Réfléchir. C'était tout ce qu'il restait à faire, semblait-il. Enfin, pour lui. Pour moi, c'était tout réfléchi... A Vitaly de voir s'il me suivait dans cette nouvelle vie, ou s'il préférait fuir. Ceci dit, tant qu'il était là, à mes côtés, à réfléchir, je n'avais pas l'intention de lui parler sans cesse de cette grossesse. D'ailleurs, il n'y avait rien de particulier à dire... J'avais plutôt envie de prendre soin de notre couple. Pour qu'il réalise à quel point nous étions bien ensemble et que nous séparer serait tout simplement horrible et impensable. S'il réalisait qu'il m'aimait vraiment et ne pouvait pas vivre sans moi, peut-être qu'il ne se poserait même plus de questions, quant à cette paternité. Et puis, j'avais aussi envie de profiter de lui tant qu'il était là... Car maintenant, plus que jamais, il pouvait partir. Enfin, me quitter. Et ça, ça m'effrayait sérieusement. Je me disais donc qu'il aurait sans doute plus de mal à mettre fin à notre histoire, si nous nous montrions encore plus proches et complices... Certes, c'était un peu tordu. Et je ne pouvais pas nier que ce n'était pas de la manipulation... Mais j'essayais juste d'arranger les choses ! Et de faire pencher la balance de mon côté. C'était bien le but. Garder Vitaly auprès de moi et de cet enfant. Et pour le convaincre de cela, j'étais prête à beaucoup de choses. Notamment rester aussi patiente et calme que possible, même quand il semblait susceptible dès que l'on abordait certains sujets. Ainsi, à sa réaction lorsque je tentais de plaisanter sur ma grossesse, je ne réagis pas. Les choses étaient déjà suffisamment compliquées et je n'avais pas envie d'en rajouter une couche. Je fis donc comme si de rien n'était et le gratifiais d'un sourire, lorsqu'il sembla faire un léger pas en avant.

Rapidement, je soumis l'idée d'aller pique-niquer quelque part. Cela nous permettrait de nous retrouver un peu et surtout, de nous changer les idées. Cela me paraissait donc être une bonne idée, surtout dans l'état actuel des choses. Une fois le petit-déjeuner prit, je le laissais s'éclipser dans son bureau – très certainement pour y travailler encore un peu – et m'occupais de débarrasser et faire la vaisselle. Après tout, il avait tout préparé avant que je me lève, je pouvais donc bien m'en occuper désormais. Une fois cela fait, je filais dans la salle de bain pour me doucher et me préparer avant notre sortie. Une fois fin prête, je retournais dans la cuisine et entreprit de préparer notre repas. Je déposais ensuite le tout dans un grand sac. « On peut y aller ? » J'esquissais un doux sourire en hochant la tête, menant le sac dans l'entrée. « Oui, c'est bon, tout est prêt ! » déclarais-je en attrapant rapidement mon sac à main avant de suivre Vitaly jusqu'à la voiture. Nous roulâmes ensuite un moment jusqu'à un immense parc, plutôt bien ombragé, traversé par un ruisseau. Une fois sur place, je descendis de la voiture et commençais à chercher un endroit, au bord du ruisseau, où nous installer. « Ici, ça t’irait ? » demandais-je en arrivant dans un coin un peu isolé, ombragé et où nous pourrions être tranquilles, loin de la foule et des familles venues pique-niquer. J'espérais simplement que la vue de ces couples, venus avec enfants, n'allait pas trop embarrasser Vitaly et faire retomber l'ambiance.

Ma seule option était de le laisser réfléchir, encore et encore. Et parce que je l'aimais vraiment, j'étais prête à lui laisser du temps. Beaucoup de temps. A vrai dire, je ne m'imaginais même pas mettre un terme à notre relation, simplement parce qu'il prenait trop de temps pour réfléchir. Au moins, tant qu'il s'interrogeait à propos de cette paternité, il restait auprès de moi. Et cela signifiait qu'il y avait réellement une chance pour qu'il reste définitivement. En fait, plus il restait, plus il y avait de chances qu'il accepte cette paternité. Après tout, il n'allait pas passer la quasi totalité de ma grossesse avec moi, et partir une semaine avant la naissance. Du moins, j'osais l'espérer. Mais il ne me semblait pas être aussi horrible que ça, tout de même ! Puis, plus il restait, plus cela me laissait de temps pour le convaincre qu'il pouvait faire un très bon père. Ou du moins, que sa vie était bien là, avec cet enfant et moi. Mais dans un premier temps, je n'avais absolument pas l'intention de lui en parler clairement. Nous l'avions un peu fait la veille, et j'avais bien vu que c'était source de tensions. Pour le moment, j'avais juste envie de nous changer un peu les idées. Et d'entretenir, par la même occasion, notre couple. Passer un peu de temps ensemble ne pouvait que nous faire du bien. Nous rapprocher, renforcer notre couple et notre complicité. Et ainsi le dissuader de partir. Peut-être... Dans tous les cas, rester enfermés par un si beau temps aurait été dommage. Et ce pique-nique semblait donc être une très bonne idée. D'ailleurs, il était pour moi hors de question de parler bébé maintenant... Vitaly semblait un peu plus détendu et j'avais simplement envie de passer un agréable moment en sa compagnie, évitant au maximum toute prise de tête.

