ALOYSIA & SORA

❝ all of my memories keep you near ❞

Un soupire s’échappa de ses fines lèvres formant de la buée sur la vitre près de laquelle elle était assise, emmitouflée dans son plaid, le regard fixant les passants dehors dans l’air froid de cet automne à New York. Chaque samedi, elle passait la plus grande partie de son temps à fixer le monde de sa chambre, voyant la journée défiler avec lenteur sans lui porter de grand intérêt. Elle allait mieux, c’était du moins l’impression qu’elle avait, mais elle appréciait tout de même le fait de rester dans sa bulle au moins une fois par semaine. Elle reprenait du poil de la bête depuis qu’elle avait accepté de se rendre régulièrement chez un psychologue. Finalement, parler à un inconnu lui faisait le plus grand bien. Elle pouvait vider son sac sans craindre d’être jugée, au contraire, la psychologue qui s’occupait d’elle faisait de son mieux pour l’aider à remonter la pente et à garder la tête hors de l’eau. Elle lui avait tout d’abord parlé de son overdose même si elle s’était confiée avec difficulté. Elle avait parlé de cette addiction qu’elle avait pu avoir et qui avait manqué d’en finir avec elle. Elle avait parlé de la mort de sa mère qui maintenait la cicatrice dans son cœur ouverte. Elle avait parlé de Danjel et de sa peur si intense de s’accrocher à lui alors que, visiblement, elle était déjà totalement éprise de lui.

Mais le sujet des dernières séances ne tournait pas autour de tout ça. Non, il était sujet de Dean, de la vie qu’elle avait pu avoir avec lui – même assez courte – et du désarroi qui s’était emparé d’elle lorsqu’elle avait appris que plus jamais elle ne le verrait. Un nouveau soupire lui échappa et Sora posa son front contre le verre froid de sa fenêtre puis ferma les yeux. Elle n’aimait pas en parler, mais elle savait que ça lui faisait le plus grand bien, que ça l’aidait à passer un tant soit peu à autre, à aller de l’avant. C’était samedi et elle s’était promise de faire une chose bien précise sans pour autant trouver le courage jusque-là de le faire. Ses paupières se soulevant de nouveau, la Guatémaltèque se débarrassa de son plaid qu’elle déposa sur le lit et rejoignit la salle de bain. Elle avait regagné son appartement depuis peu. Carol et Doug – ses parents adoptifs – avaient enfin consenti à la laisser respirer et même si Sora n’aimait pas particulièrement la solitude, retrouver son chez elle lui avait fait le plus grand bien. Une bonne demi-heure après s’être glissée sous le jet d’eau chaude, la demoiselle quitta la salle de bain pour regagner sa chambre où elle se changea rapidement avant de sécher ses cheveux blonds qu’elle noua rapidement en chignon et une fois son manteau enfilé, elle attrapa son sac et ses clés puis quitta son appartement en sachant très bien la direction qu’elle comptait prendre.

Toutefois, arrivée à destination elle resta un long moment dans sa voiture, les mains autour du volant et le regard en direction de l’imposant portail du cimetière. Elle savait qu’elle n’avait pas fait toute cette route pour finalement baisser les bras, mais Sora avait besoin de temps pour trouver le courage de sortir de l’habitacle du véhicule, ce qu’elle fit après une bonne dizaine de minutes à fixer le cimetière militaire de Baltimore. Sa voiture fermée à clés, la jeune femme fit gonfler ses poumons et expira avec lenteur avant de faire les premiers pas en direction de l’entrée. Elle ne connaissait pas l’endroit par cœur, pourtant elle savait exactement quel chemin emprunter pour se rendre devant sa pierre tombale et ce même si ici, elles se ressemblaient toutes. Une fois devant la bonne, son regard ne cessa de fixer la gravure « Dean Scott, beloved son, brother and husband » qui manqua de faire disparaître tout le courage qu’elle était parvenue à rassembler. Passant une main sur son visage, elle lutta quelques minutes de plus et craqua finalement, ses jambes cessant brusquement de la porter, la faisant tomber à genoux sur l’herbe tandis que sa vision se brouillait due aux larmes qui l’assaillaient. « Je suis désolée … » Laissa-t-elle échappée entre deux sanglots. Pourtant elle savait … elle savait que de toute manière il aurait préféré qu’elle avance plutôt que broyer à jamais du noir. Elle savait qu’il aurait préféré la savoir heureuse avec un autre – aussi compliqué que ça pouvait être – plutôt que de la voir finir mal, mais Sora ne cessait d’avoir l’impression de l’avoir trahi parce que, elle le savait très bien, elle avait aimé Danjel avant et bien plus que son défunt mari.

ALOYSIA & SORA

❝ all of my memories keep you near ❞

Même si cela lui prenait une journée complète pratiquement, Aloysia tentait de se rendre sur la tombe de son frère chaque semaine afin de lui raconter sa vie ô si exceptionnelle. Rien ne se passait pour l'instant, rien du tout, c'en était ridiculement triste, mais la jeune femme avait besoin de garder ce lien avec lui en lui racontant tout ce qui lui traversait l'esprit. La semaine passée, elle avait néanmoins faillit à son "devoir" en ne li rendant pas visite. Une serveuse était malade au Hard Rock et sa présence vivement requise, ce que Loys n'avait évidemment pas refuser. La jeune femme avait toujours eut l'âme d'une bosseuse et ne laissait jamais tomber ses collègues, surtout pas quand la pouvait lui coûter sa place. Après être entrée dans la marine et abandonné cette dernière suite au naufrage, la jeune femme s'était retrouvée sur le marché de l'emploi sans le moindre diplôme et s’estimait déjà heureuse d'avoir deux boulots, surtout à l'heure actuelle où la crise menaçait chaque jour de vous mettre à la porte. Bien sur, elle avait quelques économies, plus que ça même... mais elle les avait obtenue au prix d'un sacrifice et ne tenait donc pas à les utiliser inutilement, pour des choses qui ne luis étaient pas vraiment nécessaire.

