Phoenix descendit tant bien que mal de son scooter, les sourcils froncés. Il avait chaud, il avait mal au crâne et la lueur du réverbère lui terrassa le regard, si bien qu’il vacilla sur le côté et se rattrapa in extremis. Un peu plus et il se retrouvait étalé au beau milieu du trottoir. Il soupira longuement, regardant autour de lui sans pour autant trouver de point de repère. Il était pourtant persuadé que c’était là. Ça ne pouvait être que là. Il déambula sur quelques mètres, tentant de ne pas repenser à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Comme tous les soirs depuis un peu plus d’une semaine, Phoenix avait arpenté les bars de Manhattan, errant sans but précis. Ce jeudi soir, il avait malgré lui un peu trop forcé sur la vodka et en avait payé les conséquences : on l’avait foutu dehors à coups de pied, après qu’il ait balancé son verre sur le barman. Il ne regrettait rien. Après tout l’autre l’avait bien mérité, à le traiter d’ivrogne. Phoenix avait beau ne pas être parfait, il n’avait rien d’un ivrogne. Du moins, en théorie. Car depuis quelques jours, il avait du mal à se reconnaître. Il passait ses journées à s’assommer en enchaînant les joints et finissait les soirées à se saouler dans des bars mal fréquentés. Chaque seconde de sobriété était devenue un calvaire et même Bob Marley ne lui faisait plus aucun effet. C’était comme si ses paroles n’avaient plus de sens. Si bien que Phoenix avait fini par envoyer valser le CD lorsque ce cher Bob avait chantonné le célèbre ‘ every little thing’s gonna be alright’. Car non, rien n’était ‘all right’ dans la vie de Phoenix depuis quelques jours. Et il commençait sérieusement à péter les plombs.

Au bout de quelques minutes, Phoenix leva les yeux, trouvant enfin ce qu’il cherchait. Ca fameux immeuble. Il n’hésita pas une seule seconde et y pénétra d’un pas déterminé. Une vague de courage et de chaleur lui parcoururent le corps, certainement à cause de l’alcool ; et pourtant il avait toujours aussi mal à la tête. Et il n’en pouvait plus de cette douleur, de cette confusion, de ce joyeux bordel qui lui obstruait les pensées et lui envahissait le cerveau. Il était littéralement à bout de nerfs et il monta les marches à toute vitesse, avec une agilité impressionnante quand on savait tout ce qu’il avait bu avant. Finalement il arriva sain et sauf en haut, et regarda la porte durant un long moment. Peut-être qu’elle n’était pas là. C’était la meilleure chose à espérer, en somme. Même si cela faisait près de huit jours qu’il ne pensait qu’à cette porte, il savait pertinemment que la meilleure chose à faire était de ne jamais y frapper. Mais c’était plus fort que lui. Sa raison s’était envolée à mesure qu’il enchaînait les verres, et maintenant il était là. C’était le moment ou jamais. Il frappa une fois, puis deux, et finalement il tapota vigoureusement contre la paroi. Peut-être qu’elle n’était pas là. Il se décida à attendre, car de toute manière il ne se sentait pas prêt à faire demi-tour. Le jeune homme soupira de nouveau, sentant son cœur se mettre à battre à toute vitesse. Il avait tellement envie que la porte s’ouvre. Et elle s’ouvrit, dévoilant une silhouette féminine à moitié reveillée. Phoenix se rappela subitement qu’il devait être aux alentours de quatre heure du matin, peut-être moins, peut-être plus. A vrai dire il n’avait aucune idée de l’heure, mais à voir la tête de Sweva, il songea que c’était l’heure de dormir. Dès lors qu’elle posa son regard sur lui, une vague de gêne et de honte lui envahirent l’esprit. Il savait qu’il n’était pas très beau à voir, il devait sentir l’alcool, et l’effet de la drogue se voyait parfaitement dans ses yeux rouges. Il ouvrit la bouche pour parler, et articula difficilement « Hey, bonjour, je … euh, je passais dans le coin et je … je me suis dit, tiens, pourquoi pas … C’est vrai ça, pourquoi pas ? Allez rendre visite à une cruche en pleine nuit, ça peut être cool. » Sa voix s’éteignit progressivement, songeant qu’il venait de dire la pire ânerie de l’histoire. Il n’était vraiment pas fier de lui. Une semaine qu’il attendait de la voir et qu’il n’en avait pas trouvé le courage, une semaine qu’il imaginait ce qu’il lui dirait, et voilà qu’il faisait tout foirer en lui balançant une vieille excuse pas du tout crédible. Il en avait marre d’être aussi lamentable. Il poussa un long soupir, et lança « Je peux entrer ? » Il croisa son regard, soupira encore et finalement il décida qu’il n’attendrait pas de réponse. Il s’engouffra sans son appartement en titubant à moitié, et se dirigea jusqu’à son canapé où il se laissa tomber dans un bruit sourd.

Allongé là, Phoenix se sentait déjà beaucoup mieux. Ca faisait un moment qu'il ne s'était pas assis, car à vrai dire il avait passé la majeure partie de la soirée/nuit à déambuler un peu partout dans les bars et dans la rue, et à présent, il se sentait épuisé. Comme s'il était au terme d'une longue aventure semée d'embuches, aventure dont il avait longtemps fui le but mais qu'il n'avait finalement pas pu éviter. Il avait fini par craquer, et maintenant il était là, étalé dans le canapé de Sweva de façon vraiment ridicule, mais il s'en foutait. Il se sentait vraiment très bien. Jusqu'à ce qu'elle prenne la parole. « Euh tu fous quoi là ? Tu crois que tu peux débarquer à n'importe quelle heure de la nuit comme une fleur et ce complètement défoncé ? Casse-toi. Tout de suite. Avant que je... Casse toi juste. » Phoenix se releva un peu, écarquillant les yeux pour regarder son interlocutrice. Elle portait un long t-shirt et ses cheveux tombaient sur ses épaules, un peu ébouriffés. Elle était clairement très énervée, et pourtant Phoenix le trouvait plus belle que jamais. Il cligna des paupières, sentant son cœur se serrer, puis fronça les sourcils. De quel droit lui parlait-elle comme ça ? Il n'appréciait vraiment pas qu'on le traite comme un moins que rien, mais pourtant il garda son sang-froid. C'était bien la première fois de sa vie qu'il ne partait pas au quart de tour. Au lieu de ça il se leva lentement du canapé, soutenant le regard de Sweva, puis se dirigea vers la porte. Il lança, sur un ton étonnamment calme « Très bien je m'en vais. » Il la quitta des yeux et marcha jusqu'à la porte. Une fois arrivé, il posa sa main sur la poignée, la pressa, attendit quelques longues secondes, puis se ravisa finalement. Il fit demi-tour, passant une main sur sa nuque. Il se sentait coupable, et en même temps haineux de se faire éjecter de la sorte. Au bout d'un moment il reprit la parole, en haussant un peu trop le ton « Tu sais quoi, en fait je ne m'en vais pas. Je suis pas défoncé, ok ?! Je vais très bien ! Et il est pas si tard que ça ! Il fronça les sourcils encore plus nettement et reprit, avec arrogance et ironie. Excuse moi, j'avais oublié que tu te couchais à l'heure des grand-mères ! Et puis t'as aucun droit de me parler sur ce ton, alors non, non, je me casserais pas ! » Il soupira longuement, défiant la jeune femme du regard. Son discours n'avait rien de très légitime et il était même plutôt exagéré. Après tout Sweva était chez elle, et elle pouvait mettre dehors qui elle voulait. Et puis, elle avait raison sur un point : il n'était pas dans son état normal. Il n'était peut être pas défoncé, mais il n'était pas sobre non plus, et dans d'autres conditions, il n'aurait jamais osé débarquer chez elle à une heure aussi avancée de la nuit.

