L'écrivain Fleurette Levet a écrit un jour : « Le bonheur est éphémère, il passe sans s'arrêter, il s'attarde parfois, l'espace d'une illusion, mais rares sont ceux qui savent le retenir, le garder. Il est si fragile, si vulnérable, il suffit de trois fois rien pour l'effrayer, le voir fuir à jamais. » L'éphémérité du bonheur, Austin en avait compris l'existence. Il avait goûté à un bonheur simple avec la jeune chercheuse blonde qu'il avait rencontré par hasard au garage et qui lui avait fait comprendre en seulement quelques semaines qu'il en fallait parfois très peu pour être heureux. Lui, il lui avait suffi de croiser le chemin d'une jeune femme pour que son quotidien soit changé à jamais, pour que le salaud qu'il avait l'habitude d'être soit rangé dans un coin de sa tête, pour qu'il ait envie de bâtir quelque chose de sérieux pour la première fois de sa vie. Seulement, comme l'a écrit Fleurette Levet, le bonheur est éphémère et fragile, il peut s'effacer aussi vite qu'il est apparu. Et le goût doucereux qu'Austin avait eu du bonheur s'était rapidement transformé en amertume, âpre, désagréable et douloureuse. Il avait suffi que Kiara et lui décident de partir en vacances, emmenant Connor -le frère autiste de la jeune femme- et Lua -la fille du mécanicien- avec eux pour se rendre compte que la vie de "famille" n'avait rien de simple. Le jour où Connor, des suites d'une crise, s'en était pris à Lua, la dispute avait éclaté entre les deux adultes et, à peine furent-ils rentrés à New York que la chercheuse décida de quitter les États-Unis avec son frère, et ceci définitivement. Trop fier pour la retenir, Austin l'avait laissée filer entre ses doigts. Mais le sel de ses larmes avait bien vite fait de venir lui irriter la vue, l'implosion de son cœur avait rapidement dispersé des débris de souffrance dans la totalité de son corps... et ses vieux démons l'avaient rattrapés plus vite qu'il ne l'aurait cru. Tombant dans une dépression qu'il croyait passagère, il avait commencé par engager une jeune fille pour s'occuper de Lua, ayant besoin de solitude et ne se sentant pas capable de prendre soin de sa fille aussi bien qu'il l'avait fait jusqu'à présent. Mais rester seul ne l'avait pas aidé. Au contraire, cela n'avait fait que l'enfoncer encore plus. Il avait ensuite profiter de ses soirées pour sortir boire un verre, puis deux, puis trois, jusqu'à finir par boire, enfermé chez lui, marquant une pause cigarette toutes les deux gorgées. Comme si cela ne suffisait pas, il avait ensuite pris la décision de redevenir le libertin qu'il avait été, accumulant les conquêtes d'un soir en délaissant la fille le lendemain, sans explications aucune. Mais le pire de tout fut quand son chemin avait fait la rencontre hasardeuse d'un dealer, un soir où le whisky lui était monté à la tête. Sans Kiara-Luka, le jeune père était redevenu le connard instable, faible et égoïste qu'il avait -presque- toujours été. Comme quoi, l'amour a la capacité de transformer un homme mauvais en un homme bon mais aussi de le faire redevenir le salaud qu'il avait pu être auparavant en un claquement de doigts.

La journée s'était mal passée pour le mécanicien. Ne trouvant plus aucune motivation à exercer son travail, il s'était blessé à la main en s'énervant contre une pièce du moteur d'une moto qui refusait de céder et avait fini aux urgences, son membre ensanglanté entouré d'un linge tâché de sang. On lui avait ensuite conseillé le repos, le médecin ayant facilement vu la fatigue qui ternissait sa gueule d'ange. Il était donc rentré chez lui sous ordre de son patron, la main entourée d'un bandage, et avait appelé la baby-siter pour lui demander si elle pouvait s'occuper de Lua jusqu'au lendemain matin, lui expliquant la situation. Austin perdait totalement pied, il en était conscient dans la mesure où il délaissait complètement sa fille, passant le flambeau à cette étudiante qu'il avait engagé presque quotidiennement. Mais il faisait indirectement cela pour le bien de Lua, parce qu'il ne tenait pas à ce qu'elle le voit dans un tel état. Soit, la baby-siter lui assurant pouvoir se charger de la gamine jusqu'au lendemain, le jeune père n'avait pas attendu pour s'enfiler une bière, s'allumer une cigarette, le tout allongé de tout son long dans son canapé, une musique métaleuse s'échappant des hauts-parleurs de sa chaîne hifi, déchirant le silence habituel de l'appartement. Plusieurs plus tard, il était à la même place, la nuit avait relayer le soleil estival, et sa table basse était recouverte de cadavres de bouteilles ainsi que d'un sachet de poudre blanche entamé. Une bière en main Austin observa les alentours. Son appartement était dans un état de délaissement total, ce qui traduisait totalement l'état dans lequel il se trouvait. Sentant la rage monter en lui, il se leva marcha un court instant dans son salon et finit par renverser avec haine la table basse, brisant les bouteilles de verre, avant d'y administré un coup de pied phénoménal qui éparpilla le bordel qu'il venait de créer. Le souffle court, il s'arrêta, sa respiration saccadée contre-balançant au rythme de la musique et le sang battant aussi rapidement dans ses tempes que dans sa main blessée. Ses yeux rouges fixaient le sol sali, puis il sortit son paquet de cigarettes pour s'en allumer une, mains tremblantes, avant d'aller s'installer sur une des chaises de son balcon. Là, il sortit son téléphone et tenta d'appeler sa petite soeur, Madison, sans résultat. Il était pleinement conscient qu'il partait à la dérive, qu'il avait besoin d'aide, et sa cadette était la seule à pouvoir l'aider. Mais elle ne répondait pas. Sous le coup de la colère, Austin crut bon de faire appel à Phoenix au travers d'un sms. Un quart d'heure et trois cigarettes plus tard, son frère ne lui avait rien répondu. « Famille de merde... » marmonna-t-il avant de composer une seconde fois le numéro de sa soeur. Il attendit de tomber sur le combox et, d'une voix qu'il croyait détachée mais dans laquelle Madison devinerait sans mal qu'il avait besoin d'aide, il lui laissa un message. « T'es occupée à ce que je vois. Deux fois que je t'appelle sans que tu décroches... quand je pense que tu te plains parce que je ne te donne jamais de nouvelles. » Soupirant doucement, il passa une main sur son visage et termina hâtivement. « Rappelle-moi quand tu auras ce message. J't'embrasse. » Puis il raccrocha avant de délaisser son téléphone sur la table face à lui et de s'allumer une nouvelle clope, crachant la fumée en direction du ciel, ses yeux rougis plantés face à lui, sa main bandée pendant dans le vide. Défoncé, alcoolisé, blessé, seul, il se sentait plus mal que jamais il ne l'avait été au cours de sa vie.