Les filles ayant chacune des horaires assez chargés - l'argent ne tombait du ciel pour personne - elles avaient choisi d'établir un planning histoire que l'appartement ne se retrouve jamais dans un état lamentable. Si l'une d'elle avait un peu de temps, rien ne lui interdisait de mettre le coeur à l'ouvrage mais en d'autres cas, le planning était là pour leur rappeler ces détails et aujourd'hui était le jour de ménage de Loys. De bon matin, sans se soucier de l'heure et du fait que certaines de ses colocataires dormaient peut-être encore, la jeune femme s'était donc lancée dans la prise de poussière, le rangement avant de placer les chaises sur la table histoire de pouvoir nettoyer au plus vite. Cette journée était sacrée à ses yeux, c'était l'unique jour de la semaine où elle avait assez de temps pour se rendre à Baltimore, elle ne laisserait pas passer sa chance. Une fois l'appartement en parfait état, elle se contentait de laisser un petit mot à Ozalee pour lui signaler de ne pas la compter pour le souper de ce soir, puisque la néo-zélandaise avait un don en cuisine et adorait leur préparer des petits plats, surtout le weekend. Une fois un pull supplémentaire ajouté, Aloysia était en route pour le cimetière dans un calme olympien comme toujours. Si l'africaine avait toujours du mal à prendre la voiture sans y mettre la musique à fond, lorsqu'elle se rendait à Baltimore rien ne pouvait la sortir de sa torpeur, surtout pas la musique qui avait plutôt l'effet de la mettre sur les nerfs.

Une fois sur place, Aloysia se garait à côté d'une voiture qu'elle ne connaissait que trop bien, sentant déjà la colère l'envahir sans même l'avoir aperçue. Elle en voulait terriblement à Sora et ne comprenait pas comme était-ce possible, voilà tout. Si elle le pouvait, si la mémoire de son frère et ses envies n'étaient pas en jeu, Loysia aurait pu l'étrangler sur place quelques jours plus tôt. Prenant une bonne inspiration, la jeune femme engouffrait ses mains profondément dans ses poches avant de se donner mentalement le feu vert pour prendre les allées qui la mènerait à Dean, et Sora. Son coeur se resserrait légèrement en voyant la jeune femme à genou, alors qu'elle ignorait quel sentiment prenait le dessus. La peine de la voir souffrir réellement ou la colère de la voire venir déverser ses larmes pour se sentir moins coupable. Sans prononcer le moindre mot, Loys se plaçait derrière son ex belle-soeur, levant un instant les yeux au ciel avant de les poser sur la pierre tombale de son frère. « Tu crois qu'il voit tout de là haut? » Respirant lentement, Loys avait parlé sur un ton qu'elle maîtrisait parfaitement, posant une simple question, bien qu'elle n'était pas certaine de parvenir à garder ce calme longtemps. « Ou peut-être qu'il ne voit que tes larmes... » Hasardait-elle sur un ton lourd de reproches. C'était plus fort qu'elle, il fut un temps ou elle avait aimé Sora comme sa propre soeur, mais à présent, elle voyait seulement une femme qui ternissait l’honneur de son frère, qui le zappait en un rien de temps comme s'il n'avait pas eut la moindre importance.

Par moment, elle avait l’impression de le trahir puis elle se devait de faire face à la vérité. Malgré tout l’amour qu’elle avait pu porter à Dean et qu’elle pourrait lui porter à tout jamais, elle savait au fond d’elle qu’elle ne l’avait pas aimé autant qu’elle aurait dû. Son mari l’avait aimé bien plus qu’elle-même n’avait pu l’aimer et elle savait qu’il l’avait toujours su mais qu’il s’en moquait puisque la chose qui avait importé aux yeux de Dean était qu’elle aille bien, qu’elle ne retombe pas dans sa période noire et qu’elle soit heureuse. Elle l’avait été, après tout il n’y avait qu’à voir l’état dans lequel elle avait fini lorsqu’elle avait appris qu’il était porté disparu et celui – bien pire – lorsqu’il avait été déclaré mort au combat. La jeune femme avait eu la sensation que tout son monde venait de s’effondrer. Elle avait encore perdu l’un de ses piliers, une personne qu’elle aimait même si elle avait eu bien du mal à le montrer correctement. Alors oui, quelque part elle l’avait trahi pour ne pas l’avoir aimé autant que lui avait pu le faire et ça lui faisait mal. Il y avait encore tant de choses qu’elle aurait voulu lui dire et surtout lui demander pardon pour aimer quelqu’un d’autre depuis bien longtemps. Même si Danjel n’avait pas été sans cesse dans sa tête, cette semaine qu’ils avaient pu passer pour la première fois ensemble avait été particulière et gravée à jamais dans sa mémoire.

Bien qu’elle ait passé son temps complètement défoncée, la Guatémaltèque s’en souvenait clairement comme cette sensation de bien-être qu’elle avait pu éprouver auprès du Brésilien et qui était toujours là dès lors qu’elle se trouvait en sa présence. Pourtant, déjà elle avait su que ce jeune homme n’était pas du genre à se stabiliser, qu’il aimait bien trop les femmes pour s’arrêter et rester auprès d’une seule, mais ça n’avait jamais eu la moindre importance pour Sora et elle se haïssait pour avoir penser ça même lorsqu’elle avait été mariée – ce qu’elle était toujours d’ailleurs. Elle avait aimé deux hommes à la fois et c’était déstabilisant pour une jeune femme qui jusqu’alors avait été persuadée de ne pas avoir le moindre intérêt aux yeux des autres ce qui l’avait fait souffrir pendant un temps avant qu’elle ne s’y habitue. Sa psychologue avait tenté de la rassurer en lui affirmant que ce genre de situation arrivait à bien plus de personnes que l’on pouvait le croire mais ce n’était pas pour autant que Sora se sentait mieux. C’était sans doute la raison qu’il l’avait poussé à conduire jusqu’à Baltimore pour se rendre sur la tombe de Dean. Elle voulait lui demander pardon alors qu’elle savait qu’il ne pouvait plus l’entendre et encore moins lui accorder ce qu’elle comptait lui demander. Elle avait pensé être plus forte que ça. Elle avait été persuadée de pouvoir tenir le coup, mais ce n’était pas le cas. Seulement quelques instants devant sa pierre tombale blanche lui avait suffit pour craquer et tomber à genoux, se moquant éperdument de savoir si quelqu’un serait dans les parages pour la voir.

