Aaron & Sora

Pourquoi était-elle là déjà ? Probablement parce qu’elle était trop gentille, trop polie pour refuser de se rendre à une soirée. Même ses parents – chez qui elle vivait depuis sa sortie de l’hôpital afin qu’ils gardent un œil sur elle – l’avaient poussé à y aller. Elle n’avait pas pu cacher sa surprise et pourtant ce n’était pas bien étonnant lorsqu’on connaissait assez bien l’hôte. Richard était un jeune homme parfaitement respectable et loin d’organiser des soirées où de la drogue risquaient de circuler. C’était un ami de son frère, un jeune homme que ses parents adoraient et elle savait qu’il allait sans doute s’assurer qu’elle ne prenne rien qui iraient contre les médicaments qu’elle devait prendre pour s’assurer de continuer de se soigner correctement. Néanmoins, elle n’avait pas eu la moindre envie de s’y rendre. Elle n’avait jamais rien eu contre des soirées comme celle-ci, mais elle aurait préféré rester enfermée dans sa chambre à regarder n’importe quelle série télévisée bien au chaud sous sa couverture. Elle voulait être tranquille et sortir le moins possible. Elle avait envie de reprendre des forces avant d’affronter la foule, avant d’avoir à faire face aux regards des personnes qui savaient ce qu’elle avait encore vécu dernièrement.

La dernière fois qu’elle était sortie c’était lorsque son père biologique avait tenu à la voir et machinalement elle avait accepté, mais depuis la guatémaltèque évitait de sortir comme si elle craignait l’air de New York, du moins hormis pour ses rendez-vous chez le psychologue. Elle considérait avoir besoin de temps seule avant d’être certaine de pouvoir affronter le monde extérieur, toutefois sa psychologue n’était pas d’accord avec sa façon de voir les choses, pas plus que ses parents adoptifs et lorsque Richard avait parlé de sa soirée, immédiatement Doug et Carol avaient fait en sorte que leur cadette s’y rende. Elle n’y serait pas seule puisque son frère allait y aller également et qu’il était probable que sa sœur suive le mouvement, mais ce n’était pas pour autant que la demoiselle s’en sentait rassurée. Elle passa d’ailleurs sa journée enfermée dans sa chambre à tenter de trouver tous les moyens possible pour retrouver du courage. Même si elle avait toujours été faible à cause de son histoire, ce n’était pas pour autant qu’elle avait fait autant preuve de lâcheté ces dernières années. Elle s’était toujours efforcée de garder la tête haute, mais elle avait tellement honte de ce par quoi elle était à nouveau passée que la difficulté lui semblait bien plus insurmontable que par le passé.

Toutefois, l’heure de partir arriva bien plus qu’elle ne l’aurait voulu et elle ne put s’empêcher de remercier sa sœur pour tenter de lui changer les idées en l’aidant à trouver une tenue pour la soirée. Sora continuait d’avoir une certaine notoriété. Elle continuait sa carrière dans le mannequinat – bien qu’elle soit en pause depuis plusieurs semaines – et Jazmin partait du principe qu’elle devait continuer d’avoir des tenues irréprochables. Son aînée passa pratiquement une demi-heure à fouiller dans son armoire à la recherche de ce qu’elle allait mettre pour la soirée tandis que Sora restait assise en tailleur sur son lit, la regardant faire en silence. « Il faut vraiment que tu penses à acheter plus de jeans … y a quasiment que des robes et des jupes. ». Probablement parce qu’il s’agissait des vêtements qu’elle préférait. Ce fut d’ailleurs sur une robe que le choix de sa sœur s’arrêta, une robe imprimée zèbre qu’elle posa sur le lit et qu’elle compléta d’une veste en jeans et d’une paire d’escarpins noirs en suédine. Jazmin avait vraiment le goût du détail et partait du vêtement jusqu’aux bijoux. Néanmoins, grâce à sa sœur elle avait gagné une bonne heure et ce fut à l’heure qu’ils arrivèrent chez Richard qui voyant la jeune guatémaltèque lui adressa un large sourire avant de l’emmener vers le bar où il lui servit un verre de coca avant de lui tendre.

