Coleen avait beau vivre à New-York depuis bientôt quatre ans, il n’en restait pas moins qu’elle n’était jamais autant sortie que ces dernières semaines. Elle n’aurait jamais cru qu’elle pourrait un jour aimer l’ambiance des boîtes de nuits et boîtes en tout genre, préférant de loin le calme et la tranquillité de son appartement, mais il fallait croire qu’elle se trompait. En tout cas, maintenant, elle n’imaginait plus passer une soirée seule chez elle. Elle ne pouvait pas, elle passait son temps à penser à Peter et elle se sentait mal quand c’était le cas. Or elle ne voulait pas se sentir mal, c’est pour ça qu’elle choisissait de sortir là où elle pouvait voir du monde, parler fort, rire et s’amuser. Ou au moins essayer.

Ce soir, elle avait fini dans un bar de Brooklyn un peu bizarre. Enfin c’était ce qu’elle avait trouvé au début mais son amie lui avait assurée qu’il était très bien et qu’il ferait l’affaire. La brune avait donc fini par se laisser convaincre. Elle était là depuis plusieurs heures maintenant et elle avait perdu la trace de son amie mais elle se sentait bien. La musique était bien trop forte dans le bar mais Coleen avait cessé d’y prêter attention. Elle se déhanchait sur la piste de danse quasiment vide, un verre à la main, aux côtés d’un mec dont elle avait oublié le nom. Elle n’était pas certaine de l’avoir su un jour en fait mais elle s’en moquait pas mal en fait. Tout ce qu’elle savait c’était qu’il était pas mal du tout et qu’il venait de lui payer à boire et ça, c’était largement suffisant. Certes, il n’attendait probablement que le moment où il pourrait s’éclipser avec elle dans un coin tranquille mais ça lui convenait parfaitement. Elle avait besoin de sentir qu’elle était désirable et qu’elle pouvait intéresser quelqu’un. Même si le quelqu’un en question n’était pas la personne qu’elle voulait. La musique changea et la jeune femme s’éloigna du mec de la piste de danse, invoquant un prétexte bidon. Finalement, elle n’avait plus si envie que ça de rester plus longtemps près de lui. Il ne sentait pas très bon.

Elle arriva au bar et commanda un nouveau verre. Le dernier bien sûr… jusqu’au prochain. De toute manière, elle n’était plus à un verre près vu qu’elle n’était déjà plus en état de rentrer chez elle. Un autre type bizarre était en train de l’observer un peu plus loin mais Coleen l’ignora. C’était juste un crétin de plus, comme tous les autres. Parce que de toute façon, elle n’attirait que les crétins. Et le pire d’entre eux, c’était sans aucun doute Peter. Elle devait vraiment le lui dire d’ailleurs. Tout de suite. Elle tenta d’extirper son téléphone de la poche de son jean et put enfin appeler Peter après l’avoir fait tombé par terre deux fois. « Oh Peter ! Je devais te dire que t’es… un crétin. Mais alors vraiment, vraiment, vraiment, vraiment. Et y’a pleins de mecs supers cools ici, beaucoup, beaucoup plus que toi. Mais comme t’es un super crétin…. Je sais plus. Oups, je crois que j’ai perdu mon sac. » La jeune fille posa son téléphone sur la table et regarda autour d’elle avant de repérer son sac sur le siège à côté, juste là où elle l'avait posé. « C’est bon. J’en étais où ? »

Une soirée tranquille se profilait pour Peter, et si son esprit n’avait pas été encombré par tout un tas de choses, elle aurait été tout simplement parfaite. Un plateau télé, une bière, quelques épisodes des Simpsons… D’habitude il ne lui en fallait pas plus pour être ravi. Seulement voilà, ces derniers temps l’irlandais avait quelque peu perdu son sourire et son entrain. Trop de choses se bousculaient dans sa tête, trop de questions auxquelles il était incapable de répondre. Depuis sa pseudo-séparation avec Coleen, Peter n’était plus que l’ombre de lui-même. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait fallut qu’il tombe sous le charme de Mia, la sœur jumelle de sa meilleure amie. C’était tout bonnement stupide, et il le savait. Mais comment pouvait-il contrôler ce genre de choses ? Elle avait un petit quelque chose d’inexplicable qui le faisait littéralement fondre. Et pourtant, il aimait Coleen et elle lui manquait terriblement. Plus les jours passaient sans la voir, plus le moral du jeune homme semblait s’obscurcir. Il avait d’abord pensé que le fait de la revoir lui ferait du bien, mais il avait rapidement changé d’avis après leur courte entrevue dans un café. La voir et lui parler n’avaient fait que raviver sa douleur et réveiller le manque qui l’étreignait. Bref, Pete était perdu et il ne savait plus très bien ce qu’il attendait ou ce qu’il espérait pour se sortir de là.

Alors que son épisode avait à peine commencé et que Peter engloutissait les premières bouchées de son plateau-télé, son téléphone sonna. Machinalement il tendit le bras pour l’attraper tout en mâchouillant un morceau de son sandwich. Mais il lui sembla que son cœur s’arrêta au moment où il vit apparaître le nom de Coleen sur son écran. Interdit, il le fixa quelques instants, ne sachant pas s’il devait décrocher ou prétendre qu’il était occupé. Finalement, après avoir déglutit lentement il se décida à décrocher et répondit avec appréhension : « Allo ? » Dès l’instant où il porta l’appareil vers son oreille, il put entendre un vacarme énorme, puis la voix de Coleen. Mais bizarrement, elle ne sonnait pas comme d’habitude, et en écoutant avec attention ce qu’elle lui disait Pete devina que quelque chose n’allait pas. « Oh Peter ! Je devais te dire que t’es… un crétin. Mais alors vraiment, vraiment, vraiment, vraiment. Et y’a pleins de mecs supers cools ici, beaucoup, beaucoup plus que toi. Mais comme t’es un super crétin…. Je sais plus. Oups, je crois que j’ai perdu mon sac. » Les sourcils froncés, le jeune homme grimaça tout en écoutant et en essayant de comprendre ce qu’elle lui disait. « Coleen ?! Qu’est-ce que… allo ? » L’irlandais ne comprenait absolument rien à tout ça, mais quelque chose lui disait qu’il n’allait pas terminer sa soirée Simpson aussi tranquillement qu’il l’aurait voulu.

Lorsque la jeune femme reprit la parole à l’autre bout du fil, Peter était déjà debout et avait posé son plateau sur la table basse, prêt à partir. « Tu en étais à « Je suis un crétin » » répondit-il sans même vraiment sourire. « Coleen tu es complètement saoule hein ? Dis-moi où tu es… C’est qui ces gens avec toi, tu les connais ? Même s’il essayait de le cacher, la voix de Pete trahissait aisément son inquiétude et sa peur qu’il n’arrive quelque chose à Coleen sans qu’il ne puisse rien faire.

Retrouvé son sac ne lui avait pas pris plus de deux minutes. En même temps, elle ne l’avait pas vraiment perdu, elle était juste incapable de voir ce qu’elle avait sous les yeux quoi. Enfin soit, ça avait beau lui avoir pris très peu de temps, quand elle reprit le téléphone la brune ne se rappelait quand même plus d’où elle en était et de ce qu’elle voulait dire. A vrai dire, elle ne savait même pas exactement pourquoi elle avait appelé Peter, l’alcool sûrement. Rien que pour ça, elle aurait du s’arrêter de boire depuis longtemps. « Tu en étais à « Je suis un crétin » » La brune hocha la tête même si elle savait que Peter ne pouvait pas la voir. Il pouvait bien deviner qu’elle était en train de le faire après tout. « Ouais… Tout à fait ! Tu es un crétin et… et c’est tout ce que je voulais dire en fait. » Ca ne valait donc vraiment pas la peine qu’elle l’appelle juste pour ça. Ca lui avait pourtant semblait si important sur le coup, maintenant elle trouvait ça juste que c’était stupide et que c’était une perte de temps. Elle aurait pu faire tellement mieux plutôt que de rester coincé au téléphone avec lui. Mais elle n’avait pas à rester coincé au téléphone avec lui en fait, elle s’apprêta à raccrocher en le réalisant mais Peter s’était remis à parler. Dans un accès de folie, elle décida d’écouter ce qu’il lui disait. « Coleen tu es complètement saoule hein ? Dis-moi où tu es… C’est qui ces gens avec toi, tu les connais ? » La jeune femme soupira ostensiblement. Elle savait qu’elle allait regretter de ne pas avoir raccroché quand elle y avait pensé mais elle ne pensait pas que ça pourrait être aussi vite. « Peter, Peter… t’es toujours aussi chiant tu sais. Je connais pas encore les gens mais ça va venir. Décoince un peu. » commença-t-elle vaguement agacée. Elle était très sympathique avec lui ce soir décidément. « Je suis pas complètement saoule, ok. J’ai juste bu… quelques verres. » Elle avait vite perdu le compte mais ça n’avait rien d’important. Ce qui était important, c’était qu’elle tenait encore debout, enfin la dernière fois qu’elle s’était tenu debout en tout cas, c’était bon. Elle était également encore capable de dire où elle habitait, ce qui était pas… pas mal. C’était tout ça qui lui faisait dire qu’elle n’était pas complètement saoule en fait. Elle était juste légèrement bourrée ce qui n’était pas la même chose. « Et… c’est quoi que tu voulais savoir d’autres déjà ?... Ah si ! » Coleen écarta légèrement le téléphone et fit au signe au barman qui arriva bientôt à sa hauteur. « On est où là ? » dit-elle en montrant le bar autour d’elle. Elle écouta sa réponse, ne comprit pas tout mais n’osa pas lui faire répété, il la regardait déjà comme si elle était une chose pathétique, c’était suffisant. « Je suis dans un bar bizarre qui passe de la vieille musique rétro. A Brooklyn Height. C’est tout ce que je sais. » Elle haussa les épaules, qu’est-ce que ça pouvait bien faire où elle était de toute façon ? En fait, elle ne voyait pas bien pourquoi elle répondait à ses questions.