Affalé sur sa chaise, le regard d'Austin restait braqué dans le vide bleu du ciel qui s'étendait face à lui. Fumant sa cigarette avec une étonnante lenteur, il sentait pourtant son rythme cardiaque s'affoler dans sa cage thoracique, les battements résonnant jusqu'au niveau de ses tempes. Se massant le côté gauche de son front de sa main bandée, il fronça les sourcils, complètement désemparé. Il perdait le contrôle de sa vie, il le savait. Et tout ça pour quoi ? Pour une fille qui l'avait laissé tomber alors qu'il en était tombé aveuglément amoureux. Il était en train de détruire sa vie et celle de Lua par la même occasion, pour la simple et bonne raison que son coeur battait sans but. Il battait dans le vide, pour faire circuler le sang dans son corps mais c'était tout. Kiara lui avait arraché la raison profonde pour laquelle il fonctionnait et le voilà, pitoyable, se complaisant dans son malheur au travers de l'alcool et de la drogue. Bien triste destin.

Quand son téléphone se mit à sonner, Austin sursauta, trop plongé dans ses pensées pour se rappeler qu'il avait appelé Madison quelques minutes auparavant. Dans son soubresaut, de la cendre tomba de sa cigarette, lui brûlant la main. Grognant de mécontentement, il chassa les résidus de sa cigarette et attrapa son téléphone. Il eut à peine le temps de décrocher que sa soeur le questionnait déjà. « Austin, tu es où ? » Roulant des yeux, le concerné se leva et écrasa son mégot dans le cendrier qui traînait sur la table de son balcon. « Chez moi. » L'appel ne s'éternisa pas et il put très vite lancer mollement son téléphone sur le canapé avant de s'y assoir sans grande conviction. Vautré, il se frotta les yeux d'une main et observa le capharnaüm de son appartement. Il n'y avait pas à dire, il était vraiment mal en point. Mais il s'en fichait. La seule raison qui aurait pu faire qu'il s'en voudrait dans un tel moment se trouvait sur un autre continent en ce moment, alors peu importe les débris de verre au sol, sa table qu'il avait retourné avec rage quelques minutes auparavant, ça n'avait aucune importance.

Ayant perdu la notion du temps, il ne sut pas du tout combien de minutes il était resté affalé dans son canapé avant d'entendre frapper à la porte. Certainement Madison. Soudainement, il regretta de l'avoir appelé. Il avait envie d'être seul, il ne voulait pas qu'on l'aide, ni sa soeur ni personne d'autre. Et pourtant, il l'avait appelée parce qu'inconsciemment, il avait réellement besoin qu'on le soutienne. Sinon il risquait bel et bien de périr dans une ruelle sombre après s'être envoyé trop d'héroïne ou n'importe quelle autre drogue qu'il touchait depuis quelques temps. Soit. Se relevant sans grande motivation, il traîna les pieds jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvrit pour faire face à sa soeur. Tant pis si elle le voyait dans cet état déplorable, elle l'avait déjà vu sous l'emprise de la drogue il y a de ça un certain temps, avant qu'il ne prenne sa fille en charge. La différence restait peut-être dans le fait que son visage était creusé et marqué par des cernes soulignant ses yeux rougis par la fatigue et le désespoir. « Entre. » lui glissa-t-il sans faire de manière avant de retourner dans le salon sans attendre que sa soeur n'ait franchi le pas de sa porte. De retour dans le salon, il attrapa un paquet de cigarette traînant sur un meuble, s'en sortit une et l'alluma sans autre avant de tirer une première fois dessus afin d'en tirer sa fumée qui lui était apaisante.

à mon tour de m'excuser pour le retard