« Je t’ai à l’œil Emmagan, pour toi pas d’alcool. ». Sora leva les yeux au ciel et accepta le verre avec un sourire en guise de remerciement pour aller se mettre dans un coin de l’appartement où elle put observer toutes les personnes déjà présentes. Elle ne connaissait pas les trois quarts de ces gens. A vrai dire les seuls qu’elle connaissait étaient son frère, sa sœur, Richard … et un jeune homme sur qui son regard s’arrêta un long moment durant son observation. Malgré elle, un petit sourire étira ses lèvres et elle ne mit pas de temps à traverser la pièce pour le rejoindre et se poster à côté de lui, tournée de sorte à continuer de regarder tout le monde. « Richard a invité tout New York ou tu as été traîné ici de force ? ». Les yeux rivés en direction de sa sœur qui se sentait déjà parfaitement à son aise entourée d’autant de monde, Sora tourna toutefois la tête vers Aaron en lui adressant un sourire. Elle ne pouvait pas cacher le fait d’être ravi de voir une tête connue qui n’avait rien à voir avec sa famille ou les amis de cette dernière, surtout qu’elle connaissait Aaron des divers rendez-vous chez la psychologue qu’elle la suivait depuis sa sortie de l’hôpital faisant de lui une personne envers qui elle avait naturellement confiance.

Dire qu’elle ne se sentait pas à sa place ou de trop aurait été un euphémisme. D’un coup elle éprouvait le grand besoin de fuir toute cette foule et de retourner s’enfermer dans sa chambre comme elle savait si bien le faire depuis qu’elle était sortie de l’hôpital. Elle retrouvait petit à petit le goût des choses et s’efforçait de se reprendre en main, toutefois le fait de se sentir sans cesse fatiguée ne l’aidait pas le moins du monde. Elle craignait la foule et plus exactement le jugement que les gens pourraient avoir la concernant alors qu’elle savait pourtant que seuls ses proches savaient ce par quoi elle venait de passer, mais sa paranoïa prenait le dessus. Sora faisait de son mieux pour redevenir un tant soit peu joyeuse et au fond elle savait que si elle avait accepté le fait de sortir ce soir – même si elle y aurait finalement été obligée – c’était afin de renouer avec les bons côtés de sa vie passée. Elle voulait retrouver totalement goût à la vie, être heureuse et s’amuser comme n’importe quelle jeune femme de son âge mais étant donné ce par quoi elle était passée le mois précédent ce n’était pas aussi simple que ça. Sa psychologue s’efforçait de l’aider à voir les bons côtés de sa vie. Elle avait des personnes qui l’aimaient auprès d’elle, des personnes prêtes à tout afin qu’elle soit aussi joyeuse qu’elle avait pu l’être auparavant.

Toutefois, ce n’était pas la seule chose que sa psychologue s’efforçait de faire. Les premiers rendez-vous n’avaient pas été très constructifs étant donné qu’elle avait tout simplement refusé de parler. Elle était restée pendant une bonne heure à fixer le bureau de la jeune femme tandis que cette dernière avait refusé de faire le premier pas et puis, au bout de trois séances Sora avait fini par baisser les bras et s’était doucement ouverte à cette inconnue qui était payée pour l’aider à aller mieux. Elle était devenue sans la moindre hésitation l’inconnue qui en savait le plus sur sa vie et sur ses pensées en si peu de temps. Son blocage passé, la guatémaltèque s’était vite rendue compte combien parler pouvait lui être bénéfique même si sur certains points elle continuait d’être butée sur le fait de ne pas vouloir parler. Son père par exemple … il était entré dans sa vie que très récemment mais Sora refusait d’en parler comme elle refusait de surmonter la colère qu’elle pouvait éprouver contre ce dernier d’avoir abandonné sa mère et elle-même et ce quoi que soit son excuse. Ca … Sora n’en parlait pas et pourtant ce n’était pas faute d’avoir essayé. Néanmoins, elle suivait ses conseils au maximum et lorsque tout le monde avait décidé qu’il serait bon pour elle de sortir, la jeune femme n’avait pas eu d’autre choix que de se plier à leurs exigences et voilà où elle en était.