Elle laissa son regard se promener tout autour d’elle et elle observa ensuite un autre mec au bar, pas mal du tout. Elle se mit alors à sourire, convaincue que sa soirée pouvait encore s’améliorer parce que juste ici, on ne pouvait pas dire que c’était vraiment une réussite. La preuve de ça était qu’elle était quand même toujours au téléphone avec Peter. « Je crois que… je vais peut-être te laisser. »

Il ne fallut que très peu de temps à Peter pour comprendre l’ampleur de la situation. A vrai dire, au moment même où il avait vu le nom de Coleen s’afficher sur l’écran de son téléphone, il s’était douté que quelque chose n’allait pas. Et le son de sa voix était allé dans son sens, lui confirmant qu’elle était complètement saoule. Si encore elle avait été avec quelques unes de ses amies… Mais non, visiblement elle se trouvait dans un bar miteux, entourée de garçons qu’elle ne connaissait pas. Et ça, Peter ne pouvait décemment pas le supporter. « Peter, Peter… t’es toujours aussi chiant tu sais. Je connais pas encore les gens mais ça va venir. Décoince un peu. » L’irlandais s’était attendu à tout sauf à ça. Il resta d’ailleurs interdit, la bouche entrouverte pendant quelques instants avant de reprendre ses esprits. Même si il la savait ivre, l’entendre lui dire ça le blessait, et il ne comprenait pas pourquoi. Peut-être parce qu’il y avait une pointe de vérité dans ce qu’elle disait ? Quoi qu’il en soit, Coleen reprit la parole avant même qu’il n’ait eu le temps de réagir. Soi-disant elle n’avait bu que quelques verres, mais le jeune homme la connaissait assez pour comprendre qu’elle avait arrêté de compter au bout du troisième. De là où il était, il l’imaginait dans un bar rempli de vieux pervers, tous agglutinés autour d’elle en train de se rincer l’œil, ou peut-être même pire. Cette vision lui était insupportable et sans lâcher son téléphone, il attrapa son blouson qui trainait encore sur le coin du canapé.

Alors que Coleen se renseignait quant à l’adresse de l’endroit où elle se trouvait, Peter s’inquiétait de plus en plus. Mais sa décision était prise et d’un geste vif, il enfila son blouson et quitta l’appartement. Le téléphone toujours collé à l’oreille, il descendait les marches de son immeuble à toute vitesse. Par chance, Coleen mentionna le quartier de Brooklyn, ce qui signifiait que Pete n’était pas très loin d’elle. Restait maintenant à trouver le bar dont elle parlait. « Je crois que… je vais peut-être te laisser. » « Non ! Non Coleen ! Attends, fais attention, qu’est-ce que tu… » Mais le jeune homme ne prit même pas la peine de continuer, coupé par le bip bip du téléphone signifiant qu’elle avait déjà raccroché. « Mais c’est pas vrai, quelle…. Grrr ! » ronchonna-t-il en accélérant le pas. Il connaissait à peu près les bars du coin, était bien incapable de dire lequel passait de la musique rétro puisqu’il n’y mettait quasiment jamais les pieds. Trouvant un groupe d’adolescents qui déambulait dans une rue, Peter les arrêta et leur demanda s’ils connaissaient un tel endroit. Après s’être regardés étonnés, le groupe lui désigna un bar, quelques rues plus loin, et qu’ils définirent comme le plus ringard du coin. Remerciant un des garçons d’une tape sur l’épaule, Peter partit alors en courant à la recherche de l’établissement.

C’est en arrivant devant une devanture miteuse qu’il comprit qu’il était au bon endroit. Du moins, celui que lui avaient indiqué le groupe de jeunes. Encore essoufflé par sa course, l’irlandais entra dans le bar et balaya la salle du regard. Finalement, il laissa échapper un soupir de soulagement lorsque ses yeux se posèrent sur la silhouette de Coleen. Il se dirigea alors droit vers elle et attrapa le verre qu’elle tenait dans ses mains. « Tu en as assez bu pour ce soir je crois. » Lançant un rapide coup d’œil aux gars autour de lui, Peter s’installa sur un tabouret tout près de Coleen, histoire de bien leur signifier que ce n’était même pas la peine d’essayer de l’approcher. « Bon sang comment tu t’es retrouvée ici Coleen ?! »

Coleen raccrocha presque aussitôt après avoir dit à Peter qu’elle allait peut-être le laisser. Elle posa son téléphone sur le bar et soupira. Elle avait cessé de prêté attention à ce qui l’entourait, ça n’avait plus aucune importance de toute façon. Ses pensées étaient uniquement occupées par l’appel qu’elle venait de passer. Elle n’aurait vraiment vraiment pas du faire ça. L’appeler, c’était la pire idée qu’elle ait eut ce soir. Et pourtant, elle en avait eu des mauvaises idées ce soir, à commencer par celle d’entrer dans ce bar. Depuis des semaines, elle faisait de son mieux pour éviter de penser à lui. C’était pour ça qu’elle sortait aussi souvent, qu’elle buvait autant aussi. C’était plus simple que d’admettre qu’il lui manquait vraiment et qu’elle avait besoin de lui. Et là, elle venait ni plus ni moins de tout gâcher. Pour la peine, elle allait sûrement devoir recommander un nouveau verre maintenant. Elle le fit effectivement, même si au fond (très fond) d’elle, elle savait bien qu’il aurait sûrement été mieux qu’elle songe à trouvé un moyen de rentrer chez elle.

Peu après - l’australienne était loin d’être capable de dire combien de temps il s’était écoulé depuis qu’elle avait raccroché au téléphone, Peter se matérialisa à côté d’elle. La brune ne le remarqua vraiment que lorsqu’il attrapa le verre qu’elle tenait à la main. « Tu en as assez bu pour ce soir je crois. » La jeune femme leva la tête vers lui et lui lança un regard noir. Non mais pour qui il se prenait pour décider de ça ? Elle était la seule à pouvoir décider de quand elle avait assez bu et là, elle ne l’avait pas décidé encore. Et puis, qu’est-ce qu’il foutait là d’abord ? La brune se souvenait très vaguement lui avoir dit où elle se trouvait mais si elle avait pensé qu’il pouvait venir, elle se serait abstenu. Vraiment. Parce que s’il y avait bien une personne qu’elle n’avait pas envie de voir là tout de suite, c’était lui. « Ce n’est pas à toi de décider de ça. » dit-elle d’un ton qui se voulait sec. Elle aurait bien voulu tenter de récupérer son verre mais elle savait déjà que ça aurait été une bataille perdue d’avance. Pendant ce temps là, le jeune homme s’était assis sur un tabouret près d’elle, ôtant par la même occasion toute chance de voir la soirée de Coleen s’arranger. La brune était certaine que les choses n’auraient pas pu être pires. « Bon sang comment tu t’es retrouvée ici Coleen ?! » C’était une bonne question ça. Coleen réfléchit un moment à comment elle avait pu arriver jusque là avant de répondre. « Je suis sortie avec une amie. Et on est arrivé ici. Et puis, paf, elle a disparu et moi je suis restée. C’est tout. » La brune haussa les épaules, il n’y avait rien de plus simple en fait. « Qu'est-ce que tu fais là toi ? » demanda-t-elle alors. Non parce que si c’était pour lui donner des leçons ou quelque chose dans ce genre là, ce n’était pas la peine. Il pouvait repartir directement, elle n’avait pas envie de l’écouter. Pas seulement ce soir hein, plus tard se serait la même chose. Surtout qu’il était en grande partie responsable si elle était dans cet état là maintenant. « C’est ta faute tu sais. »