Il la regarda longuement, tentant de peser l'impact des mots qu'il venait de lui lancer. La tâche s'avérait difficile. Dans l'état où il était, il avait du mal à analyser son comportement et à savoir s'il avait fait les bonnes choses ou non. Il se sentait surtout agacé, mais il savait cependant qu'il n'était pas prêt de partir. Il savait qu'il utiliserait chaque prétexte pour s'éterniser un peu. Sweva aurait beau l'assaillir de coup de pieds, le traiter de tous les noms, il savait qu'il ne partirait pas, tout simplement parce qu'il n'en avait pas envie. Arriver jusque ici avait été une épreuve et il ne pouvait pas gâcher tant d'efforts comme ça. Et puis, maintenant qu'il avait vu Sweva, il n'en avait plus la force. Il tenta d'éviter son regard, mais ne put faire abstraction de la chaleur qui lui envahissait le corps, cette force qui lui animait l'esprit et qu'il était incapable d'expliquer. Il lui avait dit qu'il l'appellerait. Et pourtant il ne l'avait pas fait. Chaque jour il avait composé son numéro, chaque jour il s'était dit que c'était une mauvaise idée et avait effacé ses tourments en allant se saouler dans le bar du coin. Au final il n'avait jamais pu l'appeler, déjà parce qu'il n'avait pas le courage d'affronter sa voix, et d'autre part parce qu'il n'était pas sûr de faire le bon choix en décidant de la revoir. Il n'était pas prêt à faire un tel pas vers elle. Pas prêt à ce que leur "égarement" prenne de l'importance et puisse un jour prendre du sens. Beau paradoxe pour un mec qui venait de frapper à sa porte au beau milieu de la nuit. « Et puis, il fallait vraiment que je te voie. » Il se demanda pourquoi il avait dit une chose pareille. Encore une fois il avait oublié de réfléchir avant de parler. Il n'avait jamais prévu de lui dire quoi que ce soit, ni même de venir ici. A vrai dire il avait juste suivi son instinct sans se poser de questions. Et voilà qu'il était là, lui déclarant sur un ton détaché qu'il avait besoin de la voir comme si c'était la chose la plus banale du monde. Il fallait vraiment qu'il arrête de boire.

Phoenix sentit ses yeux le brûler et il cligna plusieurs fois des paupières comme si cela allait y changer quelque chose. En vain. Sa vue était limitée, et en plus, il avait terriblement mal au crâne. Il était loin d'être au top de sa forme, si bien qu'il poussa un soupir, appuyant brutalement sa main contre le mur. Un soutien n'était pas de refus. Et ce n'était pas Sweva qui allait lui en donner un. « Je suis chez moi alors je te parle comme je veux. Et tu n'as pas l'air bien du tout, t'as une sale gueule de déterré, on dirait presque un zombie. » Sur ce point là, elle n’avait pas tort. Il se mit à ricaner nerveusement, peut être un peu trop d’ailleurs. Constatant la démesure de sa réaction, il se stoppa net. Il devait très certainement passer pour un con, mais c’était à peine s’il s’en rendait compte. Au lieu de ça, il continuait d’arborer sa mine d’imbécile et ne bougeait pas d’un poil. Car même si son cerveau, à cet instant précis, n’était qu’un immense et dense brouillard, il était certain d’une chose : il ne partirait pas. Il confronta son regard à celui de Sweva, espérant ainsi qu’elle saisirait sa détermination. Mais elle n’avait pas l’air très convaincue. Finalement il brisa le silence en lançant une phrase inappropriée et inattendue. Avait-il vraiment dit qu’il fallait qu’il la voie ? Sweva changea radicalement d’expression et Phoenix aussi, accablé d’avoir pu déblatérer de tels propos. Il avait encore du mal à croire qu’il avait dit ça. Est-ce qu’il était devenu fou ? Durant une seconde, il garda la bouche ouverte, sous le choc, puis tenta de reprendre un peu le contrôle de la situation. Belle ambition pour un gars qui venait de s’enchaîner huit verres de vodkas.

« Oh... Euh... Ah bon ? » Le truc rassurant, c’était qu’il n’était pas le seul a être étonné. Sweva semblait tout aussi bouleversée par ce qu’il venait de dire, mais visiblement elle était beaucoup plus maligne que lui pour rattraper la situation. « Tu étais en manque de mes draps ? » Ces fameux draps ! Il les avait oublié. Il sauta sur l’occasion pour dévier du sujet initial, rétorquant « Euh … tu ne les a toujours pas brûlés ? » Il fit une grimace, accablé par l’image de ses draps qui lui revenait à l’esprit, ces splendides motifs aux couleurs chaudes et folkloriques. S’il y avait quelque chose qui lui avait manqué, ce n’était sûrement pas ses draps. Il lui lança un sourire un peu hésitant, puis constata que Sweva en attendait plus de lui. Il se sentit vaciller, sachant très bien qu’il ne contrôlait plus tellement le flux de ses paroles à cet instant précis « Et je disais pas ça parce que … je voulais te voir, ou un truc du genre, enfin … C’est juste que, il fallait que … » Il fit une nouvelle grimace, puis reprit « Oh merde ! » Il s’avanca vers Sweva et haussa un peu le ton « Je sais que … je ne t’ai pas appelé, en fait, je comptais le faire et puis … j’ai eu un problème. J’ai un putain de problème Sweva ! » Il prit sa tête entre ses mains, puis lui tourna le dos, parlant un peu moins distinctement « En plus, ma mère me prend la tête à cause de toi, et maintenant … même mon père s’y est mis ! Et c’est un bordel total et … c’est entièrement à cause de toi si je suis un zombie ! » Il se mit à rire, sans trop savoir pourquoi. C’était surtout l’alcool qui avait provoqué ce comportement et à présent il ne le contrôlait plus vraiment. Il savait qu’il était sur le point d’exploser, de déverser toute cette pression, frustration et retenue devant Sweva. Déjà que d’ordinaire il avait du mal à se contenir … Avec tout ce qu’il avait bu il n’était pas prêt de garder son sang froid. Finalement il cessa de rire, devenant excessivement calme et un brin de mélancolie lui traversa le regard. Il n’aurait jamais cru être capable de changer d’expression aussi rapidement et sans raison. Il y avait vraiment quelque chose qui clochait chez lui.