Elle ne connaissait pas les trois quarts de personne présentent dans l’appartement au point de préférer rester dans son coin tandis que Jazmin et Mattéo se fondaient dans la masse sans le moindre problème. Rentrer l’attirait vraiment plus que boire son verre de coca seule jusqu’à ce qu’une silhouette familière attire son attention. Aaron et elle s’étaient connus dans la salle d’attente du cabinet de la psychologue qu’ils avaient en commun. Sans bien savoir pourquoi, ils s’étaient parlés, s’étaient bien vite appréciée et ce fut pour cette raison qu’elle n’eut pas la moindre hésitation à le rejoindre à l’autre bout de la pièce. « Il semblerait plutôt que Richard connaisse tout New York. On se connait rapidement, il a dû voir sur ma tête que j’avais besoin de faire quelques connaissances… ». Un léger sourire étira les lèvres de Sora qui acquiesça d’un bref signe de la tête. Elle savait que Richard avait pas mal de connaissances en ville et ce surtout grâce à ses parents, mais elle ignorait que parmi ces personnes se trouvait le jeune homme à ses côtés, ce dont elle n’était pas mécontente. « En tout cas je suis ravi que tu sois là copine de psy ! Et puis il faut bien le dire tu es particulièrement ravissante ce soir. ». Sourire d’autant plus présent sur ses lèvres, la guatémaltèque baissa la tête suite au compliment du jeune homme et ne tarda pas à mettre le nez dans son verre pour faire passer ce petit moment où elle ne pouvait s’empêcher de se sentir gênée par un simple compliment.

« Merci … t’es plutôt pas mal aussi … enfin je veux dire dans cette tenue. » tenta-t-elle afin de rattraper ses premiers mots qui pouvaient être interprétés d’une manière tout autre que celle qu’elle avait en tête. Son regard balaya une nouvelle fois la pièce et se posa sur sa sœur qui regardait en sa direction, sourcils froncés et visiblement curieuse par le fait de la voir discuter avec Aaron. « T’as besoin de faire des connaissances hein ? Tu vois la fille qui regarde dans notre direction ? » demanda-t-elle en désignant assez discrètement Jazmin de son menton avant de poser les yeux sur Aaron. « Si tu veux pouvoir faire la moindre connaissance évite-la … étant donné le regard de ma sœur elle ne pense qu’à te mettre dans son lit en ce moment. Et là-bas, c’est mon frère, le meilleur ami de Richard. Lui tu devrais pouvoir t’entendre avec et il t’aidera à faire des connaissances sans le moindre problème, il connait tout le monde. ». Et voilà, c’était tout puisqu’elle-même ne connaissait personne d’autre. Quant à elle, elle ne pouvait pas lui apporter grand-chose hormis sa présence et elle avait volontairement évité de parler d’elle puisqu’elle avait la sensation de ne pas lui servir à grand-chose à part lui parler comme ils le faisaient si souvent dans la salle d’attente qu’ils connaissaient par cœur.