Une fois arrivés au parc, je me mis à la recherche de l'endroit idéal pour nous installer. Et je finis par trouver un coin sympa, sous un arbre, au bord d'un ruisseau et légèrement éloigné. J'avais envie d'être tranquille avec lui et pas en plein milieu de la foule. Ici, cela semblait idéal. Bon, il y avait tout de même une famille avec trois jeunes enfants, pas très loin... Mais cela semblait inévitable dans un parc. Et encore, ils étaient un peu éloignés de nous. Et quand bien même ils se rapprochaient, il n'y avait pas mort d'homme, si ? « C'est parfait, oui. » Je souris avant de l'aider à déployer la couverture sur le sol, avant de m'y installer, sortant peu à peu tout ce que nous avions amené pour manger. Salades, chips, cakes salés et sucrés, de quoi faire des sandwichs, quelques fruits et gâteaux... Bref, suffisamment pour que nous repartions le ventre plein. Je sortais donc le tout et l'éparpillais sur la couverture, prenant ensuite le temps de nous distribuer quelques couverts en plastique et serviettes en papier. Oui, tout avait soigneusement été préparé... Je posais ensuite rapidement le regard sur toute la nourriture amenée et affichais un léger sourire. Il y avait de quoi nourrir tout un régiment, alors que nous n'étions que deux. « Vas-y sers-toi, il y a de tout ! Peut-être même un peu trop... » remarquais-je avec amusement. Cuisiner, ce matin, m'avait bien changé les idées. Et je m'étais peut-être un peu trop laissée aller, à préparer autant de choses... « Je suis contente qu'on prenne un peu de temps pour nous... Ça faisait longtemps qu'on était pas sortis comme ça... » Autrement dit, de manière presque irréfléchie, juste sur un coup de tête... Y compris pour des choses aussi simples qu'un pique-nique improvisé.

Puisque Vitaly avait peur que notre relation change avec l’arrivée de cet enfant, le mieux était sans doute de lui prouver dès à présent que nous pouvions encore nous comporter comme un couple, même si nous étions désormais trois. Et puis, j’avais besoin de relâcher un peu la pression et de passer tout simplement un moment en toute tranquillité et sans souci avec l’homme que j’aimais. Comme si de rien n’était. J’avais besoin de ça pour me sentir vraiment bien. Nous retrouver donc tous les deux, sans parler de cette grossesse, pouvait donc nous faire le plus grand bien. J’avais d’ailleurs bien compris qu’il avait tout aussi peur de me perdre. Et ce, au profit de cet enfant. Parce qu’évidemment, lorsqu’il serait là, je ne pourrais pas toujours privilégier Vitaly – si toutefois il restait – et il devait bien en être conscient. Cela ne voudrait pas dire pour autant que je cesserais de l’aimer, ni que notre couple aurait moins d’importance. Les choses seraient juste un peu différentes. Et je savais que, si dès maintenant, je délaissais Vit, il risquait d’avoir encore plus peur. C’était logique. Si, à peine enceinte, je commençais à le laisser de côté, il y avait fort à parier que ça n’allait pas le rassurer pour la suite… Voire même le pousser à prendre la mauvaise décision. Et à vrai dire, je n’avais, moi-même, pas envie de rester éloignée de lui. J’imaginais à quel point la situation devait être difficile pour lui… Et le soutenir me semblait tout à fait normal et dans mon rôle. Et puis, j’avais moi aussi besoin de lui pour accepter et affronter tout cela. Ce n’était pas évident non plus… Et l’avoir avec moi m’aidait à avancer. Seule, je n’étais pas certaine de trouver la force d’y arriver… Surtout avec un enfant sur les bras.

Une fois installés dans un coin à priori sympa et suffisamment isolé pour que nous soyons tranquilles pour cette sortie en tête à tête, j’entrepris de sortir toute la bouffe que nous avions emporté. Et que j’avais choisi ou préparé. Ce ne fut qu’en sortant tout cela que je réalisais ô combien je m’étais emportée… Il y avait de quoi manger pendant plusieurs jours, là ! « "Un peu trop" !? Je dirais plutôt tu t'es vachement emballée chérie ... » Je ne pu retenir un léger rire, ne pouvant qu’approuver ses propos. Oui, clairement, je m’étais emballée… Cuisiner m’avait permit d’oublier certaines choses, que je voulais tenir loin de mon esprit encore un peu… Ca m’avait permit de me changer les idées. Et puis, j’aimais bien cuisiner alors les choses s’étaient faites naturellement, sans que je me rende réellement compte qu’il y avait vraiment beaucoup pour seulement deux personnes. « Moui.. Je crois aussi ! » lâchais-je dans un nouveau rire avant de lui faire remarquer que j’étais vraiment heureuse de cette sortie. Au moins, cette annonce n’avait pas créé trop de tensions entre nous. Pour le moment en tout cas. Et puis, j’avais de toute façon toujours apprécié ce genre de moments avec lui, bien trop rares à mon goût… « J'en suis heureux aussi. » Un doux sourire apparut sur mon visage tandis que je me redressais également afin de commencer à manger.