Comme il avait pu le prévoir, Coleen n’accueillit pas vraiment son arrivée avec beaucoup d’enthousiasme. Au moment où il lui retira son verre des mains, elle répliqua sèchement en lui faisant clairement comprendre qu’il devait se mêler de ses affaires. En règle générale, c’était vrai. C’était d’ailleurs probablement une des raisons qui les avaient poussés à « faire un break ». Mais ce soir Peter ne voyait que trop qu’elle avait besoin d’aide, même si elle n’en voulait pas et certainement pas venant de lui. « Puisqu’apparemment tu ne peux plus décider toi-même, je vais le faire. Quoi que tu en penses. » Le ton de Peter était lui aussi particulièrement sec. Il voulait lui faire comprendre que la soirée était finie, qu’elle avait beaucoup trop « profité » et que maintenant, il fallait revenir à la réalité.

Après quelques explications plutôt bâclées du pourquoi elle était arrivée ici, Coleen s’en prit une nouvelle fois à Peter : « Qu'est-ce que tu fais là toi ? » En arquant d’abord un sourcil, Pete regarda la jeune femme en répondant : « Tu m’as appelé il y a vingt minutes, et j’ai cru comprendre que tu avais besoin d’aide. » Le regard de l’irlandais balaya une nouvelle fois la salle, et avant même qu’elle n’ait eu le temps de répliquer, il termina : « Et j’ai eu raison. » Pete s’était attendu à tout mais certainement pas à la phrase cinglante qui suivit. « C’est ta faute tu sais. » Il eut l’impression que ces quelques mots avaient résonnés dans le bar comme si personne d’autre n’avait parlé en même temps. Le jeune homme entrouvrit la bouche pour protester, mais fut bien contraint d’admettre qu’elle avait en partie raison. Et ça le blessait. Peter soupira et baissa tristement la tête. Elle était saoule, elle n’était peut-être pas vraiment consciente de ce qu’elle faisait ni de ce qu’elle lui disait, mais elle voyait juste. S’ils en étaient là aujourd’hui, si leur couple n’en était plus vraiment un, c’était à cause de lui. Il avait tout détruit et par sa faute, Coleen se détruisait aussi. Elle passait visiblement ses nuits dans les bars alors qu’ils auraient pu les passer tous les deux… A cette simple pensée, la mâchoire de Peter se serra. Comment avait-il pu être aussi bête pour tout gâcher ?

Il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits et retrouver le courage de la regarder en face, mais Peter y parvint, et répondit : « Je sais… Je sais Coleen. » En la regardant, il se perdit bien vite dans ses yeux clairs comme il aurait pu le faire quelques semaines auparavant, au moment où ils formaient encore un couple parfait. Mais une nouvelle fois il s’obligea à sortir de ses pensées et se leva à côté d’elle. « Il est temps que tu rentres maintenant, tu ne dois pas rester là. Viens. »

Coleen n’avait jamais particulièrement apprécié qu’on lui dicte sa conduite, elle aimait faire ce qu’elle voulait au moment où elle le souhaitait. Et si elle arrivait à passer outre et à écouter un tout petit peu quand cela venait de ses parents ou d’un de ses frères et sœurs, c’était loin d’être le cas quand cela venait de Peter. Il était sûrement le plus mal placé pour décider pour elle ce qu’elle devait faire ou non. « Puisqu’apparemment tu ne peux plus décider toi-même, je vais le faire. Quoi que tu en penses. » Comment ça elle ne pouvait plus décider par elle-même ? C’était faux évidemment. Ce n’était pas parce qu’elle avait bu ‘quelques’ verres qu’elle n’était plus capable de prendre une bonne décision. Et là, tout de suite, elle décidait qu’elle n’avait pas encore assez bu. Surtout si elle devait affronter une conversation avec Peter, un verre de plus ne serait pas de trop. C’était son problème, elle le gérait comme elle le voulait. « Je crois pas non. » La jeune femme lui lança un regard de défi avant de faire signe au barman. C’était plus histoire de provoquer Peter qu’autre chose, elle agissait de la même manière avec ses parents quand elle avait genre six ans.

La brune fut ensuite amenée à lui demandé ce qu’il faisait là. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle lui avait demandé ça parce qu’elle se doutait bien que sa réponse n’allait pas lui plaire mais bon. « Tu m’as appelé il y a vingt minutes, et j’ai cru comprendre que tu avais besoin d’aide. Et j’ai eu raison. » Sur ce coup là, la seule personne qu’elle pouvait blâmer, c’était elle. Pourquoi est-ce qu’il avait fallu qu’elle l’appelle, vraiment. Peter comprenait tellement tout de travers qu’elle aurait du se douter à l’avance que son appel provoquerait des effets qu’elle ne voulait pas. La venue du jeune homme en était un. « Non, t’as eu tord. Je n’ai pas besoin d’aide, surtout pas venant de toi. Et la seule chose que tu devais comprendre c’était que t’étais un crétin. » Enfin ça, il l’avait peut-être compris quand même vu le nombre de fois où elle lui avait répété depuis qu’elle l’avait appelé tout à l’heure. Mais elle se sentait bizarrement (un peu) mieux à chaque fois qu’elle lui disait. Ca la soulageait, donc elle continuait. C’était aussi simple que ça.

Finalement, Coleen le rendit responsable de sa présence ici. Elle se moquait pas mal qu’il prenne mal ce qu’elle venait de dire ou que ça le blesse parce que c’était la vérité. En fait non, c’était faux. Elle ne s’en moquait pas, elle voulait que ça le blesse. Elle ne voyait pas pourquoi elle serait la seule à se sentir mal. Au bout de quelques instants, il finit quand même par répondre. « Je sais… Je sais Coleen. » La jeune femme posa son regard sur lui. « Tu sais…. Tu sais mais t’es quand même venu. » Commença la jeune femme. C’était un simple constat. « Ca t’amuse vraiment de rendre les choses encore plus difficiles Peter ? Parce que… t’as dis que tu voulais m’aider. Mais tu ne m’aides pas là, au contraire. Te voir, c’est pire que tout. » L’alcool obscurcissait tellement son jugement qu’elle aurait pu tout aussi bien dire qu’il était venu exprès juste pour la torturer et la rendre encore plus malheureuse. « Il est temps que tu rentres maintenant, tu ne dois pas rester là. Viens. » Il avait sûrement raison mais elle ressentait tellement le besoin de le contredire qu’elle ne pouvait pas tomber d’accord là-dessus. En plus de ça, maintenant qu’elle y réfléchissait bien, elle n’était pas certaine d’être vraiment capable de se lever et de marcher jusqu’à la sortie du bar. « Vas t’en si tu veux, moi je reste encore un peu. »

Evidemment Coleen prétendait qu’elle n’avait pas besoin d’aide. Peter n’en aurait pas attendu moins venant d’elle, et le fait qu’elle soit complètement saoule semblait avoir le pouvoir de la rendre toujours plus têtue. Mais aussi plus rationnelle. Elle n’hésitait plus à lui balancer la vérité et tout ce qu’elle pensait en face, même si au fond elle devait savoir que ç la blessait. Et après tout, c’était peut-être son but… Mais Peter avait été tellement stupide avec elle, il n’avait absolument aucun argument pour se défendre. Alors il accusait le coup, et encaissait chacune de ses réflexions sans rien dire. Elle était dure, mais il devait le mériter.

« Ca t’amuse vraiment de rendre les choses encore plus difficiles Peter ? Parce que… t’as dis que tu voulais m’aider. Mais tu ne m’aides pas là, au contraire. Te voir, c’est pire que tout. » Cette fois, le jeune homme ne put se retenir et tout en fronçant les sourcils, il s’exclama : « Mais, si tu m’avais pas appelé… » Tout en prononçant sa phrase et en se rendant compte de on contenu, son ton avait baissé. Justement, elle l’avait appelé lui et personne d’autre. Et quoi qu’elle en dise, même si ça faisait mal de la voir dans des circonstances pareilles, Peter en concluait qu’elle avait besoin de lui, besoin de son aide. Et à vrai dire, lui aussi avait besoin d’elle. Lorsqu’il avait reçu son appel, il n’avait pas hésité une seule seconde avant de quitter son appartement en trombe. Et même s’il savait pertinemment que leur histoire n’allait pas s’arranger aussi facilement, le fait de la voir était comme une bouffée d’air pour lui. C’était dur, mais essentiel. Pete finit par soupirer et baisser une nouvelle fois les yeux, presque honteux de li avoir répondu comme ça.