Finalement, Sora en vint vite à se demander si elle était véritablement d’une bonne compagnie pour le jeune homme … après tout elle ne lui servait pas à grand-chose si jamais il désirait faire de nouvelles connaissances puisque elle-même ne connaissait que trois personnes – hormis lui, bien sûr – et elle n’avait pas la moindre envie de se mêler à la foule. La jeune femme avait fait l’effort de venir et surtout d’accepter mais il fallait bien dire qu’elle n’y mettait pas de la bonne foi depuis qu’elle était arrivée et qu’on lui avait confié son verre de coca et qui ne devait contenir que ce type de boisson si elle ne voulait pas que Richard lui tombe sur le dos. Aaron, lui, avait bien plus de chance de se mêler à la foule puisque sa présence prouvait que c’était bien ce qu’il souhaitait faire étant donné qu’il connaissaient encore moins de monde que la Guatémaltèque. Pourtant, les propos de la jeune femme concernant sa propre sœur pouvaient donner l’impression qu’elle n’avait pas la moindre envie qu’il aille voir ailleurs ce qui était totalement faux.

« Si on s’approchait de la table pour boire et manger quelque chose ça te dirait ? Peut être que là bas on fera des connaissances car pour le moment on est aussi seul que lorsqu’on est dans la salle d’attente de notre cher médecin ! ». Fronçant doucement son nez, Sora dévia son regard pour aller le poser en direction du buffet où un peu plus de monde se trouvaient. Se mélanger aux autres lui faisait encore peur elle qui craignait leur regard et surtout ce qu’elle pourrait lire dans ces derniers, mais puisque Aaron semblait vouloir le faire, la jeune femme ne voyait pas comment lui refuser une telle chose. « Allons-y ! » Dit-elle en essayant d’y mettre le plus de conviction possible tandis qu’ils se dirigeaient tous les deux vers la table, Sora se frayant un chemin sans mal parmi la foule. Son regard croisa brièvement celui du Richard qui lui adressa un sourire avant de secouer son verre pour lui faire comprendre qu’il la surveillait toujours forçant la jeune femme à lever les yeux, prise d’un certain agacement. « Et qui te dit que je ne cherche pas qu’à mettre une femme dans mon lit, dois je te rappeler que je reviens de dix ans d’armée ? J’ai du temps à rattraper hein ! ». Sora posa les yeux sur Aaron en arquant un sourcil et détourna quasiment aussitôt son regard en direction de sa sœur pour ensuite grimacer. « S’il te plait … me dis pas des choses pareilles j’ai des images probablement gravées à jamais de toi et ma sœur en tête maintenant. ». Sur ces mots, la Guatémaltèque attrapa l’un des petits fours se trouvant près d’elle et ne tarda pas à l’engloutir dans un soupire de bonheur. C’était toujours plus agréable en bouche que la nourriture que lui préparait sa mère depuis sa sortie de l’hôpital.

Elle n’était pas contre de la nourriture saine – d’autant plus que c’était bien moins violent pour son estomac – mais celle que lui préparait Carol avait un goût de carton qui lui donnait de plus en plus la nausée, loin du goût parfait de ce qu’elle venait de manger. « Aller ne fais pas cette tête ! C’est toi que j’ai trouvé très belle ce soir et vous êtes loin de vous ressembler alors elle n’est pas du tout à mon goût ! ». Sentant ses joues chauffer comme jamais, la jeune femme mit du temps avant de trouver le courage de lever les yeux vers Aaron pour lui adresser un large sourire en guise de remerciement. Sora n’avait plus l’habitude à ce que l’on soit aussi franc avec elle puisque jusqu’à encore quelques mois elle était mariée et parfaitement heureuse avec ça. Maintenant sa vie sentimentale lui semblait bien plus compliquée et tournait autour d’une seule personne qui lui paraissait être totalement inaccessible tant Danjel pouvait aimer sa liberté. « Pour sa défense elle n’est que ma sœur adoptive. » Affirma-t-elle avec sérieux et secouant la tête avant qu’un petit sourire n’apparaisse au coin de ses lèvres. « Merci du compliment Aaron, ça me touche vraiment et pour être sincère, de tous les gars que je vois pour l’instant tu es de loin le plus intéressant. ». Aussitôt dit et elle se retrouva aussitôt le nez dans son gobelet pour boire une longue gorgée de coca afin de cacher au mieux ses joues qui s’empourpraient à nouveau.