Ce n’était pas mon genre de le mettre face à un dilemme, obligeant Vitaly à prendre une décision dans un certain laps de temps. Je trouvais d’ailleurs ça plutôt étrange et dérangeant comme pratique, surtout au sein d’un couple. En tout cas, personnellement, je ne me voyais pas lui demander clairement de choisir entre une vie de famille ou un retour au célibat pour lui. Les choses étaient ainsi et c’était à lui de voir où il se sentait le mieux. Evidemment, s’il ne se sentait vraiment pas de devenir père, et donc de continuer à mes côtés, cela nous obligerait à nous séparer. Mais je ne me voyais pas le quitter. Si nos chemins se séparaient, ce serait simplement car il ne voulait pas d’enfant et donc, de vie de famille avec moi… Ce serait donc plus par manque de choix que par réel désir, que nous pourrions venir à nous quitter. En tout cas, c’était comme ça que je ressentais les choses. Et dans le fond, il semblait même que, peu importe sa décision, je ne pourrais pas lui en vouloir. Ce n’était pas comme s’il m’avait fait faux bond… Non. Dès le départ, il n’avait jamais été question de fonder une famille. Ni pour lui, ni pour moi. A vrai dire, aucun de nous ne semblait réellement partant pour cela… Sauf que ça venait de nous tomber dessus. Mais puisque rien de cela n’avait été prévu, je ne pouvais que comprendre son inquiétude. Et même le fait qu’il préfère fuir devant cette paternité, plutôt que de s’enfermer dans une vie qui ne lui convenait pas. Je l’aimais et ne voulais donc que son bonheur, même si cela devait signifier la fin de notre histoire…

Mais dans l’immédiat, il n’était pas question de cela. Nous tentions de nous comporter comme si de rien n’était, en véritable couple que nous étions. Et, bien consciente que tout cela risquait peut-être de toucher à sa fin, à cause de ma grossesse, j’avais vraiment envie d’en profiter. Parce qu’évidemment, je songeais beaucoup au fait qu’il s’agissait peut être d’un des derniers moments que nous passions ensemble. Ou au contraire, au début d’une nouvelle vie à trois… Seul l’avenir nous le dirait. Lorsqu’il se moqua donc gentiment de moi – et de la quantité de nourriture préparée – je le pris avec humour, habituée à ce que l’on se taquine de la sorte. Nous mangeâmes ensuite, tentant vainement de finir tout ce qui avait été préparé. « Je crois que je viens de prendre dix kilos d'un coup. » Je ris doucement à sa remarque tout en rangeant également, avant de prendre place sur la couverture à côté de lui, m’allongeant, regard rivé vers le ciel. « Je connais une manière plutôt agréable de les perdre… » soumis-je avec un léger sourire en coin, un regard hautement provocateur et une voix pleine de sous-entendus. Cela avait toujours été, nous adorions nous provoquer et nous taquiner… Mon regard dévia ensuite sur la famille installée à quelques dizaines de mètres de nous. Les observant avec une certaine attention et tendresse, je ne pu m’empêcher de songer que c’était peut-être ainsi que nous serions d’ici quelques temps. Sauf que j’avais encore un peu de mal à réaliser que tout cela était vrai… J’avais beau observer cette famille, j’avais encore un peu de mal à réaliser que nous pourrions être ainsi dans quelques mois…

Tant que je nous voyais ainsi, j’avais du mal à imaginer que nous pourrions être séparés d’ici peu. Nous étions tellement bien et heureux, là, ensemble… J’avais vraiment du mal à réaliser que, malgré tout, il était peut-être sur le point de partir. Enfin, de renoncer à cette paternité et, par conséquent, de mettre un terme à notre histoire. Même si je savais qu’il était effrayé à cette idée, j’avais du mal à croire qu’il serait vraiment capable de me quitter. En tout cas, rien dans son attitude actuelle ne pouvait me laisser supposer cela. Cela risquait clairement de rendre notre séparation, si toutefois nous en arrivions là, véritablement difficile. J’avais beau le savoir, j’avais du mal à envisager sérieusement cette option là. Cela me semblait tellement insensé et improbable ! Si encore, il prenait ses distances envers moi, ou avait changé d’attitude, j’aurais peut-être plus de facilité à réaliser la gravité de la situation. Mais non. Pour le moment, tout se passait très bien. Nous nous comportions comme un véritable couple, comme à notre habitude. Comme si rien ne venait de bouleverser nos vies… Ainsi, j’en venais même à le taquiner, le provoquant gentiment. Exactement comme nous avions l’habitude de le faire… « Si on avait été seuls, j'aurais voulu en savoir plus dès à présent ... » J’esquissais un léger sourire en coin, adorant toujours autant jouer avec ce désir omniprésent entre nous. Dans des moments pareils, j’avais l’impression que notre couple était quasiment indestructible. Il n’y avait qu’à voir ce par quoi nous étions tout de même passé avant d’être un véritable couple… C’était bien la preuve qu’ensemble, nous pouvions surmonter bien des choses, non ? Et l’arrivée d’un enfant devait en faire partie… Enfin, je l’espérais…

Je le laissais ensuite venir se blottir vers moi, enroulant l’un de mes bras autour de lui. Je fermais alors les yeux, profitant du soleil réchauffant doucement nos corps, tandis que mes doigts courraient sur son bras. J’entrouvris soudainement les yeux en entendant des bruits de pas – plutôt rapides – venir vers nous. Bras tendus vers le ballon qu’elle poursuivait, la gamine du couple installé non loin de nous arrivait à toute vitesse dans notre direction. Sentant l’accident arriver, je me redressais légèrement et eus le réflexe de me protéger lorsque le ballon arrivait droit sur moi pour finalement venir effleurer mon ventre et rouler sur l’herbe à côté de moi.  Prise dans son élan, la gamine, quant à elle, finit par trébucher en arrivant vers nous et atterrit sur Vitaly. Sans plus tarder, je l’aidais à se relever. « Ca va, tu ne t’es pas fait mal ? » demandais-je, légèrement inquiète. Après s’être relevée, elle posa le regard sur moi, puis sur Vitaly. « Non, ça va… Désolée… J'a pas fait exprès... » répondit-elle finalement d’une petite voix en baissant la tête. C’était une enfant et elle devait avoir 5 ou 6 ans… Alors, clairement, je ne pouvais pas lui en vouloir. Elle finit par relever le regard et fixer plus intensément Vitaly. « C’est toi le monsieur qui fait des livres ? Ma maman elle en a un de toi je crois… même que y a ta tête sur le dessus du livre et que tu lui as fait un orthographe à ma maman… » expliqua-t-elle timidement. Elle était vraiment toute mignonne. Et je me pinçais légèrement les lèvres pour ne pas rire de la situation. Je savais très bien que Vit n’était pas très friand des enfants… Pourtant, je le laissais se débrouiller. J’avais envie de voir comment il allait réagir et puis, cette petite s’adressait à lui, pas à moi…