Sora avait mal … mal à cause de cette trahison qu’elle sentait grandir en elle tout sachant qu’il aurait tout de même préféré la savoir heureuse que l’inverse. « Tu crois qu'il voit tout de là haut? » La Guatémaltèque parvint à retenir un sanglot en même temps qu’elle cessa de respirer. Si ça ne la dérangeait pas d’être vue ainsi par un inconnu ce n’était pas le cas de sa belle-sœur ou tout du moins ex belle-sœur aujourd’hui. La jeune femme passa une main sous ses yeux pour tenter de cacher les larmes qu’elle venait de verser puis, sans trop savoir comment, elle parvint à se relever et à faire face à Aloysia. « Ou peut-être qu'il ne voit que tes larmes... » Ses sourcils blonds se froncèrent. Elle ne comprenait pas la raison pour laquelle la jeune femme usait d’un ton plein de reproches en s’adressant à elle. Elle avait continué à vivre après la mort de son frère, même si elle avait bien failli le rejoindre très rapidement, mais elle ne voyait pas la raison de l’emploi de son ton, loin de se douter de ce qu’Aloysia avait vu. « Pardon ? » Commença-t-elle, sa voix légèrement étranglée par les sanglots qui la secouaient encore quelque peu. « Qu’est-ce que je suis censée comprendre par là ? » Pourquoi avait-elle la sensation qu’elle n’allait pas aimer la réponse de l’Africaine ? Sora n’était pas venue là pour subir des reproches, elle était là pour tenter d’aller mieux, pour cesser de s’accrocher à son passé et ainsi aller pleinement de l’avant, mais elle pouvait déjà sentir au fond d’elle-même que la conversation qu’elle s’apprêtait à avoir avec Aloysia n’allait pas lui plaire voire même la blesser.

Aloysia en voulait plus ou moins au monde entier pour la mort de Dean, à commencer par lui-même. Lorsque son navire s'était échoué, que la moitié de son équipage avait perdu la vie, son frére avait été le premier à l'encourager à repartir de suite. Il n'avait pas réussit à voir à quel point elle était touchée par le naufrage, à quel point voir la mort de si près pouvait changé une personne. La différence entre elle et lui était qu'il vivait pour défendre son pays, qu'il avait aimé le faire plus que tout peu importe les risques, alors qu'elle tenait à sa vie égoïstement plus qu'à celles des inconnus qu'ils sauvaient. Lorsqu'il avait choisi de repartir au front, Loys l'avait comme à chaque fois supplié de ne pas le faire, de rester et avait eut cette crainte - devenue habituelle - de ne plus jamais le revoir après ces adieux. Même si elle y pensait à chaque fois qu'il partait, la jeune femme avait réalisé qu'au fond elle n'avait pas compris que cela puisse arriver, elle avait toujours eut cette confiance en lui de survivre pour sa famille. Malheureusement, il ne suffit pas d'être fort, de vouloir à tout prix rester en vie pour tenir bon en guerre et on lui avait prouvé par A+B. Même si tout le monde le voyait mort en héros, Loys lui en voulait terriblement et le voyait plutôt mort idiot, idiot d'avoir voulu tenter le diable une fois de plus en repartant alors qu'elle l'avait supplié de ne pas le faire.

La sud-africaine n'était pas venue sur la tombe de son frère pour lui reprocher sa mort, pas même pour faire des reproches à sa belle-soeur qu'elle comptait plutôt éviter à vie, mais avec Sora à ses côtés, elle ne pouvait se taire. C'est surement ce que Dean aurait voulu au fond, parce qu'il ne cherchait jamais les ennuies et aurait surement trouvé ça logique qu'elle refasse sa vie si rapidement, mais Loys ne le voyait pas du tout de la même façon. Le -triste- avantage était qu'elle pouvait déverser le fond de sa pensée, il ne viendrait pas l'engueuler ou lui en coller une. « Pardon ? » Aloyia lui lançait simplement un regard noir, exaspérée qu'elle puisse en plus jouer à celle qui ne comprenait pas d'où pouvait provenir ces reproches. « Qu’est-ce que je suis censée comprendre par là ? » Serrant la mâchoire, la jeune femme laissait échapper un léger rire nerveux avec l'envie de hurler, au lieu de quoi elle se contentait de l'observer quelques secondes en silence pour se contrôler et reprendre calmement. « Ma question me semble assez claire... » Répondit-elle, croisant ensuite les bras contre sa poitrine en sentant le froid intégrer chaque particule de peau. « Tu crois qu'il y a quelque chose après la mort? Je me suis toujours posé la question et clairement, on aura jamais de réponse... » argumentait-elle en gardant un calme olympien. « J'aime pensé que c'est tout ou rien tu vois... Peut-être qu'il n'y a plus rien de Dean... ou peut-être qu'il nous observe chaque jour, chaque minute... qu'il te voit main dans la main avec Dan' en se demandant si tu l'as un jour aimé pour le zapper aussi vite. » C'était évident qu'en se lançant sur cette pente glissante, Loys n'allait pas rester silencieuse bien longtemps sur son problème. Ça ne la concernait pas? Au contraire. Elle avait l'impression qu'on s'était moqué de son frère un certain temps et si elle n'était pas là pou défendre son honneur, qui le ferait à sa place? Certainement pas ses parents qui étaient à des milliers de kilomètres et ne venait jamais sur sa tombe. « Il ne sera malheureusement plus jamais là pour te poser la question, alors je le fais à sa place. Comment tu fais pour tourner la page si vite? » La gorge de la jeune femme se serrait alors qu'elle tentait de retenir ses larmes. Loys en voulait à Sora de ne pas avoir tenté de le retenir plus - tout en sachant qu'elle n'y serait pas arrivée -, de ne pas l'avoir aimé assez que pour le respecter au moins quelques mois, mais aussi pour avoir choisir Danjel. Sur des millions de personnes, il avait fallu que ce soit lui...

