Quand elle était petite, elle s'était fait souvent punir pour une même chose récurrente : elle n'avait aucune compassion. Elle avait tendance à dire tout ce qu'elle pensait, que cela soit plaisant ou non, ce qui l'avait amené à souvent se retrouver dans le bureau du directeur. Elle se rappelait particulièrement d'une conversation qui avait en quelque sorte scellé celle qu'elle était devenue par la suite : "Un jour, il faut grandir et apprendre à parler en réfléchissant, comme un adulte". A cette époque, elle avait alors refusé de grandir pour continuer de parler librement, sans avoir besoin de mâcher ses mots. En se faisant cette promesse, elle avait inconsciemment empruntés la même direction que sa mère bien des années plus tôt.

Le sourire aux lèvres, Isabella se retrouvait donc dans son magasin préféré de New York. Elle adorait venir ici pour pouvoir s'acheter tout ce qui lui faisait vaguement envie. Plus tôt ce matin (ce qu'elle ne ferait pas pour Nana), elle s'était rendue dans une œuvre caritative, ou un truc du style, l'endroit où les gens faisaient la fille pour manger parce qu'ils avaient pas de toit, bah elle y avait été, Nana l'avait obligée à "aider son prochain", donc elle y était allée avec une gueule de bois phénoménale, des lunettes noir sur les yeux et un mal de crâne du tonnerre et elle avait fait la seule chose qui lui avait paru charitable pour ces pauvres gens. Elle leur avait commandé des boites de déodorant à tous au bout d'une demi-heure et avait obligé les gens à en prendre et à en mettre. Mais évidemment, ça n'avait pas été au goût de Nana qui l'avait vachement engueulée pour manque de... elle ne savait plus trop quel mot avait utilisé sa sœur mais il n'était pas très compatissant envers sa personne. Alors qu'elle voulait juste aider... elle grogna, elle n'allait pas y retourner. Jamais. Puis la bouffe était même pas bonne quoi !

Alors pour compenser de sa matinée nulle à souhait, elle avait décidé de faire un truc qui lui plaisait réellement. Elle s'était retrouvé au rayon des enfants, avait attrapé une tiare pour la mettre aussi tôt sur la tête, elle avait trouvé une baguette magique qui faisait de la musique et elle sautillait de rayon en rayon attrapant tout ce qui lui donnait envie. Finalement, elle décida d'appeler la seule personne qui pouvait la comprendre et l'aimer malgré tout. « Mon petit chaton en pain d'épice ! » roucoula-t-elle dès que l'autre eut décroché son téléphone, elle lui donnait un nouveau surnom dès qu'elle lui parlait, elle trouvait ça drôle, après, savoir si c'était de son goût... avec le temps, il devait avoir l'habitude, du moins, pour sa santé mentale à lui, elle l'espérait. « Je suis au FAO Schwarz, ramène tes jolies petites fesses à moi, y a un nouveau sabre laser et j'ai besoin d'un compagnon afin de me battre avec, j'ai fait pleurer mon dernier adversaire et sa mère veut plus qu'on joue, c'te bitch mal baisée va ! » une mère qui passait juste à ce moment-là plaqua ses mains sur les oreilles de sa fille qui répétait sa phrase tout en rigolant, Isabella lui fit un clin d’œil alors que la mère s'éloignait à grand pas. Et après on espérait qu'elle devienne ainsi un jour, elle grimaça, elle vivante avec une minimum de réflexion jamais ! « Donc ma petite brise du printemps, je t'attends » ajouta-t-elle avant de faire un bruit sonore de baiser dans son téléphone et de raccrocher sans préambule, ne jamais laisser le temps aux gens de protester, c'était une sorte de plan qui marchait la plupart du temps.

Le truc avec Nemo c’est qu’il avait hérité de son vrai père. Etalé dans son canapé, manette entre les mains dézinguant du zombie avec un air blasé, comme s’il avait fait ça toute sa vie. Son beau père lui avait souvent reproché son manque d’activité, on ne pouvait pas lui en vouloir, capitaine de l’équipe de foot au lycée et à l’université, il avait ensuite été embauché comme premier assistant du patron du grande entreprise New Yorkaise avant d’en devenir le patron, normal qu’il ait voulu faire de Nemo un fils exemplaire, sauf que lui en avait décidé autrement. Faire du sport ? Quelle horreur. Le club informatique de l’école avait été bien plus intéressant. Et s’il ne dirigeait pas une grande firme de la ville, son métier de programmeur lui suffisait amplement et subvenait parfaitement à ses besoins. Alors même si son beau père n’était pas fier de lui, il en connaissait un autre qui le soutenait totalement même s’il ne le voyait pas souvent.