Vitaly ne semblait pas résolu à réfléchir sérieusement à cela. A vrai dire, depuis la veille, nous n’avions pas reparlé de cet enfant. Ni de l’avenir de notre couple. Nous avions tout simplement fait comme si de rien n’était, comme si tout allait bien. Et en soit, hormis cette grossesse, c’était le cas. Je craignais juste qu’il se conforte là dedans. Et si, par impossibilité de faire un choix, il attendait simplement que le temps passe ? Certes, il resterait à mes côtés… Mais si c’était pour finalement prendre la fuite à la naissance du bébé, réalisant qu’il n’était pas prêt pour ça, c’était bien pire. C’était donc ça, le problème. Il ne semblait pas vouloir se préoccuper de ce bébé maintenant, ni envisager de prendre une décision. J’osais cependant espérer que ça n’allait pas trop tarder… Je ne me voyais pas rester durant des semaines dans un tel brouillard, craignant tous les jours de le perdre. J’avais besoin d’être fixée au plus tôt. Attendre, simplement attendre, sans savoir de quoi demain serait fait, était tout bonnement horrible. Malgré tout, je ne pouvais et ne voulais pas lui imposer quoi que ce soit, ni le presser. J’aurais bien trop peur que ça l’incite à partir… Et ça, c’était bien la dernière chose que je voulais ! Je n’avais donc pas trente six mille solutions nous concernant… Je devais attendre. En espérant qu’il ne se déciderait pas deux jours avant la naissance, ou pire, juste après l’accouchement. Passer une bonne partie de ma grossesse avec lui à mes côtés, pour qu’il décide finalement de renoncer à cette paternité, serait sans doute difficile à accepter pour moi. Je savais que j’étais plutôt du genre à m’emballer et me faire rapidement des illusions. Plus il restait auprès de moi, plus j’allais croire que c’était définitif. Et c’est là que ça devenait risqué… Surtout s’il choisissait finalement de renoncer à cette paternité et donc à mettre fin à notre relation.

Ceci dit, il était suffisamment intelligent pour se douter que cette attente était difficile pour moi. Et qu’il allait donc tenter de prendre une décision assez rapidement. Mais je ne préférais, pour le moment, pas remettre le sujet sur le tapis. C’était bien trop frais. Et délicat. Et j’avais aussi un peu peur de sa réaction… Et j’eus tout aussi peur de sa réaction lorsqu’une gamine arriva vers nous afin de récupérer son ballon et trébucha finalement sur Vitaly. Pas sûr que ce soit le genre d’anecdotes qui lui donne envie de devenir père… Je fus cependant légèrement surprise et amusée lorsque, une fois relevée, la gosse reconnut Vitaly et commença à lui parler. Elle était vraiment craquante et la voir ainsi ne faisait que me conforter dans mon idée de devenir mère. Même si, dans tous les cas, ma décision était déjà prise. « Oui c'est ça, j'écris des livres ... » A croire que le destin se jouait de nous, en mettant cette gamine sur notre chemin, alors que l’annonce de ma grossesse ne datait que de la veille… D’ailleurs, Vit’ ne tarda pas à me lancer un regard plutôt désemparé, comme s’il me suppliait d’intervenir. Sauf que j’avais plutôt envie de le laisser faire… Sait-on jamais, si cela pouvait faire naître certains désirs en lui… Suite à cet aveu, la gamine afficha un large sourire et des yeux émerveillés, sans doute à l’idée d’être face à quelqu’un de connu. « Mais il ne faut le dire à personne. Les gens ne doivent pas me reconnaître. » Je retins un léger sourire amusé face à cette demande. La petite acquiesça vivement sans quitter Vitaly du regard. « Ca sera notre secret, alors ?? » demanda-t-elle, amusée de partager un secret avec Vitaly. Je souris en hochant la tête. « Oui, voilà, comme un secret… » soulignais-je, plus pour lui faire plaisir que pour préserver réellement notre tranquillité. « Ca doit être trooop bien d’avoir un papa qui écrit des livres ! Moi, mon vrai papa je le connais pas… Il nous aimait pas, maman et moi, alors il est parti quand j’étais toute petite… Et maintenant, maman elle a un nouveau chéri, mais moi je l’aime pas trop… » expliqua-t-elle avec une petite moue. Je regrettais soudainement qu’elle nous ait choisi, nous, pour parler de tout ça. Surtout dans la situation actuelle. Je lançais donc un bref regard à Vitaly, légèrement déconcertée moi aussi. « Je.. Je suis sûre que ça va s’arranger avec lui… Il fait sans doute de son mieux, tu sais… » glissais-je en évitant soigneusement la partie sur le père l’ayant abandonné, avant d’attraper le ballon et de lui rendre. « Tiens, ton ballon… » J’espérais juste qu’elle allait s’en aller, avant que les choses ne deviennent vraiment trop compliquées à gérer pour nous…