« Vas t’en si tu veux, moi je reste encore un peu. » Peter eut envie de lui dire de ne pas faire l’idiote mais il se retint. Ca aurait été la seule façon de la vexer pour de bon, et il aurait par conséquent été contraint de la laisser seule ici alors qu’il n’en avait vraiment pas l’intention. « Coleen… Il est tard, tu ne connais personne ici et tu as assez bu comme ça. S’il te plait… » Il ne demandait qu’à ce qu’elle l’écoute, et qu’elle daigne rentrer chez elle pour qu’il la sache en sécurité quelque part, et non entourée de vieux pervers alcoolisés. L’irlandais se leva donc du tabouret qu’il occupait et sans oser la toucher, accentua l’intensité de son regard sur elle pour la convaincre indirectement. « Allez… On va trouver un taxi qui te ramène chez toi et tu pourras dormir… » En la connaissant comme il la connaissait, Peter savait que c’était un argument de choix. Mais au moment où elle décida enfin de quitter le tabouret, le jeune homme eut peine le temps de réagir en la voyant vaciller, et la rattrapa sans trop savoir comment avant qu’elle ne s’effondre par terre.

Coleen s’était tut. C’était sûrement la meilleure chose qu’elle avait à faire si elle voulait cesser de dire ou faire des choses qu’elle regretterait sans aucun doute demain. Elle ne voulait pas lui donner l’occasion de constater un peu plus dans quel état pathétique elle s’était mise à cause de lui. Elle offrait déjà un spectacle suffisamment déplorable sans qu’elle n’en rajoute encore en parlant trop. La seule chose qu’elle ne regretterait pas demain, c’était de lui avoir bien dit qu’il était le seul et l’unique responsable de ce qui arrivait là. « Mais, si tu m’avais pas appelé… » Ca y est, c’était encore là qu’il en revenait. Il n’avait définitivement rien compris. « Ne me rends pas responsable. Je ne t’ai pas appelé pour que tu viennes. » Même si elle savait que c’était sûrement ce qui allait arriver. Elle lui avait même dit où elle était exactement. Alors bon, elle pouvait toujours dire qu’elle ne lui avait pas demandé de venir, c’était tout comme. Elle le connaissait assez pour savoir comment il pouvait réagir…

Coleen avait catégoriquement refusé de quitter l’endroit. Elle avait dit vouloir reste encore un peu. Comme si ça l’intéressait vraiment, maintenant qu’elle ne pouvait plus boire comme elle voulait, il n’y avait plus aucun intérêt à rester plus longtemps ici et comme elle savait que de toute façon, Peter ne partirait pas sans elle. Elle ne voulait juste pas céder si facilement. C’était assez ridicule certes mais elle s’en moquait pas mal. « Coleen… Il est tard, tu ne connais personne ici et tu as assez bu comme ça. S’il te plait… » C’était assez comique de le voir essayer de la convaincre comme ça. Il allait sûrement qu’il aille chercher des arguments mieux que ça parce que ce n’était pas comme ça qu’elle allait se décider à bouger. « C’est faux ! Je connais du monde. Regarde, je connais lui. » fit-elle en montrant un mec sur la piste de danse. « Et lui aussi. » Elle en montra un autre avant d’ajouter un peu moins fort. « Et le barman et moi, on est devenu très pote ce soir. » Peter se leva finalement et Coleen soupira, il était tellement chiant. Vraiment, c’était à se demander pourquoi elle se mettait dans un état aussi minable pour lui quoi, il n’en valait sûrement même pas la peine. « Allez… On va trouver un taxi qui te ramène chez toi et tu pourras dormir… » Après l’avoir fixé pendant plusieurs secondes, la jeune femme consentit quand même à se lever. Elle n’était toujours pas convaincue parce ses arguments bidons mais elle voulait vraiment se débarrasser de lui et la seule chose à faire pour ça c’était de faire ce qu’il voulait. Il faudrait qu’elle le lui dise, si jamais elle arrivait un jour à sortir d’ici. Parce que c’était loin d’être gagné, elle avait la vague impression que le sol tanguait. Ce n’était pas qu’une impression d’ailleurs, c’était la vérité. A peine levée, elle manqua de tomber et si elle ne s’écroula pas sur le sol. C’est seulement grâce à Peter qui vint lui porter secours. Gênée et furieuse contre elle-même, la jeune femme le remercia à peine et elle réussit quand même à quitter le bar avec l’aide de Peter bien sûr. C’est seulement en arrivant dehors que la jeune femme se rendit compte qu’elle mourrait de chaud et de fatigue. Elle se souvint alors de ce qu’elle devait lui dire tout à l’heure. « J’ai accepté de rentrer juste pour me débarrasser de toi. » lui dit-elle avant de jeter un regard autour d’elle. Indifférente à l’état du sol, elle s’assit par terre en soupirant. Sortir du bar lui avait demandé beaucoup d’effort, elle ne comptait pas en fournir d’autres jusqu’à ce que Peter trouve un taxi. Puisqu’il voulait tant jouer les chevaliers servants, qu’il fasse.

Même si Coleen essayait par tous les moyens de faire déguerpir Peter, et de rester seule dans ce bar, le jeune homme étai encore plus déterminé qu’elle. Pas question qu’il l’abandonne ici au milieu de ces gars qui se permettaient de la reluquer depuis le moment où il était arrivé. L’irlandais ne pouvait que trop s’imaginer ce qu’il se passerait s’il partait sans elle. Coleen était belle, plus que ça même. Et les clients du bar étaient éméchés et donc entreprenants. Non. Peter ne pouvait définitivement pas se résoudre à partir comme ça. Alors il attendit qu’elle ait bien voulu finir de parler, puis la regarda se relever d’un air soulagé. En réalité, il dut vite la rattraper avant qu’elle ne s’étale par terre, mais au moins elle le suivait. C’était une bonne chose. Jusqu’à ce qu’ils sortent de l’établissement, l’irlandais dut la soutenir pour éviter qu’elle ne s’embronche, ne tangue trop, ou s’effondre tout simplement parce que ses jambes ne la portaient plus. D’aussi loin qu’il se souvienne, il ne l’avait jamais vue dans cet état, et une pointe de culpabilité lui serra une nouvelle fois le cœur. S’il n’avait pas tout gâché, s’il n’avait pas initié ce break qu’ils étaient en train de faire, rien de tout cela ne serait arrivé.

Presque immédiatement après qu’ils soient arrivés à l’extérieur, Coleen décida de s’asseoir par terre, à même le trottoir. Dans un premier temps, l’irlandais s’approcha pour la relever, puis renonça au dernier moment. Après tout, si elle restait assise là elle ne pouvait pas tomber plus bas, et c’était probablement la solution la plus sécurisante pour elle et pour lui. « J’ai accepté de rentrer juste pour me débarrasser de toi. » Tout en s’approchant du bord de la route, le jeune homme leva les yeux au ciel, et répondit sans vraiment tenir compte de la sincérité des paroles de Coleen. « Oui oui, je sais… » Plusieurs minutes s’écoulèrent sans qu’aucun taxi n’emprunte la rue sur laquelle ils étaient stationnés, et Pete n’avait d’autre choix que « d’admirer » le spectacle que Coleen lui offrait. Son air épuisé, ses yeux voilés par le trop plein d’alcool qu’elle avait ingurgité, son corps avachi sur ce trottoir… Le jeune homme s’en voulait. Il s’en voulait énormément, et avait de moins en moins comment faire pour réparer tout ça. Il ne savait d’ailleurs même plus s’il devait essayer, ou simplement laisser les choses se passer sans lui. Avec le temps, ils finiraient peut-être par s’oublier… Même s’il en doutait fortement.