Il y avait longtemps qu’elle avait autant rougi au point que la jeune fille en avait oublié qu’à chaque fois que ça lui était arrivé elle n’avait jamais su où se mettre. Pendant des années elle n’avait été qu’une demoiselle discrète qui essayait de faire parler le moins d’elle possible sans pour autant apprécier d’être trop dans l’ombre. Lorsqu’elle vivait encore à Champérico, elle était connue de quasiment tout le monde et ce uniquement parce que sa mère était une archéologue très appréciée et qu’il y avait un semblant d’histoire entre cette dernière et l’un des policiers de la ville. Sora, elle, n’avait été que la fille qui se démarquait par sa joie de vivre et ce petit sourire sans cesse peint sur ses lèvres. Toutefois, lorsque sa mère avait été victime d’un conflit entre deux gangs ce sourire avait doucement disparu de ses lèvres et une fois à New York elle n’avait été que la sœur adoptive de Jazmin et Mattéo, l’orpheline qui vivait dans l’ombre de sa sœur. Elle avait souffert des moqueries de ses camarades au lycée au point d’en être venue à être très surprise dès lors qu’on lui portait un tant soit peu d’intérêt comme pouvait le faire Aaron ce soir.

Cependant, Sora avait pris confiance en elle lorsqu’elle avait débuté sa carrière de mannequinât, mais ce n’était pas cette dernière qui allait l’aider à gérer une situation où un homme s’intéressait clairement à elle. « On trinque ? A la jolie blonde que j’ai en face de moi et qui n’a pas de souci à se faire sur le fait que je ne toucherais pas à sa sœur ! ». Ramenée à la réalité par le verre que l’Anglais lui tendait, le regard de la jeune fille dévia en direction de Richard et une fois qu’elle fut certaine que ce dernier ne regardait pas vers eux, elle reporta son attention vers Aaron et attrapa le verre qui lui tendait pour trinquer avec lui, un sourire toujours aux lèvres. De toute manière, qu’est-ce qu’un seul verre d’alcool risquait de lui faire ? Ce n’était pas comme si elle allait en boire des tonnes ce soir. Ainsi, convaincue qu’elle ne risquait rien, la Guatémaltèque porta ensuite le verre à ses lèvres et bu une légère gorgée de son contenu. « Intéressant… Ma foi je m’en contenterais, j’aurais préféré charmant, intriguant mais intéressant me va aussi ça montre que je ne suis pas si bête il faut croire… ». Sora grimaça légèrement. Elle n’était pas très douée, elle était même très maladroite dès qu’il s’agissait de parler de sentiments parce que jusqu’à présent elle n’avait pas vraiment eu besoin de le faire, que ce soit avec Dean ou avec Danjel, les deux hommes la connaissaient par cœur et n’avaient pas besoin qu’elle parle pour savoir ce qu’elle pensait.

Avec Aaron c’était totalement différent dans la mesure ou malgré les nombreuses fois où tous les deux s’étaient déjà vus, ils ne se connaissaient pas à ce point. Son attention se porta finalement sur le bras que lui tendit le jeune homme et le sourcils blonds de la demoiselle se froncèrent face à son incompréhension. « Si madame veut bien me suivre dehors, je pense que tu as besoin de prendre l’air vu la couleur de tes joues. ». Ses joues chauffant d’autant plus, elle ne tarda pourtant pas à prendre le bras d’Aaron – elle profita également d’un petit instant pour poser son verre sur le buffet – et elle se laissa guider vers l’extérieur de la propriété où, en effet, l’air frais lui fit le plus grand bien. « Donc … tu me portes plus d’intérêt qu’à toutes les charmantes jeunes femmes présentent ce soir ? » Demanda-t-elle en prenant appuie contre le garde-fou, le regard d’abord porté sur l’horizon puis se posant sur Aaron. « Je ferais peut-être mieux d’en profiter avant que tu ne changes d’avis. ». Un léger sourire amusé étira les lèvres de Sora qui resta dans la même position, ses avant-bras en appuient contre la balustrade, les mains croisées et le regard tourné vers le jeune homme à ses côtés.