Peut-être serait-elle un jour capable de se remettre totalement de toutes les pertes qu’elle avait subi en si peu d’années ? Peut-être qu’un jour elle cesserait de penser au fait qu’elle était maudite et que, finalement, il valait sans doute mieux pour elle – et surtout pour son entourage – qu’elle s’éloigne de tout le monde ? Elle n’en savait rien trop rien, la seule chose dont elle était certaine ce jour-là était que cette sensation de trahison qui pesait dans sa poitrine mettrait du temps à partir. La jeune femme avait sincèrement aimer Dean, elle avait toujours été aussi vraie qu’elle pouvait l’être avec lui car jamais elle n’aurait accepté de l’épouser aussi jeune, mais pourtant son cœur s’était accéléré bien souvent lorsqu’elle avait pensé à un autre. Quelque part, la guatémaltèque avait l’impression de ne jamais avoir été fidèle alors que ça lui ressemblait si peu, pas elle qui s’investissant toujours corps et âme dans une relation à tel point qu’elle pouvait rapidement finir par en souffrir. Elle avait aimé Dean, elle s’était sentie en sécurité avec le jeune homme près d’elle, elle avait été heureuse et elle avait encore bien du mal à surmonter sa mort et pourtant son cœur n’avait eu de cesse de battre pour un autre, consciemment comme inconsciemment. Pourtant, elle savait qu’il aurait préféré qu’elle passe à autre chose plutôt que de broyer du noir et risquer de retomber dans ce cercle vicieux du quel il l’avait sorti.

Elle y était bien retombée peu de temps après avoir appris sa mort, finissant dans le coma pendant plusieurs semaines, mais aujourd’hui la guatémaltèque en était sortie et elle savait qu’elle le devait beaucoup à la présence de Danjel dans sa vie. La jeune femme était donc persuadée que son mari aurait préféré la savoir heureuse plutôt que de se torturer comme elle pouvait actuellement être en train de le faire face à sa pierre tombale. Toutefois, la douleur mettait bien trop de temps à se dissiper et le scrupule la rongeait un peu plus chaque jour où elle se sentait plus heureuse et consciente qu’en réalité elle avait toujours aimé Danjel. Est-ce que Dean s’en était rendu compte ? Avait-il remarqué que malgré l’amour qu’elle pouvait lui porter il n’était pas aussi intense qu’il aurait dû être ? Avait-il eu quelques doutes concernant les pensées secrètes de sa femme ou non ? Tant de questions qui tournaient dans sa tête et auxquelles Sora n’aurait jamais la moindre réponse à son grand damne. Elle espérait peut-être les avoir en venant dans ce cimetière elle qui détestait ça ? À vrai dire elle ne savait plus très bien ce qui l’avait poussé à venir ici, à venir pleurer devant une pierre de marbre tout en sachant qu’elle n’aurait jamais aucune réponse à ses questions. Néanmoins, elle était là et ce même si elle n’aimait pas du tout cet endroit. Mettre les pieds dans ce cimetière lui ramenait violemment en mémoire le fait qu’elle avait déjà perdu sa mère et un homme qu’elle aimait, cet endroit la poussait également à penser à mal, à penser qu’elle pouvait toujours continuer de perdre des êtres chers et souffrir autant que ça avait pu être le cas dernièrement.

Toutefois, Sora fut coupée dans ses pensées et dans son moment de recueil par une voix familière qu’elle assimila rapidement à un visage tout aussi familier. Aloysia et elle avaient été plus ou moins proches à une époque, après tout elle était sa belle-sœur et la famille avait toujours eu une grande importance pour la jeune femme, mais depuis la mort du frère de cette dernière et du rapprochement très net entre Sora et Danjel, la guatémaltèque avait pu sentir quelques tensions naître entre elles les quelques rares fois où elle avait eu l’occasion de la revoir. Piquée au vif par le sous-entendu de l’africaine, Sora avait néanmoins préféré jouer l’innocente bien qu’au fond d’elle, elle se doutait que les reproches n’allaient pas tarder à pleuvoir. « Ma question me semble assez claire... » Silencieuse, la guatémaltèque resta de dos à la pierre de tombale de celui qui fut son mari, et ses sourcils se froncèrent légèrement sans qu’elle ne sorte de son mutisme. « Tu crois qu'il y a quelque chose après la mort? Je me suis toujours posé la question et clairement, on aura jamais de réponse... J'aime penser que c'est tout ou rien tu vois... Peut-être qu'il n'y a plus rien de Dean... ou peut-être qu'il nous observe chaque jour, chaque minute... qu'il te voit main dans la main avec Dan' en se demandant si tu l'as un jour aimé pour le zapper aussi vite. » La jeune femme sentit tout d’abord son cœur se serrer tristement dans sa poitrine. Elle, elle préférait se dire qu’il y avait quelque chose après, quelque chose de plus paisible, un endroit où elle aurait la chance de rejoindre les êtres chers qu’on lui avait arraché.