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« Oh ça va dis leur qu'on a rompu, ce n'est pas si compliqué. » A peine eut-elle fini de parler qu’il rétorqua, sourcils froncés « Ben qu’est-ce que tu crois, c’est ce que j’ai fait ! Je leur ai dit, mais, tu connais pas ma mère, c’est la personne la plus tenace et têtue sur terre ! » Il la fusilla du regard, haletant d’avoir parlé aussi fort et aussi vite. Il ne savait pas s’il était furieux contre elle, contre ses parents ou contre lui-même, contre cette honte qui l’envahissait et cette sensation d’être un moins que rien. Il soupira violemment, détournant le regard. «Puis c'est de ta faute si t'es dans cet état, c'est pas moi qui t'ai forcé à boire, j'étais trop occupée à dormir comme une grand-mère... » Phoenix leva les yeux au ciel, agacé par ses propos. Certes, elle ne lui avait pas tenu la bouteille mais s’il était dans cet état, c’était entièrement de sa faute. Il avait toujours été un peu fêtard, mais pas au point de se saouler tous les soirs comme un ivrogne. Là, ça dépassait les limites et celle qui était derrière tout ça n’était autre que Sweva. Il lui lança un énième regard noir. Il lui en voulait de l’avoir rendu ainsi. Il lui en voulait d’être aussi désirable et méprisable à la fois. Et il lui en voulait par-dessus tout parce qu’elle avait réussi à trouver le sommeil, alors qu’il en était incapable. Son cœur se serra malgré lui et il se demanda comment elle faisait pour être aussi sereine et surmonter la situation de la sorte. Il se sentait terriblement faible car il savait qu’il n’était pas en mesure de reprendre le cours de sa vie comme si rien n’était arrivé. Quelque chose s’était bouleversé dans son esprit, quelque chose qu’il ne pouvait ni effacer, ni oublier, quelque chose qui s’était ancré en lui alors qu’il avait tout fait pour l’éviter. Alors non, il ne pouvait pas dormir comme un grand-père, peu importe ce qu’il faisait, peu importe ce qu’il buvait ou fumait, il avait la tête et le cœur en bordel et c’était plus fort que tout le reste. Sweva le tira de ses pensées «Ton problème c'est que tu ne sais pas lire l'heure, ni assumer ce que tu fais apparemment. »

Phoenix fronça les sourcils et grimaça quelque peu. Certainement parce qu’elle venait de toucher un point sensible. Il n’assumait pas et elle avait entièrement raison là-dessus. Depuis le début de leur ‘égarement ‘ il n’avait jamais assumé quoi que ce soit et s’était toujours défilé. Il avait été lâche et ridicule. Mais il préférait ne pas reconnaître la réalité car elle était bien trop douloureuse pour sa fierté. « J’ai aucun problème pour lire l’heure et j’assume parfaitement d’être là en pleine nuit pour te voir parce que … Il soupira. J’ai un problème, et mon problème est bien plus sérieux que ça ! Et c’est entièrement de ta faute ! » Il s’approcha d’elle et reprit « J’ai pas dormi depuis deux jours. Deux jours entiers. ! Et tu sais pourquoi ? Il la pointa du doigt d’un air accusateur . C’est à cause de … d’un espèce de rêve ou de cauchemar, je sais pas trop, enfin peu importe, mais tu dois savoir que ça me fait vraiment chier parce que … » Il soupira, puis croisa son regard et eut du mal à s’en détacher. Son ton redevint plus calme même s’il était loin d’être apaisé. A ce moment précis, Phoenix avait plutôt l’air d’être … animé, par une énergie indéfinissable. « Je me rappelle de chaque détail. Pourtant, je devais avoir sacrément fumé, mais à chaque fois c’était exactement le même rêve. » Son regard s’égara quelque part, hors du monde réel, tandis qu’il débutait son récit « J’étais sur une plage, au soleil, je sais pas vraiment où, mais c’était un truc paradisiaque, tu vois le genre. Ça sentait bon, ça sentait le soleil, le sud , exactement comme chez toi. Je sais vraiment pas ce que je foutais là, mais une chose est sûre, j’y étais, et tout à coup y avait ce foutu brouillard qui venait gâcher toute la vue. » Il agita ses mains comme pour illustrer la scène, puis reprit sur un ton un peu romanesque « Et paf, d’un coup, tout s’éclaire. Comme si Jésus allait descendre du ciel, Jésus ou Bob Marley enfin bref j’en sais rien. Le brouillard se dissipe et devant moi, il y a des femmes. Une centaine, peut-être plus. Elles marchent vers moi, elles forment une ligne où elles sont toutes côte à côte et déambulent en bikini, sorties tout droit d’une pub, les cheveux au vent. » Durant une seconde son regard croisa celui de Sweva, et un sourire se dessina sur ses lèvre. « C’était dément. Vraiment dément. Un rêve. » Puis son sourire se dissipa et il reprit son récit. « Et puis je me suis rendu compte que ces filles étaient toutes floues. Alors j’essayais de plisser les yeux pour mieux les voir, mais j’y arrivais pas. J’essayais de toute mes forces, mais j’y arrivais pas, Sweva, j’y arrivais pas. » Il marqua une pause, plantant son regard dans le sien « Tu sais pourquoi ? Parce que la seule chose que je voyais, c’était cette fille, en plein milieu, celle-là elle était pas en bikini, et elle marchait pas comme dans les pubs, non, elle riait comme une cruche en trébuchant tous les trois mètres. Il marqua une pause, se mordillant nerveusement la lèvre inférieure. C’était la seule que je voyais clairement, et j’avais beau vouloir détourner le regard, je n’y arrivais pas. Les autres étaient toujours floues. La seule qui était claire, c’était toi. Au milieu d’une centaine de filles, la seule que je voyais c’était celle qui n’avait même pas pris la peine de se foutre en maillot de bain, sous un soleil de plomb en plein mois d’août, la seule que je voyais, c’était toi. » Son récit s’arrêta là, alors qu’il prenait conscience de toute ce qu’il venait de dire. Comment avait-il pu en arriver là ? Comment avait-il pu se pointer chez elle au beau milieu de la nuit, dans un état pareil ? Il ne détacha pas son regard de Sweva, incapable d’ajouter quoi que ce soit.

