Max était tendue et frustrée : en enfonçant le sac d'argent en liquide qu'elle venait de récupérer sous le siège de sa moto, la jeune femme se massa le cou en soupirant. Epuisée par des nuits toujours aussi agitées, des contrats tous plus inventifs les uns que les autres - heureusement qu'elle aimait le challenge - et la subite arrivée de Tinga à New York, la jeune femme en était presque à se dire au bout du rouleau. Et pourtant, elle ne l'était pas : elle continuait d'avancer, et ces courriers l'avaient tellement piquée au vif qu'elle n'était pas prête à abandonner la chasse à celui qui espérait peut-être lui faire peur. Plus tôt dans la journée, elle avait pu déposer l'article qu'elle avait reçu chez un traducteur, qu'elle paierait grassement pour qu'il ne laisse aucune trace du passage de la jeune femme & de son papier. Elle pourrait le récupérer le lendemain, mais en attendant, il n'y avait pas de temps à perdre : l'argent qui était désormais sous son postérieur n'aurait de valeur que lorsqu'elle aurait rempli sa part du contrat.

Etrangement, être sur un coup détendait Max. Lorsqu'elle avait une proie, elle la chassait, étudiait ses habitudes, son comportement, pour être capable de s'y infiltrer sans qu'on ne la remarque. L'homme qu'elle avait pour mission de supprimer était un grand sportif : elle l'avait suivi durant plusieurs de ses joggings matinaux , et elle savait qu'une mort naturelle serait immédiatement écartée. Peu lui importait, elle trouverait toujours le moyen de couvrir ses traces. Jon lui avait beaucoup appris, et Max avait été une excellente élève. Pas que Jon, d'ailleurs ! Car lorsqu'il avait fallu atteindre le balcon du dernier étage d'un vieil immeuble new-yorkais aux parois lisses, Max avait pu sans encombre, du bâtiment d'en face, lancer une corde sur laquelle elle s'était déplacée avec concentration & rapidité. Le meurtre en soi n'avait pas duré longtemps : entrer, tuer, couvrir ses traces, ressortir. Ni vue ni connue, comme un scorpion dans le sable qui pique & disparaît l'instant d'après.

Laissant à son employeur le soin de découvrir son oeuvre dans les nouvelles du matin, Max fila sur sa moto en direction de Brooklyn. Elle n'avait pas spécialement envie de rentrer chez elle, il était trop tard pour aller faire un tour en boîte, trop tôt pour du shopping et elle avait abandonné l'idée de surveiller les alentours de la maison des Kaleko - apparemment, à part ses propres employeurs, les Vryzakis, qui semblaient avoir des comptes familiaux à régler, personne n'en voulait particulièrement à la petite adoptée. Non, Max avait besoin de vraiment se détendre, et elle ne pensait pas à un rendez-vous dans un centre de bien-être. Arrivée dans le quartier de Williamsburg, la jeune femme gara sa moto dans une allée et, retirant son casque, elle y plaça le sac contenant son argent.

De toute évidence, Austin était un homme brisé. Dès leur première rencontre, la nature de leur relation avait été très claire : elle ne posait pas de questions, et il faisait de même. D'abord totalement éméchés, puis plus sobres, ils avaient pourtant trouvé un parfait terrain d'entente : l'un comme l'autre avaient besoin de se défouler sans se sentir attaché à quoique ce soit ou obligé de quoique ce soit. Jetant un regard à sa montre et jetant un regard au ciel qui commençait tout juste à s'éclaircir, Max renonça à sonner à l'interphone d'Austin. A la place, elle s souvint avoir vu des escaliers la dernière fois qu'elle avait passé la nuit chez lui, et elle se dirigea donc vers l'arrière de son immeuble. Une fois encore, ce furent ses talents d'acrobate qui lui furent d'une grande aide et, en sautant depuis une poubelle, elle put descendre l'échelle de secours sans mal et grimper ainsi jusqu'à l'étage d'Austin. Identifiant rapidement sa chambre, la jeune femme distingua sa silhouette à travers les rideaux à moitié ouverts et, un sourire presque soulagé au lèvres, elle tapa au carreau, observant un éventuel réveil en se demandant déjà si il lui en voudrait si elle entrait par effraction pour le réveiller...

heureusement que je t'ai expliqué finalement, parce que mon début doit rien vouloir dire si t'as pas eu le speech XD