La vie pouvait parfois être étrange et déconcertante. Pourquoi avions nous rencontré cette gamine, ce jour là ? Peu de temps après l’annonce de ma grossesse ? C’était une drôle de coïncidence. Certains se seraient sans doute amusés à dire que c’était un signe du destin, un message ou je ne sais trop quoi d’irrationnel. Et je ne savais pas vraiment quoi penser de cela. Parce que l’histoire de cette petite était assez troublante. Surtout pour nous, dans la situation actuelle. Je me demandais quand même si elle aurait une quelconque influence sur Vitaly. Elle était vraiment toute mignonne et Vit’ se montra adorable envers elle… Mais de là à changer d’avis aussi rapidement, il y avait une grande différence. Mais j’étais quasiment certaine qu’en voyant cette petite, il pensait à nous et à nous futur enfant. C’était obligé. Mais le pire fut quand elle évoqua son père, et le nouveau compagnon de sa mère… Je fus même légèrement mal à l’aise pour Vitaly. A sa place, face à un tel discours, je culpabiliserais d’envisager de laisser ma famille. Et puis, cela risquait aussi de lui rappeler Serena, et leur enfant qu’elle seule élevait… Tout cela était plutôt délicat et je me doutais que Vitaly ne devait pas être très à l’aise face à cette môme. Même moi, je n’étais pas tout à fait à l’aise. Je voyais en elle ce que pourrait être notre fille – si ça en était une – dans quelques années, si toutefois Vit’ décidait de nous laisser. Et ça me faisait un petit pincement au cœur d’imaginer cela… « Je suis certain que ton papa t'aime. c'est obligé. Simplement, il avait peur de ne pas savoir te rendre heureuse. Les adultes sont parfois un peu bête tu sais. » J’écoutais avec attention sa réponse, songeant qu’il était mieux placé que moi pour la rassurer à ce sujet. Ne serait-ce que parce qu’il avait lui-même laissé femme et enfant. Il savait donc exactement ce que pouvait ressentir le père de cette gamine…

« Et le nouveau chéri de ta maman, a peut-être simplement peur que toi, tu ne l'aimes pas. Mais je suis certain qu'il t'aime beaucoup, dans le fond. » J’acquiesçais à ses propos, trouvant qu’il se débrouillait vraiment bien avec elle et savait trouver les bons mots pour la rassurer. A croire qu’il était naturellement doué pour ça… En le voyant ainsi, je l’imaginais avec notre futur enfant, réalisant qu’il ferait très certainement un bon père. « Regarde, tu vois, il te cherche. Tu devrais y retourner avant qu'il ne s'inquiète de trop pour toi. » Je souris à la petite en hochant la tête, comme un signe d’encouragement. J’affichais ensuite une mine amusée et surprise, lorsqu’elle déposa un baiser sur la joue de Vitaly, s’éclipsant ensuite rapidement pour retrouver sa famille. Je la suivais du regard avec un sourire attendri, avant de reporter mon attention sur Vit’, découvrant le regard songeur qu’il avait. Cette fillette ne semblait pas l’avoir laissé indifférent… « Lâche le morceau ... C'est une actrice que t'as engagé, pas vrai ? » Je ris doucement à sa remarque, bien d’accord sur le fait que cette rencontre était tout de même surprenante… « Dans ce cas là, je crois qu’elle mériterait un oscar… » soulignais-je tant elle aurait semblé sincère. Mais en réalité, elle l’était vraiment… Engager une actrice, pour tenter de le faire culpabiliser et le faire changer d’avis, c’était quand même un peu tordu ! « Si ça peut te rassurer, je trouve aussi cette rencontre assez troublante… » remarquais-je doucement, en m’emparant de l’une de ses mains. « Ceci dit, je trouve que tu t’en es vraiment bien sorti avec elle… » soulignais-je en venant déposer un bref baiser au coin de ses lèvres.

Pour Vitaly, l’histoire se répétait. Et je pouvais aisément comprendre que cela devait réellement être difficile à digérer. Et puis, sa décision n’était pas simple à prendre. Surtout qu’en dépendaient les vies d’autres personnes… Il ne pouvait pas faire un choix au hasard, et revenir en arrière s’il le regrettait. C’était donc bien pour cela que je lui laissais du temps. Même si j’avais besoin d’une réponse, le plus tôt possible, je voulais aussi qu’il réfléchisse pleinement à la situation, envisage toutes les possibilités et les conséquences de chaque décision qu’il pourrait prendre. Juste pour éviter de regretter quoi que ce soit dans quelques mois, voire années. Car refuser sa paternité et laisser femme et enfant, ce n’était pas rien. Et il y avait tout de même peu de chance que j’accepte qu’il revienne dans ma vie, s’il décidait de nous abandonner. A vrai dire, si tel était le cas, j’espérais bien, un jour, passer à autre chose. Et pas rester éternellement célibataire, à espérer qu’il revienne. Et je supposais que c’était ce qui s’était passé avec ma sœur. Si bien qu’aujourd’hui, s’il décidait de retenter sa chance avec elle, elle le rejetterait sans doute… Ou pas. Chacun son caractère et sa manière de voir les choses… Mais j’estimais que c’était quand même assez difficile, de revenir en arrière lorsque l’on prend une telle décision. Et même si je lui laissais du temps pour penser à tout cela, l’arrivée de cette gamine allait peut être faire avancer un peu les choses. Parce qu’il ne pouvait clairement pas rester indifférent face à elle et son histoire, si parlante pour Vitaly. Car même si sa décision n’était pas encore prise pour notre enfant, il avait choisi d’abandonner son premier enfant, quelques années plus tôt…