Mais, très rapidement, son estomac se noua douloureusement et Sora avala sa salive avec difficulté, son regard toujours porté sur Aloysia. « Il ne sera malheureusement plus jamais là pour te poser la question, alors je le fais à sa place. Comment tu fais pour tourner la page si vite? » Elle sentait une pointe d’agacement la gagner, de l’agacement qu’elle tenta de faire disparaître en serrant le dents. Nerveusement, la demoiselle humecta ses lèvres avant de les pincer tout en sentant son corps commencer à trembler tandis que ses sanglots restaient présents. « Tu n’as pas le droit de me juger comme ça … » Commença-t-elle même si elle doutait sincèrement que ce soit le genre de réponse à laquelle sa belle-sœur pouvait s’attendre. « Tu crois que c’est facile pour moi ? Tu crois que je suis parvenue à l’oublier comme ça ? Et bien tu te trompes ! J’ai mal tous les jours et je sais que ça sera le cas encore longtemps, mais toi comme moi on sait très bien qu’il aurait refusé que je reste seule et … » Sora crispa sa mâchoire une nouvelle fois, une tentative afin de ravaler les larmes de colère qui la gagnaient. « Dan a été là pour moi tout le temps, il ne m’a jamais laissé tomber, jamais, que ce soit quand Dean est mort ou quand j’étais dans le coma et je crois qu’on ne peut pas en dire autant de toi ! » Lança-t-elle sans même chercher à cacher la colère qui l’avait gagné. À son tour, Sora croisa les bras contre sa poitrine, toisant la jeune femme face à elle du regard tout en sentant que son rythme cardiaque s’accélérait drôlement vite sous l’effet de la colère.

Parfois, la jeune femme regrettait de ne pas être repartie dans la marine comme Dean l'aurait voulu. Peut-être serait elle morte aujourd'hui, mais elle le serait en rendant son frère fière d'elle. Lorsqu'elle voyait sa vie à l'heure actuelle, elle se demandait pour quelle raison une seconde chance qui avait été accordée, pourquoi n'était-elle pas morte comme la moitié de son équipage le jour du naufrage? Certains avaient laissé des femmes, des maris ou pire des enfants derrière eux alors qu'elle n'avait plus grand monde. Devon ne lui avait jamais pardonné le scandale lié à son père et même s'ils se reparlaient, il n'y avait plus grand chose entre eux. Quant à Lena et Emma... et bien elles vivaient leurs petites vies de princesses et zappait généralement qu'elle savaient une grande soeur depuis qu'elle avait choisi de quitté le cocon familial. Loys s'était tellement éloignée d'eux que seul Dean lui était resté cher, même s'il n'en avait pas pensé moins que les autres sur le coup, il ne l'avait jamais abandonnée. Son frère jumeau avait été la seule personne cher à ce monde qu'il lui restait et aujourd'hui il n'était même plus là, ce qui remettait en cause toute son existence. Son métier lui suffisait mais ne la passionnait pas, il lui payait simplement un bel appartement sans fournir trop d'efforts. Eden s'était barré il y a de cela des années, elle avait abandonné son bébé qui avait à présent besoin d'elle, bref rien qui ne mérite d'être vécut. Aloysia était pourtant en excellente santé et se forçait chaque jour à profiter de la vie pour son frère qui n'aurait jamais cette chance, car c'est ce qu'il aurait voulu même si elle se sentait misérable et lorsque ça n'allait pas, c'est ici qu'elle venait parler. C'est ce qui l'avait menée ici aujourd'hui, en dehors de sa promesse à Dean, elle avait besoin de vider son sac, de pleurer une bonne fois pour reprendre de la force pour la semaine qui allait arriver. Le fait qu'on l’appelle pour Rose qui était malade et qu'Eden réapparaisse au même moment dans sa vie - papa d'une petite fille - n'était surement qu'une énorme coïncidence mais même si elle ne l'admettait pas, c'était loin d'être facile à gérer pour elle. Pourtant toute cette histoire ne découlait que des choix qu'elle avait fait d'elle-même, sans écouter les autres qui lui conseillait de tout arrêter, de ne pas porter cet enfant pour une autre famille... et après 6 ans, elle pouvait enfin admettre qu'elle s'était complètement plantée, chose qu'elle ne pouvait admettre qu'à sa moitié, qui ne risquait plus de la conseiller à ce jour.

Il fut un temps, Aloysia avait apprécié Sora comme s'il s'agissait de sa propre soeur. Au début, elle s'était forcément montré un petit peu jalouse parce qu'elle était très proche de Dean et n'aimait pas qu'une autre femme devienne sa priorité, mais ça lui était très vite passé. Son frère était tellement heureux en présence de la jolie blonde qu'elle ne pouvait être que heureuse pour lui, pour eux et une fois sa jalousie de côté, elle avait pu apprendre à connaître Sora mais surtout à l'apprécier. Les deux jeunes femmes en étaient venue aux confidences grâce cette proximité, Loys n'avait cependant jamais prononcé le prénom de Danjel en parlant de lui mais il n'empêche qu’aujourd’hui, elle se sentait surement autant trahie que son frère ne l'était face à ce couple. Au fond, Loys n'arrivait même pas à savoir si c'était le fait qu'elle passe à autre chose ou qu'elle le fasse avec son ex petit ami qui la gênait le plus, toujours est-il qu'elle avait envie de hurler rien qu'à repenser à cette image d'eux, main dans la main. Le voir à l'hôpital à son chevet n'avait pas été facile alors qu'il ne s'était jamais soucié d'elle mais elle s'était dit qu'il s'agissait peut-être d'un ami proche de Sora sans qu'elle n'en aie eut conscience plus tôt. Lorsqu'elle les avait croisé dans la rue, ses doutes s'étaient dissipés, laissant simplement place à la jalousie et la colère.

