprit. Ce n’était pas une tâche qui s’annonçait facile mais elle devait bien pouvoir y arriver. Enfin en attendant, elle devait encore accéder à l’’extérieur sans que personne les intercepte. Peter la laissa passer et elle quitta la pièce la première, traversa le couloir et arriva bientôt dehors. A ce moment-là, elle s’arrêta même si elle aurait volontiers continué à marcher jusqu’à chez elle sans s’arrêter. Peter la suivait et elle devait au moins le saluer, histoire de lui dire au revoir quoi. C’était ce que faisaient les gens civilisés. Elle se contenta néanmoins d’un simple signe de tête avant de commencer à s’éloigner, il en fallait pas trop lui en demander non plus. A ce moment-là, elle pensa que c’était peut-être la dernière fois qu’elle voyait le jeune homme, son cœur se serra à cette idée mais cela ne la fit pas changer d’avis sur le fait qu’elle devait s’éloigner au plus vite.

Ce qui se passa après arriva vite, à tel point que Coleen ne comprit pas tout de suite ce qui lui arriva. Alors qu’elle s’était détourné – et pour la troisième fois de la journée, Peter l’attrapa par le bras pour la retenir. Elle lui fit donc de nouveau face et c’est ce moment-là qu’il choisit pour poser ses lèvres sur les siennes dans un semblant de baiser. Surprise, la jeune femme resta figer sur place tandis que Peter, qui semblait s’être rendu compte de ce qu’il faisait, s’éloignait déjà parmi les passants après un petit sourire. Elle fixa l’endroit où il avait disparu pendant un long moment, trop perturbée pour se remettre à bouger. Plusieurs longues minutes s’étaient écoulées quand elle se décida de reprendre la route de chez elle. Une chose était sûre, il allait lui être d’autant plus difficile de chasser Peter de ses pensées après ce qui venait de se passer.