Après le départ de la gamine, je tentais de rassurer Vitaly, en lui indiquant qu’il s’était très bien débrouillé avec elle. Comme si cela pouvait l’encourager à accepter notre enfant. « Lindsay ... Est-ce que tu rends compte de ce que j'ai fais ? » Je fronçais légèrement les sourcils et posais le regard sur lui, craignant de comprendre où il voulait en venir. Cette fillette semblait réellement l’avoir perturbé. « J'ai un enfant. Déjà un je veux dire ... Et je l'ai abandonné. » Je me pinçais légèrement les lèvres et glissais ma main dans son dos. Nous ne parlions jamais de cela… Je n’osais pas réellement mettre le sujet sur le tapis mais supposais tout de même qu’il y pensait. Il ne pouvait pas avoir tout simplement oublié cela. Il avait tout de même un cœur ! Mais le voir ainsi me faisait mal… Et en même temps, c’était peut-être une bonne chose qu’il en parle, qu’il se livre à ce sujet… Garder pour soi son ressenti, ses doutes et regrets, n’était jamais très bon. « Vit’… Tu ne l’as pas réellement abandonné… Tu ne te sentais pas prêt à être père, tu as juste prit la décision qui te semblait être la plus adaptée pour toi et pour cet enfant… Il vaut parfois mieux ça que de rester, sans aimer ou sans être un bon père… » tentais-je pour le réconforter. « Puis, c’est quand même ton enfant… Tu es en droit d’aller là bas et essayer de le rencontrer ou au moins le voir… » soulignais-je, comprenant qu’il avait peut-être envie de découvrir comment était son enfant actuel, et peut-être assumer son rôle de père. « Tu… Tu regrettes ? » demandais-je alors d’une petite voix, en faisant référence à « l’abandon » de cet enfant.

Le fait qu’il ait pu laisser Serena, avec qui il avait été marié plus de cinq ans, partir avec leur enfant, simplement car il ne se sentait pas prêt à devenir père, ne me rassurait pas outre mesure sur notre situation actuelle. S’il avait été capable de tout lâcher, de tout laisser tomber, comme ça, juste par peur de devenir père, il pouvait très bien le refaire. Même quelques années après. Et si, bien sûr, j’espérais qu’il n’en serait rien, je devais bien concevoir que cela serait tout de même un peu étrange pour lui de se dire qu’il a deux enfants. Un abandonné, l’autre assumé. Oui, ce serait particulièrement injuste pour le premier… Et je pouvais comprendre que cela le bloque aussi. Mais nous ne parlions jamais de cela. C’était un sujet quand même assez délicat et je ne me voyais pas lui en parler librement et remuer le couteau dans la plaie. Parce qu’il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il devait, ne serait-ce qu’un peu, en souffrir. Je fus donc assez surprise lorsqu’il décida, après des années, de mettre le sujet sur le tapis. Mais si tel était son choix, je ne pouvais pas l’en empêcher. Et puis, si ça lui permettait de vider son sac et se sentir mieux, ce n’était que mieux ! Et assez rapidement, je soumis l’idée qu’il pouvait aller à sa rencontre. Certes, cela n’allait pas être simple et il risquait de culpabiliser encore plus… Mais ça pouvait aussi lui faire du bien de voir cet enfant qui était le sien tout de même ! Je ne pouvais pas lui empêcher de faire une chose pareille. Bien au contraire… « La seule chose que je me demande parfois, c'est si cet enfant est heureux et s'il m'en veut pour ma décision. » Malheureusement, ce qui était fait était fait et se torturer l’esprit n’allait rien changer. Même si c’était légitime qu’il s’inquiète de tout cela.

Sauf que je n’avais strictement rien à lui répondre. Je ne pouvais clairement pas lui affirmer que son enfant était heureux, sans son père. Ou pire, que Serena avait du trouver quelqu’un qui remplissait à merveille ce rôle. Et je ne pouvais pas lui affirmer que ce gosse ne lui en voulait pas… J’en avais bien envie, mais je savais qu’il ne serait pas si crédule. Je finis donc par lui demander s’il regrettait. Je parlais évidemment du fait de ne pas avoir accepté cet enfant, puisque c’était là le sujet principal de conversation. J’étais prête à tout entendre et pouvais comprendre qu’avec le recul, il puisse regretter d’avoir laissé femme et enfant partir. « Je ne sais pas ... Je ne sais pas quelles ont été mes bonnes décisions et les mauvaises. Je sais seulement avec certitude, que je ne regrette pas d'être revenu à toi. C'était ma seule évidence. » Un maigre sourire se dessina sur mon visage, tandis que je glissais le dos de mon index sur sa joue. Ce qu’il venait de me dire me touchait énormément. Et même, le simple fait de le voir ainsi, semblant si vulnérable, me touchait. C’était bien la première fois qu’il se montrait ainsi, aussi fragile et touché par quelque chose. Ce n’était vraiment pas dans ses habitudes de se montrer ainsi, et c’était plutôt surprenant. « Ca me touche beaucoup ce que tu me dis là, tu sais… Et j’espère que c’est toujours une évidence pour toi. Enfin, là n’est pas le sujet… Je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou mauvaises décisions. Tout dépend de chacun, de la manière de voir et concevoir les choses… Et donc, quoi que tu aies pu faire, ou que tu fasses, je ne pourrais que le respecter, surtout si ça te rend heureux. » soulignais-je doucement, levant le regard vers lui tandis que je serrais davantage ma main dans la sienne.