En un sens, elle regrettait déjà de s'attaquer ainsi à sa belle-soeur, alors qu'elle aurait tout aussi bien pu se taire, lui prendre la main et partager sa peine. C'était ce qu'elle aurait du faire pour elle comme pour son frère, ce que sa conscience lui soufflait de faire, mais elle ressentait bien trop de rancoeur pour y arriver pour l'instant. Aloysia tenait à vider son sac une bonne fois pour toute, ça n'arrangerait sans doute pas les choses entre elles, peut-être bien qu'elles ne seraient plus jamais proches comme elles avaient pu l'être, mais elles ne l'étaient de toute façon plus depuis un moment, au moins Sora saurait pourquoi. « Tu n’as pas le droit de me juger comme ça … » Aloysia tournait légèrement la tête vers Sora avant de soulever ses épaules, pour ne pas lui répondre bêtement " Je fais ce que je veux". Il n'empêche que la jeune africaine n'attendait pas l'autorisation de qui que ce soit pour penser ce qu'elle pensait aujourd'hui de sa belle-soeur. « Tu crois que c’est facile pour moi ? Tu crois que je suis parvenue à l’oublier comme ça ? Et bien tu te trompes ! J’ai mal tous les jours et je sais que ça sera le cas encore longtemps, mais toi comme moi on sait très bien qu’il aurait refusé que je reste seule et … » C'était vrai, parce que Dean voulait toujours le meilleur pour tout le monde, même s'il devait en souffrir en contrepartie - ce qui ne pouvait plus arrivé. Il ne serait plus jamais là pour Sora, tout comme pour elle d'ailleurs, mais Loys ne pouvait s'empêcher de se dire que c'était beaucoup trop rapide pour qu'elle aie été sincère du temps ou il était encore là, si son frère avait perdu ses derniers mois avec une femme qui ne l'aimait même pas? Dan a été là pour moi tout le temps, il ne m’a jamais laissé tomber, jamais, que ce soit quand Dean est mort ou quand j’étais dans le coma et je crois qu’on ne peut pas en dire autant de toi ! » Décalant sa mâchoire pour traduire sa surprise mêlée à son énervement, Loys était choquée que Sora le lui reproche même si elle le comprenait, pour la bonne et simple raison que dans le cas inverse, elle aurait aimé la voir elle-aussi. Mais elle y était allée et avait eut de ses nouvelles via l'infirmière qui était présente ce jour là, ce que Sora ne pouvait évidemment pas savoir. « Danjel n'est jamais là bien longtemps tu ferais bien de te faire à cette idée au plus vite. » Si elle pensait avoir trouvé le prince charmant qui allait prendre soin d'elle jusqu'à la fin de ses jours, Sora se trpmpait certainement à moins qu'il n'aie pris un énorme coup à la tête depuis qu'ils ne se parlaient plus, mais ça l'étonnerait encore plus que si on lui annonçait le début d'une troisième guerre mondiale. Elle n'était pas la seule fille dont il s'était moquée, au contraire il y en avait un paquet et Sora ne ferait surement pas l'exception. « Je suis passée une fois. Il était là et j'ai fait demi-tour. » Avouait-elle finalement avec une pointe de tristesse dans la voix. Aloysia s'était rendu à l'hôpital au plus vite lorsqu'elle avait appris l'accident de Sora mais voir Danjel à son chevet lui faisait mal, il était hors de question pour elle de rester dans la même pièce que lui. « J'ai l'impression que tu te moques doublement de Dean, de moi... Tu me dis que tu as du mal à l'oublier mais tu es passée à un autre tellement vite... et comme si ça ne suffisait pas, tu choisis le mec qui m'a fait le plus de mal sur Terre pour le faire. » Sans prononcer son prénom, Aloysia lui avait un jour expliqué leur histoire, le fait qu'il l'aie faite miroité à une belle histoire d'amour et se soit barré après lui avoir pris sa virginité, ce qui l'empêchait d'avoir réellement confiance en un gars encore aujourd'hui. Même si elle n'avait pas fait le rapprochement, si Danjel était aussi proche qu'elle ne le disait, lui savait parfaitement que Sora était la femme de son frère, ce qui ne changeait visiblement rien à ses yeux. Pas étonnant, puisqu'elle avait compris depuis longtemps avoir été seule dans leur histoire. Aloysia baissait la tête pour poser et accrocher à nouveau son regard à la pierre tombale en sentant les larmes l'envahir, alors qu'elle refusait d'en verser une seule.

Jamais elle n’aurait imaginé avoir un jour à vivre la même expérience douloureuse que toutes ces femmes de militaires qui perdaient leur mari au combat. Elle en connaissait bien plus que ce qu’elle aurait souhaité, sans aucun doute le fait d’avoir également été mariée à un militaire. Elle en avait côtoyé un bon nombre même si elle avait été ravie de ne pas avoir à le faire tous les jours, refusant catégoriquement de vivre sur une base militaire qui lui minerait le moral plus qu’autre chose. Cependant, elle en connaissait et avait fait partie du même groupe de soutien avant de tout plaquer. Avoir un quelconque lien avec l’armée lui rappelait bien trop Dean et la jeune femme était incapable de le supporter, incapable d’avancer si elle devait penser à son défunt mari à chaque fois qu’elle posait le regard sur l’une de ces femmes qui avaient perdu le leur ou qui craignaient que ça leur arrive à leur tour. Pourtant, toutes – elle y compris – savaient à quoi s’attendre en épousant un militaire, mais elle ne pouvait pas nier le fait d’avoir penser que ce genre de choses ne pouvaient arriver qu’aux autres, pas à elle jusqu’à devoir en faire l’expérience, aussi douloureux que ça soit. Jamais elle n’avait pensé qu’il ne pourrait pas rentrer. Il lui avait apporté du soutien pendant de nombreuses années, il lui avait sauvé la vie et s’était occupé d’elle, il l’avait protégé contre vents et marées mais visiblement il ne s’était pas assez protégé lui.