Lorsqu’un taxi daigna enfin se montrer, Peter se précipita pour l’haranguer et retourna auprès de Coleen pour l’aider à se relever, tant bien que mal. Il la soutint jusqu’à la voiture, et y entra à sa suite, indiquant au chauffeur l’adresse de la jeune femme qu’il connaissait évidemment par cœur. Puis il s’installa sur la banquette arrière et boucla sa ceinture. Un coup d’œil en direction de Coleen lui permit de constater qu’elle avait du mal à en faire de même, et sans rien dire, il se contenta de boucler la ceinture lui-même. Puis, presque malgré lui, il laissa remonter son regard jusqu’aux yeux de Coleen et laissa échapper un profond soupir. « Je te raccompagne chez toi. Mais promet-moi que tu ne te mettras plus dans des états pareils… Coleen, ça aurait pu être dangereux, tu dois faire attention à toi… »

Tout ce qu’elle disait, c’était dans le seul et unique but de le blesser. C’était pour ça qu’elle avait tenu à dire qu’elle avait quitté le bar juste pour se débarrasser de lui. Enfin, pour ce que ça devait lui faire en fait… Elle était bien sûr d’une chose, c’était que Peter n’en avait plus rien à faire d’elle. Et même si ça la tuait de penser ça, elle savait que c’était la vérité. Non, maintenant il avait mieux et elle ne comptait plus. D’ailleurs, la seule raison pour laquelle il devait être ici maintenant, c’était pour se donner bonne conscience. Comme ça, même s’il lui arrivait quelque chose, Peter pourrait toujours se dire qu’il avait tout fait pour l’aider et il pourrait continuer à vivre en paix. Rien que pour ça, elle aurait du le haïr, vraiment. Mais elle n’y arrivait pas autant qu’elle l’aurait voulu. « Oui oui, je sais… » Il savait, à croire qu’il ne savait pas répondre autre chose à ce qu’elle disait. C’était agaçant, vraiment. Si elle avait été en état et qu’elle avait été capable de se relever sans problème toute seule, Coleen n’aurait sûrement pas réussi à s’empêcher de le gifler là tout de suite. Mais fort heureusement pour lui, elle était assise sur le trottoir et bien incapable de se relever sans tomber à nouveau. En plus de ça, la simple idée de faire le moindre mouvement l’épuisait par avance. Elle se contenta donc rester à sa place, le regard fixé devant elle et de lui répondre en un mot. « Parfait. »

Après plusieurs longues minutes de silence, autant dire une éternité, un taxi arriva enfin dans la rue. Enfin ! Peter l’arrêta avant de venir aider Coleen à se relever. Elle se jura alors de ne plus jamais le laisser la voir dans cet état. Pas qu’elle avait l’intention d’arrêter de sortir et tout mais la prochaine fois, elle éviterait juste de téléphoner. Quelque soit le prétexte qu’elle pourrait trouver pour ça. Assise dans la voiture, la brune tenta ensuite d’attacher sa ceinture de sécurité. Mais il fallait croire que, même ça, ça n’était plus à sa portée. Elle dut donc regarder, résignée, Peter s’en charger à sa place. Finalement, après ça et après avoir soupiré, le jeune homme brisa le silence qui s’était installé entre eux depuis qu’ils avaient quittés le bar. « Je te raccompagne chez toi. Mais promet-moi que tu ne te mettras plus dans des états pareils… Coleen, ça aurait pu être dangereux, tu dois faire attention à toi… » Il avait raison, bien sûr. Mais ça, Coleen n’était sûrement pas prête de le reconnaître. Ni ce soir, ni un autre soir. Quant à lui demander de lui promettre quelque chose… Peter ne manquait vraiment pas d’air quelque chose. « Non. » Elle faillit ajouter qu’elle faisait déjà très attention à elle mais s’abstint au dernier moment. Même si dans un sens, ce n’était pas si faux que ça. L’avantage quand elle sortait, c’est qu’elle en oubliait presque de se morfondre, c’était sa manière à elle de faire attention à elle. En dépit des conséquences que ça pouvait avoir. « Par contre, je peux te promettre que tu ne seras pas au courant la prochaine fois. » ajouta-t-elle quand même. C’était mieux que rien non ? Elle hésita un peu avant de quand même reprendre. « Merci quand même de me raccompagner. » Elle tourna sa tête en direction de la vite et regarda la ville au-dehors. C’était sûrement la première chose à peu près ‘gentille’ qu’elle lui disait ce soir. Et c’était aussi la dernière.

Telle une gamine à laquelle en train de bouder, Coleen était assise au beau milieu du trottoir. En tous points ressemblante à une enfant à qui l’on ne pouvait faire entendre raison, elle restait sur ses positions et refusait catégoriquement de répondre avec amabilité à Peter. Pourtant, et malgré ses travers, il était là pour elle, là pour l’aider et la sortir de cette situation dans laquelle elle s’était empêtrée ce soir. Fort heureusement pour eux un taxi s’engagea finalement dans la rue, et l’irlandais s’empressa de le stopper et de s’y installer en compagnie de Coleen. Mais sitôt étaient-ils assis à bord du véhicule que la petite comédie de la jeune femme recommença. « Par contre, je peux te promettre que tu ne seras pas au courant la prochaine fois. » Littéralement désespéré, Peter leva les yeux au ciel en soupirant. A quoi jouait-elle exactement ? Il savait bien qu’elle lui en voulait, et il savait aussi qu’elle avait raison. Mais de là à refuser catégoriquement son aide, et à se mettre dans des états lamentables juste pour le faire rager… « Je ne rigole pas… C’est pas une solution. »

« Merci quand même de me raccompagner. » déclara-t-elle finalement avant de se retourner vers la vitre. C’était inespéré, mais cette réflexion arracha tout de même un léger sourire au jeune homme. Même si elle le voulait, Coleen n’arrivait pas à être totalement méchante, et c’est bien là qu’il reconnaissait celle qu’il aimait. Mais très vite, le taxi s’immobilisa devant un immeuble que Pete connaissait par cœur. Et pour cause, il avait passé pas mal de temps ici, et avait même du entrer en mission commando pour poursuivre un cambrioleur qui s’était introduit chez Coleen. L’irlandais hésita quant à la marche à suivre, mais en voyant Coleen chanceler après qu’elle soit sortie de la voiture, il se décida. Remerciant et payant le chauffeur, Pete s’extirpa du taxi et en fit le tour en vitesse pour prendre le bras de Coleen et ainsi l’aider à avancer vers l’entrée de son appartement. L’irlandais avançait en silence, soutenant fermement son ex-petite amie et évitant toute remarque qui pourrait paraitre désobligeante. Peter se souvenait du code de la porte d’en bas, et il le composa sans rien demander, laissant ainsi Coleen entrer dans l’immeuble. L’étape suivante fut de loin la plus périlleuse : la montée des escaliers. Jamais elle ne lui avait parut aussi longue, et Pete ne pouvait pas se permettre de lâcher la jeune femme une seule seconde, sous peine de la voir débarouler les marches jusqu’en bas.

Ce n’est qu’en arrivant devant la porte de l’appartement que Peter s’autorisa à souffler. En s’assurant qu’elle pouvait prendre appui contre le mur au cas où, il lâcha Coleen et la laissa se débrouiller avec son sac, dans l’espoir qu’elle en sorte un trousseau de clés qui leur permettrait d’entrer et ne pas finir la nuit sur le paillasson.

Coleen aurait très bien pu lui dire exactement ce qu’il voulait entendre, lui dire qu’elle ferait attention à elle à l’avenir mais ça aurait été lui mentir. Or, elle n’avait pas particulièrement envie de mentir. C’était peut-être le truc de Peter ça mais en tout cas, ce n’était pas celui de la brune. Et puis si en plus elle pouvait l’énerver un peu au passage, c’était un bonus. Elle semblait y arriver tellement bien ce soir. « Je ne rigole pas… C’est pas une solution. » La jeune femme soupira. Ca tombait bien qu’il ne rigolait pas, parce qu’elle non plus. Quant au fait que ce n’était pas une solution, elle n’avait certainement pas besoin de lui pour l’éclairer à ce propos. Elle le savait déjà, elle s’en moquait juste. C’était aussi simple que ça. « Ca m’est égal. » répondit-elle simplement, le regard fixé sur la rue au dehors. « Et puis de toute manière c’est pas ton problème, je fais ce que je veux. » Oui voilà, il n’avait donc rien à dire. Elle avait conscience de ne rien faire d’autres que de dire des phrases toutes faites pour sa défense mais elle ne trouvait rien à répondre d’autres à la place. Sûrement parce qu’au fond d’elle-même, elle savait qu’il avait raison et qu’elle ne faisait rien d’autres que de se faire du mal en agissant de cette manière.