La conversation que nous avions désormais était on ne peut plus sérieuse et grave. Et je culpabilisais presque de ne pas avoir vu ce mal-être en lui. Je regrettais même de n’avoir jamais réellement osé lui parler de cet enfant et de ce passé si délicat. J’aurais du me douter que tôt ou tard, ça le travaillerait. C’était normal et prévisible. Il n’était pas sans cœur et souffrait forcément en sachant qu’il avait un enfant qui vivait sans son père biologique. Mais… Jamais il n’avait fait allusion à quoi que ce soit. Alors je ne m’étais pas plus inquiétée que ça. J’avais supposé qu’il avait réussi à accepter la situation, voire qu’il ne le vivait pas trop mal. Et je découvrais aujourd’hui qu’il était désormais un homme torturé. Et que le fait d’accepter – ou pas – cette nouvelle paternité, était aussi influencé par ses remords. « Je sais seulement que je culpabilise à l'idée d'élever cet enfant, alors que j'ai abandonné le premier. » Ca se comprenait. Et ça pourrait, d’un point de vu extérieur, paraitre injuste pour ce premier enfant. Mais qu’y pouvait-il, si à l’époque, il ne se sentait pas prêt à devenir père ? Cela justifiait-il vraiment d’abandonner un deuxième enfant ? Ne se sentirait-il pas plus coupable encore ? Si. C’était obligé. Et le pire, c’était que je ne savais absolument pas quoi répondre à cela. Je comprenais, bien sûr. Et je ne voulais pas l’influencer dans un sens ou dans l’autre, si c’était pour qu’il soit malheureux. J’aurais pu lui dire que cet enfant que nous allions avoir, serait pour lui une chance de se rattraper. Mais je ne me sentais pas de faire cela. C’était plutôt moyen comme attitude. Et lui dire que son premier enfant n’en saurait rien n’était pas une bonne idée non plus…

Je soupirais alors doucement en posant le regard sur lui, avant de le détourner. Le voir comme ça me faisait mal, vraiment… Et peut-être était-ce un peu de ma faute, non ? Après tout, si nous n’avions jamais eu de liaison, rester auprès de Serena aurait peut-être été sa « seule évidence ». Et il ne regretterait pas, à l’heure actuelle, d’avoir abandonné son enfant. « Je te comprends et pour être totalement franche, je ne sais pas quoi te dire de plus… Je n’ai pas envie de t’influencer, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Dans tous les cas, ce n’est pas une décision sans conséquences, tu le sais… Et c’est pour ça que toi seul est capable de la prendre. A toi de réfléchir à tout ce que tu peux ressentir et voir ce qui te semble être le mieux… Mais… N’as-tu pas peur de culpabiliser encore plus, si tu « abandonnes » également celui-là… ? » demandais-je avec une légère réticence. Je risquais de mettre le doigt où ça faisait mal et je ne voulais pas le blesser davantage. Je tenais juste à ce qu’il réfléchisse aussi à cela. S’il culpabilisait pour avoir abandonné un enfant, qu’allait-il en devenir s’il en abandonnait finalement deux ? « Prends le temps de vraiment y réfléchir, d’en parler… Et puis, tu sais que tu peux tout me dire. Je risque simplement de ne pas trop me prononcer lorsqu’il s’agira de notre enfant. Je ne veux pas t’influencer et te faire faire un choix que tu regretteras plus tard… Et concernant la culpabilité que tu ressens vis-à-vis de ce premier enfant, ce n’est pas rien. Pourquoi n’irais-tu pas voir un psy ? Tu ne peux pas garder tout ça pour toi… » soumettais-je en songeant qu’il pourrait vraiment tout lui dire et parler librement de tout. Y compris de moi et de notre enfant.

A vrai dire, je me doutais bien qu'un jour ou l'autre, le sujet finirait par être abordé. C'était tout à fait logique. Personne ne pouvait laisser son enfant partir, sans éprouver la moindre culpabilité. Et puisque la situation se reproduisait avec moi, cela ne m'étonnait pas vraiment que Vitaly se décide enfin à évoquer son premier enfant. Et ce qu'il ressentait était tout à fait légitime. Assumer et élever un enfant, alors qu'on a abandonné le premier, ne devait pas être simple. Pour cela, je ne pouvais pas lui reprocher quoi que ce soit. Et je comprenais aisément qu'il soit totalement perdu et plein de culpabilité en songeant à ce premier enfant. Après l'avoir écouté, je lui fit part de mon point de vue. Je concevais qu'il ait du mal à s'imaginer élever cet enfant, alors qu'il avait abandonné le premier. Mais ne risquait-il pas de s'en vouloir encore plus, s'il laissait encore un enfant sans père ? « Sans qu'il soit question de m'influencer ou quoi que ce soit de ce genre, tu as quand même le droit de me donner ton avis sur la question ... » Depuis le début, j'évitais de trop me prononcer. Parce qu'étant directement concernée par la décision qu'il prendrait, j'aurais clairement du mal à être objective. Et j'étais encore moins capable de l'encourager à abandonner cet enfant. Surtout parce que c'était aussi le mien... « Très bien... Alors comme je te l'ai dit, je comprends que tu te sentes horrible à l'idée d'assumer celui-ci en ayant laissé le premier. Mais je pense que tu le regretterai bien plus, si tu « abandonnait » les deux. Et puis, même si ça risque d'être difficile, aller voir ton premier enfant, peut-être faire sa rencontre – sans forcément te présenter directement comme son père – pourrait peut-être être une bonne chose. Ça te ferait du bien, je pense... Et puis, qui te dit qu'un jour, ça ne sera pas lui qui cherchera son père ? » Je soupirais doucement et observais l'horizon, avant de reprendre la parole.