« T'es bourré, ce... c'était qu'un rêve... » Phoenix osa croiser son regard mais cette fois-ci, ce fut-elle qui le fuya. Au fil de son récit, Phoenix avait saisi le sens de son rêve, comme si toutes les pièces du puzzle s’emboîtaient enfin. En regardant Sweva, il avait enfin compris. Lorsqu’il était éveillé, il passait son temps à refouler l’image de Sweva, en s’efforçant de penser à autre chose, si bien que lorsqu’il s’endormait et qu’il n’était plus maître de rien, Sweva lui revenait à l’esprit sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit. Parce que, même s’il avait prétendu pouvoir oublier tout ça, il n’en avait jamais été capable, et il n’était pas sûr de l’être un jour. C’était comme s’il était condamné à vivre avec ça, avec ces rêves et ces souvenirs insupportables. Lui qui était toujours maître de son être, qui n’avait jamais été soumis à quoi que ce soit. Toute cette histoire le dépassait. Tout ça, c’était plus fort que lui, plus fort que l’alcool, et même plus fort que Bob Marley. Et ça le tuait à petit feu. Chaque pas qu’il faisait pour s’éloigner de Sweva l’achevait un peu plus. Il était devenu un être faible et le destin s’acharnait contre lui, pour finalement le mener à cet endroit, toujours le même endroit. Près de Sweva. Plus il essayait de fuir et plus il revenait vite. C’était un combat perdu d’avance, alors ce soir-là, tout ce qu’il avait envie de faire c’était d’abandonner. Sweva prit de nouveau la parole et Phoenix la contempla sans broncher, attentif à son discours. La scène était un peu irréelle, et pourtant il parvint à saisir chacun de ses mots, et il s’autorisa même à ricaner lorsqu’elle évoca la scène du balai. Il souriait, il savait que c’était inapproprié mais pourtant il souriait comme un con. Parce qu’elle avait pensé à lui tous les jours. Sweva Scorza avait pensé à lui tous les jours.

« C'est de ta faute si tout a commencé, c'est de ta putain de faute. » Phoenix plongea son regard dans le sien. L’image de leur première soirée lui revint à l’esprit, il se rappella ce moment où ils avaient éclaté de rire, et lorsque, deux secondes plus tard, il l’avait embrassée. C’était comme ça que ça avait commencé. Ca avait commencé par un pied et un portable écrasé. Et puis maintenant ils en étaient arrivé là, dans ce qui semblait être une impasse, au milieu de nulle part. Phoenix baissa la tête. Il savait que tout ce bordel était de sa faute, mais pourtant il ne regrettait rien. Et puis même s’il avait fait le premier pas, il n’était pas seul dans l’histoire. Ils étaient deux, et c’était bien le problème. Car ni l’un ni l’autre ne semblait résolu à prendre une décision mature et sérieuse. Sweva reprit la parole, et Phoenix releva la tête, l’air consterné. « J'ai... Je n'ai pas réussi à te sortir de ma tête, et même quand t'es bourré et avec ta putain de mauvaise haleine je n'arrive pas à... résister. » Sans vraiment qu’il comprenne comment, Sweva avait posé ses mains sur ses épaules et s’était emparrée de ses lèvres. Il ferma les paupières et glissa ses mains contre son dos, l’attirant un peu plus à lui, puis il prolongea leur baiser avec douceur - du moins il essayait d’être doux - mais il perdit un peu l’équilibre et dut quitter ses lèvres à contrecoeur. Il reprit appui sur son autre jambe et reprit possession de ses lèvres avant même qu’elle réagisse, oubliant ce qu’ils venaient de se dire, oubliant qu’il était ivre et qu’il était quatre heure du matin. Finalement il quitta ses lèvres à nouveau et ils échangèrent un sourire. « Tu ne peux pas résister à un étalon pareil, et moi je ne peux pas résister à une cruche comme toi, même si tu as les draps les plus affreux de toute la terre. » Il lui lança un nouveau sourire, songeant qu’il avait vraiment trop bu pour dire une chose pareille. Il n’avait pas vraiment envie de penser au lendemain matin, quand tout redeviendrait clair et sérieux. Il profitait de ce moment où il avait encore le loisir de dire les pires conneries sans songer aux conséquences. Mais son mal de crâne le fit souffrir de nouveau et il grimaca de douleur. « Oula, je crois que j’ai besoin d’une aspirine. » Il se détacha de Sweva et décida de se rendre jusqu’à la cuisine même s’il n’avait aucune idée de l’endroit où elle rangeait ses médicaments -si elle en avait. Il tituba sur quelques mètres puis trébucha à moitié et se cogna le jambe contre un meuble, ce qui produisit un énorme bruit. Un cri s’échappa de sa bouche et il grimaca de nouveau, hésitant entre éclater de rire ou bien pleurer.

Phoenix ressentit une douleur insupportable et serra les dents pour ne pas se rouler par terre, et puis tout à coup, la douleur se dissipa et il jeta un regard assassin à Sweva qui venait d’éclater de rire. Ça n’avait rien de drôle. Il venait de exploser le genou, et elle osait se moquer de lui ? Il tenta de se redonner un peu de prestance en se redressant et en tirant sur son t-shirt légèrement froissé. Mais le mal était fait, il était ridicule et il le savait. Il réprima un sourire. « T'es sûre que c'était moi dans ton rêve qui tombait tous les trois mètres, c'était pas plutôt toi ? » Cette fois il leva les yeux au ciel et laissa échapper un rire grossier qui se voulait plutôt ironique. Au fond, elle avait raison de se moquer de lui,il était vraiment lamentable. « Je tombe pas ! C’est toi qui mets tes meubles en plein milieu de la pièce ! » broncha-t-il, sourcils froncés. Comment pouvait-il se tenir debout si des meubles lui obstruaient le passage comme ça ? C’était toujours de sa faute, il n’y avait qu’elle pour mettre des étagères à des endroits pareils. Mais il décida finalement de se taire, alors qu’elle se dirigeait vers la cuisine. Phoenix songea à s’appuyer quelque part, car sa tête tournait encore plus que tout à l’heure. Il posa sa main contre le mur, sauf que le mur s’avéra être une espèce de plante étrange, et il ôta sa main très vite, arrachant quelques feuilles au passage. Il se rappela que Sweva était fleuriste et que c’était donc normal pour elle d’avoir des plantes. Réflexion vraiment très intelligente. Finalement Sweva revint et il fit comme si de rien n’était, attrapant tant bien que mal le verre qu’elle lui tendait. Il avala l’aspirine et but le verre cul-sec, puis se débarrassa de celui-ci sans vraiment regarder où il le posait.

« Bon comme tu détestes tant mes draps et puis surtout tu pues trop, tu peux aller sur le canapé. Avec ton odeur normalement tu devrais dormir dehors, mais je suis d'humeur clémente. » Phoenix écarquilla les yeux, estomaqué après ce qu’elle venait de lui dire. Le canapé, lui ? Avait-elle perdu la tête ? « Non mais tu rigoles ?! Je viens de te dire que j’ai pas dormi depuis deux jours et tout ce que tu me proposes c’est un canapé pourri ? En plus je suis blessé là, aïe, tu vois bien ! » Il fronça les sourcils et prit une expression innocente et suppliante « Allez, promis je ronflerais pas ! Et je critiquerais pas tes draps ! » Il ne savait pas pourquoi il s’acharnait autant à s’incruster dans son lit, après tout le canapé était bien plus confortable que tous les endroits où il avait dormi quelques jours plus tôt. Mais ses pensées et ses paroles n’étaient plus tellement faciles à distinguer si bien qu’il disait un peu n’importe quoi et ce, sans s’en rendre compte. Et puis, il était presque sûr de pouvoir obtenir ce qu’il voulait, car après tout Sweva venait de lui dire qu’elle ne pouvait pas résister, même s’il sentait l’alcool à plein nez et qu’il se cognait aux étagères. Dans le pire des cas il ne lui demanderais pas son avis et irait s’étaler dans son lit : Sweva n’aurait jamais la force de soulever un poids pareil. Il esquissa un sourire malicieux et plongea son regard implorant dans le sien.