La soirée commençait à prendre une tournure toute autre que celle à laquelle elle s’était attendue et il fallait avouer que le jeune homme près d’elle y était pour beaucoup. Elle s’était attendue à passer la soirée, seule dans un coin, à broyer du noir en voyant toutes les autres personnes parler de vive voix et rire à gorge déployée. Elle avait su dès le moment où elle avait été forcée à venir qu’elle n’allait pas se mêler à la foule, ça ne l’intéressait pas et surtout elle n’avait pas la moindre envie d’entendre diverses questions tourner autour de ce qui lui était arrivée. Bien qu’elle ait conscience de ne pas être le centre du monde, sa notoriété faisait d’elle une personne dont on connaissait la vie assez facilement. Elle était mannequin depuis deux ans pour de grandes marques – plus récemment pour Burberry – et s’ajoutait à ça le fait qu’il avait été révélé que la jeune femme était également une des héritières d’Apple, de quoi lui assurer de ne pas passer inaperçue et que le moindre de ses gestes allaient être surveillés. Beaucoup savaient ce par quoi elle était passée. Ils savaient qu’elle avait un passé peu glorieux derrière elle et qu’elle avait fait une rechute quelque temps auparavant après avoir appris que son mari ne reviendrait jamais plus à New York.

Sa vie était bien compliquée et Sora n’avait pas la moindre envie d’aller en parler à ces personnes qui, au final, lui étaient pour la plupart inconnues. Toutefois, si elle avait fait le choix d’accepter de se mêler à eux, elle savait très bien qu’elle aurait dû se faire violence pour ne pas envoyer Richard sur les roses, connaissant assez bien le jeune homme pour savoir qu’il se serait fait un malin plaisir à la taquiner. Fort heureusement pour elle, ces deux options furent éloignées au moment où son regard se posa sur Aaron et surtout lorsqu’elle fit le choix de le rejoindre et de lancer la discussion entre eux. Le jeune homme était de loin la seule personne avec qui la Guatémaltèque était ravie de parler, l’une des rares personnes à ne pas l’assommer avec un tas de questions sur son état de santé ou sur ce à quoi pouvait se résumer sa vie à présent. À force de se voir dans la salle d’attente de leur psychologue, ils avaient appris à se connaître, mais surtout à comprendre que s’ils se rendaient là-bas c’était qu’ils en avaient besoin et qu’ils n’avaient pas forcément envie de s’étaler sur la raison de leur présence. Sora n’avait pas totalement honte des siennes, après tout craquer arrivait à tout le monde, toutefois il était vrai qu’elle aurait bien passé l’histoire de la drogue sous le silence, mais ce n’était pas le sujet de leur conversation.

Non, la leur dérivait sur un sujet qui surprenait totalement la demoiselle qui face aux compliments de l’Anglais était incapable de ne pas rougir, appréciant donc le contact avec l’air frais de l’extérieur qui l’aida un tant soit peu à se calmer et à ne pas piquer un fard à chaque fois qu’Aaron la complimentait. « J’aurais plutôt dis qu’il n’y a que toi qui attire mon attention ce soir mais si tu préfères les choses dans l’autre sens, alors oui aucune de ses filles ne m’attirent, aucune ne t’arrive à la cheville ma chère ! » Sora arqua un sourcil, la tête tournée en direction du jeune homme. Puis, après lui avoir adressé un sourire – remerciant mentalement l’obscurité qui cachait ses joues à nouveau rouge – son attention se porta sur l’horizon qu’elle fixa un long instant en silence. « Profiter… Je pense que ça doit être le maître mot de la jeunesse ! Ce n’est pas moi qui te dira de te retenir de profiter… » La jeune femme tourna de nouveau la tête vers Aaron et se retrouva à quelques centimètres de son visage éveillant un vent de panique en elle. La seule personne avec laquelle elle avait accepté un tel rapprochement n’aurait que très peu appréciée ce qui était actuellement en train de se dérouler, Sora le savait pertinemment, et pourtant elle n’eut aucun mouvement de recule, son regard croisant brièvement celui de l’Anglais.