Après l’avoir remercié (elle n’arrivait toujours pas à croire qu’elle ait pu faire ça), Coleen cessa de prêter la moindre attention à Peter. Elle avait posé sa tête contre la vitre à côté d’elle et se sentait bercé par la voiture qui avançait dans la ville. Si le trajet avait duré un peu plus longtemps, elle aurait sûrement pu finir par s’endormir mais la voiture s’arrêta bientôt devant son immeuble. Sans lancer le moindre regard au jeune homme ni lui adresser la parole, la jeune femme sortit lentement du taxi. Elle n’avait plus qu’à aller jusqu’à chez elle, ce n’était pas grand-chose franchement, elle pouvait très bien y arriver toute seule. Enfin, il fallait croire que non, elle avait de la peine à avancer, si bien que Peter ne mit pas longtemps avant de la rejoindre pour l’aider. Elle aurait pu le repousser mais ça lui aurait demandé bien trop d’énergie. En plus, elle avait vraiment hâte de rentrer chez elle maintenant alors si elle devait se résoudre à accepter l’aide du jeune homme pour y arriver, tant pis. Il tapa le code de l’immeuble et ils entreprirent ensuite de monter les escaliers. Quelque chose qui pouvait paraître si anodin fut loin d’être aussi aisé vu l’état dans lequel était Coleen. Cela tenait presque du miracle qu’ils arrivent jusqu’en haut sans problème. Arrivée devant sa porte, il ne restait plus à Coleen qu’à trouver ses clés. Encore une fois, cela demanda un certain temps à la jeune femme mais elle finit quand même par sortir le trousseau de clé de son sac, victorieuse. Elle n’essaya même pas d’ouvrir la porte elle-même, se contentant juste de tendre les clés à Peter, toujours en silence. Après qu’il ait ouvert la porte, Coleen fit un pas vers l’intérieur et hésita un peu. Elle était censée faire quoi maintenant en fait ? « Euh… je devrais pouvoir aller jusqu’à ma chambre toute seule. » Ou pas mais au pire, elle était chez elle donc ça ne faisait rien.

Même si leur chemin avait été semé d’embuches, et ce à cause de l’état alcoolisé de Coleen, les deux jeunes gens arrivèrent finalement à hauteur de l’immeuble de la jeune femme. Pete ne regrettait pas d’être intervenu ce soir, car il savait que sans ça, il serait probablement arrivé quelque chose de mal à Coleen. Mais il devait bien avouer qu’elle n’était pas tendre avec lui, et qu’à chaque fois quelle ouvrait la bouche, il craignait de se prendre une nouvelle gifle, une nouvelle pique qui le blesserait un peu plus que les précédentes. En réalité, il ne s’était pas vraiment attendu à ça. Même s’il se doutait ne pas être le bienvenu auprès d’elle, le fait qu’elle lui ait téléphoné lui avait laissé un brin d’espoir. Mais visiblement elle le détestait, et s’évertuait à le lui faire comprendre. Et plus le temps passait, moins Peter mettait la faute sur l’état d’ébriété de la jeune femme.

L’ascension des escaliers fut proche du calvaire pour lui comme pour elle. Elle trébuchait, vacillait et semblait défaillir à chaque marche. Pete, de son côté, devait contrebalancer le moindre de ses mouvements, la soutenir et éviter qu’elle ne s’écroule sur lui. Mais tant bien que mal, il parvint à la hisser à l’étage et la « déposa » devant sa porte d’entrée. Après des recherches un brin chaotiques, Coleen finit par sortir un trousseau de clé de son sac, trousseau qu’elle tendit immédiatement à un Peter surprit. Comme si elle abandonnait avant même d’avoir essayé, elle s’en remettait une nouvelle fois à lui pour qu’il lui ouvre sa propre porte. Sans un mot il se saisit de la clé, et ouvrit la porte avant de se décaler pour la laisser passer, chose qu’elle fit sans même lui accorder un regard. Néanmoins, elle s’arrêta rapidement et sembla hésiter.

« Euh… je devrais pouvoir aller jusqu’à ma chambre toute seule. » Peter aurait pu sourire, la saluer, et partir. Mais au lieu de ça, il laissa échapper un long soupir en braquant ses yeux perçants dans ceux de Coleen. Le jeune homme ne savait pas exactement comment exprimer ce qu’il ressentait à ce moment précis. En fait, lui-même n’était pas certain de ses sentiments et ses impressions à la suite de cette soirée. Il n’était sûr que d’une chose : la laisser comme ça, la quitter sur le pas de la porte le rendrait coupable. Alors il s’empara de la clé restée dans la serrure, et se fraya un chemin aux côtés de Coleen afin d’entrer dans l’appartement, même s’il n’y avait pas été invité. Derrière eux, il referma la porte et alla déposer la clé sur un des meubles de l’entrée. Pete revint ensuite près de la jeune femme, et posa une main sur sa hanche avant de l’entrainer vers sa chambre ne la soutenant comme il l’avait fait toute la soirée.

Lorsqu’ils arrivèrent dans la pièce, Peter aida Coleen à s’asseoir sur le lit, et après quelques instants d’hésitation, s’installa près d’elle. Une fois de plus, il plongea son regard dans celui de la jeune femme même s’il savait pertinemment que ce geste le troublerait, comme à chaque fois. « Coleen… » murmura-t-il sans bien savoir pourquoi. Malgré lui, il se saisit de la main de sa voisine, et avoua à demi-mot tout en baissant les yeux : « Tu me manques. »

Après avoir hésité sur ce qu’il convenait qu’elle dise maintenant, Coleen avait prit le parti de déclarer qu’elle pouvait se débrouiller seule maintenant. C’était presque la vérité ça. Et puis, de toute manière, elle se serait mal vu lui demander son aide ou encore l’inviter à entrer. Ca aurait été totalement contraire à la manière dont elle agissait depuis le début de la soirée. Enfin, malgré ce qu’elle venait de dire, il ne l’écouta pas. Pour changer. Il ne l’avait pas écouté une seule fois dans la soirée, lui imposant sa présence encore et encore. C’était quoi son excuse maintenant ? Encore tout à l’heure, il pouvait prétendre être inquiet pour elle ou vouloir être sûr qu’elle rentre bien chez elle. Mais là, elle était chez elle. Elle ne fit néanmoins pas la moindre remarque à ce propos. Elle se contenta de le regarder récupérer la clé, fermer la porte et aller poser la clé sur un meuble. Il pouvait bien rester s’il le voulait après tout, ça lui était complètement égal en fait.

Avec le soutien de Peter, Coleen put arriver jusque dans sa chambre sans trop de problème. S’il était parti, elle n’aurait sûrement pas eu la force de dépasser le canapé. Ca n’aurait pas été bien dramatique, il était confortable son canapé. Mais bon tant qu’à faire, son lit était quand même mieux. Il l’aida alors à s’assoir sur le lit en question. Son regard croisa alors celui du jeune homme et elle finit par détourner la tête. Elle ne pouvait pas croiser son regard comme ça sans que ça lui fasse mal, sans qu’elle se souvienne quand tout allait bien entre eux et qu’elle aimait lire dans ces yeux ce qu’il ressentait. «Coleen… » Il attrapa alors la main de la brune et celle-ci posa à nouveau son regard sur lui. « Tu me manques. » Sans aucun doute, elle aurait préférait qu’il ne dise rien. Elle préférait croire qu’il se moquait complètement d’elle à présent, c’était plus facile pour elle de lui en vouloir quand elle croyait ça plutôt que quand il lui disait qu’elle lui manquait. « Toi aussi Peter. » Elle n’aurait pas du lui dire ça, elle le savait mais c’était sorti tout seul. Elle aurait tellement aimé plutôt prétendre le contraire, lui dire qu’il ne lui manquait pas. Mais c’était faux, il lui manquait plus que tout et elle avait besoin de lui. En l’espace de quelques mois, il avait pris tellement d’importance dans sa vie… Et puis, ça avait été mal et ils en étaient arrivés au point où ils étaient aujourd’hui. Il n’y avait aucune raison pour que les choses changent maintenant et elle devait se débrouiller pour qu’après cette soirée, elle ne se sente pas plus mal qu’elle ne l’était déjà. Coleen retira sa main et s’éloigna un peu du jeune homme. « Je suis fatiguée… »

Sans savoir comment n’y pourquoi, il n’avait fallu que quelques secondes à Pete pour qu’il déraille, qu’il craque et qu’il avoue à Coleen qu’elle lui manquait. Il avait tenu toute la soirée, alors que leur proximité avait mis ses nerfs à l’épreuve et que les réflexions qu’il avait encaissées ne laissaient aucun doute quant à l’opinion de Coleen. Mais comme ça, sans prévenir, l’irlandais avait lâché prise et avoué ce qu’il retenait en lui depuis des jours et des semaines entières. Après coup, Peter s’était figé. Ses yeux étaient restés braqués sur ceux de Coleen et il attendait sa réaction avec une certaine appréhension, voire même un peu de crainte. Il savait qu’il n’avait pas le droit de lui faire ça, il savait que ça la blesserait et ce même si elle était toujours complètement ivre. Mais Peter n’était pas parvenu à se taire, à s’empêcher de dire tout haut ce qu’il pensait tout bas. La chose était devenue bien trop lourde à porter pour lui, et il avait eu besoin de décharger tout ça sur quelqu’un. Malheureusement, c’était tombé sur la principale intéressée.