Son portable sonna et c’est d’un geste mou qu’il tendit le bras pour l’attraper. En lisant le nom qui s’afficha, un sourire apparu sur son visage. Isa. Tout le ramenait à Simeone. Ce dernier avait été un très bon ami de la mère de la jeune fille. Et encore « très bon ami » était une faible expression, ils avaient surement dû faire toutes les conneries du monde ensemble, mais tout avait changé quand son père avait rencontré Lucy qui n’approuvait pas cette relation qu’entretenait les deux personnes. Pour elle, ça avait un côté malsain, puis Nemo est né et le choix pour Simeone fût cornélien, Lucy lui demanda de choisir entre elle et Andrea. Le jeune garçon n’en voulait pas à son père d’avoir préféré prendre la fuite dans un autre coin de la ville, au moins lui ne le jugeait pas. Bref, Nemo répondit à son téléphone et la voix enchanteresse d’Isa se fit entendre. « Mon petit chaton en pain d’épice ! » Petit rire de sa part, Nemo n’avait jamais su d’où lui venait son envie de lui donner des surnoms pareils, mais il adorait ça. Elle lui donna rendez vous dans un magasin, au mot « sabre laser » il se dit qu’il ne pouvait pas refuser, Star Wars l’emporterait toujours sur ses choix. « Pas de soucis. J’accepte d’être ton adversaire, mais attend toi à perdre ! » Aucune chance de gagner contre elle, mais il aimait gouter au gout de la victoire avant de se faire laminer comme une gamine de neuf ans. Nouveau surnom et elle raccrocha.

Il attrapa sa veste et se mit en chemin pour FAO Schwarz, pas besoin d’adresse, il savait très bien où se trouvait le magasin préféré d’Isa, c’était assez contradictoire d’ailleurs de savoir que son lieu favori était un magasin de jouet quand on savait que c’était la plus grande bitch de New York.
En entrant, il chercha des yeux une arme, pas besoin de regarder plus loin, comme elle l’avait, des nouveaux sabres laser lui faisait de l’œil dans le rayon qui lui faisait face. Ni une, ni deux, il en attrapa un et se mit en quête de retrouver son adversaire. Après quelques minutes, il aperçu de dos une fille brune, pas besoin de voir son visage pour savoir de qu’il s’agissait, il suffisait juste de reconnaitre ses petits sautillements. Nemo ouvrit le sabre laser et le pointa dans le dos de la jeune fille, imitant Dark Vador, il sortit la seule réplique connu de tous : « Je suis ton père ! »