Silencieuse, elle le regarda se redresser, curieuse de savoir ce qu’il s’apprêtait à faire, surtout lorsqu’il ôta sa veste avant de la déposer sur ses épaules, un geste touchant qui la fit d’autant plus sourire et rougir. « Je ne voudrais pas me retrouver seul dans la magnifique salle d’attente de la psychologue après-demain parce que je t’aurais fait attraper froid ce soir… On continue de se promener ou tu restes là ? » Maintenant la veste d’Aaron sur ses épaules avant d’enfiler les manches bien trop grandes pour elle, sa question posée, elle tourna la tête en direction de la soirée qui continuait de se dérouler sans même que les invités ne remarquent leur absence et porta à nouveau son attention vers le jeune homme, un large sourire aux lèvres. « Continuons, de toute manière qu’on soit ici ou ailleurs ils n’y verront pas de grande différence. » Sur ces mots elle s’éloigna de la balustrade et s’avança à la hauteur d’Aaron un peu plus loin sur la propriété de la famille de Richard jusqu’à trouver un banc assez éloigné du reste de la maison sur lequel la demoiselle prit place. « Bon … maintenant qu’est-ce que tu peux bien avoir derrière la tête pour nous cacher du reste des invités ? Tu veux voir si ma sœur a prévu de t’avoir au point de te surveiller ? » Elle avait bien compris qu’il ne portait aucun intérêt à son aînée, mais Sora le taquinait poussée également par la curiosité qui s’était éveillée en elle lorsqu’il avait voulu aller ailleurs, dans un coin plus isolé.

Sans doute aurait-elle mieux fait de rester près de ces personnes qu’elle connaissait si peu, voire même pas du tout. Peut-être aurait-elle mieux fait de refuser d’aller dans un coin plus tranquille, elle ne le savait pas … elle ne le saurait jamais. Elle avait été bien trop poussée par sa curiosité, par ce besoin de savoir ce que le jeune homme pouvait avoir en tête même si elle était loin d’être idiote et que, quelque part, elle l’avait déjà bien compris. Peut-être était-ce le fait d’apprécier qu’on lui porte autant d’intérêt qui la poussait à agir de la sorte ? Ca non plus, elle ne le savait pas ou tout du moins elle ne pouvait pas en être certaine. Il avait été tellement habituel pour elle d’être dans l’ombre des autres qu’à chaque fois qu’une personne s’intéressait de près ou de loin à elle, une fois passée la surprise, vouloir en savoir plus était plus fort qu’elle. Pourtant, elle s’était bornée à considérer l’anglais comme un ami, même s’ils avaient appris à se connaitre bien plus rapidement qu’avec n’importe quelle autre personne et ce parce qu’ils avaient pu s’ouvrir plus facilement dans cette salle d’attente où ils s’étaient rencontrés pour la première fois.