« Toi aussi Peter. » Le jeune homme resta d’abord interdit, un peu abasourdi sans saisir le véritable sens de ce qu’il venait d’entendre. En fait, il s’était attendu à tout sauf à ça. Après la démonstration que lui avait livrée Coleen depuis qu’il était arrivé, il n’espérait pas mieux que de se faire jeter avec pertes et fracas. Mais au lieu de ça, elle semblait s’être adouci et au lieu de s’en prendre à lui, elle lui avait confié ressentir la même chose. Ce manque qui rongeait l’irlandais depuis qu’ils avaient entamé leur petit « break » semblait être bel et bien présent des deux côtés. Et dans un sens, ça le rassurait. Même s’il ne se sentait pas encore tout à fait prêt à repartir pour une relation comme celle qu’ils avaient connue auparavant, et que Mia occupait toujours une partie de ses pensées, Pete se sentait apaisé. Mais ce moment presque hors du temps prit rapidement fin, alors même que Coleen retirait doucement sa main de celle de Pete. Il s’était peut-être fait des idées, et regarda avec déception ses doigts fins s’échapper sans qu’il ne puisse les rattraper. Son dérapage n’avait finalement pas servi à grand-chose, et lorsque la jeune femme lui avoua qu’elle était fatiguée comme pour se débarrasser de lui, il acquiesça sans bruit et se leva. « Je comprends… Je… je te laisse. Bonne nuit. » Peter s’approcha ensuite d’elle, s’attarda quelques instants à hauteur de ses lèvres, avant de se raviser et de déposer un doux baiser sur sa joue. Puis il quitta la pièce, doucement, pour la laisser s’endormir. Aux vues de son état, il ne doutait pas qu’il lui faille trois minutes à peine pour tomber dans un profond sommeil.

L’irlandais se dirigea vers la cuisine, puis s’arrêta en jetant un petit regard en arrière. Rien ne semblait bouger, et Coleen s’était probablement déjà effondrée sur son lit. Il pensa alors au lendemain matin, et à l’état dans lequel serait la jeune femme après une soirée visiblement aussi arrosée. Il alla donc remplir un verre d’eau, chercha quelques instants puis tomba sur un tube de cachets antidouleur qu’il emmena avec lui dans la chambre. En arrivant, il trouva une Coleen endormie et ne put empêcher un léger sourire de naître au coin de ses lèvres. Il déposa délicatement l’eau et les médicaments sur la table de chevet, puis s’installa au pied du lit. Pendant de longues minutes, il observa Coleen avec tendresse. Même dans cet état, même après ce qui venait de se passer, elle était toujours aussi belle. Et alors qu’il aurait du repartir chez lui, il posa sa tête contre le matelas, et tomba à son tour dans un profond sommeil, apaisé par le simple fait d’être près d’elle. Malgré sa position assise peu confortable, Peter ne se réveilla pas une seule fois jusqu’au lendemain matin…

Coleen regrettait ses paroles et sa faiblesse. Vraiment. Elle avait le droit de penser tout ça mais sûrement pas de le lui montrer. Il avait déjà bien trop d’emprise sur elle. C’est pour ça qu’elle avait choisi le premier prétexte venu pour mettre fin à toute discussion. Ca n’en était même pas un en fait, elle était vraiment fatiguée mais ça l’arrangeait bien là tout de suite. « Je comprends… Je… je te laisse. Bonne nuit. » Il déposa un baiser sur sa joue avant de quitter la pièce. Une fois qu’elle fut assurée qu’il avait bien quitté la chambre, Coleen s’allongea sur son lit et ne mit guère longtemps avant de trouver le sommeil.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux le lendemain, Coleen fut aussitôt aveuglé par la lumière du jour. Elle referma les paupières presque aussitôt et laissa échapper un grognement : quelqu’un devrait vraiment penser à baisser la lumière du soleil. Elle resta un moment immobile, les yeux fermés. Inutile de préciser qu’elle était loin de se sentir très bien ce matin, elle avait l’impression que sa tête allait exploser et que le moindre mouvement allait la tuer, tellement cela lui demandait d’effort. La soirée de la veille avait encore été très difficile. Finalement, elle finit par rouvrir les yeux, plus lentement cette fois ; elle avait terriblement besoin d’aspirine histoire de soulager ne serait-ce qu’un peu son mal de tête. Son regard se posa alors un peu plus loin, là où se tenait Peter. Elle cligna des yeux histoire de voir si ce n’était pas une hallucination mais le jeune homme était toujours là à la même place, endormi. Elle le fixa un moment et chercha à se souvenir exactement comme il avait bien pu finir ici. Malgré son été d’ébriété bien avancé de la veille, elle ne mit pas longtemps à se rappeler vaguement le plus important. Elle l’avait appelé. Elle l’avait appelé complètement bourrée et il était venu la retrouver dans le bar. Oh mon dieu, pourquoi avait-elle fait ça ? C’était sûrement une des pires idées qu’elle ait put avoir dans sa vie. Sans rien exagérer bien sûr. Il l’avait raccompagné chez elle aussi après avoir insisté pour qu’elle quitte le bar avec lui, elle se souvenait bien n’avoir pas cessé de le repousser mais il n’en avait pas eu grand-chose à faire. Il devait sûrement vraiment ressentir le besoin de se donner bonne conscience. Il lui avait dit qu’elle lui manquait aussi, avant de partir. Enfin peut-être, elle n’était pas certaine de ça par contre, c’était peut-être dans un rêve.

Coleen sortit de son lit, toujours lentement. Elle ne savait pas trop quoi faire là tout de suite par rapport au jeune homme. Quelque chose lui disait qu’elle aurait sûrement dû le réveiller mais elle n’arrivait pas à s’y résoudre tout de suite. Elle avait d’abord besoin d’aspirine de toute urgence. Il y en avait sur la table de chevet. Tout était là, prêt, avec un verre d’eau. Tandis qu’elle prenait les médicaments, son regard se reposa sur Peter. Pas difficile de savoir à qui elle devait ça. Elle aurait sûrement du lui être reconnaissante pour tout ça mais en fait, Coleen se rendit compte qu’elle lui en voulait plus qu’autre chose. Se réveiller et le trouver là, au pied de son lit, c’était la dernière chose dont elle avait besoin en ce moment. Quant à l’aspirine, c’était le genre de petites intentions qui ne faisait que lui rappelait à quel point il pouvait lui manquer. Elle lutta un moment avec l’envie de lui lancer un coussin dans la figure pour le réveiller mais abandonna l’idée. Après ce qu’il avait fait pour elle, ça n’aurait quand même pas été très charitable comme manière de faire. Elle le secoua donc doucement. « Peter… réveilles-toi. » Elle le regarda ouvrir les yeux et le laissa quelques minutes se réveiller tranquillement avant de lui poser la question qui la taraudait depuis qu’elle vu il y quelques minutes. « Qu’est-ce que tu fais encore là ? »

A aucun moment Peter n’avait voulu s’endormir là, au pied du lit de Coleen. A vrai dire, la situation était quelque peu pathétique : la dernière fois qu’il était venu ici, le jeune homme avait dormi DANS ce même lit, dans les bras de Coleen. Et le voilà désormais réduit à l’état de chien de garde. Mais pour tout ça, il ne pouvait pas blâmer son ex-petite amie puisque tout était de sa faute. S’il avait su lui faire confiance comme elle le méritait, s’il n’avait pas été aussi jaloux, aussi ridicule, il aurait pu dormir aux côtés de Coleen, une fois de plus. Mais au lieu de ça, la seule chose qu’il pouvait faire était de l’admirer pendant son sommeil. Et c’est précisément à cause de ça que Pete s’était assoupi dans la chambre. Après la soirée qu’elle lui avait fait passer, il n’avait pas résisté longtemps et avait laissé la fatigue l’emporter. Même si la position n’était pas spécialement propice au sommeil, elle ne sembla pas déranger Peter qui dormi sans jamais se réveiller jusqu’au matin. Même la lumière du jour, qui passait à travers la fenêtre, ne fut pas assez violente pour le tirer de cette torpeur dans laquelle il se trouvait.