Isabella n'était pas patiente, et elle s'ennuyait très (trop peut-être) vite. C'était assez dur pour elle de tenir en place, d'ailleurs, elle ne le faisait jamais, elle sautillait partout, se déplaçait, se cachait derrière des gros nounours et surgissait de nul part pour effrayer des enfants qui s'en allaient en pleurant. Et elle, morte de rire allait préparer un nouveau mauvais coup. Du moins, c'était jusqu'à ce qu'elle tombe sur une très très grosse peluche. Elle cligna des yeux avant de s'approcher de celle-ci et de la serrer dans ses bras. « Jésus ! » s'exclama-t-elle émue. Petite, sa mère avait été énormément absente, trop sans doute et ça lui avait quelque peu déglingué pas mal de chose dans le comportement relationnel avec les gens, et durant des années, celui qui avait bercé son enfance avait été sa peluche, Jésus. Enfant, elle avait crû qu'il était son père. Oui, c'était étrange, et oui, il fallait être vachement tordu pour le penser, mais en même temps, dès qu'elle avait été en âge de poser des questions sur son papa, sa mère lui avait toujours raconté que son père s'appelait Jésus... et comme sa plus vieille peluche avait le même prénom... elle avait fait un lien qui n'aurait jamais dû se faire. « Si tu savais comme tu m'as manquée ! » souffla-t-elle dans le cou de la peluche en le serrant un peu plus fort dans ses bras, petite, il était beaucoup plus grand qu'elle, aujourd'hui, il lui arrivait aux seins plus ou moins. Quand elle s'éloigna de quelque pas, elle avait un sourire enfantin sur le visage. « T'as vu comme j'ai grandi ? » s'exclama-t-elle comme un enfant tout excité, elle fit un tour sur elle-même comme pour appuyer ses dires. « Oui, je sais, j'ai un peu grossi... » finit-elle par dire tout en roulant des yeux et en tentant de prendre la graisse qui dépassait de son ventre tout en grimaçant. « C'est l'alcool, tu sais bien... » puis soudainement, elle se tut et le regarda honteusement. Elle s'humecta les lèvres avant de se remettre à parler « Est-ce que... enfin... tu m'en veux toujours ? Pour... enfin, tu sais, avoir essayé de te faire fumer et avoir fini par te mettre le feu ? » la peluche ne bougea pas évidemment mais Isa roula des yeux. « Combien de fois frauda-t-il que je te dise que c'était pas ma faute ! Que c'est toi qui m'a lancé le regard "moi aussi je veux essayer" et que c'est pour ça que j'ai voulu te faire essayer la cigarette ! » soupira la brune tout en secouant la tête, exaspérée. Puis elle se mit à sautiller autour de Jésus et elle lui plantait son sabre laser dans le corps. « Ne me m'accuse pas où je te découpe en deux ! TCHAK ! » et alors qu'elle continuait à "jouer", elle sentit une arme dans son dos et la voix de son meilleur ami s'éleva enfin. « Je suis ton père ! » Isa se retourna aussi tôt et se mit en position de défense, son sourire était carnassier, ses yeux brillaient d'excitation pas du tout contenue. « Je pensais que mon père c'était Jésus ! » sourit-elle avant de se mettre à tourner en rond. Elle fut la première à attaquer. Elle était toujours la première à attaquer. « Comment se porte mon petit Geek préféré ? » demanda-t-elle tout en reculant après avoir porté son coup. « T'es sûr que tu veux te battre, on sait tous les deux comme le sport et toi ça fait deux ! » se moqua-t-elle un sourire en coin.

Isabella commença à tourner autour de lui après qu’il eu dit sa fameuse réplique, Nemo se mit alors les mains devant le visage, lâchant son sabre laser, il était un Jedi puissant juste devant sa Wii.
Même pour jouer, il n’avait su se battre, victime à l’école, il s’était toujours servi de ses mains pour se protéger et ça n’avait jamais marché. Rentrant de classe avec un œil au beurre noir ou bien des ecchymoses un peu partout. Son beau père l’avait souvent traité de gonzesse à cause de son comportement, mais le jeune homme n’y pouvait rien, il était un pacifiste dans l’âme, enfin, il aimait se qualifier comme ça au lieu de se dire qu’en fait il était peureux.
Avec ce comportement, il s’était attiré la sympathie des filles, toutes croyant qu’il était homosexuel, continuant alors d’être la cible des mecs. Alors que Nemo était juste l’un des rares garçons à être gentil avec tout le monde, un peu naïf sur les bords. En grandissant, il avait juste fini par comprendre qu’il n’avait pas pas besoin de changer pour plaire à certaines personnes, si ça ne plaisait pas à des gens qu’importe, il avait des amis sur qui compter, comme Isa qui était complètement cinglé et qu’il adorait plus que tout au monde.

Il avait fermé les yeux un instant, le temps qu’elle arrête de tourner autour de lui en fait, craignant un nouveau coup. Puis sa voix lui vint aux oreilles quand il lui demanda comment il allait, il ouvrit un œil puis l’autre et constata qu’elle avait cette tête de petit chat heureux tout en se tenant devant lui. « Tout va bien. Je continue de faire ce que je fais d’habitude, ‘fin la routine quoi. Et toi ? ».
Le sport et lui faisait deux, il ne pouvait pas riposter à ça, Isa le connaissait par cœur. Nemo avait toujours été le gamin que l’ont choisi en dernier dans l’équipe, celui qui s’essouffle le plus, celui que les filles ne regardent pas car il fait fonctionner son cerveau plutôt que ses muscles. Mais, pour s’amuser, il était prêt à se battre contre le Diable lui-même et dans tout les cas, le Diable c’était Isa. Il la regarda avec un sourire de héros. « Je vais t’écraser comme une mouche, prépare toi ». Sur ses mots, il attrapa une peluche derrière lui et lui envoya dans la tête et s’en alla en courant.