Il était une personne dont elle était proche et en qui elle avait appris à avoir confiance sans trop savoir pourquoi ni même comment, aller plus loin n’avait jamais effleuré son esprit sans doute parce que ce dernier était sans cesse envahi par une seule et même personne à chaque fois qu’elle pensait à son futur. Toutefois, la guatémaltèque n’avait aucune preuve que sa relation avec la dite personne évoluerait dans le sens qu’elle espérait tant au fond d’elle-même et ce depuis un petit moment. Sa psychologue lui avait de continuer de vivre, qu’elle était encore jeune et qu’elle avait ainsi la vie devant elle. Elle avait sérieusement envisagé de suivre ce conseil, mais penser à lui était toujours plus fort qu’elle même si, par moment, elle en souffrait également. Peut-être était-ce aussi la raison qui l’avait poussé à accepter la proposition d’Aaron ? Peut-être avait-elle envie de voir ce que pouvaient lui offrir les autres possibilités qui s’offraient à elle même si elle n’était pas en mesure de connaître tout de suite les conséquences de ses choix. Sora cessa d’y penser bien rapidement et suivit l’anglais jusqu’à l’un des bancs où tous les deux prirent place, la veste d’Aaron toujours sur les épaules de la guatémaltèque qui posa à nouveau son regard sur lui. Elle sentait une légère impatience la gagner. Elle tenait à savoir réellement ce qu’il avait en tête même si, autant le dire, elle le savait très bien, elle souhaitait seulement qu’il prononce à voix haute ce qu’elle pensait tout bas. Cependant, ce ne fut pas la réaction d’Aaron.

En réalité, ce qui se passa fut tout à fait inattendu pour la jeune femme qui ne sut comment réagir. Ce baiser qui lui donna eu le don de lui faire perdre tous ses moyens et de l’empêcher de réfléchir convenablement. Elle s’était attendue à ce qu’il lui parle et non pas à ce qui l’embrasse, expliquant ainsi le fait que Sora ne fit pas le moindre geste lorsque l’anglais l’embrassa. La jeune femme se contenta de le regarder avec une légère pointe d’incompréhension dans le regard tandis qu’aucun mot ne parvenait à franchir le seuil de ses lèvres. « Au cas où tu ne l’aurais compris, je me fou complètement de ta sœur… » Ça, elle l’avait plutôt bien compris et ce au moment même où leurs lèvres s’étaient rencontrées. Sora doutait sincèrement qu’il soit le type d’homme à embrasser une jeune femme tout en passant à une autre non loin d’eux, du moins c’était ce qu’elle pensait. Son regard ne parvenait plus à quitter celui d’Aaron, sa bouche resta entrouverte bien qu’elle soit toujours incapable de dire quoi que ce soit. Lorsqu’il l’embrassa une nouvelle, son premier réflexe – probablement idiot – fut de le lui rendre avec la même intensité sans pour autant trop s’engager même si, sur le coup, ce n’était pas ce qui l’aurait dérangé.

Elle ne pouvait pas nier le fait qu’Aaron l’attirait tout particulièrement et qu’il lui montre avoir de l’intérêt pour elle n’était pas non plus négligeable. Pourtant, après un long moment à lui rendre son baiser, Sora finit par s’éloigner de lui, une expression désolée dans le regard avant de se lever sans crier gare, lui rendant sa veste avant de rejoindre au plus vite le reste des invités. Mais ce fut sans compter sur le jeune homme qui parvint à la rattraper bien vite. Aaron l’arrêta dans son élan après avoir saisi son bras, forçant la jeune femme à lui faire face sans détourner son regard. « Qu’est-ce que tu fais Sora ? Je suis désolé si j’ai fait quelque chose de déplacé, quelque chose qui t’a blessé… » Ce qu’elle faisait ? Excellente question étant donné qu’elle était actuellement en train de se poser la même. Pourquoi le repoussait-elle alors qu’elle aurait pu accepter ses avances et l’intérêt qu’il lui portait puisqu’elle était officiellement célibataire bien qu’officieusement se soit bien plus compliqué. La guatémaltèque humecta ses lèvres et soupira avant de trouver le courage de lui répondre. « Je … tu n’as rien fait de mal, c’est juste que … c’est compliqué et je ferais mieux d’y aller. » Dégageant doucement son bras, Sora lui adressa un nouveau regard désolé et s’empressa de regagner la pièce où se trouvait tout le monde, faisant comprendre d’un regard à son frère qu’elle ne comptait pas s’éterniser plus longtemps ici, regagnant bien vite la sortie, son frère sur les talons.