Visiblement son petit numéro de chien battu n'eut pas le succès prévu. Sweva était restée de marbre, le toisant avec un air qui lui fit comprendre à quel point il était ridicule. Phoenix ne cilla pas, prêt à lutter jusqu'à la mort dans ce duel de regard. Mais les minutes étaient longues et garder l'équilibre n'était pas une mince affaire. Tous ses sens étaient à leur concentration optimale et il sentait son cerveau s'embrumer, meurtri par tous ces efforts. Il n'allait pas tenir longtemps. Il fallait que Sweva dise quelque chose. Mieux encore, qu'elle accepte sa demande. Il avait vraiment envie de dormir, là maintenant, et après avoir passé des jours à errer comme un mec désespéré, il ne voulait pas dormir seul. Il avait trouvé le courage de venir jusqu'à elle, il méritait au moins de partager ses sublimes draps. Mais apparemment, la jeune femme n'était pas de cet avis. Pas du tout. « Oh pauvre chou, je dois me mettre à pleurer là ?» Phoenix lui lança un regard noir, outré qu'elle ose se moquer de lui comme ça. Elle avait vraiment de la chance qu'il soit aussi ... mal en point, et si peu disposé à lui rétorquer quoi que ce soi. Avec tout ce qu'il avait bu, il n'était pas vraiment en mesure de rivaliser avec elle car il avait perdu tout son répondant. Et cela semblait plaire à Sweva, qui ne lésinait pas sur les remarques cinglantes et le rembarrait avec malice. Il se contenta de l'ignorer, à vrai dire au bout d'une seconde il avait déjà oublié ce qu'elle avait dit. « Bon débrouilles toi, fais ce que tu veux, dors sur la table ou dans le frigo, mais tu n'iras pas dans mon lit. » conclua-t-elle, tout en quittant la pièce sans qu'il ait le temps de comprendre ce qui se passait. Il resta un instant à regarder droit devant lui, avec cette vision étrange de passer la nuit dans le frigo. Puis il secoua la tête en grimacant et jeta un oeil au canapé. Ce n'était pas beaucoup mieux. Frigo, canapé ou même trottoir, rien ne lui convenait ce soir. Il n'y avait qu'un seul endroit sur terre où il pourrait dormir, et il s'y précipita en faisant attention à ne pas tomber en chemin.

Après avoir fait un détour par la salle de bain, ayant perdu son sens de l'orientation, Phoenix revint sur ses pas et se posta juste en face de la porte de la chambre de Sweva. Il fronça les sourcils, posant les mains sur ses hanches comme s'il était face à un casse-tête. Au bout d'une minute, il haussa les épaules et poussa simplement la poignée, espérant que la porte s'ouvrirait. Mais c'était trop beau pour être vrai. Quelque chose faisait pression de l'autre côté, et en entendant des petits cris de lutte, Phoenix comprit que c'était Sweva qui lui bloquait le passage. Il décida de forcer de nouveau, donnant un coup d'épaule, mais rien n'y faisait. La porte ne bougeait pas, ou du moins, elle tremblait légèrement mais c'était tout et il n'était pas prêt de rentrer comme ça. S'il avait été un peu plus en forme, il aurait joué le policier en infiltration qui casse la porte d'un coup de pied magistral. Mais là ... déjà il n'était vraiment pas sur de pouvoir faire ça dans son état, et en plus, il risquait de blesser Sweva. Il se résigna donc, revenant à son point de départ. Sweva n'avait pas bougé. Et il sentait qu'il allait s'énerver. Mais à quoi jouait-elle ! Il était crevé, et elle l'était certainement aussi, pourtant ils étaient tous les deux debouts de part et d'autre d'une porte, éveillés. C'était vraiment idiot. Phoenix tenta une nouvelle fois d'entrer, puis encore une autre, et au bout d'un moment, il abandonna. « Bon, très bien, je vais dormir tout seul. Bonne nuit. » déclara-t-il sur un ton qui se voulait décu. Il fit des pas bruyants pour mimer un long déplacement, mais se cacha dans un coin du couloir pour ne pas être reperé. Elle finirait bien par se décaler de la porte ou par sortir, et quoi qu'elle décide de faire, Phoenix ne manquerait pas d'atteindre son lit, et une fois là-bas, il n'en bougerait plus jamais.

« Oui c'est fini de jouer maintenant, je t'ai dit que tu n'irais pas dans mon lit, va te coucher ou je vais vraiment m'énerver. » Comme s'il allait l'écouter. Son combat était perdu d'avance... A moins qu'elle soit assez têtue pour rester toute la nuit derrière sa porte, il n'y avait aucune chance qu'elle réussise son objectif. Phoenix allait finir par obtenir ce qu'il voulait. Hors de question qu'il dorme dans ce canapé. Pourtant, il sentait le sommeil l'envahir et l'assomer complètement, si bien qu'il dut redoubler de concentration pour ne pas s'étaler par terre ou se laisser glisser le long du mur. Il luttait pour rester encore debout. Sweva lui faisait faire des choses vraiment dingues, parfois. S'il n'était pas venu ici au beau milieu de la nuit, il serait probablement en train de dormir dans une poubelle, cauchemardant encore avec ce foutu rêve qui le hantait constamment. Mais il était là, il était venu jusqu'à elle, enfin, après avoir tenté de la fuir des milliers de fois. Il ne voulait pas que cette visite soit vaine. Plus que tout il avait envie d'être près d'elle, complètement bourré ou pas, il le sentait au fond de lui. Et elle n'était pas prête de pouvoir l'en empêcher. Il attendit quelques minutes jusqu'à ce que le silence deviennent assez pesant pour qu'il comprenne qu'elle s'était éloignée de la porte. C'était maintenant ou jamais. Il prit une grande inspiration et se précipita jusqu'à sa porte, poussant la poignée avec force, puis pénétra en furie dans la pièce. Il ne regarda même pas où il allait et se jeta sur le lit, manqua de tomber sur le côté mais s'accrocha au draps au dernier moment.

Au bout de quelques secondes il constata que Sweva était un peu écrasée sous son poids. A vrai dire, il s'était littéralement jeté sur elle sans vraiment faire attention où il retombait. Il se mit à rire, tentant de se décaler un peu pour la laisser respirer « Oh lala, pousse toi un peu, j'ai pas de place ! » déclara-t-il en soupirant. Bon ça, c'était peut être un peu culotté de dire ça mais c'était dans l'intérêt de Sweva. Après tout, si elle le voulait, elle pouvait très bien rester là mais elle risquait de mourir écrasée sous le poids de Phoenix. Il gigota un peu, et reprit « J'avais pas de place sur son canapé, et ... J'avais froid aussi. Et puis t'es pas obligée de sentir mon haleine, t'as qu'à te tourner de l'autre côté ! » C'était loin d'être la meilleure argumentation possible mais bon, c'était tout ce que Phoenix était en mesure de dire. Il avait du mal à trouver de bonnes raisons à sa présence, le fait est qu'il avait juste envie d'être ici et maintenant qu'il y était parvenu, il ne comptait plus bouger. Il se mit à genoux pour qu'elle puisse se décaler et tira sur la couette vers lui, ainsi elle était forcée de se bouger un peu si elle ne voulait pas tomber du lit.