« C'est à toi de voir si tu le veux vraiment, et si tu t'en sens capable. Mais je ne pourrais que te soutenir dans une telle démarche.... Tentes de reprendre contact avec Serena. Tout le monde fait des erreurs, des mauvais choix... Et puis, elle ne peut pas t'empêcher de voir ton enfant! Puis, mieux vaut tard que jamais, non ? » Même s'il faisait cette demande un peu tard, cela prouvait qu'il n'était finalement pas si monstrueux que ça, non ? « Bien sûr que je culpabiliserais encore plus si je tournais le dos à cet enfant là aussi... » J'acquiesçais doucement en glissant ma main dans ses cheveux, en guise de geste de réconfort. A vrai dire, je me sentais totalement impuissante. J'étais tout aussi paumée que lui et ne savais pas quoi faire pour l'aider... Je finis donc par lui suggerer d'aller voir un psy. Oh, je me doutais bien que l'idée n'allait pas vraiment lui plaire... Mais il fallait que je le tente. Je n'avais rien à perdre et cela pouvait être une bonne idée. « Pardon ? Tu m'imagines vraiment aller voir un psy ? La seule personne à laquelle j'aimerais pouvoir me confier, c'est toi. » Sa réaction ne me surprit pas vraiment. J'haussais vaguement les épaules et vins déposer un bref baiser au coin de ses lèvres. « Vitaly, ça va de soi que tu peux te confier à moi... Je dis juste qu'avoir quelqu'un d'autre, complètement extérieur à tout cela, peut aussi t'aider à te confier sur des sujets que tu n'oserais pas aborder avec moi... » Et pour preuve, il avait passé cinq ans à mes côtés, sans jamais oser parler de ce premier enfant...

Donner entièrement mon avis à Vitaly était, en fait, sacrément difficile. Parce qu’évidemment, j’avais envie qu’il reste auprès de moi et de notre enfant. Et je me voyais mal l’encourager à partir…. Mais dans le fond, n’était-ce pas égoïste ? Profiter de sa fragilité actuelle pour l’influencer… Non, ce n’était pas une bonne chose. De ce fait, je m’efforçais de rester vague, sans lui dire exactement ce que je pensais. C’était aussi car c’était un peu flou pour moi. Je comprenais ses peurs et doutes. Je n’avais pas envie qu’il reste avec moi par pitié et sois malheureux… mais je n’avais pas envie que l’on se sépare. Je finis cependant par l’encourager à reprendre contact avec Serena pour tenter de voir cet enfant… Cela pouvait lui faire du bien… comme lui faire regretter de ne pas avoir assumé cette paternité. J’avais l’impression que cette situation était juste impossible à gérer. Aucune solution ne me semblait réellement « bonne » et pouvant satisfaire tout le monde… « Je suis à peu près certain que Serena m'enverra chier si je fais un truc pareil ... » Je soupirais doucement, bien consciente qu’il avait peut-être raison. En fait, c’était même tout à fait légitime. Et là encore, je ne savais pas quoi dire de plus pour le rassurer. « Si vraiment tu as envie de voir cet enfant, tente quand même le coup… Mets toutes les chances de ton côté ! Tu n’as rien à perdre de toute façon… » répondis-je doucement en refermant ma main sur la sienne.

Et puis, je soumis l’idée qu’il aille voir un psychologue. Connaissant Vitaly, son refus ne m’étonna pas du tout. Il était bien trop fier et orgueilleux pour accepter d’aller se confier à un inconnu. Il m’avoua clairement préférer se confier à moi, ce qui semblait tout à fait normal. J’estimais juste qu’avoir quelqu’un de totalement extérieur à toute cette histoire pouvait l’aider. Mais soit. Il était assez grand pour savoir ce qui était le mieux pour lui. « Je n'ai pas besoin de me confier à un inconnu. » J’hochais vaguement la tête et enroulais mon bras autour de ses épaules lorsqu’il vint poser son front contre moi. « Très bien… C’était juste une proposition… Et tu sais très bien que je serais toujours là pour toi, si tu as besoin de te confier. » lui rappelais-je d’une voix douce. Je fermais alors les yeux un instant, profitant de ce moment. La peur que ce soit l’une des dernières fois où nous étions ainsi était toujours bel et bien là. Oui, j’avais peur de le perdre à tout moment. « J’ai pas envie que tu sois malheureux, c’était évident… Mais je n’ai pas envie de continuer sans toi non plus… Je ne suis pas certaine d’en être capable. J’ai besoin de toi, Vit’… Et cet enfant aussi. » dis-je finalement avec une légère hésitation, tout en posant ma tête contre la sienne. Je n’étais pas certaine qu’un tel discours l’aide vraiment. Mais au moins, il saurait ce que je pensais. Même si cela semblait évident…