(c) daturaparano & Grumpy Crumpet


A long time ago, we used to be,
to be what ? friends ?
.ft. Peter Sparks & Càllypso D. Sullivan

NYC Subway de Manhattan. Ligne six en direction du Bronx . Samedi, dix-huit heures trente.

Peter Sparks est sur le béton froid, il est assis parterre faute de bancs. On le prend pour un clodo, et une dame lui offre une pièce. Il refuse, dit qu'il attend le métro. Il observe les gens autour de lui. Des jeunes filles noires qui pouffent de rire en tenant le dernier Seventeen, se le partageant. Un couple en dispute est là aussi. Il y a une vieille dame, celle qui lui offrait une pièce, qui attend le train tout près du garde de sécurité. Les gens ont peur de tout dans les métros de New York. Particulièrement lorsqu'il s'agit du Bronx. Pourtant, Sparks sait qu'il n'en a rien à craindre. Il est sans doute le spécimen le plus dangereux qui attend le train. Il y a une fille, un peu tremblante, qui regarde de trop près la fausse où s'arrêtera le wagon. On peut entendre celui-ci arriver, et bizarrement, Peter a l'impression qu'il devra attendre longtemps le métro ce soir. Effectivement, la jeune fille a l'air particulièrement instable et tremblante. Il reconnaît cette expression béate sur le visage trop pâle. En fait il reconnait surtout cette attitude qu'il a vu tant de fois chez des drogués un peu désillusionnés comme lui. Peter attrappe son case de guitare, et pendant que les gens s'attendent à un spectacle mettant en vedette une jeune fille mettant fin à son existance pourrie, il se dirige vers la jeune fille. Elle le regarde, intriguée. Visiblement, il la gêne dans ce qu'elle s'apprête à faire.

PETER ; « Eh, salut. »
ELLE ; « Tu me déranges. »
PETER ; « Et toi tu veux pas faire ce que tu t'apprêtes à faire. »
ELLE ; « Qu'est-ce que tu veux? »
PETER ; « En fait je devrais te poser cette question aussi. »
ELLE ; « Je fais ce que je veux. On se connaîtrait pas? »
PETER ; « Tu étais incapable de te shooter, il fallait que tu me donnes ton bras. »
ELLE ; « Le guitariste sans talent, c'est ça? »
PETER ; « Généralement, c'est Pete. Pourquoi tu veux faire ça? »
ELLE ; « C'est chiant la vie. »
PETER ; « La vraie raison. »
ELLE ; « Tu veux faire psy ou quoi? »
PETER ; « Je veux simplement pas attendre qu'ils extirpent tes restes de sur les railles avant de me rendre dans le Bronx. »

Le wagon arrive finalement, et Peter pense que finalement, elle ne se jettera pas. À quelques secondes de son arrêt, pourtant, on entend un crissement, et bang, tout se passe excessivement vite. Les gens dehors hurlent de terreur, et Peter qui croyait pouvoir sauver cette pauvre fille, essuie son front où le sang l'a éclaboussé. Il pousse un soupire découragé, et va voir le distributeur de tickets, qui appelle la sécurité. Il fait changer son ticket. Ce sera un autre rade ce soir.

X-Bar, vingt-heure dix-neuf, le Bronx.

Peter Sparks n'a pas l'air d'un type secoué. Il n'a pas l'air d'un clodo, ou d'un drogué. Ce soir il a l'air d'un musicien qui se promène de bar en bar. Il n'a aucun signe de trouble évoquant le suicide de la jeune fille du métro. Tout semble tellement normal, que c'en est justement un peu moins normal. Il entre dans ce bar. Il y a longtemps qu'il n'est pas allé dans le Bronx. Depuis qu'il a disparu et n'a plus redonné de nouvelles à Càllypso, il n'y est pas retourné. Et pourtant ce soir, il se retrouve affalé à une table dans un coin discret d'un bar du Bronx. Il ne s'attend pas à voir des gens qu'il connaît pour tout dire. Encore moins que la serveuse qui lui emmène bientôt sa bière, lui soit si familière. Il baisse les yeux lorsque son regard croise le sien et lui glisse des billets avant de murmurer ce qu'il veut. Il sent le regard interrogateur de la brunette face à lui. Elle n'a pas beaucoup changé. Elle a muri, sans doutes, comme lui. Elle était jolie déjà dans le temps. Il se demande si elle est célibataire. Pourtant il sait bien qu'il ne doit pas s'aventurer sur ce terrain-là. Pas avec Càllypso. Tout est différent avec elle. Il baisse une nouvelle fois les yeux sans jamais lui parler. Il aimerait lui avouer tout, et pourtant, quand elle revient, ses paroles ressemblent à une masse incompréhensive de mots divers.

PETER ; « Toi..serveuse ici? Tu...je ne comprends pas. Tu as changé...Tu as l'air bien en tout cas. »

Bien sûr qu'elle avait l'air bien. Il n'était plus dans les parages depuis longtemps déjà.