Un verre, un shot, deux verres, cinq shots, encore un verre. Les refrains des soirées qui faisaient la vie d'Austin depuis quelques temps étaient bien ternes. Et pour cause : depuis que Kiara-Luka avait plié bagage pour partir en Australie, il avait sombré, ne trouvant plus le goût à la vie que lui avait apporté la jolie blonde. Conscient de sa descente fulgurante, le jeune père avait pris ses précautions, engageant une baby-siter pour lui confier Lua la majeure partie du temps. Il ne voulait pas que sa fille le voit ainsi, il ne pouvait pas lui faire ça. Et pour lui expliquer ce soudain éloignement, il lui mentait en lui disant « Papa a quelques problèmes à régler avec son argent. Ne t'en fais pas, tout redeviendra vite comme avant. » La petite acquiesçait, mais lui, il n'en croyait pas un mot. Non, rien ne serait jamais plus comme avant. Pas après qu'il ait ouvert son coeur à une femme et que celle-ci se soit amusé avec avant de le déchirer en lambeaux, ne lui laissant que des débris pour battre par saccades afin de survivre. C'était cela : le mécanicien survivait depuis que la jeune femme dont il s'était laissé tomber amoureux l'avait abandonné. Et ce soir, assis au bar d'un pub de Williamsburg, seul, il buvait à la santé de l'amour. À cet saloperie d'amour qui l'avait fait croire que le monde pouvait être meilleur si on était accompagné. Connerie. L'amour n'apportait que de la douleur, il le savait à présent et loin sera le jour -si ce n'est inexistant- où il se laisserait à nouveau berner.

Il n'était pas loin de quatre heures du matin quand Austin se mit à se battre contre la serrure de son appartement pour y faire entrer sa clé. S'appuyant à moitié contre la porte, il insultait le verrou en marmonnant dans sa barbe jusqu'à ce qu'enfin il lui cède et lui permette d'entrer chez lui. Il ne prit pas la peine d'allumer une quelconque lumière, il se mit à tituber directement jusqu'à sa chambre, attrapant au passage la bouteille de whisky qu'il avait délaissée sur la table basse de son salon. Chemin court qui se transforma rapidement en parcours du combattant durant lequel chacun des meubles qu'il croisait devenait un fidèle alié pour lui permettre de rester sur ses jambes. Une fois dans la pièce, il se laissa tomber de dos sur son lit, ne prenant pas le soin d'ôter ses chaussures. Le regard planté au plafond, il attendit que sa vision se stabilise pour se redresser tout en dévissant le bouchon de sa bouteille et de porter le goulot à ses lèvres, avalant une longue gorgée d'alcool. Comme si son taux d'alcoolémie n'était pas assez élevé. Mais il s'en foutait. Lua n'était pas là, Kiara-Luka non plus, il était seul et il n'avait pas à retenir ses pulsions dévastatrices. Posant brutalement la bouteille sur sa table de chevet, sa main tapota sur le bois du meuble jusqu'à attraper une gélule qui y traînait, s'étant échappée du sachet plastique reposant à quelques centimètres. De l'ecstasy. Ça avait été sa dernière marchandise achetée, lassé de l'héroïne et de la cocaïne qu'il ne trouvait pas assez puissantes. Mais le mélange de l'alcool et de ces pilules le faisait planer, effaçait sa mémoire pour quelques heures. C'était ce qu'il lui fallait. La capsule en bouche, il reprit possession de sa bouteille et la fit passer avec une nouvelle gorgée de whisky. Il ne lui fallut que quelques secondes pour verser dans le flou et se retrouver assommé sur son lit, à moitié défoncé, à moitié endormi, son bras pendant dans le vide, sa main agrippée à sa bouteille.

Un bruit le tira de son état comateux, le faisant sursauter au point de lâcher son whisky. Le bruit de la bouteille rencontrant le sol le réveilla complètement et il se redressa pour s'appuyer contre ses avant-bras, sentant une terrible douleur lui frapper les tempes. Combien de temps était-il resté allongé sur son lit ? Et d'où venait ce bruit qui l'avait tiré de son pseudo-sommeil ? Ne prenant pas la peine d'émerger, il tourna la tête, les yeux plissés et rougis par les substances qu'il avait avalées, et il reconnut facilement la silhouette de Max qui se dessinait derrière sa fenêtre, à contre-jour. Grommelant, il se leva et se rapprocha du carreaux et en attrapa le support de bois pour le tirer en l'air afin de regarder la jeune femme en fronçant les sourcils. « Qu'est-ce que tu fous ici ? » marmonna-t-il en s'éloignant déjà de la fenêtre, conscient que Max rentrerait avec son autorisation ou non. Traînant les pieds jusqu'à sa table de chevet, il attrapa son paquet de cigarette pour s'en coincer une entre les lèvres et l'allumer à l'aide de son briquet avant de tendre le tout à la jeune femme d'un geste désintéressé. Très sincèrement, il se fichait de la savoir ici et de connaître ses intentions. Alors il la laissa se servir à sa guise et se laissa retomber sur son lit -assis cette fois-ci- tirant une énorme bouffée de nicotine sur sa cigarette avant de recracher cette fumée qui lui était salvatrice.