Elle ne lui avait rien demandé, jamais, hormis le fait de rentrer en un morceau et à chaque fois qu’elle avait eu l’occasion de lui parler – que ce soit au téléphone ou par webcam – elle avait dû se faire violence pour contenir sa panique et essayer d’avoir la voix aussi neutre que possible lorsqu’ils parlaient de tout et de rien ou lorsqu’il lui expliquait comment se passait les choses sur le terrain tout en taisant volontairement certains détails pour ne pas la faire paniquer plus qu’elle ne pouvait déjà le faire naturellement. Dean la connaissait par cœur. Il savait combien elle avait pu être fragilisée par sa vie pourtant si courte jusque-là. Il savait combien elle pouvait s’inquiéter pour les siens et toujours craindre que l’un d’eux allait revenir entre quatre planches, mais il s’était toujours efforcé de la rassurer et de lui affirmer qu’il rentrerait en un morceau pour pouvoir la serrer contre lui et lui prouver qu’elle n’avait aucune raison de s’inquiéter. Elle y avait longtemps cru jusqu’à ce que deux militaires en uniforme débarquent à sa porte. Ils n’avaient pas eu besoin de prononcer la moindre parole pour qu’elle comprenne et encore Sora se souvenait parfaitement de la surprise qui s’était mélangée à sa douleur lorsqu’elle avait lu la lettre comme quoi pour le moment son mari était déclaré disparu, cependant il n’avait pas fallu bien longtemps à l’armée pour le retrouver et le déclarer officiellement mort. Pendant tout ce temps, la guatémaltèque n’avait pu compter que sur sa famille, mais surtout sur Danjel. Pas un instant il ne l’avait laissé tomber, il avait été auprès d’elle aussi souvent que possible alors qu’il n’y était pas obligé. Elle connaissait son penchant pour les relations courtes et pourtant ce n’était pas ce qui l’avait empêché de s’attacher sincèrement à lui. Elle savait que son entourage y avait vu un moyen pour elle de se remettre sur pieds, certains ayant même pensé que ce n’était qu’une passade, mais ce ne l’était pas, pas pour la jeune femme qui éprouvait de sincères sentiments pour le brésilien, des sentiments que rien ni personne ne pourrait lui arracher.

Mais visiblement sa belle-sœur ne semblait pas voir les choses de la même manière qu’elle et même si Sora parvenait à saisir son point de vue, elle fut néanmoins incapable de canaliser totalement la colère qui l’avait envahi face aux reproches d’Aloysia. Cette dernière n’avait pas été autant là pour elle lorsqu’elle en avait eu besoin et même si elle-même devait affronter la perte de son frère jumeau, Sora avait tout de même eu besoin de son soutien sans jamais le voir arriver et elle ne supportait pas les reproches qu’elle pouvait lui faire vis-à-vis de Danjel qui, lui, n’avait pas abandonné la guatémaltèque. « Danjel n'est jamais là bien longtemps tu ferais bien de te faire à cette idée au plus vite. » La mâchoire de la jeune femme se crispa à tel point que son ossature ressorti sans le moindre mal. Elle sentait la colère gronder de plus en plus en elle et due se retenir de ne pas lui en coller une ne serait-ce que par envie de lui faire ravaler ses paroles. Cependant, elles se trouvaient dans un cimetière, devant la tombe d’un être cher pour toutes les deux et Sora refusait de faire une telle chose et prit donc sur elle de contenir son agacement. « Je suis passée une fois. Il était là et j'ai fait demi-tour. » Cette fois, la surprise se lut dans son regard. Pourquoi lui avoir caché le fait qu’elle était venue la voir ? Pourquoi avoir fait demi-tour simplement parce que le brésilien avait été auprès d’elle ? Après tout il en avait tous les droits, à la fois parce qu’il l’avait retrouvé dans un état déplorable et lui avait sauvé la vie, mais aussi parce qu’ils étaient proches … sans doute était-ce là ce qui avait poussé l’africaine à ne pas les déranger, mais ce ne fit pas retomber sa colère pour autant.

« J'ai l'impression que tu te moques doublement de Dean, de moi... Tu me dis que tu as du mal à l'oublier mais tu es passée à un autre tellement vite... et comme si ça ne suffisait pas, tu choisis le mec qui m'a fait le plus de mal sur Terre pour le faire. » Les paroles d’Aloysia furent encore plus violentes que si elle s’était pris une gifle. Elle ouvrit la bouche mais ne trouva pas la force de répliquer quoi que ce soit. Elle se contenta de dévisager sa belle-sœur en silence, sentant son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine face à cet aveu, oubliant totalement le reproche qu’elle avait pu lui faire juste avant. « C’était Dan … celui dont tu m’as parlé, c’était lui … » Sora ignorait ce qui faisait le plus mal, le fait qu’elle lui ait caché en sachant qu’elle était proche du brésilien ou le fait d’apprendre que ce dernier s’était joué de sa belle-sœur et devait probablement savoir quel lien les unissait. « C’est pour ça que tu es en colère. » Continua-t-elle en fronçant ses sourcils blonds. La colère était toujours là, quelque part en elle, mais elle s’efforça de la faire taire pour être la moins agressive possible en s’adressant à la jeune femme. « Tu me détestes pas parce que tu crois que j’oublie trop vite ton frère, mais parce que c’est Dan qui me permet d’avancer et ça … t’es incapable de l’encaisser. » Il était probable qu’il y ait tout de même un peu de rancœur vis-à-vis de ce qu’Aloysia lui avait reproché, mais Sora ne pouvait pas ne pas voir les choses d’un autre point de vue à présent qu’elle savait que Danjel était celui qui l’avait le plus blessé, l’homme qui lui avait probablement fait perdre ton confiance en la gente masculine.