C’est une légère pression qu’il sentit sur lui qui réveilla le jeune irlandais. Puis une secousse, et enfin une voix. Cette voix qu’il connaissait et qu’il aimait tant, et qui lui murmurait de se réveiller. L’espace d’un instant, Peter eut envie de sourire. En réalité, il s’imagina comme avant… En couple avec Coleen, se réveillant à ses côtés, sur le point de la prendre dans ses bras. Mais au moment où il ouvrit les yeux, la réalité le rattrapa plutôt brutalement. Cette expression qu’arborait la jeune femme lui rappela instantanément qu’il venait de rêver, tout simplement. Ils étaient bien loin de vivre une idylle, et n’étaient même plus en couple. Peter grogna et lança un regard tout autour de lui avant de se frotter les yeux. La clarté de la chambre lui fit plisser les yeux, mais il s’y habitua peu à peu et reporta son attention sur Coleen. « Qu’est-ce que tu fais encore là ? » Cette fois, le décor était définitivement planté, et Coleen aurait difficilement pu le réveiller avec moins de sympathie. « Je… j’en sais rien. » répondit-il complètement mal à l’aise, en passant une main dans ses cheveux et en se redressant un peu. « Je voulais pas… rester ici. Désolé. » En y réfléchissant, Pete concevait que le faut d’avoir un homme endormi au pied de son lit pendant toute une nuit pouvait être un brin effrayant. A ce moment précis, il se sentait juste ridicule et s’en voulait énormément d’être resté.

Peter se releva en évitant un peu de regarder Coleen dans les yeux, puis se racla la gorge. En voyant le verre d’eau vide sur la table basse, toute la soirée de la veille lui revint à l’esprit. Peter posa alors un regard à demi inquiet sur Coleen, et demanda timidement : « Comment tu te sens ? » Du même coup, le jeune homme se demanda si la jeune femme avait oublié ou non cet épisode de fin de soirée, celui où ils s’étaient tous les deux avoué qu’ils se manquaient juste avant que Coleen ne fuit en prétextant être fatiguée. Et dans le doute, Peter décida de se taire, en la laissant en venir aux faits toute seule.

Coleen trouvait qu’elle s’y était prise très gentiment pour réveiller Peter étant donné le choc qu’elle avait eu en le trouvant au pied de son lit. Elle était vraiment trop aimable parfois. Malgré le fait qu’elle soit vraiment pressée de le voir partir – encore, elle lui demanda quand même ce qu’il faisait encore là en guise de bonjour. Maintenant qu’elle y pensait, si les cas avaient été inversés, elle se serait sûrement sentit agressée dès le matin. Mais les cas n’étaient pas inversés, elle se moquait donc pas mal de ce qu’il pouvait bien en penser. « Je… j’en sais rien. » La brune fronça les sourcils. C’était elle qui avait trop bu hier soir et pourtant, elle se souvenait de presque tout alors ça lui paraissait plus qu’étrange qu’il ne sache pas ce qu’il faisait encore là. En tout cas, Peter ne semblait pas vraiment à l’aise là. Et heureusement d’ailleurs. « Je voulais pas… rester ici. Désolé. » Elle le regarda, toujours perplexe. S’il ne voulait pas rester ici, raison de plus. Elle n’arrivait vraiment pas à comprendre. Et puis en plus, réfléchir à ça lui faisait trop mal à la tête. « Ouais… C’est vrai que c’est compliqué d’aller jusqu’à la porte d’entrée pour partir.» dit-elle d’un ton moqueur. Elle était un peu injuste, il avait été très gentil déjà de la raccompagner jusqu’à chez elle et tout. Mais bon, ce n’était pas comme si elle le lui avait demandé non plus.

Le jeune homme finit par se relever et Coleen laissa échapper un soupir de soulagement. Il allait peut-être enfin partir. Après ça, elle n’aurait plus qu’à faire de son mieux pour effacer l’épisode de la veille de sa mémoire. Un jeu d’enfant quoi. « Comment tu te sens ? » La réponse à cette question tenait en trois lettres : mal. Parce que même si elle mettait de côté le mal de tête, elle avait tellement honte. Honte de l’avoir appelé, de s’être mis dans un état pareil devant lui, de s’être comporté comme une sale gamine de six ans et surtout, elle avait honte de lui avoir avoué qu’il lui manquait. Même si ça, elle n’était toujours pas sûre que ce soit vraiment produit. C’était tellement flou mais ça avait l’air réel quand même. Elle aurait sûrement pu lui demander, il devait bien savoir lui mais elle n’en avait aucune envie. Et puis, il ne savait pas ce qu’il faisait encore là alors bon, il pouvait tout aussi bien avoir ‘oublier’ ça puisque ça devait l’arranger. Elle se décida finalement à répondre à sa question. « Bien, je me sens très bien. » Inutile de préciser que c’était un mensonge. Mais ce n’était sûrement pas en sa présence qu’elle allait montrer à quel point ce qu’elle disait était faux. Elle ne le montrait à personne alors elle n’allait pas commencer avec lui. « C’est une belle journée en plus. » dit-elle d’un ton détaché en montrant la fenêtre. C’était ridicule, sûrement plus encore que son comportement de la veille. Mais elle ne voulait pas reparler de ça. En fait, elle souhaitait toujours la même chose, que Peter s’en aille mais elle ne savait pas trop comment lui faire comprendre ça sans avoir l’air trop impolie et passer pour la méchante.

Peter n’était pas spécialement ronchon, même de bon matin. Il n’était pas un de ceux à qui il ne fallait pas adresser un mot lorsqu’ils venaient de se réveiller par exemple… Certes il n’était pas très bavard ni dynamique tout de suite, mais il avait au moins la capacité de rester calme et posé, c’était dans son tempérament. Mais quoi qu’il en dise, le réveil qu’il venait de vivre avait été particulièrement violent, inattendu et déstabilisant. Il eut peine le temps de s’excuser que Coleen lui lançait déjà une nouvelle pique. Et sans qu’il ne sache pourquoi, celle-ci fut bien plus blessante que tout ce qu’il avait pu entendre la veille. Elle l’avait appelé (peut-être inconsciemment, ça il n’en savait rien) et il était venu. Il l’avait aidée à sortir de ce bar miteux, lui avait trouvé un taxi, l’avait raccompagnée chez elle et avait même craqué au point de lui avouer qu’elle lui manquait. Mais tout ça ne semblait avoir aucune espèce d’importance aux yeux de la jeune femme qui s’évertuait à l’enfoncer un peu plus à chaque fois qu’elle en avait l’occasion. « Ouais… C’est vrai que c’est compliqué d’aller jusqu’à la porte d’entrée pour partir. » Cette fois, elle avait gagné. Vexé, Peter fronça les sourcils et planta un regard bien plus dur que ce qu’il ne l’aurait souhaité sur elle.

Cependant, il avait beau lui en vouloir de le traiter comme elle le faisait, Pete n’en restait pas moins inquiet et bienveillant avec Coleen. Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, elle était toujours cette fille dont il était amoureux, et un seul de ses regards suffisait à apaiser sa colère. Mais plus leur entrevue avançait, plus l’irlandais avait la désagréable impression qu’on se moquait de lui. Coleen prétendit d’abord qu’elle allait bien alors que tout dans la tête qu’elle faisait criait le contraire. Puis elle tenta plus ou moins habilement de détourner la conversation sur le temps qu’il faisait dehors. Et au lieu d’avoir un effet positif, cette simple phrase suffit à faire baisser les bras de Peter. Il était de trop, et ce depuis qu’il avait débarqué au bar. Il s’était mis en tête qu’elle avait besoin de lui, qu’il pouvait une fois de plus jouer les preux chevaliers au secours de Coleen, mais visiblement il s’était trompé. Cet instant où il lui avait avoué que son absence le tuait ne devait être qu’un vague souvenir empreint d’alcool aux yeux de la jeune femme qui ne rêvait que d’une chose : qu’il la laisse tranquille. Et même s’il fit ce geste la mort dans l’âme, Pete daigna se lever. Ils auraient pu prendre un petit-déjeuner ensemble, ne serait-ce qu’un café, mais cette envie évidente qu’avait Coleen de le voir déguerpir lui ôta le courage de faire une quelconque proposition de ce genre. Puisqu’elle ne voulait plus de lui, il s’en allait. En la regardant à peine pour ne pas risquer de se perdre une fois de plus dans ses grands yeux. En se contentant d’un « J’y vais » ridiculement impersonnel. Comme s’ils ne signifiaient déjà plus rien l’un pour l’autre. Peter était vexé, blessé, mais malgré tout bien décidé à ne plus remettre les pieds dans cet appartement avant très longtemps.