« Tu vas empuantir mes draps sale... Gros ! » Phoenix se mit à rire de plus belle, très amusé par la tête qu’elle faisait. Elle n’avait pas l’air ravie de sa présence ici. A vrai dire, il ne faisait pas beaucoup d’efforts pour se faire accepter. En tirant les draps de la sorte et en l’écrasant, il n’était pas prêt de recevoir des compliments de sa part. Au lieu de ça, elle s’énervait. Et pas qu’un peu ! «Descends de là ! » lança-t-elle, alors que Phoenix tirait un peu plus fort. Mais le résultat n’était pas au rendez-vous. Sweva était plus lourde qu’il ne l’aurait pensé. Au bout de quelques secondes, elle lança une contre-attaque et le poussa à son tour, y mettant suffisamment de force pour que Phoenix recule et se retrouve à moitié dans le vide, retenu seulement par la table de nuit qui lui broyait littéralement le dos. C’était plutôt inconfortable comme position. Il donna un coup de bras en arrière pour se redresser, sans se rendre compte qu’il avait fait valser le réveil de Sweva par la même occasion. Décidemment il n’était pas très adroit ce soir … Il releva un peu la tête et constata que Sweva en avait profité pour s’étaler à nouveau. Il était temps qu’il reprenne les choses en main.

« T'auras encore moins de place ici que sur le canapé. Tu ferais mieux de partir tout de suite et d'aller tuer quelqu'un d'autre avec ton haleine. » Phoenix posa un pied à terre pour s’empêcher de tomber car à présent, une moitié de son corps flottait dans le vide. Il se servit de cela pour prendre appui et assaillir sa victime par surprise. Il attrapa Sweva par la taille et la fit rouler sur le côté de façon à ce qu’elle se retrouve dos à lui , puis rétorqua « Tu crois vraiment que je vais bouger ? Maintenant que je suis là, plus question que je parte ! » Il la serra de toutes ses forces pour ne plus qu’elle bouge, coinçant ses jambes entre les sienne et entourant sa taille de ses deux bras. Comme ça, elle n’était pas prête de s’échapper… Il attendit qu’elle se calme, durant une minute, peut-être deux, sans lâcher la pression. Il ne savait pas où il trouvait cette force, c’était plutôt impressionnant vu l’état dans lequel il était. Pourtant il tenait, serrant Sweva comme s’il craignait qu’elle parte et ne revienne jamais. Mais le silence s’était installé, et plus personne ne bougeait à ce moment précis. Phoenix sentait que les battements de son cœur ralentissaient, et qu’il se calmait enfin après toute cette agitation. Il approcha sa tête de l’oreille de Sweva, et y colla ses lèvres tout en murmurant « Tu vas devoir me supporter toute la nuit au moins … » Il recula un peu la tête, la coinçant dans son cou, et en profita pour s’imprégner de son parfum qui lui avait tant manqué. Il soupira lentement et longuement, sentant que son corps se détendait un peu plus à chaque seconde. Il était vraiment bien, là, et il n’avait aucune envie que Sweva fasse un mouvement. Il se demandait comment il avait pu faire pour rester loin d’elle aussi longtemps.

« C'est bon tu as gagné tu peux rester, mais lâche moi un peu tu m'étouffes. » finit-elle par avouer, ce qui fit sourire Phoenix. Même si elle ne pouvait pas voir sa réaction, elle devait se douter qu’il était satisfait, car, en somme, il avait obtenu ce qu’il voulait. Maintenant il était là, et elle lui avait donné son accord, il n’y avait donc plus rien qui l’empêchait de s’endormir. Il n’aurait pas pu rêver mieux. Bizarrement, il était certain qu’il dormirait d’un sommeil paisible et sans rêve et pour la première fois depuis plusieurs jours il avait hâte de s’endormir. Il desserra son étreinte pour la laisser respirer, sans pour autant s’éloigner d’elle. Il se sentait vraiment mieux, et arrivait presque à faire abstraction du fait que sa tête tournait dès lors qu’il fermait les yeux. Quelques secondes passèrent, puis il se mit à murmurer dans son cou à nouveau « Tu voudrais pas te rendre utile et partager tes superbes draps ? T’es glacée et j’ai pas envie de tomber en hypothermie. » Phoenix fit glisser sa main le long de son bras et au contact de sa peau, il frissonna. Il fallait dire que Sweva n’avait pas bu deux litre de vodka et donc, elle avait une température à peu près normale. Ce qui n’était pas le cas de Phoenix, qui brûlait littéralement, et qui pourtant intérieurement avait l’impression d’être congelé. Il s’écarta un peu, se débarrassa de ses baskets qu’il envoya valser un peu n’importe où, puis jeta un regard vers Sweva en se glissant dans les draps.

Il eut un moment de lucidité où il se demanda ce qu’il était en train de faire et surtout pourquoi, mais tout cela disparu dès lors qu’il sentit le parfum de Sweva et le contact de sa peau contre la sienne. Il ne pouvait pas ignorer ça, en fait, c’était plus fort que lui. Il glissa sa main sur sa hanche avec délicatesse, puis dériva jusqu’à son ventre pour finalement attirer encore plus sa silhouette contre la sienne. Tout son corps frissonna, et malgré l’alcool et tout le reste, il était incapable d’ignorer l’effet qu’elle lui faisait. Il ne pouvait plus partir, à moins qu’elle l’y contraigne, il était définitivement incapable de s’éloigner encore. C’était beaucoup trop dur pour lui. Il avait essayé de l’ignorer mais c’était impossible, elle était pire qu’une drogue pour lui, elle le rendait fou, complètement fou. Ses journées étaient rythmées par sa pensée, et ses nuits aussi. Quoi qu’il fasse, il ne pouvait pas oublier son visage, les souvenirs de leurs nuits passées ensemble, de son rire, la tête qu’elle faisait quand elle lui en voulait, son corps, tout cela le hantait et le hantait toujours plus, c’était une véritable torture. Et s’il avait eu un peu moins de fierté, un peu plus de courage, il ne l’aurait sûrement pas laissée partir la dernière fois. Mais la vérité c’était qu’il était terrifié et bien trop fier pour oser faire cela. Au lieu de là, il luttait contre lui-même, se forçait à aller à l’encontre de ses plus profondes pulsions et le résultat n’était pas très beau à voir. Peu à peu, il sentit le sommeil s’abattre sur lui. Il était comblé, entièrement et totalement, il n’avait besoin de rien de plus que d’être là. Il ferma les yeux, puis sa main chercha celle de Sweva, et quand il la trouva, il entremêla ses doigts aux siens. « Sweva … » lâcha-t-il dans un murmure quasi inaudible avant de soupirer longuement, comme si ce soupir presque haletant suffisait à en dire plus que des mots.