Après Danjel, Aloysia avait eut Eden dans sa vie, avec qui elle avait réellement découvert ce qu'était l'amour, mais malgré ça, la jeune femme avait un temps incroyable à avoir confiance en lui. Au fond, elle n'avait jamais été à 100% rassurée même si elle évitait de le montrer pour ne pas passer pour la petite amie qui se sentait dans l'insécurité éternellement, ce qu'elle était pourtant. Le fait de sortir avec lui avait au moins eut le mérite de lui ouvrir les yeux sur Danjel et sur ce qu'elle avait ressentir pour lui. Même si l'égyptienne avait cru dur comme fer à leur histoire, qu'elle avait pensé ne jamais se remettre de son départ, elle avait bien vite compris qu'elle n'était pas réellement amoureuse de lui grâce aux sentiments qu'elle nourrissait pour Eden. Cette révélation ne changeait rien au fait qu'elle avait souffert de son départ et que - en grande rancunière qu'elle était - , elle ne risquait pas un jour de lui pardonner ce comportement. Il était parti comme un voleur avec ce qu'elle avait de plus cher - ou presque - et le pire, c'est qu'il avait sans doute apprécié le faire. Avec elle, comme avec d'autres.

Toujours prête à fondre en larmes, Aloysia se forçait à respirer lentement en se concentrant sur sa respiration, ce qu'elle ne put s'empêcher d'arrêter lorsque la voix de Sora lui parvenait à nouveau. « C’était Dan … celui dont tu m’as parlé, c’était lui … » Fronçant les sourcils, la jeune femme refusait d'affronter de suite son regard, sentant la colère toujours belle et bien présente. Sora avait beau tomber des nues, sa belle-sœur n'avait pas cherché non plus à la contacter non plus et même si elle avait eut des jours difficiles, elle en avait aussi eut des bons ou appuyer sur une touche d'un portable n'était pas bien difficile. Peut-être qu'ainsi elle aurait compris plus vite pourquoi l'égyptienne s'était détournée d'elle, mais il faut croire qu'elle avait eut suffisamment d'occupations pour ne pas se poser la question. « C’est pour ça que tu es en colère. » Sans blague. La jeune femme l'avait pensé tellement fort qu'elle était à présent troublée, incapable de savoir si elle l'avait dit à voix haute ou non. Le fait qu'elle était une histoire avec Danjel n'était pas la seule cause de sa colère, si Sora avait tourné la page avec un autre homme, Loys lui en aurait sans aucun doute voulu, ayant l'impression de voir Dean trahi... mais le fait que ce soit Dan changeait tout, rendait cette histoire plus douloureuse et inacceptable à ses yeux. « Tu me détestes pas parce que tu crois que j’oublie trop vite ton frère, mais parce que c’est Dan qui me permet d’avancer et ça … t’es incapable de l’encaisser. » Loys ne put s'empêcher de la fusiller du regard lorsqu'elle émettait le fait qu'elle ne pensait qu'à elle dans cette histoire. C'était faux, complètement faux. Même si elle n'avait aucun compte à lui rendre, Aloysia ne pouvait s'empêcher de se justifier, ne pouvant pas la laisser avec cette vision des choses. « Je ne te déteste pas tout court... je t'en veux, c'est une grande différence... » Jamais elle ne l'avait détesté mais au fond, peut-être bien que c'est le seul sentiment qui allait lui rester à l'égard de sa belle-sœur une fois cette conversation terminée. « Tu crois sincèrement qu'il n'est question que de moi ? Parce que tu te trompes Sora! Il est question de Dean, de sa mémoire... et je sais parfaitement que c'est ce qu'il aurait voulu pour toi mais c'est tellement rapide... non je ne peux pas l'encaisser, pas pour l'instant... » Au fur et à mesure de ses paroles, Loys n'avait pu s'empêcher de retenir ses larmes, sentant sa respiration se bloquer au fur et à mesure qu'elle s'énervait. Après quelques secondes pour reprendre son calme et essuyer d'un revers de main ses larmes, elle se forçait à reprendre sur un ton plus posé. « Si Danjel te rend heureuse, tant mieux pour toi... Qu'il soit avec une autre j'en ai rien à faire, je ne ressens absolument rien pour ce type même si je rêve de le voir au plus bas juste une fois! - Ce qui n'arrivera pas, tu en es la preuve vivante, c'est le genre de gars qui a ce qu'il veut quand il le veut avec une belle gueule et des belles paroles... » Prenant une inspiration, Aloysia avait besoin d'une brève pause pour respirer mais n'en avait pas fini, bien qu'elle se soit légèrement écartée de sa pensée principale. « Je te souhaite tout le bonheur du monde Sora, vraiment... crois le ou pas c'est sincère... mais lui et moi dans la même pièce, ça n'arrivera pas. » Surement pas. La jeune femme se sentait toujours aussi trahie de voir sa belle-soeur avec son ex petit ami même si cette dernière n'avait pu le deviner, mais tout de même. Elle ne voulait certainement pas couper les ponts avec elle mais il était hors de question de le voir à nouveau, de devoir lui adresser la paroles et faire bonne figure alors qu'il se tenait main dans a main avec Sora devant elle. S'il lui brisait le coeur, on ne pourrait pas dire qu'elle ne l'avait pas prévenue. Tournant les talons, Aloysia estimait que la conversation avait suffisamment duré, assez pour qu'elle vide son sac et puisse libérer ce poids qu'elle avait sur le coeur depuis plusieurs semaines à présent. Sans trop savoir pourquoi, elle pris Sora dans ses bras quelques secondes avant de se détacher, tournant les talons pour prendre la sortie au plus vite. Loys ne la détesterait sans doute jamais, pas avec tout ce qu'elles avaient pu partager mais pour l'instant, c'en était bien trop pour elle.