Peter Sparks n'était pas une personne facilement intimidée. Ou du moins, une personne qui montrait énormément ses sentiments. Il était plus souvent effrayé de ce qui pouvait s'en suivre. c'était sans y penser qu'il avait parlé sur ce ton mal assuré. Càllypso. Il ne s'était pas préparé à la voir ici. À vrai dire il ne se préparait jamais à la voir nulle part. C'était lui pourtant qui avait disparu quatre ans auparavant, pas elle. Il était parti pour des raisons qu'il ne lui dévoilerait pas. Il n'était plus amoureux d'elle aujourd'hui, du moins, il ne pensait pas l'être. Tout était assez flou. En quatre ans, il s'était passé beaucoup de choses et en même temps, pratiquement rien. Il lui semblait toujours que tout se répétait incessamment, et pour Peter, c'était insupportable. Il ferma les yeux, ne voulant pas entendre ce qu'elle pouvait lui dire, même s'il savait que Càllypso n'était pas du genre à lui faire la morale. Et pourtant, il aurait voulu qu'elle le fasse, simplement pour lui prouver qu'elle le détestait, et ne voulait plus rien savoir de lui, comme ça, il pourrait à nouveau partir sans laisser de traces. Il restait toujours muet après sa réflexion sur le fait qu'il ignorait qu'elle travaillait ici, et Càllypso finit par lui répondre sur un ton beaucoup mois doux, beaucoup moins hésitant. Elle savait ce qu'elle voulait, comme toujours. Elle se tenait toujours devant lui, et ses paroles semblaient contenir de la colère. Pourtant, il ne voulait pas la mettre en colère. C'était pour son bien qu'il avait fait ça. Pour la protéger.

Il ne savait pas qu'elle travaillait encore ici pour tout dire. Il avait oublié avec le temps qu'elle travaillait dans ce bar. Il avait envie de la serrer dans ses bras. Même si elle était en colère, elle lui manquait. Elle lui reprochait de ne pas avoir téléphoné, et pourtant, il ne se rappelait pas avoir une fois eu son numéro de téléphone. C'était elle qui l'appelait, pas lui. Il ne le lui dit pas ça, par contre, et resta muet. Elle aurait pu croire qu'il était mort. En fait, elle aurait dû le croire. Il aurait effectivement été mieux mort. Comme ça, elle aurait pu l'oublier pour de vrai. Il ne savait pas quoi lui répondre, alors il l'observa s'écrouler sur la chaise devant lui. Sans doute des types jaloux viendraient le lui faire remarquer, alors Peter la protègerait envers et contre tous, comme il l'avait toujours fait. Il aurait bien pu marcher sur la tête si elle le lui avait demandé, en fait. Il se demandait si elle comptait le disputer encore une fois, mais soudainement Càllypso se mit à sourire, ce qui aurait pu le rassurer, mais qui pourtant ne le rassura pas. Il ne voulait pas qu'elle s'attache à nouveau. Ce n'était pas le moment pour ça. Pas en ce moment. Il ferma les yeux et soupira, avant de se passer une main dans les cheveux, et en la voyant sourire comme au temps où il n'y avait pas d'ambigüité entre eux, il eut mal au ventre. Trop de nostalgie d'un coup. Qu'est-ce qu'il aurait donné pour la serrer dans ses bras à ce moment-là?

Elle lui déclara qu'il n'avait pas changé. Eh bien, c'était rassurant. Il ne voulait pas avoir l'air d'un vieillard avant son temps. Il sourit légèrement, mais le sourire disparut alors qu'elle lui rappelait qu'il ressemblait toujours à la même personne qu'elle connaissait il y avait quatre ans de cela. Elle lui posa mille et une questions. Ce qu'il faisait ici, pourquoi était-il là? Il ne savait pas trop pourquoi le hasard l'avait mené jusqu'à Càllypso, mais ce qu'il savait c'était que maintenant, il ne pouvait certainement pas s'éloigner d'elle. Il se passa la langue sur les lèvres, avant de prendre une gorgée de sa bière. D'ailleurs, pourquoi ne lui avait-elle pas jeté au visage comme une autre fille l'aurait fait? Il fallait dire que Càllypso et lui, c'était une histoire différente.

« Bah, en fait, je pensais pas te voir ici.. »

Il se tut, ne trouvant rien de plus à lui dire. Il ne trouvait jamais rien à dire sur lui-même. Il soupira, avant de regarder Càllypso dans les yeux, pensif.

« Tu travaillais pas ce soir? Je voudrais pas te prendre à tes clients... »

Ou peut-être que oui finalement. Par mégarde, il posa sa main sur la sienne, sa main rêche de musicien contre celle douce et qui semblait si fragile de Càllypso. Il retint son souffle quelques secondes, avant de lâcher sa main.

« Désolé. Tu..j'imagines que depuis le temps, il y a certainement un chanceux dans les alentours, non ? »