Phoenix planait, sans savoir comment ni pourquoi, mais une chose était sûre : il planait. Un sentiment de plénitude l’avait submergé depuis un moment, et tout était très calme et simple là où il était. C’était le vide et le complet, le néant et la totalité, c’était paradoxal mais Phoenix y était, sans aucun doute. Jusqu’à ce que quelque chose d’affreusement froid le tire de là. Il cligna des paupières à plusieurs reprises, constatant qu’en plus d’être froid, ce qui l’avait tiré de son sommeil paisible était mouillé et n’avait rien d’agréable. Au bout de quelques secondes, il parvint à discerner une silhouette au-dessus de lui. Sweva. Un sourire malicieux et satisfait se dessinait sur ses lèvres, et Phoenix ne mit pas longtemps à faire le rapprochement entre l’eau sur son visage et le verre qu’elle avait à la main. « On se réveille Princesse ! » osa-t-elle ajouter ensuite. Phoenix se redressa rapidement, prenant appui sur ses coudes tout en s’exclamant « Putain de merde, Sweva ! T’as pas osé !? » Il passa une main sur son visage comme si cela allait changer quelque chose, puis se redressa complètement tout en secouant la tête brutalement. Ses cheveux dégoulinaient et il manqua d’éternuer à cause de l’eau qui lui était rentrée dans le nez. Phoenix fronça les sourcils tout en jetant un regard noir à Sweva. Elle n’allait pas faire la maligne très longtemps. Elle avait voulu jouer, elle allait jouer.

Phoenix bondit du lit en crachant de l’eau, et la fureur qui brûlait dans ses yeux sembla effrayer Sweva qui eut un mouvement de recul. Mais elle n’eut pas le temps de fuir, car déjà Phoenix s’était emparé de ses poignets et les serrait avec force. Il lui tira le verre des mains et le balança sur le lit, puis , avec agilité, il la fit reculer contre le mur. Malgré le mal de crâne qui le terrassait, il avait retrouvé son équilibre et sa force habituelle, si bien qu’il n’eut aucun mal à soulever Sweva et à la mettre en vrac sur son épaule, telle un sac à patates. Il ne savait pas trop ce qu’il allait faire d’elle, mais dans tous les cas elle n’était pas prête de descendre. Il la secoua rapidement pour lui montrer qu’il avait l’avantager, puis une idée lui traversera l’esprit et il se précipita vers la salle de bain en s’assurant de bien tenir Sweva. Arrivé là-bas, il atteignit tant bien que mal la douche et c’est là qu’il déposa Sweva sans aucune délicatesse, poussant un soupir de soulagement après s’être débarrassé d’un tel poids. Il l’empêcha de s’enfuir en faisait pression sur elle, puis attrapa la poire de douche et alluma le robinet en catastrophe. Sweva donna un coup pour se libérer ce qui lui valut de recevoir un jet d’eau glacée dans le visage, mais une seconde plus tard il retourna la situation et dirigea le jet vers elle. En quelques secondes, son visage était devenu complètement trempé et son pyjama aussi. Phoenix, lui, avait le pieds qui baignaient dans l'eau et son t-shirt avait été victime des éclaboussures. En plus, l’eau était froide et cette petite douche n’avait rien d’agréable, mais elle avait le mérite d’être un très bon réveil. Phoenix, haletant, contempla la silhouette grelottante de Sweva avait un sourire satisfait, tout en continuant de l’arroser.

« Je me rends c'est bon, arrête ! » lança-t-elle , à bout de force, tout en s’empressant de fermer le robinet. Phoenix contempla la silhouette de Sweva, songeant qu’à côté de ça, un verre d’eau était vraiment ridicule. Elle était trempée, littéralement, et chaque recoin de son corps frissonnait à cause du froid. Phoenix se mordilla les lèvres, à la fois fier d’avoir obtenu sa vengeance, et en même temps un peu inquiet de sa réaction. Il fallait dire qu’il n’avait pas fait les choses à moitié, pour le coup … Mais en somme, c’était la nature de Phoenix de toujours aller au bout des choses, quitte à être extrême. Sweva devait commencer à comprendre comment il fonctionnait. Pourtant, cela ne l’avait pas empêchée de le réveiller en lui versant de l’eau sur la tête. A croire qu’elle aimait jouer avec le feu ! « T'es vraiment un idiot » Ca, il le savait déjà, malheureusement. Il esquissa un sourire, puis sentit un frisson lui traverser le corps . Il avait froid, lui aussi, d’une part parce qu’il avait tout de même reçu un peu d’eau, et d’autre parce que les tremblements de Sweva étaient contagieux. Il n’allait pas pouvoir rester comme ça très longtemps. Pourtant il continua de la regarder sans rien dire, toujours amusé de ce qui venait de se passer. Et puis Sweva ouvrit les bras et s’exclama « Un câlin glacé, un ! » Phoenix eut un mouvement de recul très bref, un peu surpris par ce geste. Il s’attendait à beaucoup de choses, mais certainement pas à un câlin ! Finalement, une fois coincé entre ses bras il se laissa aller, malgré le froid, malgré l’eau et malgré tout le reste, il se sentait tout de suite mieux. Il s’autorisa même à la serrer un peu plus, sentant son t-shirt, puis son torse, devenir très humide. Mais au fond, ça lui était égal, car à l’intérieur, il brûlait, et il brûlait plus que jamais. Ce contact, il en avait rêvé pendant des jours, il avait tenté de l’oublier, puis l’avait espéré, et maintenant il le vivait et c’était encore mieux que dans ses rêves. Il aurait voulu que cela ne se termine jamais, qu’ils restent collés l’un à l’autre dans cette salle de bains, trempés et mal réveillés, jusqu’à crever de froid.