Max s'était déjà préparée à ouvrir d'elle-même la fenêtre de la chambre d'Austin lorsque celui-ci sembla enfin émerger d'un brouillard que la philippine imagina très épais. Elle discerna son grommellement, qui lui arracha un nouveau sourire. L'observer ouvrir la fenêtre lui apprit sans mal que le jeune homme était complètement dans un autre monde. « Qu'est-ce que tu fous ici ? » lui demanda-t-il alors qu'elle enjambait le rebord de la fenêtre avec facilité : pénétrer inhabituellement chez les gens était une véritable habitude pour elle. « Good morning to you too, sunshine. » lui répondit-elle en posant son casque dans un coin de la chambre avec nonchalance avant de retourner à la fenêtre pour fermer cette dernière.

Elle se tourna vers Austin pour le voir lui tendre son paquet de cigarettes & un briquet. La jeune femme ne fumait pas & pourtant, elle en sortit une et l'alluma avant de balancer le tout sur la table basse, où elle aperçut immédiatement un pochon contenant quelques pilules qu'elle n'eut aucun mal à identifier. Amusée, elle s'en approcha & s'autorisa à prendre le pochon entre ses doigts, l'observant un instant avec une envie non dissimulée. « Je vois que la marchandise de Morgan t'a plu. » constata-t-elle sans vraiment attendre de réponse avant de sortir deux cachets et de les faire glisser dans la paume de sa main. « J'me permets, hein. » dit-elle une nouvelle fois sans s'attendre à ce qu'Austin ne réagisse, glissant les cachets dans sa bouche pour les laisser fondre sur sa langue avec délectation.

Ce qui était bien avec Austin, c'était qu'il ne posait vraiment pas de questions gênantes. Alors, lorsque Max sentit la température monter - ou bien étais-ce une première hallucination ? -, la jeune femme retira sans gêne sa veste en cuir, qu'elle laissa choir près de son casque, et de retirer un couteau, un canif et une arme de sa chaussure, sa poche et l'arrière de son pantalon. Elle glissa le tout dans son casque, histoire de réchauffer son butin, et couvrit le tout de sa veste, enlevant également son haut en soupirant. On ne pouvait pas vraiment dire que Max se droguait : elle connaissait le milieu depuis son adolescence, avait testé tout ce qu'on pouvait tester au moins une fois dans sa vie & ne se refusait jamais une petite folie, mais elle savait quand s'arrêter et quand tout simplement s'abstenir. Là, son contrat rempli & à une bonne journée du moment où son traducteur aurait terminé son papier, sachant son prochain vol dans plus d'une semaine - elle devait conserver sa couverture, & elle en profiterait pour parfaire les couleurs de son bronzage sous le soleil des Seychelles -, elle savait qu'elle pouvait se laisser aller totalement, et la jeune femme ne s'en privait pas.

Sa cigarette coincée entre les lèvres, elle s'appliqua ensuite à retirer son pantalon, ressentant de plus en plus les effets de la drogue qu'elle venait de prendre : comme elle n'était pas une consommatrice régulière, les effets restaient toujours aussi puissants & impressionnants, et la jeune femme sentit bientôt un profond bien-être l'envahir. Réussissant enfin à passer son pied en dehors de son pantalon, elle le balança en bazar sur le reste & revint vers le lit en sous-vêtements pour trouver de quoi mettre la cendre de sa clope. Elle apprécia grandement un instant de silence, seulement entrecoupé par le rejet de la fumée des cigarettes d'Austin & de Max. Un peu avant la fin de la sienne, cependant, elle l'éteignit et trouva salvatrice la bouteille de whisky qu'elle trouva intacte sur le sol et dont elle but quelques gorgées pour se désaltérer. La cigarette n'avait pas ce bon petit goût qu'avaient les joints d'herbe qui passaient parfois entre ses lèvres. Finalement, elle s'approcha d'Austin : c'était un déchet, mais elle savait qu'il pouvait aussi très vite reprendre le contrôle. « Tu sais très bien ce que je fous là. » lui répondit-t-elle enfin après finalement plusieurs minutes dans sa chambre. Après tout, elle était en sous-vêtements, n'y avait-il pas de message plus clair ? Alliant le geste à la parole, la jeune femme s'assit sur le lit pour se glisser derrière le jeune homme pour commencer à embrasser sa nuque.