Mais elle se décolla un peu, bien que la tâche soit difficile avec l’effet de l’eau sur leur peau, et elle leva la tête vers lui. Phoenix croisa son regard, et il sentit son cœur s’emballer comme à chaque fois qu’elle le regardait comme ça. Il constata qu’elle avait toujours aussi froid et que ses lèvres tremblaient. Cela lui donnait un air fragile, et Phoenix crevait d’envie de l’embrasser. Elle prit les devants et combla l’espace qu’il y avait entre eux en posant ses lèvres sur les siennes avec une certaine audace, ce qui fit encore plus frémir Phoenix. Il répondit à son baiser avec la même intensité, tentant d’oublier l’eau qui coulait sur ses joues et qui était en train de lui congeler la peau, et serra un peu plus la silhouette de Sweva contre lui. Elle se détacha finalement, frissonnante et haletante, et à dire vrai il était dans la même situation qu’elle. Il ne savait pas vraiment s’il tremblait à cause du froid ou à cause de ce baiser, la limite entre ces deux sensations était bien trop floue pour être définie. « Tu m'avais manqué. » murmura-t-elle, ce qui le fit trembler encore plus. Ces quelques mots avaient eu l’effet d’une décharge électrique, et il était tétanisé et effrayé, si bien qu’il ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son ne sortit. Pourtant, tout son corps criait, hurlait qu’elle lui avait manqué, chaque parcelle de lui l’exprimait à sa manière, et il aurait aimé que sa voix le fasse aussi, mais c’était au-dessus de ses forces, alors il referma la bouche et se contenta d’attraper Sweva par la nuque pour l’embrasser à nouveau. Les mots n’avaient jamais vraiment été son truc avec elle, et il n’était pas sûr de pouvoir un jour exprimer ce qu’il ressentait comme elle venait de le faire. Le baiser qu’il lui donna, beaucoup plus tendre, se révéla être encore meilleur que le précédent, et pourtant il laissa Phoenix sur sa faim, alors il l’embrassa encore, capturant avec toujours plus de passion le goût de ses lèvres, de sa langue, toutes ces choses qui lui donnaient l’impression de mourir de l’intérieur. Quand finalement il parvint à se détacher de ses lèvres, il recula légèrement la tête et tenta de prendre la parole, un peu maladroitement il fallait l’avouer, ce qui était révélateur du chamboulement que Sweva avait causé en lui « Je … Est-ce que j’ai … Enfin, qu’est ce qui s’est passé cette nuit ? » Il arqua un sourcil, visiblement embarrassé d’avoir pour seul souvenir de la nuit passée un terrible trou noir. Il se rappelait vaguement être arrivé chez elle, mais il n’avait aucun souvenir de ce qu’il avait pu dire, penser ou précisément faire ensuite. C’était assez troublant et il avait peur d’avoir dit des choses à son insu, et il se rendit compte que pour le coup, il avait vraiment été ridicule et minable de se pointer chez elle dans un état pareil. Il n’était pas très fier de tout cela. Mais il fut tiré de ses pensées par un terrible frisson qui se propagea de Sweva à lui, et il fut forcé d’admettre que s’ils restaient comme ça, ils allaient crever de froid. Il avait très envie de se débarrasser de ses vêtements trempés et de prendre une douche brûlante, là maintenant. Cela lui rappela qu’il n’avait pas de fringues de rechange et que c’était vraiment dommage, car Sweva n’avait pas la chance de vivre avec 8 frères et sœurs et donc qu'elle n'avait pas de vaste garde robe pour ses éventuels invités. En gros, cela signifiait qu’il devrait attendre que tous ses fringues sèchent pour repartir. Ce qui était un bon prétexte, en somme. Il lança un sourire à Sweva et tourna le robinet d’eau chaude.

« Rien de très... important. Tu as fait une éloge de ma personne en disant que j'étais une déesse, et que t'étais prêt à te mettre à mon service pour l'éternité, juste pour louer ma beauté... » Phoenix haussa les sourcils puis leva les yeux au ciel, amusé et agacé à la fois. Amusé parce qu’il avait beau n’avoir aucun souvenir, il était certain de ne pas avoir dit une chose pareille. Et agacé parce que la Sweva qui l’énervait plus que tout était de retour, et il brûlait déjà d’envie de lui clouer le bec. Il la contempla en secouant la tête horizontalement, montrant bien qu’il n’était pas crédule et que ses désirs n’étaient pas prêts de se réaliser. Il la laissa poursuivre son petit discours sans perdre son petit rictus. « Oh et tu m'as écrasé comme une mouche en te jetant sur mon lit alors que je t'avais dit de dormir sur le canapé. Pas très obéissant pour quelqu'un qui veut se mettre à mon service... T'étais ridicule mais finalement ça ne changeait pas beaucoup de ton comportement habituel. Un boulet quoi. » Phoenix croisa les bras, et soupira avant de dire, sarcastique « Mais oui, bien sûr ! Je parie aussi que je me suis mis à genou et que je t’ai fait une prière ? Je m’en souviens maintenant que tu le dis … » Il secoua la tête de nouveau, finalement soulagé qu’elle ait prit sa question en dérision. En fait, il n’était pas sûr de vouloir savoir précisément ce qu’il avait pu dire ou faire. D’après la tête de Sweva, il n’avait rien révélé de compromettant, et c’était bien plus rassurant ainsi. Il esquissa un sourire avant de reprendre « Tu sais quoi, je comprends pourquoi je t’ai écrasé, je suis sûr que t’étais encore en train de dire des conneries comme ça et que j’ai essayé me débarrasser de toi en t'assommant comme une mouche. Dommage que j’ai échoué. » Il haussa les épaules d’un air déçu, puis tourna le robinet d’eau chaude. Il était temps de se réchauffer.

Phoenix s’attendait à ce qu’elle pique une crise, mais au lieu de ça elle se tourna pour ensuite se déshabiller. Elle fit ça plutôt rapidement, et Phoenix ne bougea pas d’un millimètre, tentant de regarder ailleurs même si, il fallait bien l’avouer, la tâche était plutôt difficile. Il avait beau commencer à connaître son corps, il était déstabilisé un peu plus à chaque fois. Ses yeux s’égarèrent quelques secondes alors qu’elle avait le dos tourné et un frisson lui traversa le dos comme de la foudre, si bien qu’il se crispa brutalement. Il avait fréquenté des femmes aux formes plutôt avantageuses, mais avec Sweva, tout était différent, c’était comme s’il redécouvrait ses formes à chaque fois et devait réapprendre à les connaitre. Il n’était jamais satisfait et toujours plus admiratif. Elle le rendait terriblement faible, mais aussi complètement fou, et il dut faire preuve de beaucoup de maîtrise de soi pour ne pas se jeter sur elle immédiatement. Lorsqu’elle se retourna, il releva les yeux innocemment, se mordillant nerveusement la lèvre tout en s’efforçant de garder une expression neutre. Pourtant tout son corps s’enflammait et plus que jamais, il avait envie d’elle. Il n’allait pas survivre très longtemps s’il restait dans cette douche. Elle placa le pommeau de douche au dessus d’eux, si bien qu’il sentit l’eau brûlante le réchauffer un peu. Ses vêtements commençaient à peser lourd. « T'as le droit de sortir pour me laisser prendre ma douche tranquille. » déclara Sweva, ce qui fit ricaner Phoenix. Quel culot elle avait ! Se déshabiller devant ses yeux pour ensuite lui demander de partir ? Elle avait vraiment le sens de l’humour. Intérieurement il bouillonnait. Il savait qu’il ne trouverait jamais la force de partir. Alors à moins qu’elle le vire de là, il n’était pas prêt de s’en aller. Mais il n’était pas convaincu qu’elle puisse le virer de là. Surtout lorsqu’il décida d’enlever son t-shirt. Il prit tout son temps pour se débarrasser du tissu, soutenant le regard de Sweva pour jouer avec ses nerfs. Il le jeta ensuite hors de la douche et se rapprocha un peu plus de Sweva, la regardant avec encore plus de malice dans les yeux. Puis il s’attaqua à sa ceinture, exagérant chaque geste puis la jeta par terre à son tour. Restait son jean. Il n’eut aucun mal à s’en défaire. Il prenait beaucoup de plaisir à guetter la réaction de Sweva, qui visiblement n’était plus si fière tout à coup. Quand il se retrouva en caleçon, il colla son bassin au sien et approcha ses lèvres de celles de Sweva avant de murmurer« Tu veux toujours que je te laisse tranquille ? »